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CHAPITRE .02 PARTIE 1

-Lola Lemans ? Appelle notre professeur principal.

Lola frissonne. Elle a choisi de changer de nom de famille lorsque nous l'avons adoptée. Elle m'a confié plus tard qu'elle avait fait ça pour tourner la page plus rapidement mais je ne suis pas sûre que cela l'ait réellement aidée. En l'appelant de cette manière, le professeur n'a fait qu'accentuer son malaise.

Après un silence qui me parait durer une éternité Lola finit par lever la main en silence afin d'indiquer qui elle est. Le professeur la détaille du regard et répète son prénom en chuchotant, comme il l'a fait pour tous les élèves précédents. Un sourire presque moqueur naît sur mon visage. Le jeune professeur semble extrêmement nerveux, comme s'il avait peur de ne pas réussir à retenir les prénoms de tous les élèves de la classe.

-Marine Lemans ?

-Présente ! Je crie un peu trop énergiquement.

Je grimace légèrement. Note à moi-même : ne pas essayer de paraître trop enthousiaste. Le résultat est saisissant : une bonne partie de la classe se tourne vers moi d'un air étonné. C'était exactement ce que je voulais éviter. Me connaissant, je suis sûrement rouge écarlate.

Le professeur me lance un regard confus. Deux jeunes filles, nées la même année mais qui ne se ressemblent pas tellement. De toute évidence, il n'est pas d'ici.

Il me parait très jeune tout à coup, comme si notre anxiété apparente commune nous rapprochait. Bienvenue au club, je pense. Je fuis son regard, les joues encore en feu. Des cheveux bruns en bataille, des yeux verts et une chemise suffisamment proche du corps pour dévoiler un corps musclé : il est clair qu'il est nouveau dans l'établissement, autrement nous l'aurions déjà remarqué. Je ne lui donne pas plus de 25 ans. Soyons honnête, la probabilité qu'un professeur aussi jeune atterrisse dans mon lycée frôle le zéro.

Je sens que Lola retient son souffle en attendant la gaffe que ce pauvre professeur allait forcément commettre.

-Vous êtes cousines ? Demande-t-il joyeusement.

La réaction de la classe est immédiate. La plupart des élèves se tourne vers nous pour scruter notre réaction, les autres essaient de faire des signes au professeur, le tout dans un silence de mort. Comme chaque seconde passée accentue le malaise qui s'installe, je me décide à prendre la parole.

-Mes parents ont adopté Lola à la suite de l'accident qui a tué ses parents, sa sœur et ma sœur cet été.

Je m'étais préparée à cette éventualité et j'ai passé un long moment face à mon miroir hier pour m'entrainer à prononcer cette phrase sans trembler. Les gens sont curieux ici, lui signaler que Lola et moi faisions partie de la même famille ne lui aurait sûrement pas suffi. Il n'aurait peut être rien dit sur le moment mais le sujet serait forcément revenu sur la table. Et puis je n'ai pas spécialement envie de savoir que l'on parle de l'accident dans la salle des professeurs, mon intimité a suffisamment souffert ces derniers temps. En une phrase je lui ai donné tous les éléments nécessaires à sa compréhension et j'espère bien qu'il ne reviendra pas dessus.

Le malaise persiste quelques instants, le temps que le professeur retrouve sa contenance. Il ne manque pas de nous adresser ses condoléances « les plus sincères » et s'excuse de nous avoir mis dans l'embarras. Quoi de mieux pour nous mettre encore plus dans l'embarras ?

Lola lui offre un sourire timide et le professeur comprend enfin qu'il est temps de changer de sujet. Honnêtement, je ne sais pas combien de temps encore j'aurais réussi à retenir mes larmes.

Il s'appelle Monsieur Lems, il est professeur d'anglais et c'est notre professeur principal cette année. C'est à peu près tout ce que j'ai réussi à retenir de sa courte présentation effectuée à la fin de l'appel. Très vite, la sonnerie sonne et il nous laisse sortir en nous souhaitant une bonne journée.

Les élèves se ruent vers la sortie mais Lola et moi prenons notre temps. La lâcheté dont nous avons fait preuve ce matin me fait rougir de honte : nous avions prétexté un rendez-vous avec le directeur pour esquiver notre groupe d'amis. C'est dingue ce que l'on peut faire sous l'effet du stress.

Il est clair que nous ne pourrons pas nous en tirer de la même manière à la pause : Johanna nous fait de grands signes. Jo, c'est précisément la personne que l'on ne peut pas éviter. Grande et avec les cheveux bleus, il est impossible de faire semblant de ne pas la voir. Au fond de moi je me sens soulagée, je n'ai plus le choix : je dois y aller.

-Wouhou les filles ! Nous hurle-t-elle.

-On arrive ! lui crie Lola en retour.

Alors que nous nous dirigeons vers Johanna, j'entends quelqu'un courir derrière moi. Curieuse, je me retourne et me prends Maxime de plein fouet.

-Gros malin va, je me suis fait super mal ! Je me plains.

Bon d'accord, j'en rajoute peut-être un peu.

-Arrête de dire n'importe quoi, on sait tous les deux que c'est faux, grogne Maxime avant de me prendre dans ses bras.

-J'étouffe ! Je le préviens en essayant de me dégager gentiment de son étreinte.

-Tu m'as manqué Malou, il me dit d'un air triste en ignorant ma remarque précédente.

Bien que je déteste ce surnom ridicule qui date de nos années primaires, je cesse de me débattre.

-Toi aussi Max. Et je suis tellement désolée pour cette longue absence...

Ma gorge se serre et je peine à finir ma phrase. Maxime est mon meilleur ami, on a toujours été très proches et il est celui qui m'a le plus manqué cet été. Je me mets sur la pointe des pieds et passe une main dans ses cheveux, geste amical que je fais depuis toujours. Toujours contre lui, je remarque que sa musculature s'est largement développée.

-Un problème miss Lemans ? me demande Maxime en riant lorsque j'essaie d'appuyer un doigt contre ses abdominaux pour voir l'étendue de son travail.

-Quelle miss Lemans ? Je demande innocemment en montrant Lola du doigt.

Celui-ci lève les yeux au ciel mais ne répond pas. Il va falloir un peu de temps avant que tout le monde soit à l'aise avec la situation. Consciente d'avoir provoqué un silence pesant, j'enchaine :

- Et oui j'ai un problème : regarde-toi ! Tu es même devenu musclé, preuve que tout le monde peut y arriver, je lui lance les yeux pleins de malice.

Je rigole mais Maxime a réellement changé. L'adolescent aux cheveux bruns, petit et timide a laissé place à ce qui serait communément appelé un « beau gosse au regard mystérieux ». J'ai un petit pincement au cœur, j'ai l'impression d'avoir été absente beaucoup trop longtemps pour celui que je considère comme un frère. Celui-ci s'apprête à répliquer mais Jo, qui discutait avec Lola plus loin, nous hèle et nous incite à les rejoindre à l'endroit où la bande a l'habitude de se réunir.

De loin je remarque que Lola est maintenant en grande conversation avec Jeremy. A leurs côtés se trouvent Jo, Maelys et deux inconnus que je ne parviens pas à identifier. Jo ne manque jamais d'énergie, ainsi je ne suis pas surprise lorsqu'elle me fonce dessus et me fait un de ses légendaires câlins. Il faut croire qu'elle n'a pas envie de me lâcher parce-que deux minutes plus tard nous sommes toujours dans la même position. Je finis par me dégager de son étreinte avant de mourir étouffée et me précipite vers Jeremy et Maelys.

Au moins eux n'ont pas changé, c'est déjà ça. Jeremy est toujours aussi grand et ses yeux bleus sont toujours aussi beaux. Je remarque simplement qu'il porte ses cheveux bruns plus courts qu'avant.

Maelys, elle, a les cheveux toujours aussi longs. Elle a toujours eu de superbes cheveux couleurs ébène qu'elle porte longs et constamment lissés. Petite, elle n'en reste pas moins magnifique avec sa peau mate et son sourire chaleureux. C'est avec plaisir que je la serre dans mes bras. Je suis très émue tout à coup. Ils sont géniaux, personne n'a fait de remarque sur notre absence et j'ai l'impression de retrouver ma famille.

Quand je me sépare d'elle, je me rappelle de la présence des deux personnes que je n'avais pas reconnues au loin. Je suis extrêmement gênée de les avoir oubliés et me tourne vers eux avec précipitation. Je ne les connais effectivement pas. Une fille et un garçon, tous les deux blonds avec les yeux bleus. Ils se ressemblent fortement, ce sont sûrement des jumeaux.

-Salut ! Je lance avec le sourire. Vous êtes nouveaux ici ?

-On est arrivés il y a un mois, me répond gentiment la jeune fille. Moi c'est Laura et lui c'est mon jumeau, Louis.

Le garçon me fait un signe de la tête, il a l'air extrêmement timide. Tous les deux semblent très sportifs et la petite voix de ma conscience en profite pour me rappeler que je n'ai pas fait de sport depuis des lustres.

-Marine, je me présente à mon tour. Et la fille là-bas c'est Lola, je dis en montrant du doigt ma meilleure amie toujours en train de parler avec Jeremy.

-Oh oui on a entendu parler de vous, annonce doucement Louis. Je suis sincèrement...

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