Chapitre 6
Pour la première fois depuis dix années, j’ai un véritable festin à table. Il y’a un peu de tout. Les bonnes manières que la Daronne m’a appris en prison ne m’aident pas à bien manger. J’ai un plat de couscous de maïs à la sauce gombo devant moi. Je me débarrasse de ma fourchette et engage avec les mains. Je suis assise sur cette grande table avec Jospin. Je sens son regard sur moi. Il me trouve sûrement sauvage.
Sans jamais lever la tête, je coupe un morceau de couscous plus gros que ma bouche. Je l’enroule dans la sauce et l’enfouis dans ma bouche en levant la tête. Le processus recommence. Le regard de Jospin commence à m’énerver. Il a besoin de voir un peu de ma fureur pour me laisser respirer.
J’enroule la prochaine main de couscous mais je ne la porte pas jusqu’à ma bouche. Alors que je le sens un peu discret, je vise violemment en sa direction. En un laps de temps, il intersecte le couscous avec la fourchette et renvoit vers moi. Je rattrape avec la même main et reste tranquille. Jospin éclate de rire.
Jospin : quand je dis que les courtelina ce sont les problèmes on dit que ooo… Voilà comment je suis en paix tu attaques ma veste repassée avec mon propre couscous. Tout ça c’est un problème de taille.
Stella : tu peux souvent arrêter de me provoquer ? Ça fait moins de vingt-quatre heures que je suis là et tu passes ton temps à me chercher des noises.
Jospin : c’est exactement ce que je viens de dire. Un problème de taille. Entre toi et moi, qui vient d’attaquer qui ? Il y’a les caméras hein. On peut tout vérifier.
Alors qu’on se chamaille pour je ne sais quelle raison, un écran virtuel apparaît devant nous. La Daronne se présente en souriant.
Daronne : depuis ici j’entends vos chamailleries. On dirait des enfants.
Stella : Daronne, je vais vraiment faire équipe avec ce tintin ? Il n’est jamais sérieux. Toujours en train de tout prendre à la légère. Daronne… Ce n’est pas sérieux ça…
Jospin : tu voulais que je passe mon temps à bouder pour rien comme toi ? Tchaï maman, elle m’a même visé avec le couscous pour rien comme ça. Le piment pouvait même entrer dans les yeux de ton fils.
Daronne : en tout cas hein… Vous avez une semaine pour vous comprendre. Stella DJOUMS est attendue lundi prochain dans les locaux de l’empire de la mode de Anne MBOUN. Ça fait près d’un mois que tu y es attendu. Le visage que tu as s’y promène en affiche et dans les vidéo de tes plate-forme de réseaux sociaux comme étant une star du monde la mode. Tu seras habillée à l’image de celle qu’on veut que tu sois et tu devras te comporter comme on t’a créé. Je t’ai tout appris. Tu dois oublier que tu es une lionne.
Jospin : voilà, il faut lui dire ça comme ça. Les comportements comme ci comme ça doivent finir. Même by force tu vas sourire, ma jolie.
Je guette Jospin du coin de l’œil. Une envie de lui arracher les yeux me passe par la tête. Je me ressaisi. Il m’a montré que je n’étais pas la seule à savoir me battre. Je me calme et écoute calmement les instructions de la Daronne.
Daronne : mon fils est ton manager, il ira partout avec toi et fera toutes les négociations à ta place. Le premier plan c’est de prendre toute la fortune de Anne. C’est le premier objectif. Il faut bien garder cela en tête.
Stella : je vais faire des allées retours entre la ville et le manoir ? Ce n’est pas trop long ?
Daronne : Jospin ne t’a rien dit ?
Jospin : j’ai oublié
Daronne : parce qu’il est concentré à s’occuper de toutes les filles de son répertoire. C’est toujours comme ça. Ce qui est important il oublie. Avec la tête… Bref… Tu vas être logé au manoir de Anne pendant ton séjour de trois mois.
Ils s’attendent certainement à une réaction de ma part. Je reste indifférente face à ce que je viens d’entendre. C’est dans mon cœur et ma tête que tout se passe. Physiquement rien ne me touche mis à part le comportement de Jospin qui m’insupporte.
Daronne : vous n’avez que trois heures de repos. Bientôt la conseillère en image va arriver. Stella va être mise à jour. Je vais m’absenter pendant deux jours au moins. Me contacter en cas de problème majeur. Comportez vous aussi comme des grands, tant que j’y suis.
Elle s’en va. Nous sommes toujours à table. Sans rien dire je termine mon plat et engage avec les fruits, le jus et enfin un peu d’alcool. Je me sens prête pour trois heures de repos.
Ma chambre est un manoir en elle-même, c’est tellement grande que j’ai du mal à me retrouver par moment. Jospin est resté sur la table à manipuler sa tablette.
Je plonge sur le lit après avoir mis un petite tenue de nuit. Une culotte et un t-shirt trouvé dans mon énorme placard. J’ai l’image de Anne dans ma tête. J’ai hâte de voir ce qu’elle est devenue. La Daronne me parlait de ses progrès pendant toutes ces années. Je sais qu’elle s’est mariée et a eu deux enfants.
J’ai envie de penser à ce que je vais faire dans ce manoir mais la fatigue m’emporte. Curieusement, je m’endors avec le visage de Jospin dans ma tête.
Au bout de deux heures, le sommeil s’en va. Ça fait des années que je n’ai plus dormi plus de deux heures pendant la même journée. Je fais les cents pas dans la chambre.
La daronne n’a encore rien dit sur mon fils. Je reste tranquille, je sais qu’elle a tout prévu.
On frappe à ma porte. Je me souviens n’avoir pas verrouillé. Je suis en petite tenue de nuit. Je regrette déjà d’avoir enlevé ma combinaison de prisonnière.
Stella : un instant…
La porte s’ouvre. Il entre comme s’il était dans sa chambre. J’ai à peine le temps de prendre le drap pour me couvrir.
Stella : j’ai bien dit d’attendre un instant… Un seul instant…
Jospin : j’ai compté jusqu’à un et je suis entré. Il fallait dire cinq ou six instants… J’aurai compté jusque là.
Je suis bouche bée face à cela. Je suis perdu. Comment fait-il pour avoir une humeur toujours fraîche ? Il semble n’avoir aucun problème dans sa vie. Je suis bien loin de savoir ce qui se vit réellement dans son cœur.
Stella : qu’est-ce que tu veux alors ?
Jospin : les personnes qui vont s’occuper de te transformer en reine de beauté sont là. Tu as dix minutes pour prendre une douche et descendre. Tu as une seconde chambre en bas pour ces histoires de beauté. Ça risque te prendre toute la soirée. Il faut vite faire.
Stella : on ne peut juste pas me laisser comme je suis ? Ce nouveau visage me met mal à l’aise, combien de fois des maquillages et tout…
Jospin : quand je pense à la robe rouge que j’ai choisie pour toi hein… Tu vas être radieuse. C’est vrai que je préfère ton vrai visage. J’ai passé ces derniers années à le contempler.
Stella : quand tu auras fini tes histoires, tu vas me laisser prendre ma douche, n’est-ce pas.
Jospin : je reste là. Je suis ton garde du corps le plus proche. La Daronne m’a donné l’ordre de te suivre même sous la douche. Comme tu es trop timide, je vais rester hors de la douche. Fais vite.
Stella : tu n’es pas sérieux ! Je veux parler à la Daronne.
Jospin : dans six minutes ton temps de te laver va finir.
Je me dirige sous la douche en fureur. Je peux me défendre face à toute situation, je ne comprends pas pourquoi la daronne me coince sous les pattes de son fils. Je reste néanmoins calme. Après ma douche je me sèche et m’habille sur place. Je ressort prête pour descendre. Jospin m’ouvre la porte. On arrive au séjour. Une dizaine de filles attendent.
Stella : autant de personnes ?
Jospin : certaines vont te coiffer, d’autres vont t’habiller… Bref… Même tes chaussures on va porter à ta place. Il faut seulement observer. C’est ta Daronne qui a tout voulu comme ça. J’exécute les ordres.
Stella : tu vas rester là pendant qu’on fait tout ça ?
Jospin : même en mon ombre je n’ai pas confiance. Ceci dit, chacune de ces filles peut être un traître. Je me dois donc de rester là pour te protéger. Tu es bien trop précieuse pour maman et moi. Après ta vengeance, il y’a la nôtre. Tu le sais, j’espère.
Stella : je donnerai ma vie pour que la Daronne obtienne sa justice même si c’est après sa mort.
Jospin baisse la tête et s’éloigne de moi. Je viens de lui pincer le cœur. Je suis tout de suite prise en charge par les filles. On veut que je découvre mon nouveau moi à la fin alors on éloigne tout miroir. Cette métamorphose dure des heures. Et dire que la daronne m’a changé le visage en quelques minutes !
Je suis enfin prête. Il manque la fameuse robe rouge. Jospin souri lorsque cette jeune dame entre avec ma robe.
Jospin : le tour ci je ferme un peu les yeux. J’ai envie de te découvrir seulement.
Il fait semblant de se retourner. Je sait qu’il a les yeux partout. Il aime surtout le corps de toutes ces filles. Il a tout d’un coureur de jupon.
Je suis habillé et chaussé. Je me sens différente, élégante. Je sais que je suis sublime, séduisante. C’est mon arme ultime.
Jospin pose son regard sur moi. J’y réponds. On se regarde pendant quelques secondes. Il me sourit, je détourne le regard. Un miroir plus grand que moi est roulé en ma direction. Jospin fait sortir toutes les filles. Il vient vers moi et se tient derrière moi. Je me baisse pour admirer cette légère robe rouge bordée de noir. Il me dirige jusqu’au miroir en me tenant par la taille, en glissant ses doigts dans les mèches soyeuses que j’ai sur la tête. Il hume mon parfum et ferme les yeux. Je suis soudainement mal à l’aise.
Je lui écrase violemment l’orteil avec mon talon pointu.
Jospin : aïe… Mince… Si on me dit que es seule dans ta tête, je refuse. Voilà comment tu veux me tuer.
Stella : je peux aller jusqu’au miroir toute seule. Je dis bien toute seule. Tu vas tout de suite enlever tes pattes. Je suis encore très joyeuse.
Jospin : okay, je te laisse. Pars devant le miroir seule. Fais comme tu veux. Moi je ne parle plus.
Je lance de légers pas jusqu’au miroir. Je me découvre sous cette autre peau. Je suis resplendissante. Je suis différente.
Jospin arrive jusqu’à moi. Il se tient derrière moi, tout près de moi. On se regarde dans la glace, il a son regard sur ma poitrine volumineuse, couleur d’ébène. J’attends la blague de mauvais goût qu’il va me sortir.
Il laisse un rire moqueur l’envahir. Il se courbe et pose son menton sur ma tête.
Jospin : hahaha… On peut être courte comme ça ? Yeuch ! Je peux te porter, te lancer et te rattraper. Orrrr… Ma courtelina !
Je me dis que cet homme est fou.
Jospin : c’est désormais dans ce genre de tenue que tu vas être à longueur de journée. C’est ta nouvelle vie.
Pendant toute la semaine, je suis prise en charge par plusieurs personnes pour renforcer toutes les formations reçus en prison. À chaque pas, Jospin me tient la main. Il me sait deux fois plus forte qu’un homme mais il est là, il me soutient à sa manière. Je vois en lui la Daronne.
Ce soir c’est le dernier avant le jour-j. Nous sommes dimanche, il sonne vingt-trois heures. Je suis assise devant le miroir de ma chambre. Je me demande quel sort la vie me réserve. La suite est floue mais j’ai la foi.
Je rejoins mon lit. Cette fois Jospin ne me suis pas. Il est resté à table, l’air soucieux. Le sommeil ne me fait pas de caprice. Il m’emporte assez tôt pour me quitter au bout de deux heures. Pendant tout le reste de la nuit je pense à la journée. Je dois garder la tête haute.
Six heures du matin, toutes ces filles sont déjà dans la chambre d’en bas pour me mettre à jour. J’ai la tête haute. Je sais que je vais faire ce qu’il faut.
Du rouge habille mes lèvres. Ma tête porte une coupe chinoise à la mèche soyeuse. Mes jambes répondent à l’embellissement de mes pieds par des talons escarpins aiguilles noirs. Ma fine taille est cambrée dans une robe crayon blanche dont le décolté un peu osé ne laisse pas Jospin indifférent.
Dans sa veste noire égayé par sa chemise blanche et sa cravate bleue, je peux voir ses yeux se balader dans ses lunettes noirs. Il est particulièrement calme ce matin. Curieusement, cela me chagrine.
Il me tend mon sac à main noir. Il ne me sourit pas comme tous les matins. J’ai envie de lui poser la question mais le courage ne me rend pas visite. Je reste silencieuse.
Il me tend une main, je la prend. On se dirige vers la voiture. Il sonne sept heures et trente minutes. Il est au volant, je suis à ses côtés. Deux autres voitures nous suivent. Ce sont nos gardes du corps.
Pendant la conduite, le pare-brise de la voiture devient soudainement le visage de la Daronne. Elle est seule à savoir comment marche sa technologie.
Daronne : je n’ai pas beaucoup de temps, ma petite. C’est juste pour te dire que je crois en toi. J’ai cru en toi depuis le premier jour et aujourd’hui je crois encore en toi. Reprends ce que de droit, prends le violemment s’il le faut. N’ai pas pitié de ton ennemi, jamais !
Sur le moment elle s’en va à nouveau. Jospin reste indifférent. Sur un coup de tête je me lance.
Stella : tu vas parler ou bien tu as perdu ta langue ?
Il esquisse un sourire. Cela me rassure.
Jospin : vous n’aimez pas appeler chien, chien et chat, chat. Dis-moi que mon sourire angélique te manque, que tu en as besoin et je vais largement te sourire.
Là, c’est beaucoup mieux. Je ne lui réponds pas. Nous continuons jusqu’à l’entrée de l’empire de la mode. J’ai le regret de constater que le nom de famille de Anne est écrit tout en haut de l’immeuble. J’ai une rage qui monte dans mon cœur mais je me contient. Je reste calme.
Jospin me prend par la taille, cinq hommes sont derrières nous. Les yeux sont rivés sur moi. Tous se demandent d’où vient cette femme. Je ne regarde personne. Je souris néanmoins. À chaque pas, je me rapproche un peu plus de ma plus grande peur. Un peu un peu, nous y sommes.
Nous arrivons à l’accueil, deux jeunes dames viennent nous accueillir avec un bouquet de fleur. Toute souriante, je le prends et le passe à l’un de mes hommes.
Tout un comité d’accueil est là. Un homme arrive vers moi, la tête baissée en signe de respect pour ma personne. Il enlève son chapeau avant de me parler.
-veillez me suivre s’il vous plaît, vous êtes attendu dans la salle de réunion.
Au bras de Jospin, je marque des pas élégant jusqu’à la fameuse salle de réunion. Le bruit de mes talons attire toute l’attention. Tous les hommes et les femmes à table se tournent vers moi. Elle est là, assise sur le siège de mon père. Je plonge mon regard dans le sien, je lui souris violemment.
Tous se lèvent assez rapidement. Je la vois trembler dans son cœur. Elle arrive vers moi avec assurance et sourire. Je réponds largement à son sourire, je suis même plus heureuse qu’elle.
Anne : enfin, notre invité de luxe est là. Elle est encore plus élégante dans la réalité, quelle honneur ! Je vois déjà les merveilles s’opérer dans cet empire, en me posant deux bises sur les joues.
Stella : hé oui Madame, je viens avec de grands changements dans cet empire et dans votre vie.