4 - Tristan
Tristan :
Est-ce que je suis parvenue à effacer les souvenirs de sa mémoire ? Je n’en ai aucune certitude. J'ai l'impression que son esprit est impénétrable. Elle reste très évasive dans ses réponses. Ce qui m'intrigue davantage. Elle devrait éviter de susciter mon intérêt. J'ai l'impression qu'elle couvre une personnalité explosive. Elle se comporte comme si elle me défiait. Je crois qu'elle est en colère contre moi. En tous les cas, elle est très prudente. Qu’a-t-elle réellement vu et compris, hier soir ? Je ne peux pas me permettre qu'il y ait un témoin. Je me suis laissé entraîner par ma soif, je ne me suis pas méfié. J'ai agi comme un novice, alors que je suis un vampire âgé de cent soixante six ans. Je pensais que tout le mondé était encore à l'intérieur de la maison. Je ne dois pas me contenter d'avoir des doutes. Il faut que je parvienne à sonder son cerveau pour avoir la certitude qu'elle ne se souvienne de rien. Comme toutes les jeunes femmes humaines, elle est séduite par moi. Je le devine à son comportement, et surtout elle se vexe facilement quand je n'agis pas comme elle le souhaite. Je vais user de ce pouvoir charmeur pour connaître le fond de ses pensées. Personne ne doit savoir que je suis un vampire. Je dois réussir la mission pour laquelle les anciens vampires m'ont choisi. Je dois prouver que je suis digne de confiance, et qu'ils peuvent compter sur moi. Je vise ma progression dans la hiérarchie de la communauté. C'est tout ce qui m'intéresse. A première vue, la mission est relativement simple. Je dois faire abstraction de toute forme de distraction, notamment ma voisine de classe.
Depuis une semaine que je vis ici, je n'ai toujours pas repéré le vampire que je dois tuer. Le responsable de ma mission a été informé que le vampire en question serait revenu à Paris. Mon esprit s'égare vers elle. Elle était vraiment très belle hier soir. Elle me faisait penser à une personne que j'ai eu l'occasion de rencontrer, un vague souvenir. Mais, je ne me souviens pas qui. J'avoue qu'elle a des atouts très persuasifs. Je souris.
Sémaphora :
Je suis attentive au cours de maths parce que je le trouve intéressant.C'est la matière que je préfère. La porte de la classe s'ouvre, et, Tristan entre, sans s'excuser de son retard. Il se dirige vers sa place c’est-à-dire à côté de moi. Avant, j’aurais apprécié son choix, aujourd’hui, il me dérange. Je vais l'ignorer. En dépit du fait que je le trouve séduisant, je suis en mesure de lui résister.
Il tente de capturer mon attention en me parlant. Mais je reste le regard fixé au tableau. Il pose sa main sur mon bras. Je me pousse en le regardant sévèrement. Il m'adresse la parole parce que je l'ai surpris sous son mauvais jour à savoir séduire une fille et l'abandonner par la suite. Alors quoi, il a peur que je nuise à sa réputation ?
Il commence :
"- Cela te dis de boire un café avec moi après les cours ? ".
Sa question retombe sans réponse de ma part. Je fais semblant de ne pas l'avoir entendu. Il croit qu’il m’ignore plusieurs jours, et, ensuite j’accepterais de boire un café avec lui ? Il me prend pour une imbécile.
Il sourit et me dit :
"- N'essaie pas de m'imiter. Je suis le seul à pouvoir jouer l'ignorant avec classe !".
Il est taquin. Je ne peux m'empêcher de sourire. Son côté prétentieux et imbu de sa personne m’a distrait de ma colère. Je lui adresse un signe de tête positif en réponse à sa première question. Il semble ravi.
Je n’aurais pas dû accepter son invitation. Mais, j'attends des réponses à mes questions, c’est l’occasion d’en obtenir. Il me fascine avec son visage parfait, son sourire ravageur. Je suis consciente qu’il est un coureur de jupons, mais je sais me préserver de ce genre d’homme.
A la fin de l’heure, il attrape ma main. Ensemble, nous sortons de la salle de cours et nous dirigeons vers la cafétéria du lycée. Sa main est fraîche, j'ai la chair de poule, mais je ne retirerais pas la mienne. Je peux l’endurer.
"- Tu viens d'où Sémaphora ? » Me demande- t-il pendant que nous buvons nos cafés.
« - Je viens de Bordeaux. Mais, je vivais, ici avant. Nous avons dû déménager pour le travail de mon père. » Je lui explique.
« - Et ta mère ? »Me questionne-t-il.
« - Elle est morte en me donnant naissance. Je n’ai pas eu la chance de la connaître. » Je lui avoue les larmes aux yeux.
« - Désolé. Ce qui explique ta présence au cimetière. » S'exclame-t-il.
« - Et toi, tu viens d'où ? » Je l'interroge.
« - Moi, ma vie n'est pas très intéressante. Je préfère que l'on parle de toi. Tu vis seule avec ton père ! Il bosse dans quoi ? » Demande-t-il curieux.
« - On dirait que tu me fais passer un véritable interrogatoire. Qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis à mon sujet. Tu as peur que je découvre tes secrets ? » Je l’attaque.
« - Je n’ai pas de secrets ! Je suis juste quelqu’un de discret ! » Il tente de se défendre.
« - Ok ! Moi, également ! ». Je lui dis sèchement.
« - Compris. Mais, tout ce qui te concerne m’intéresse ! » Il annonce en rapprochant son visage du mien et ne me fixant.
« - ........ » Je fronce les sourcils.
Essaie-t-il de m’intimider ? Je soupire en secouant la tête.
« - Tu ne m’impressionnes pas ! » Je l’attaque.
« -Vraiment ! Pourtant, j’ai cru que tu avais des sentiments pour moi ! Tu es séduite par moi, n’est-ce pas ?" Il se vante.
Je suis choquée par sa nature trop confiante. Il a raison, mais l’entendre de sa propre bouche m’embarrasse et m’humilie. Je me lève et quitte rapidement la cafétéria. Je ne supporte plus sa présence. Et quand je suis dans cet état, il vaut mieux que je m'éloigne avant que je ne perde le contrôle de mes réactions. Je serre mes poings pour faire pression, et distraire mon esprit de ma colère montante.
Je progresse très vite, je veux être très loin de lui. Quelle audace ! Il est trop sûr de lui ! Je suis vexée parce qu’il m’a percée à nue. En fait, il voulait se rapprocher de moi pour mieux me maîtriser. Je le déteste. Il me le paiera. Je ne vais pas en rester là ! Il m’a prise pour cible ! Je lui montrerais que je peux également devenir menaçante.
Je tourne à gauche et heurte quelqu’un. Je relève la tête, Tristan me bloque l’accès. J'essaie de passer sur le côté gauche, mais il me retient par le bras.
"- Tu pensais que tu pouvais me laisser en plan devant tout le monde dans la cafétéria ? » Demande-t-il avec un sourire forcé et cynique.
« - Je ne veux plus te parler. Laisse-moi tranquille ! » Je lui crie dessus.
Il approche son visage du mien et me dit :
"- Tu vas m'obéir et venir avec moi !".
Je souris sournoisement.
« - Je n'irais nulle part avec toi. Je veux passer, enlève ta main de mon bras ! » Je lui ordonne en colère.
« - T'es trop belle quand tu es énervée. Pourquoi, tu ne veux pas continuer cette conversation avec moi ? » Il me questionne irrité par mon attitude.
« - Parce-que tu te sers de moi. Tu veux tout savoir sur moi, tu veux me forcer à venir avec toi. C'est quoi ton problème ? Tu veux me dominer ? » Je le questionne complètement perdue.
« Non !".
Et il s'en va. Je me hâte de rentrer à la maison. Je me réfugie dans ma chambre. Je commence à croire que mon père avait raison sur ses mises en garde vis-à-vis de Tristan. Il a un côté sadique, cruel et effrayant. Il est évident qu'il agit de cette manière parce que je le déstabilise. Je ne réagis pas comme toutes les autres femmes, il se sent blessé dans son orgueil.
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Tristan :
Je n'arrive pas à maîtriser son esprit. Elle empêche ma volonté de lui dicter sa conduite et ses pensées. Je n’aurais jamais imaginé un humain avoir cette faculté. Je n’ai pas entendu parlé de cas identique auparavant. Est-elle un cas unique, une exception ? Je suis intrigué par cette fille que je n'effraie pas et qui me tient tête. Ma domination est impuissante sur elle. J’ignore, toujours, ce qu’elle a vu à la soirée. Mais, je ne peux pas occulter le fait qu’elle pourrait être un témoin gênant. Si je ne parviens à dompter cette fille farouche, je devrais en recourir à des décisions plus radicales. Je n'aurais, hélas, pas le choix pour protéger ma mission.
Demain, je m'occuperai d'elle.