3 - La soirée
Sémaphora :
Je m'apprête depuis plus d'une heure, je souhaite l’impressionner. Ma robe est magnifique, rouge, une unique bretelle sur l'épaule gauche. Elle est longue et près du corps jusque la taille, et ensuite elle retombe en corolle pour recouvrir mes jambes jusqu'aux chevilles. J'aime beaucoup l'effet de la robe sur mes hanches parce que je suis grande et élancée. Je suis coiffée d’un chignon avec des mèches ondulées qui retombent sur mon visage. Je souris à mon reflet dans le miroir. Je ne me reconnais à peine, je suis satisfaite du résultat, cependant.
Mon père me conduit à la soirée. Il n'est pas très rassuré, mais il me complimente sur mon apparence. Il est ému, je pense que je lui rappelle ma mère. Il domine ses craintes, je ressens qu'il ne maîtrise pas la situation. Je n'ai jamais été invitée à une soirée entre amis, auparavant, il n'a aucune idée de comment se comporter. Sa maladresse est rassurante dans la mesure où il me prouve ainsi à quel point je suis importante pour lui. Il m'explique les dernières recommandations avant de me laisser près de la porte de la maison de Déborah. Je dois lui téléphoner quand je souhaite rentrer. J'embrasse sa joue et lui promets de l'appeler au moindre problème. Il me sourit. Il est la personne que j'aime le plus. Quoi qu'il arrive, il est celui qui me comprend et qui prend soin de moi. J'imagine qu'il doit penser que sa petite fille grandit, si je suis souvent invitée, il faudra qu’il s’y habitue.
Je prends une profonde inspiration pour me donner le courage de rentrer. Je me sens ridicule devant cette porte. Je ne suis pas habituée à côtoyer du monde lors d'une soirée. Je suis à la limite de l’embarras de me retrouver à cette soirée. C’est contraire à mes idées, et à ma personnalité. Je dépasse mes convictions, je les oublie ce soir pour lui. Je sonne, et j'attends.
Déborah ouvre la porte et ouvre de grands yeux en me voyant et me dit :
"- Je comprends pourquoi, les garçons ont insisté pour que je t'invite à ma soirée. Tu es juste à tomber. "
Il ne m’en fallait pas plus pour me faire changer d’avis. J'ai sorti le grand jeu, mais cela peut se retourner contre moi. Je n'ai qu'une envie, faire demi-tour et partir. C'est bien ce que j'aurais fait si Tristan ne se trouvait pas derrière moi, attendant pour entrer. Il est accompagné d'une magnifique jeune femme. Sans regard pour moi, il me dépasse et se dirige vers l'assemblée, déjà bien échauffée. Je suis désemparée, je n'avais pas prévu cette situation. J’ai l’impression que le sol s’ouvre sous mes pieds et que je vais être engloutie par le sol. En fait, j'aimerais disparaître, là tout de suite.
Je fais demi-tour, et j’attrape la clenche de la porte pour quitter la soirée, mais quelqu'un me retient par le bras. Je relève la tête et mon regard croise celui de Justin, l’étudiant assis à côté de moi en français.
"- Tu viens juste d'arriver. Tu ne vas pas partir. Sémaphora, tu es magnifique. Me ferais-tu l'honneur de m'accompagner," me dit-il en me tendant son bras pour que je l'attrape.
Je l'accompagne. Il me donne un prétexte pour participer à cette fête. Les autres invités sont déjà dans un état d’ébriété bien avancé. Justin me propose un verre de champagne. J'hésite à le prendre car je n'ai jamais bu d'alcool. Je veux garder mes idées claires ce soir. J'observe Tristan avec sa conquête. Il ne la lâche pas des yeux, il ignore tout le monde autour. C’est limite s’il ne va pas la dévorer. Cette situation me rend complètement rageuse. Je ne peux pas l'approcher. Il n'accepterait pas de me parler. Je suis jalouse de la fille qui l'accompagne. Je suis blessée de n'être pas mieux considérée par lui. Je prends conscience de mon amour à sens unique. Je me sens blessée, mais je dois admettre qu’il ne me remarquera pas.
Je danse avec Justin qui en a profité pour se coller à moi. Je contemple les autres autour de moi. Puis, je constate l’absence de Tristan. Je n'ai plus rien à faire ici. Quand la chanson sera terminée, je partirais. Justin approche sa tête de la mienne. Je peux sentir son pouls battre. Comment ? Puis une fragrance agréable, fleurie agresse mon odorat, et, me donne l'eau à la bouche. J'ai une envie incontrôlable de poser mes lèvres sur son cou. Quand je réalise la folie que je suis sur le point de réaliser, je m’écarte de lui. J’arrête de danser parce que je sens que je perds le contrôle de mes pensées et de mes réactions. Cela doit être l'effet du champagne. Je n’avais jamais bu d’alcool. Je dois rentrer avant que la situation dégénère, parce qu’au fond de moi, je sais cela possible.
Je sors pour chasser la fragrance qui chauffe ma gorge. Je dois m’aérer pour pense à autre chose. Je retire mon téléphone de ma pochette, et commence à composer le numéro de mon père, lorsque mon regard rencontre le dos de Tristan. Il est sur le banc en face, et il embrasse la fille qui est avec lui. Je suis anéantie. Mon jeu de séduction n’aura eu aucun effet sur lui. Il est avec quelqu'un. Je continue à les observer lorsqu'il redresse la tête, comme s’il se sentait observer. Il se retourne et regarde dans ma direction, je détourne immédiatement le regard. Il se lève brusquement, et vient se poster devant moi. Il marche autour de moi, jette un regard menaçant, puis un sourire machiavélique se dessine sur ses lèvres.
J’ai très peur de lui, mon cœur bat la chamade dans ma poitrine. En fait, j’ai l’impression que plusieurs émotions se mélangent, la peur, l’attirance… Il a abandonné sa compagne sur le banc. Elle ne bouge pas, elle doit être surprise par son départ. J'appelle mon père pour m’éloigner de cette soirée horrible. Je crois que j’ai vécu le pire moment de ma vie. J’aime un garçon qui coure après d’autres filles, obtient d’elle ce qu’il désire et les abandonne ensuite. C’est un soulagement que j’ai été témoin de cela, je ne tomberais dans son piège de séduction….
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De retour dans mon petit cocon, je ne parviens pas à trouver le sommeil. Le comportement de Tristan m’intrigue. Quel était, donc, le but de sa menace ce soir ? Il me défiait pour m’intimider, j’en suis persuadée. J’ai vu sa véritable personnalité. Il me déçoit. Après ce constat, je ferme les yeux. Je m’endors petit à petit.
J'ai froid, je frissonne. Je relève les couvertures sur moi. J'ai toujours aussi froid. J'ouvre les yeux. Dans la pénombre de ma chambre je découvre une silhouette. Je me redresse, j'ai peur. Qui s’est introduit chez nous ? Je commence à crier lorsqu'une main glaciale vient se poser sur ma bouche. Mon cœur explose dans ma poitrine, je reconnais cette main, et la personne qui se trouve dans ma chambre. Tristan penche sa tête vers moi, il me fixe dans les yeux, et me dit :
"- Tu vas oublier ce que tu as vu ce soir. Tu vas oublier ma présence dans ta chambre."
Ensuite, il dépose délicatement ses lèvres fraîches sur les miennes.
Je passe ma main sur mes lèvres. Puis, j’observe la pièce. Il n’y a personne. Je suis seule. Je ne comprends pas, je rêvais. Je suis à nouveau déçue de constater que rien de tout ceci n’était réel. C’est juste quelque chose que j’aurais souhaité qui arrive. Je m’endors.
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Le lendemain matin :
J’avance lentement dans la rue. J’observe les vitrines des magasins. Nous approchons de Noël, les devantures débordent d’imagination et d’originalité pour attirer le regard des passants. Je ne fais pas exception, je suis fascinée par ce que je découvre. Puis, mes yeux tombent sur le reflet de Tristan dans la vitre. Je me retourne brusquement pour vérifier, mais il n’y a personne. Je secoue ma tête. Je dois arrêter de le voir partout. Je suis un cas désespéré. A nouveau, j’aperçois son reflet dans la vitre. Je recule sous l'effet de la surprise, et butte contre quelqu’un. Je me retourne pour m’excuser, et je le découvre en chair et en os. Son visage est redevenu sévère, il me fait peur ainsi. Et soudain me revient à l'esprit le baiser que nous avons échangé. Je n’ai aucun moyen de vérifier s’il s’agit d’un rêve ou de la réalité. Je choisis d’occulter ce baiser.
"- Tu étais très jolie, hier soir à la soirée ! » s'exclame-t-il.
« - Pourquoi tu m’as remarquée ? » Je le questionne contrariée en repensant au déroulement de la soirée.
« - Qu’as-tu vu ? » Me demande-t-il, soudainement intéressé.
« - Je ne vois pas pourquoi, je te le dirais !" Je lui réponds.
Il fronce les sourcils et me regarde intensément. J’ai l’impression qu’il tente de sonder mon esprit. Je détourne le regard, il ne me manipulera pas…