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-Pourquoi est-ce que tu me cherchais au fait ?
-Comme ça, pour prendre de tes nouvelles.
J'entends toutes ses fausses-notes. Je l'attrape aussitôt par le coude pour l'obliger à me faire face.
-Sans mensonge, ça donne quoi ?
-Je voulais juste savoir comment tu allais, rétorque-t-il tranquillement en reprenant possession de son bras. On ne t'a pas vue depuis presque une sine et je m'inquiétais.
Je le contourne en me contentant d'un vague haussement d'épaule. Ces quelques mots ont déjà le don de me tournebouler mais je ne veux pas qu'il s'en aperçoive. Je pénètre dans mon ancienne chambre désormais pratiquement vide et lui indique quelques cartons à descendre. Il s'exécute aussitôt. Je me dirige alors vers la salle de bain pour démonter de vieux meubles.
-Qu'est-ce que tu vas faire de cette maison ? m'interroge-t-il du rez-de-chaussée.
-J'ai téléphoné à Enzo hier soir et il est d'accord avec moi. Il faut qu'on se réapproprie la maison ou qu'on la vende. On ne peut pas la laisser en suspens, comme si nos parents allaient bientôt revenir. Ils ne reviendront pas.
Est-ce qu'un jour cette phrase ne me déchirera pas les entrailles ?
-Vous allez la vendre ?
-Non, je ne pense pas. Je vais prendre rendez-vous avec le conseiller financier de mon père pour lui dnder un peu d'aide. Mais je pense que je vais embaucher quelqu'un pour m'aider à retaper entièrement cette maison.
-Très bonne idée !
-Et toi, comment vas-tu ? Tu n'es pas en train de répéter ?
-Pas aujourd'hui. avait un gros rendez-vous au salon.
Cette simple phrase me rappelle encore et encore que je ne sais vraiment plus rien de ce garçon. Comment en sommes-nous arrivés ici ? Je suis perdue dans le marasme de mon chagrin lorsque Nico me rejoint. Cette fois, impossible de lui cacher toute ma détresse. Il la percute de plein fouet au moment où il me force à soutenir son regard.
-Que se passe-t-il entre vous ? Il n'est plus que l'ombre de lui-même.
Je ne sais pas vraiment ce qui me pousse à me confier. Peut-être est-ce sa sollicitude ou son amitié infaillible, la familiarité de son sourire ou la solitude qui me ronge ; je n'en sais rien. Toujours est-il que dans un grand soupir, je lui avoue tout. L'attitude de depuis son réveil, la culpabilité que je porte comme un fardeau incompressible, les souvenirs qui ont refait surface, la lettre de mon père et les derniers mots acides qu'on s'est balancé à la figure. Désormais assis à même le sol de la salle de bain, Nico m'écoute religieusement. Lorsque le silence reprend ses droits, mon ami passe son bras autour de mes épaules.
-Son accident a réveillé toutes ses peurs mais il faut que vous parveniez à vous parler. Vous ne pouvez pas rester comme ça. Vous vous aimez, ça crève les yeux !
-Je ne suis même pas sûre que ça suffise encore.
-Ne dis pas de bêtises ! Botte-lui les fesses une bonne fois pour toutes, ça lui fera le plus grand bien !
Ces paroles flottent encore dans mon esprit un long moment après qu'il ait quitté la maison. Il a raison, nous avons besoin d'une ultime confrontation. ne peut pas tirer un trait sur notre histoire, je refuse de le croire.
Le lendin, Nico me retrouve à nouveau au milieu de mon petit chantier. Il m'aide à charger tous les meubles et fournitures qui trouveront rapidement preneur dans le camion de l'association puis nous partageons une bière au centre de la cuisine vide. A l'extérieur, la nuit est déjà tombée.
-J'ai vu Mr Blain ce matin.
-C'est qui ce gars ?
-Le banquier de mes parents. Celui qui gérait leurs finances. Mon père avait confiance en lui et il a accepté de me recevoir à l'improviste. Je lui ai parlé de mon projet et il m'a assuré qu'il me suivrait sans problème.
-C'est génial ! Quelle est la prochaine étape maintenant ?
-Repenser tout l'espace, trouver un entrepreneur pour faire les travaux et décider clairement de ce que je veux faire.
-Fastoche ! s'amuse-t-il avec ironie.
La sonnerie de son téléphone nous interrompt inopinément.
-C'est Sam, m'indique-t-il en appuyant sur le bouton vert. Salut mec, ça va ?
Je n'entends pas la réponse de notre ami mais je distingue très bien l'inquiétude qui prend vie sur le visage de Nico. Instinctivement, je me raidis.
-Ne faites pas les cons tous les deux, c'est une mauvaise idée ! Non, je m'en fous de ce que tu penses Sam, c'est dangereux et n'a pas besoin de ça en ce moment.
Mon sang ne fait qu'un tour. J'agrippe aussitôt le bras de mon ami.
-Vous êtes où ? Hm, ok. Ne bougez pas, j'arrive. Attendez-moi, ajoute-t-il en raccrochant.
-Que se passe-t-il ? va bien ? Oh mon dieu, dis-moi qu'il va bien ! m'écrié-je sans parvenir à me contenir.
-Calme-toi. Il va bien. Mais ils se sont mis en tête de faire une course de moto sur le circuit de cross et je ne suis pas sûr que ce soit une très bonne idée.
-Evidemment que c'est une mauvaise idée ! Et si tombait ? Et si son cœur ne supportait pas une nouvelle dose d'adrénaline ? Et puis d'abord, où ont-ils trouvé les motos ces deux idiots ?
-Les copains de Sam leur en ont prêtés. Ils sont déjà sur le circuit, prêts à se lancer. Sam voulait que je vienne les encourager.
De rage, je jette la bouteille de bière dans l'évier. Je cours chercher une veste. Nico m'emboite le pas et me propose de conduire. J'accepte sans hésiter, je ne me sens pas du tout en état de prendre le volant. A travers la nuit, notre voiture fuse déjà à toute vitesse. Il règne un silence de plomb dans l'habitacle. La tension est à son comble, elle m'empêche presque de respirer. Nos craintes ont beau être tues, nous redoutons tous deux la même catastrophe.
je t'en prie, descends de cette moto et ressaisis-toi. J'ai trop besoin de toi pour que tu prennes de tels risques !
Je sais que tu as pleuré hier pendant la récré et je suis sur que c'est à cause de cette chipie de Ninon. Je l'ai entendut te dire qu'elle ne voulait plus être ta copine. Ne soit pas triste parce que moi, je serait toujours ton copain. Je te promets qu'on ne se disputera jamais et qu'on sera toujours ensemble.