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5

Pourquoi es-tu venu ce soir ? Pourquoi ressens-tu toujours le besoin de foutre la merde dans ma vie ? Tu me saoules j'en ai marre. Laisse-moi faire ma vie et oublie-moi. Lâche-moi une bonne fois pour toutes.

Mes doigts tremblants laissent la feuille s'échouer sur le sol. n'a jamais été aussi méchant. Jamais. Toutes les fois où j'ai eu peur de l'étouffer et qu'il finisse par se lasser me reviennent en mémoire. Ces jours-là, je me consolais en relisant nos petits mots. Mais ce mot-là... ce mot-là détruit tout ce que je suis. Il réveille ce qu'il y a de pire en moi et me prouve que je ne vaux vraiment rien. J'ai perdu la seule personne que j'aimais vraiment.

Ivre de chagrin, je titube dans la maison. Mon père me cueille sur le seuil de ma chambre, le regard implorant.

-Ma chérie...

Je n'ai même pas la force de lui répondre. Il me prend dans ses bras jusqu'à m'étouffer mais je ne ressens rien à part la douleur de ce rejet si soudain, si violent. A l'oreille, il m'offre des paroles que je ne comprends pas. Il me parle de cet avenir qu'il me réserve et de ce bonheur qui m'attend ailleurs. Il me tend ma valise déjà prête. Cette fois-ci, je hoche la tête. Et au petit matin, je quitte cette maison sans un seul regard en arrière.

Mes paupières s'ouvrent brusquement tandis que j'ouvre la bouche pour choper une grande bouffée d'air, comme si je parvenais enfin à échapper à la noyade. Oui, je me noie, c'est exactement ce que je ressens. Je ne peux pas rester ici. Une alarme se déclenche dans ma tête. Malgré ce qu'il prétend, je suis certaine que le Dr Moran ne va pas respecter le secret médical. A l'heure qu'il est, il doit déjà être dans le bureau du Dr Copri.

Chancelante, je me relève et récupère brièvement mes affaires. Alors que je suis sur le point d'atteindre la sortie du centre, la jeune femme à l'accueil me hèle pour me rappeler de passer à la caisse. Je lui signe un chèque d'un montant astronomique avant de fuir.

Je ne sais même pas comment je parviens à conduire sans faire d'accident. Mes paupières débordent et ma tête explose. La jeune fille de seize ans encore enfouie en moi décharge toute sa détresse mais je ne sais pas comment la gérer. Elle me fait tellement mal à moi aussi. Comme lorsque j'étais ado, je me hâte de retrouver le seul phare qui a toujours brillé dans la tempête de ma vie.

Je prends à peine le temps de me garer devant la maison de que je pénètre déjà dans l'entrée, cherchant frénétiquement le garçon du regard. Je ne peux cacher ma déception lorsque Sabine vient à ma rencontre, un torchon entre les mains.

- ma chérie, que t'arrive-t-il ?

-Je... Est-ce que est là ? J'ai besoin de le voir, je dois lui parler, j-je... je... j'ai besoin de lui.

-Non, il est déjà parti rejoindre les garçons pour répéter. Viens par-là, ajoute-t-elle en me prenant par les épaules.

Elle me force à m'assoir sur le canapé. Elle s'installe à côté de moi et passe sa main dans mes cheveux pour déposer ma tête contre sa poitrine. Je crois que je pleure encore. Je n'arrive plus à me maitriser. J'ai passé des années à faire semblant, à enfouir tout ce que je ressentais jusqu'à mes propres souvenirs pour me protéger mais je n'y arrive tout simplement plus.

-Explique-moi. Parle-moi, susurre-t-elle tendrement.

-Je... je... c'est...

-Calme-toi . Fais-moi confiance. Je suis là pour toi, comme je l'ai toujours été. Tu peux me parler, je ne te jugerai pas.

N'ayant plus la force de me battre, je libère un soupir chargé de détresse.

-J'ai fait cette séance et maintenant je me souviens et tout ça c'est tellement dur ça me fait tellement mal que je ne sais plus trop et je ne comprends pas comment il a pu écrire ces choses-là moi je croyais qu'on... mais je me souviens et je sais que j'ai merdé, ouais j'ai sûrement merdé comme toujours, mais pourquoi a-t-il dit tout ça et...

- doucement, s'il te plait, je ne comprends rien. Là, là, ma chérie...

Sabine me berce comme l'aurait fait ma maman et mes larmes redoublent d'intensité. Je m'accroche à elle de toutes mes forces.

-Aujourd'hui j'ai fait une séance d'hypnose chez Natur'alliance.

A ces mots, son corps devient soudain rigide comme la pierre.

-J'ai déterré mes souvenirs et maintenant, je me rappelle le soir de mon départ. Je me souviens que mon père voulait me faire quitter la ville précipitamment. Moi, je ne voulais pas. Je suis allée trouver mais ça ne s'est pas très bien passé. Quand je suis rentrée chez moi, j'ai découvert qu'il avait laissé un mot sur ma porte. Il me disait que...

Je soupire longuement.

-Qu'il en avait marre de moi. Le lendin matin, je suis partie, le cœur brisé.

Sabine reste un momentsilencieuse, ses douces mains cajolant toujours mes cheveux.

-Je suis très surprise que mon garçon ait pu écrire ce genre de choses. Je suis sûre qu'il y a une explication mais en attendant, il faut que tu m'écoutes.

Elle prend une grande inspiration pour se lancer.

-Tu dois sûrement savoir que ta mère était en contact avec Natur'alliance. Te connaissant, tu dois même fréquenter ce centre pour de mauvaises raisons mais il faut que tu saches que ce ne sont pas des gens bien. Ton père voulait vous protéger en vous dndant de tout quitter. Il y a beaucoup de choses qu'il faut que je t'explique mais je dois d'abord te donner une enveloppe. Avant de partir, ton père... m'a laissé une lettre. Il m'a dndé de te la donner si un jour tu revenais ici et que tu cherchais la vérité. Je crois qu'il est grand temps que tu la lises.

Elle dépose un petit baiser sur ma tempe avant de disparaitre. Quand elle reprend place sur le sofa, ses mains tremblent. Elles renferment une enveloppe blanche sur laquelle seules trois petites lettres sont écrites. . Mon cœur bat à tout rompre à mesure que je la décachète.

Mon cœur bat à tout rompre à mesure que je la décachète

Mes rêves deviennent enfin réalités mais je peine à le croire. J'ai rêvé de ce jour des millier de fois mais jamais je n'avais imaginé cette distance entre nous. Et je ne sais même pas si un retour en arrière est possible.

-Asseyez-vous les enfants. Il faut que je vous parle.

Sabine s'installe sur un fauteuil en face du canapé où et moi sommes assis. Après avoir lu la lettre de mon père, j'ai passé une bonne partie de la journée à errer dans mes souvenirs, seule dans la grande maison de mon enfance. Je crois que j'avais besoin de retrouver mes racines pour gérer toutes les émotions qui m'ont bombardée. J'en veux à mon père de m'avoir fait un tel coup mais je sais aussi qu'il ne m'aurait jamais brisé le cœur s'il avait une bonne raison. J'oscille entre colère et soulagement. Une vingtaine de minutes plus tôt, Sabine est venue me chercher, arguant qu'il était temps qu'elle me donne des explications. Je ne m'attendais simplement pas à ce qu'elle convoque aussi son fils qui, vu la tronche qu'il tire, n'a pas du tout l'air ravi de se trouver ici.

- arrête de regarder l'horloge et écoute-moi s'il te plait.

-Les gars m'attendent pour répéter.

-Accorde-moi un petit moment, c'est important.

-D'accord, grommèle-t-il en croisant les bras sur sa poitrine.

Je meurs d'envie de glisser ma paume sous la sienne pour trouver un peu de réconfort mais je n'ose pas. Je ne comprends plus vraiment ses réactions ces jours-ci et je n'ai même pas eu le temps de lui expliquer la manœuvre de mon père.

- ma chérie, je sais que tu te poses beaucoup de questions sur la mort de tes parents. J'imagine que tu fréquentes Natur'alliance dans l'espoir de découvrir ce qui s'est passé. Mais je te dois tout d'abord des excuses. C'est ma faute si ta mère a commencé à leur rendre visite.

Elle prend une grande inspiration et m'offre sa vérité.

-Quand la malformation cardiaque de a été détectée, j'étais désemparée. Les médecins ne m'offraient aucune solution et je ne savais plus quoi faire. J'ai entendu parler de ce nouveau centre qui venait de s'installer en ville et je leur ai rendu visite. Je leur ai parlé de mon petit garçon et le Dr Copri m'a assuré qu'il pourrait le prendre en charge. J'en ai pleuré de bonheur. Pendant quelques temps, je te forçais, à m'accompagner pour qu'ils testent leurs méthodes sur toi.

-Je détestais ça, grogne-t-il.

-Je sais. J'ai compris plus tard que ça ne servait à rien. Mais à l'époque, j'étais prête à tout pour te sauver. Clémence et moi étions très proches mais je ne lui ai jamais parlé de ton problème. Je te l'avais promis et je n'ai jamais trahi ma promesse. Elle était vraiment intéressée par les thérapies paramédicales. Elle disait toujours que les médicaments pouvaient être évités si on apprenait à se caler sur le rythme de la nature. Pas étonnant que dès les premières minutes, elle ait été subjuguée par ce centre. Très vite, elle a sympathisé avec la communauté jusqu'à trouver sa place. Moi, j'ai toujours gardé mes distances. Je n'étais pas très fan de leur engagement mais je le respectais. Je préférais passer des heures dans le magasin, à dépenser des sommes folles pour des remèdes factices.

Un sourire amer barre ses lèvres fines.

- ta mère se sentait bien là-bas. Je n'avais pas de raison de me méfier, tu sais. Mais ton père a fini par soupçonner ce centre d'être mal intentionné. Il s'inquiétait de voir sa femme dépenser autant d'argent mais surtout, il s'inquiétait de l'emprise que le Dr Corpi avait sur elle. Un jour, Clémence m'a confié qu'ils n'arrêtaient pas de se disputer à ce propos. Je pensais qu'ils ne se comprenaient plus mais deux jours plus tard, ils sont morts.

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