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-Mme Pazzi, pouvez-vous nous énumérer tout ce dont vous vous rappelez concernant votre vie ?

-Euhh.... Bah... je m'appelle j'ai 16 ans, je suis étudiante au lycée et pour me faire un peu d'argent de poche, je faisais des baby-sittings mais j'ai dû arrêter quand les parents se sont plaints que je n'apprenais que des conneries à leurs gosses. J'habite depuis toujours avec mes parents et mon frère Enzo dans une grande maison cachée dans le maquis, derrière la grande dune.

Le médecin opine machinalement à chaque mot que je prononce tandis que ses petits assistants prennent studieusement des notes. Quand je termine, il se retourne brièvement vers eux pour marmonner quelque chose d'inaudible.

-Mme Pazzi, comme je vous l'ai expliqué hier, il semblerait qu'une partie de vos souvenirs ait été effacée. Vous avez 23 ans et la réalité que vous décrivez n'est plus vraie aujourd'hui. Il est essentiel que vous preniez conscience qu'une partie de votre vie a été amputée de votre mémoire. Ceci est primordial pour votre guérison.

Ouais, c'est bon mon gars, j'ai bien compris qu'il se passe un truc flippant ! Par contre, au lieu de débiter les mêmes conneries depuis hier, tu ne voudrais pas m'aider à comprendre ?

-Nous allons vous faire passer une batterie d'examens. Je ne vous cache pas que la journée qui vous attend va être plutôt... rude mais nous ferons notre maximum pour alléger vos douleurs. Tous les résultats que nous allons collecter nous permettront de poser un diagnostic plus précis concernant votre état.

Le médecin s'arrête un instant, attendant certainement mon approbation. J'hoche alors négligemment la tête pour qu'on en finisse rapidement. Après m'avoir dndé de situer mes douleurs et de noter leur intensité, il laisse quelques instructions aux infirmières et se tire de ma chambre en me promettant de repasser en fin de journée. Sophia, la jeune femme qui m'est venue en aide hier, pénètre à son tour dans ma chambre en me saluant joyeusement. Je ne sais absolument pas pourquoi mais j'ai décidé que j'aimais bien cette fille ! Peut-être à cause de son visage doux entouré de cheveux noirs lisses et soyeux, de son attitude féminine mais pas aguicheuse ou de son sourire toujours franc et lumineux. En tout cas, une chose est sûre, le fait qu'il n'y ait aucune pitié dans son regard lui fait déjà gagner toute mon estime.

Elle débloque les roues de mon lit et me conduit plusieurs étages en dessous, là où toutes les machines de la NASA sont réunies pour décider de mon sort. Je passe une journée horrible. Et quand je dis horrible, c'est un euphémisme. Mon ventre est vide depuis que je me suis réveillée et je vais bientôt mourir de faim si on ne me donne pas un truc à bouffer mais tout le monde s'en fout. Ils ont apparemment besoin que je reste à jeun. J'enchaine les prises de sang, les scanners, les IRM, les radio et encore d'autres examens dont je ne connais pas le nom. Je dois rester allongée sur ce putain de lit sans bouger et j'ai toujours horriblement mal au crâne. Sophia m'a promis qu'elle me donnerait un calmant quand nous rejoindrons ma chambre et depuis, je compte les secondes. Au bout d'un long moment, la fatigue commence à être si insupportable que je suis littéralement une loque.

Je regagne enfin ma chambre après un nombre incalculable d'heures à me faire torturer. J'ai mal dans chaque parcelle de mon corps que je sens encore. Sophia doit le rrquer puisqu'elle ne perd pas une minute pour m'administrer des doses de calmants en intraveineuse. Heureusement pour moi, le liquide ne tarde pas à faire effet et je réussis à somnoler un peu. Mes rêves sont entachés de peurs et un mur noir s'abat sur moi quand j'ose imaginer mon futur. Cette angoisse est si intolérable que je me force à reprendre conscience, préférant cent fois mieux souffrir les yeux ouverts que de penser à une vie où la moitié de mon corps me priverait de ma liberté.

Lorsque j'émerge, une douceur familière enrobe mes pensées. Je n'ai pas besoin de tourner la tête pour savoir que est revenu à mon chevet. Je déteste mon corps de réagir ainsi sachant que l'homme qui se tient à ma droite n'a plus aucune considération pour moi. Je déteste mon cœur d'être secrètement heureuse de le savoir à mes côtés alors qu'il semble avoir tiré un trait sur notre amitié. Et je déteste mon âme d'être incapable de le détester.

Je rassemble le peu de force qu'il me reste pour lui faire face. est à nouveau assis sur ce vieux fauteuil mais cette fois, des écouteurs sont plantés dans ses oreilles. Les yeux fermés, il s'imprègne de chaque son, de chaque note, de chaque vibration. C'est ce qu'il fait toujours quand il écoute de la musique. Il se présente sans artifice pour la laisser faire de lui ce qu'elle voudra. Il est comme ça . Il est entier et il ne fait pas semblant. Il assume totalement le fait que seulement quelques notes de musique peuvent aussi bien le mettre en colère que le faire pleurer. Mais aujourd'hui, je n'ai pas envie de l'admirer comme je le fais toujours.

-.

Immédiatement, il relève les yeux. Ses prunelles azur commencent à me détailler mais je les stoppe.

-Qu'est ce que tu fais là ?

Il semble plutôt surpris par le ton distant que j'ai employé mais je m'en tape.

-Je... je voulais savoir comment tu allais.

-A merveille. Pas besoin de gâcher ta journée ici.

fronce les sourcils mais se reprend rapidement. Il sait très bien comment je fonctionne. Un lourd silence s'installe entre celui qui n'a aucune envie d'être ici mais qui se sent obligé et celle qui fait semblant de vouloir qu'il parte alors que la solitude la terrorise. Mais comme toujours, notre fierté prend le dessus. Aucun de nous n'ose formuler ce qui nous pèse sur le cœur. Ce n'est pas parce que nous avons toujours su ce que l'autre pensait que nous nous sommes toujours tout avoué.

-Avant de partir, j'ai besoin que tu m'expliques un ou deux trucs, lui dndé-je sans préavis.

-Vas-y, balance.

Je fais semblant de ne pas être effrayée par les réponses qui m'attendent. Faire semblant, c'est mon truc.

-Où sont mes parents ? Pourquoi ne sont-ils pas encore venus me voir ?

J'observe mon ami baisser les yeux et tout faire pour éviter mon regard. Au moment où j'ai posé cette question, son corps s'est figé en un bloc. Après d'interminables secondes pendant lesquelles mon cœur s'est arrêté, il relève la tête et plante son regard peiné dans le mien. J'ai peur des mots qui vont me percuter dans 3...2...1...

-... je... je sais pas trop comment... ils... ils sont morts.

Mon cœur se brise en un milliard de morceaux qui s'écrasent un à un à mes pieds dans un bruit assourdissant de silence. Je n'ose plus parler. Ni même respirer. C'est impossible... je les ai quittés samedi soir avant le bal, ils étaient tous les deux assis sur le canapé, dans les bras l'un de l'autre à regarder la télévision.

-Je suis désolé de te le dire comme ça, je...

-Mais... c'est... c'est impossible ...

Il me prend la main. Je retrouve mon meilleur ami et il me sauve de moi-même. Sans lui, j'aurais déjà ouvert la fenêtre pour me balancer la tête en avant.

-Ecoute, je ne sais pas grand chose. Après... que tu sois partie, ils se sont fait très discrets. J'allais chez eux tous les jours pour savoir où tu étais mais ils ne m'ouvraient plus la porte. Alors j'essayais de les rendre dingue, je tambourinais pendant des heures, je dormais sur leur pallier mais j'ai rapidement compris que ta maison était devenue pratiquement déserte. Mais quand j'ai appris qu'ils étaient... morts, je...

Une tornade de questions dévaste tout dans mon esprit mais la plus banale est la seule que je parviens à murmurer.

-C'était quand ?

-Il y a un mois à peine.

Si ne semblait pas autant désolé, je pourrais croire qu'on me raconte le synopsis d'une fiction. Parce que dans ma réalité, mes parents sont bien vivants et attendent sagement que leur petite fille rentre du bal. Le monde autour de moi s'écroule. J'ai mal au plus profond de ma chair. Les douleurs physiques que j'endure depuis maintenant plus de vingt-quatre heures ne sont rien comparé à ce que je viens d'apprendre.

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