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Chapitre 05

Pierre-Charles Sakumuna

Monsieur Sakumuna, 14. C'est bien, me complimente le professeur en me remettant ma copie.

Merde !

Je me retiens de ne pas froisser ma copie et ensuite la réduire à l'état de simple boule à balancer dans la poubelle. 14/20 et c'est avec ça que je vais obtenir ma bourse ? Je me demande bien qui je cherche à duper. C'est lamentable et j'ai intérêt à me ressaisir si je veux prétendre réussir.

Je me contiens tout le long du cours pour ne pas imploser sous le coup de l'énervement. Une sanction pour un comportement non exemplaire serait très malvenue. Sous la table, mes jambes trembles et mes pieds tapotent le sol dans un rythme cadencé mais soutenu. C'est le signe qu'il faut que je sors, que je me défoule, que je fasse quelque chose, mais actuellement, je ne peux pas. Je suis obligé de prendre sur moi et de rester cantonné à cette foutue chaise. 14/20 putain ! J'aurais pu faire mieux ! J'aurais du faire mieux. Rien qu'en regardant ma copie, j'arrive à corriger mes propres erreurs. Je me suis laissé distraire et ça ne doit plus se reproduire !

« — Man, tu restes ici ? me demande Jean. »

Son intervention me sort de mes pensées. Je n'avais même pas entendu que la sonnerie avait retenti.

Sans lui apporter de réponse, je réunis mes affaires, les jette dans mon sac et sors de la classe.

« — On va faire un tour à la Mandarine ? il me propose alors que nous sortons de l'enceinte de l'école. On va rejoindre Bijou et Amy. »

Il ponctue sa phrase avec un petit sourire en coin, annonciateur d'un bon moment selon lui, mais je ne réponds pas et reste à 37°.

J'aime bien Jean. Malgré l'argent de ses parents, son physique de métisse à belle gueule et son allure imposante qui le vieillie énormément, il est sympa et ne se prend pas la tête. J'aime passer du temps avec lui lorsque je fais une petite pause ou quand j'ai besoin de me divertir un peu. Il a toujours des bons plans pour toute sorte de chose. D'ailleurs, je l'aurai probablement suivi si je n'avais pas autant de travail qui m'attend à la maison. Il faut que je prépare au mieux mon DM de lundi afin de rattraper ce putain de 14. Actuellement, c'est tout ce qui m'importe. Le reste n'est que futilité.

De retour à la maison, je ne m'attarde pas sur le vacarme que font mon frère et mes soeurs et pénètre directement dans ma chambre.

Ils aiment se réunir pour glousser, se raconter des trucs débiles et se charier au lieu de bosser. Après c'est pour demander le silence dans toute la maison à deux jours des exams, pour soi-disant emmagasiner le plus d'information. Et quand ils se récolteront des notes de merde, ils viendront me traiter de fayot, de lécheur de bottes et de premier de la classe tout ça parce que j'aurai de meilleures notes.

Ils sont tellement débiles qu'ils reproduisent les mêmes erreurs. Je comprends pas comment ils n'arrivent pas à comprendre que seul le travail acharné paie.

« — Ya Pitchou ! On va se prendre une glace, tu viens ? me demande Amara qui vient d'ouvrir la porte de ma chambre à la volé.

— Oh ! Mais tu sais pas toquer ? j'hurle en la regardant méchamment.

— Pardon, excuse-moi. Mais tu viens, on t'attend.

— Je suis en train de travailler, j'ai pas le temps pour les conneries !

— Euh… D'accord. elle dit avant de refermer la porte. »

Je soupire, pour faire passer la dose de colère qu'elle a fait naître en moi, puis tente de me replonger dans mes exercices. Sans succès. J'arrive pas à me concentrer ! Ça fait des semaines que je n'arrive pas à me concentrer et ça commence à me faire chier. Je suis pas productif. Je suis toujours tendu, distrait et colérique. Il faut que je remédie à ça, je me dis en sortant mon téléphone de ma poche.

Je m'étais promis de m'arrêter, de ne plus en prendre, mais là, j'ai besoin de me concentrer, de donner le meilleur de moi-même, surtout sur cette fin d'année scolaire. Je n'ai pas droit à l'erreur.

« — Pitchou ! Pitchou ! Pitchou ! »

Oh c'est pas vrai On peut jamais avoir la paix dans cette maison !

J'ai bien envie de crier à ma mère, puisque c'est elle qui m'appelle, que je suis en train de bosser et si ce qu'elle a à me dire ou a me demander peut attendre, qu'elle attende alors que je termine, mais je me lève. Principalement parce que je ne suis pas prêt à l'entendre se plaindre de mon comportement et parce que je suis quand même bien éduqué.

« — Oui maman ? Tu viens de m’appeler. ?je lui demande en me présentant devant elle. »

Tous mes autres frère et soeurs sont réunis autour d'elle, visiblement en train de s'apprêter pour sortir tout en se chahutant.

« — Oui ! Amara vient de dire que tu ne voulais pas aller manger un glace. Pourquoi ?

— C'est un individuel ! lance Merveille. »

Ya IB, ya Marie-Anne, Mwinda et Amara se mettent à rire tandis que maman la reprend sur son langage. Pourtant, elle n'a pas tout à fait tort. Je suis un individuel dans le sens où je préfère être seul que marcher avec des débiles comme elle et les autres ! Moi je bosse pour mon avenir. Avenir que je tracerai par mon intelligence et non par des faux-cils, des cheveux de morts sur la tête et un jolie minois !

« — Merveille, je n'aime pas ça ! elle lui lance avant de se tourner vers moi. Pourquoi tu n'y vas pas ?

— J'ai du travail à terminer.

— Mais c'est vendredi aujourd'hui, va te détendre un peu. Demain tu poursuivras ton travail.

— Qu'il vienne pas, ça nous dérange pas, on veut pas de lui. marmonne Mwinda assez bassement pour que tout le monde l'entende sauf maman. Ce qui les fait de nouveau tous pouffer de rire. »

Moi aussi je veux pas de vous ! Que ce soit d'ailleurs clair, une fois que je réussirai, je veux plus jamais avoir à faire à eux ! Quand j'entends souvent qu'on ne choisit pas sa famille, je me retiens d'ajouter pour plus de précision qu'on ne choisit pas sa famille jusqu'à un certain âge. Arrive un temps où on est maître de sa vie et on peut choisir qui y rentre et qui y sort. Les concernant, dans pas longtemps, je les ferai sortir sans aucun regret, ce n'est qu'une question de temps…

« — Non maman. T'en fais pas. La prochaine fois. je dis sans attendre sa réponse. »

Je retourne dans ma chambre tremblant de colère puis vais m'allonger sur mon lit au lieu de retourner derrière mon bureau. Je peux rien faire tant que je ne suis pas calmé et vu mon niveau de distraction actuel, j'y arriverai pas de si tôt.

Je récupère ma balle de base-ball joue à la balancer sur le plafond avant de la rattraper lorsqu'elle retombe.

Pendant plus d'une demi-heure, je fais ce jeu. Et lorsque tout me semble silencieux dans la maison, je vais enfiler une veste dans mon placard ainsi qu'une paire de baskets et sors de la maison.

*

* *

« — Oh man, tu fais quoi ici ? Je pensais que tu ne voulais pas sortir ? me demande Jean. »

C'est vrai. Encore moins pour atterrir dans une soirée où la musique est trop forte, que les jeux de lumière font mal aux yeux et que les gens se frottent plus qu'ils ne dansent. Mais je n'avais pas le choix. Ulrich m'a informé qu'il serait là, et que si je voulais ce dont j'ai besoin au plus vite, je devais le rejoindre ici.

« — J'ai finalement décidé de passer. Pour faire acte de présence. je mens en balayant du regard la pièce, à la recherche d'Ulrich.

— Ah okay. C'est cool. Bèh le temps que t'es là, tu devrais aller parler à Amy. Elle me parlait de toi tout à l'heure et je crois que tu lui plais bien ! T'as rien à faire d'autre que lui parler et c'est dans la poche ! il ricane en me tendant sa main pour un check. »

Même si j'ai envie de le planter là et laisser sa main suspendue au dessus de son épaule, je lui tends la mienne et le checke. Je ne dois pas non plus me faire remarquer. Plus je serai discret et mieux ce sera pour moi.

« — Hey ! Amy ! regarde qui est présent ! crie Jean en me tirant vers elle. »

Qu'est-ce qu'il est lourd, putain, qu'est-ce qu'il est lourd !

Là encore, je prends sur moi pour afficher un sourire de circonstance et essaie d'entretenir un semblant de discussion avec Amy. Elle est pas mal comme fille. Elle est jolie, assez intelligente et à de la conversation, mais elle reste une distraction et je n'ai pas besoin d'une distraction. La seule chose qu'elle peut m'apporter, c'est des prises de tête dont je n'ai vraiment pas besoin.

« — Et sinon, tu fais quoi demain ? Bijou et Jean m'ont proposé de sortir mais je n'étais pas trop emballée, mais si tu venais…

— Je sais pas trop. C'est vrai que ça pourrait être…»

Je ne termine pas ma phrase parce que je viens d'apercevoir Ulrich et bidouille deux trois mots d'excuses avant de me lever et prendre la même direction que lui.

« — Ulrich !

— Monsieur le futur président de la république ! Comment vas ? il me demande en se tournant vers moi.

— Ça va, ça va mais ça pourrait aller mieux. T'as… T'as ce que je t'ai demandé ? je marmonne bien qu'on soit dans un coin isolé.

— Ouaip ! Avec ça t'en aura pour trois semaines, un mois. »

Assez discrètement, il me remet une enveloppe que je glisse dans la poche intérieure de ma veste puis lui remets dans un chek la somme que je lui dois.

« — Okay, je vais y aller. Merci.

— Attends un peu. J'ai une surprise pour toi. il me dit en me retenant par le bras, en glissant un petit sachet dans ma poche. T'es un de mes bons clients et je voudrais faire un petit geste pour toi. Je viens de t'offrir un nouveau complément qui te permet de rester énergique et concentré pendant une longue période. Avec ça, plus besoin de prendre plusieurs pilules dans la journée. T'en prends un et tu tiens sur trois jours ! Je te jure que c'est génial.

— J'en ai pas besoin. je lui réponds en voulant les sortir. Je sais déjà ce dont j'ai besoin.

— Non mec, teste les d'abord et tu me diras après. Ça t'engage à rien. Si t'en veux pas, t'en prends pas. C'est aussi simple que ça.

— Okay. »

Je me sépare de lui après l'avoir remercié, puis retourne m'asseoir auprès d'Amy pendant quelques minutes, pour donner le change, puis lorsque j'estime que le temps écoulé est suffisant, je lui annonce mon départ, non sans avoir décliné son invitation pour le lendemain.

~~Amara Bertine Sakumuna~~

« — Miss Sakumuna ! Comment vas-tu ? »

Toute souriante, je le regarde ouvrir la portière de la voiture, sortir et venir à ma rencontre pour me faire la bise.

Il sent bon le frais et le parfum ! J'aime trop son odeur ! A chaque fois qu'il me fait la bise ou qu'il se rapproche de moi, j'aime humer le parfum qui se dégage de lui pour l'imprégner dans ma mémoire olfactive. Ça me donne encore plus de détails lorsque je suis dans mon lit ou en train de penser à un moment qu'on a passé ensemble. J'arrive presque à redonner vie à ces moments avec tous les éléments que j'enregistre.

« — Qu'est-ce qu'il y a ? Pourquoi t'es aussi silencieuse ? il me demande avec son plus beau sourire.

— Je suis pas silencieuse. je réponds en baissant la tête.»

C'est simplement qu'il m'impressionne et m'intimide un peu parfois. Pourtant au stade où on en est, ça devrait plus être le cas. Ça fait plus de deux mois qu'on se côtoie, qu'on discute quasiment tous les jours, alors je devrais plus être intimidée, mais c'est plus fort que moi.

« — C'est parce que t'as pas encore mangé hein ? »

Cette fois-ci, j'éclate de rire franchement !

A force de faire des snaps et des montages sur Facebook où je parle que de nourriture, il a fini par m'appeler la "grande mangeuse" et s'évertue à m'emmener déjeuner dans les restaurants de Brazza pour que d'après lui je puisse au moins faire languir avec des vrais plats et non mon bol de céréale. Et donc, comme souvent ces dernières semaines, aujourd'hui pour le déjeuner, il m'invite à aller manger dans un restaurant que je ne connais pas. C'est la petite surprise qu'il aime me faire, parce qu'il aime me voir m'émerveiller devant les décors et ça c'est toujours d'après lui. Il dit que je ressemble à une petite fille et que si je lui avais pas donné mon âge, il penserait avoir affaire à une petite de douze-treize ans. Ce qui est le cas, mais il ne le sait pas.

On m'a toujours dit que je faisais plus grande que mon âge et c'est vrai que quand on me voit, on peut pas s'imaginer un instant que j'ai treize ans. Enfin que j'en ai douze et que je vais en avoir treize dans quelques mois. Mais le fait qu'il n'est pas réussi à se rendre compte que je mentais prouve bien que j'avais raison; je suis une femme et mon âge n'est qu'un frein quand on le connaît.

Avec lui, je peux être celle que je suis vraiment et il a l'air d'apprécier qui je suis !

« — Je t'emmène dans un restaurant un peu différent de ceux qu'on a fait. il m'annonce en ouvrant la portière passager.

— Merci monsieur ! Et où allons nous ?

— Surprise ! »

Je sais bien qu'il ne me donnera pas le nom du restaurant, mais j'aime bien insister pour le faire parler et je crois que lui aussi aime bien m'écouter le supplier. C'est un petit jeu entre nous qui met un peu d'ambiance dans la voiture.

« — C'est un restaurant assez connu ?

— Ouais quand même. il répond évasif.

— Je le connais ?

— Je pense que oui !

— C'est le Terminalia ?

— Non ! C'est pas le Terminalia et on est déjà partie là-bas je te rappelle.

— Ouais c'est vrai. je me rappelle en reprenant position dans mon siège. »

Je continue le jeu de questions jusqu'à ce que je sois lasse et découvrir avec stupéfaction lorsque nous arrivons devant le restaurant qu'il s'agit du Mikhael's ! Un des plus beaux hôtels de la ville, si ce n'est pas le plus beau.

J'essaie de ne pas paraître trop impressionnée par le décor, mais j'avoue que c'est difficile ! Je trouve ça tellement jolie et bien disposé. Je sens le regard moqueur de Liam sur moi, mais je m'en fiche cette fois-ci.

« — Alors, tu aimes ? il me demande lorsque nous sommes assis à notre table.

— Oh que oui ! je réponds avec enthousiasme. »

Je suis déjà venue ici avec maman et papa pour l'anniversaire des ya IB et ya Marie-Anne, il y a deux ans et papa m'avais promis qu'on allait revenir, mais ça n'a pas été le cas et ça risque pas de changer de si tôt. depuis qu'il est parti en mission y'a deux mois, on a plus de nouvelles de lui. Maman dit que c'est parce qu'il est sur une plateforme où il est difficile de pouvoir se connecter et nous appeler, mais moi je trouve qu'il n'a pas d'excuses. Avant, il faisait toujours en sorte de pouvoir nous contacter même une fois par semaine, mais pour cette mission, j'ai l'impression qu'il ne se foule pas trop pour nous appeler. Par contre, il trouve le moyen de parler à maman comme de par hasard. D'accord, c'est sa femme mais nous on est quand même ses enfants !

« — Miss mangeuse dans ses pensées.

— On va dire ça comme ça. Je me suis rappelée de la fois où je suis venue ici avec ma famille.

— Oh tu es déjà venue ici ?

— Oui, pour l'anniversaire de mes grands frères. je dis vaguement.

— Mince. Et moi qui voulais te surprendre.

— Mais c'est réussi puisque ça faisait un moment que je n'étais pas revenue et puis cette fois, c'est avec toi que je viens donc c'est différent et surprenant.

— Miss mangeuse et sa proportion à retourner une situation défavorable en situation favorable. Mais je vais te suivre sur ce coup là ? il sourit en me faisant un clin d'oeil. »

Ce déjeuner est vraiment agréable ! Je n'ai rien à dire concernant le service, le repas est super bon et Liam fait vraiment en sorte que je sois à l'aise. Qu'est-ce que je pourrais demander de plus !

« — Tu veux prendre un dessert ? me demande Liam.

— Pourquoi pas ! Je pense que …

— Liam ? crie une jeune femme en s'approchant de notre table.

— Oh Judith ! Mince ! Qu'est-ce que tu fais là ?

— Je suis descendue sur Brazza pour quelques jours. J'avais besoin de me reposer et me ressourcer un peu. Et toi ? ! Qu'est-ce que tu fais ici ?

— Je suis définitivement revenue m'installer depuis un moment. Je bosse sur mes projets et puis voilà.

— Ah oui ! Mais va falloir que tu m'en dises plus ! Parce que toi tu es celui sur qui il faut miser ! elle ajoute en gloussant. Au fait, je suis désolée, tu es accompagnée. »

Ah bah enfin ! Je soupire intérieurement. Elle est en train de discuter avec lui depuis tout à l'heure comme si je n'étais pas là ! Quelle malpolie avec ses jambes de girafe.

« — Oui, c'est ma petite soeur. répond Liam avec beaucoup de naturel.

— Oh d'accord. Elle est toute mignonne. Je suis ravie de te rencontrer. »

Je souris simplement parce que si je tente de parler, je crois que je ne serai pas en mesure de contrôler mes larmes.

Sa petite soeur ? Pour tant, je pensais que…

Je crois que je vais pleurer.

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