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Chapitre 04

Chapitre IV

~~Alexandre Sakumuna~~

« — Quelle journée ! je soupire en coupant le contact. »

Je laisse retomber ma tête sur l'appui-tête de mon siège puis ferme les yeux et laisse mon esprit s'évader.

J'ai besoin de ne rien gérer pendant les dix prochaines minutes, de ne réfléchir sur aucun sujet, de n'entendre personne. Être seulement avec moi et moi-même. Ces derniers temps, ce genre de moment, où je peux être seul, est assez rare, pour ne pas dire inexistant. Entre le travail, Maureen, les enfants et Louise, je n'ai plus une minute à moi. Ces instants où je m'enfermais dans mon bureau pour me décompresser son bien loin derrière moi. Quoique.

« — Chéri ? Pourquoi tu restes dans ta voiture ? j'entends au loin. »

J'ouvre les yeux et vois à travers la vitre de ma portière, Louise, le regard interrogatif posé sur moi. Je soupire discrètement de lassitude et de fatigue puis entreprends d'ouvrir lentement ma portière afin qu'elle ait le temps de s'éloigner.

« — Je me suis assoupie. je mens en la suivant vers la maison.

— Oh chéri ! Quand je te dis que tu travailles trop et que tu devrais te ménager ! »

Je souris devant son air inquiet plus que sincère, preuve qu'elle se préoccupe réellement de mon état tant physique que mental.

« — Tu devrais prendre quelques jours. Même si ce n'est que pour rester à la maison toute la journée. elle me propose en prenant ma mallette dans ses mains. Au moins tu permettras à ton corps de se reposer. Et moi je pourrais prendre soin de toi. »

Elle accompagne ses propos d'une douce caresse portée à l'arrière de mon crâne et d'un baiser sur la commissure de mes lèvres, puis bras dessus, bras dessous, nous pénétrons dans la maison.

Comme toujours, je la trouve parfaitement entretenue, fraîche et agréable à regarder. Avec ces nouveaux meubles, je lui trouve quelque chose de particulier que je ne saurai définir. Louise a toujours eu du goût et elle le confirme dans son vestimentaire ou dans sa façon d'aménager la maison.

« — Tu aimes les cousins jaunes et gris foncés ? Je les ai choisi pour ajouter un peu plus de gaieté à la pièce.

— Ah c'est donc ça ! Wahou ! Ça modifie vraiment la pièce et de façon positive. Bravo ! J'aime beaucoup. je la félicite en allant prendre place sur le canapé. »

Je la regarde me délester de ma veste et me conduire dans notre chambre où elle m'aide à me dévêtir. Je la laisse ranger mes affaires dans le placard tandis que je vais prendre une douche revigorante, qui retire définitivement la lassitude et la fatigue que je ressentais quelques minutes plutôt. Lorsque je sors de la salle de douche, je retrouve sur le lit, mes vêtements de maison, constitués d'un juste au corps et d'un pantalon en pagne large. Après les avoir mis, je retourne au salon où m'attend, dressée sur la table basse, une bonne petite liqueur.

« — J'ai préparé les côtis comme tu le voulais. L'accompagnement est également prêt. m'informe Louise. Je te laisse te détendre un peu puis nous passerons à table ?

— Ça me va. Les enfants ont déjà mangé ? je lui demande alors qu'elle me sert un verre.

— Oui, il y a une heure maintenant. Je me suis dit que tu aimerais trouver la maison calme et tu les connais quand ils n'ont pas mangé ! Ce sera surtout l'occasion pour nous de passer un peu de temps ensemble.

— Ce n'est pas moi qui vais m'en plaindre et si ça nous épargne de leur agitation. je rajoute en riant. Je vais quand même aller voir ce qu'ils font. »

Sur ces mots, je me lève du canapé pour aller dans les chambres des garçons Aaron et Samuel, les deux fils de Louise.

Je les trouve tous les deux installés sur leur bureau de travail, l'air concentrés au point où aucun ne sens ma présence en arrivant.

« — Hey bonhomme !

— Oh ! Bonjour tonton Alex ! crie Aaron, le plus jeune en venant vers moi. »

Assez petit de taille, il n'arrive qu'à m'étreindre par les jambes, mais la force qu'il y met m'indique qu'il sera bien costaud plus tard.

« — Tu as passé une bonne journée ?

— Oui tonton ! Mais regarde ! il dit en desserrant son étreinte pour aller vers son bureau où il récupère son cahier. On a fait les divisions euclidiennes aujourd'hui ! C'est ce que tu m'as appris l'autrefois ! J'ai eu bon à tous mes exercices ! Merci beaucoup !

— Mais de rien ! Ça m'a fait plaisir de t'aider ! je réponds avec joie et fierté.

— On pourrait encore faire des exercices ensemble la prochaine fois ? J'aime bien comment tu m'expliques.

— Oui, on fera ça ce week-end !

— Ah ouais ! super ! »

Tout heureux, il m'étreint encore une fois, comme un signe de remerciement puis repart vers son bureau pour poursuivre son travail.

Je le regarde faire pendant quelques secondes avant de rejoindre la chambre de son frère avec qui j'échange toujours aussi gaiement.

Après avoir fini mes visites, je retourne dans le salon discuter avec Louise autour de ma liqueur avant que nous nous levions pour dîner dans la table à manger. Nous profitons de ce moment à deux pour discuter plus ouvertement tout en dégustant nos assiettes. Un moment plaisant comme je les aime.

Complètement lessivé après un aussi copieux repas, je vais troquer mes vêtements de maison pour un pyjama et vais me glisser sous les draps.

« Bizz, bizz, bizz »

Je récupère mon téléphone posé sur la table de chevet, prends connaissance de l'appelant avant de le déposer sans répondre.

« — Tu ne décroches pas ? me demande Louise qui a suivi la scène.

— Non. je soupire en donnant dos à mon téléphone.

— Qui était-ce ?

— Pitchou. je réponds simplement.

— Ton fils ? Et tu ne réponds pas ?

— Oui il s'agissait de mon fils et non, je ne répondrai pas. Lorsqu'il m'appelle, c'est toujours pour la même chose : me demander de l'argent. Pour son âge, il en a plus que de raison. »

Elle acquiesce silencieusement avant de se concentrer sur l'application de sa crème.

Mon téléphone se remet à sonner et c'est toujours le même prénom qui s'affiche et je ne suis toujours pas disposé à répondre. Pitchou passe son temps à me demander de l'argent et à garder cet argent comme s'il s'agissait d'une épargne qu'il aurait constitué par le fruit de son dur labeur. Ce qui n'est pas le cas, sauf si quémander à longueur de temps de l'argent peut-être assimilé à un travail.

Dans tout ça, il est le premier à demander, mais le dernier à donner, même à son frère et ses soeurs. Il fait preuve d'un égoïsme sans nom, qui m'effraie à bien des égards. Dorénavant, il va apprendre à travailler son propre argent, afin qu'il en connaisse également la valeur. Ils vont d'ailleurs tous apprendre parce que j'en ai assez ! Assez d'être simplement conditionner au rôle du pourvoyeur dans cette famille. J'ai l'impression qu'avec eux, je ne sers qu'à payer les mèches, payer tout ce qui a trait à la maison, payer l'école et les fournitures, payer les vêtements, les rations et puis c'est tout.

Je ne me souviens même pas de la dernière fois où les filles comme les garçons sont venus me voir pour simplement discuter avec moi sans arrière pensée ou le nombre de fois où Maureen a fait en sorte que les enfants mangent avant nous afin que nous soyons seuls, encore moins le nombre de fois où elle m'a accueilli comme m'accueille Louise quotidiennement.

Je n'ai jamais voulu rentrer dans cette dynamique de maitresse, seconde femme et consort. Pendant longtemps, je trouvais cela déplorable, jusqu'à ce que je comprenne, jusqu'à ce que cela m'arrive. Et de façon non préméditée. Vivre dans une maison où on a l'impression d'être un simple outils financier sans la possibilité de pouvoir réellement s'exprimer tout en subissant les pressions de la vie avec personne pour nous épauler, c'est oppressant, démoralisant et tellement épuisant que je me suis laissé pencher vers une oreille compréhensive : Louise. Elle a su m'écouter, me rebooster lorsque j'en avais le plus besoin, mais surtout me donner la place que j'espérais avoir dans ma famille mais que je n'obtenais pas.

Avec elle, c'est si simple que je n'ai rien à redire. Tout comme Maureen, elle travaille mais cela ne l'empêche nullement de trouver le temps de s'occuper des enfants et de la maison, de préparer à manger le soir, et prendre soin d'elle. Je ne dis pas que Maureen ne prend pas soin d'elle mais… C'est subtil ! Louise fera toujours quelque chose, mettre des boucles d'oreilles, s'attacher les cheveux et placer une fleur, se parfumer, tandis que Maureen. Si elle doit sortir et qu'elle est certaine que ce n'est rien d'officiel, elle ne se foulera pas. Même à la maison, elle mettra un vêtement confortable, retirera sa perruque puis mettra un de ses affreux foulards satinés de toutes les couleurs pour aller dormir ! Elle se laisse vieillir alors qu'elle n'a que quarante trois ans ! A la voir, on pourrait aisément lui en donner plus, pourtant, ce n'est pas comme si elle n'avait pas un corps bien conservé après sept enfants. Mais…

« — Chéri ? Tu aimes mon nouveau déshabillé ? Je ne t'ai pas entendu faire de commentaires. »

Sa voix me fait sortir de mes pensées et je la découvre dans un déshabillé rose pâle qui cache un bustier et un short de la même couleur.

« — Alors ? »

Alors, ce n'est définitivement pas ceux à quoi je pourrais m'attendre avec Maureen.

~~ Shakina Délorme NGoma alias Maman Shadé ~~

« — Alors ? demande Amara à Pitchou.

— Rien. Ça sonne mais il ne répond pas. il dit en regardant l'écran de son téléphone.

— Je vous l'ai dit, il est en mission et vous le savez lorsqu'il est en mission il est difficilement joignable. »

Je me retiens de rire ! Je ne savais pas que Maureen excellait autant dans le débit de mensonges à la minute. Je la croyais encore droite et stricte dans ses idées comme elle a toujours été, quitte à choquer. Elle qui avait "en horreur le mensonge«, la voilà qui, depuis moins de dix minutes, vient d'en sortir un paquet. Et étonnement, tout le monde à l'air de la croire.

« — Ouais mais il aurait quand même pu nous appeler. soupire Pitchou ! D'habitude, c'est ce qu'il fait et ça nous rassure.

— Mais il va bien chéri ! Arrête de t'en faire.

— C'est vrai qu'on le voit plus beaucoup ces derniers temps. renchérit Amara. On pourrait voir avec lui s'il peut prendre quelques jours pour qu'on puisse passer tous du temps ensemble !

— Oui, ça peut-être chouette. dit IB également dans le salon.

— On verra avec lui les enfants. On va essayer de programmer ça. répond Maureen avec une petite vibration dans la voix à peine perceptible, que je sais distingue comme étant du stress. »

Je soupire bruyamment devant cette scène en levant les yeux au ciel puis fatiguée de tout ça, je vais dans ma chambre finir de préparer mes affaires. On dirait pas comme ça, mais j'ai un mari et des enfants qui attendent impatiemment mon retour. Et même si ça me fait mal de l'avouer, du moins pour ce qui est de mon mari, j'ai également hâte de les revoir. Tout ce temps passé dans cette maison m'a fait me rendre compte de la grâce que j'avais d'avoir Michel et les enfants, mais surtout de pouvoir évoluer dans un foyer harmonieux.

Cette maison, la famille qui y vit, est en train de s'effondrer. Chacun fait ce qu'il veut, sans prendre le temps de questionner l'autre, de s'interroger sur les répercussions qu'une décision ou un comportement peut avoir et ce n'est qu'en surface, je ne parle même pas de leur souci de communication. Mais si j'ouvre ma bouche ici pour parler, on dirait encore que "Shadé et sa sale bouche se sont activées". Je n'ai plus la force de répéter que ma bouche ne fait que dire des vérités et qu'il n'y a que les menteurs, les voleurs et les pécheurs en général qui ne la supportent pas.

Je me suis beaucoup muselée durant ce séjour et il est maintenant temps que je rentre chez moi.

« — Pourquoi tu fais ça ! chuchote fortement Maureen en entrant dans ma chambre.

— Pardon ? De quoi tu parles ?

— Pourquoi à chaque fois que je veux calmer les choses dans ma maison, tu fais des réflexions ou tu fais des mimiques pleins de sarcasme ?

— Parce que c'est en mentant que tu arrives à calmer les choses ?

— Ya Shadé, tu sais très bien ce que je veux dire par là !

— Désolée, mais j'ai du mal à rester inexpressive face au mensonge. Co il est injoignable. Il faut préciser que ça dépend pour qui. je dis en pliant mes vêtements. Je suis sûre que quand les fesses de l'autre font bip bip, il décroche directement ! Et puis attention hein ! C'est son bâton à selfie na-tu-rel qui répond dès qu'il voit seulement le prénom !

— Ya Shadé ! Pourquoi tu fais ça ? elle me demande de nouveau, les larmes au bord des yeux. Tu sais que c'est douleur pour moi et toi tu continues à te comporter comme s'il ne s'agissait de rien, tu fais… Pfff , je ne sais même pas pourquoi… »

Elle ne termine pas sa phrase et préfère sortir de ma chambre après avoir essuyé ses larmes. Ce n'est qu'une fois la porte ferme, que je repose le vêtement que j'étais en train de plier et soupire enfin un bon coup.

Tout ce que je veux en la provocant, c'est la faire aller dans ses retranchements jusqu'à ce qu'elle ait enfin une réaction, qu'elle arrête de se laisser vivre, d'accepter de subir la situation dans laquelle elle est. C'est là seule à détenir une bonne partie des clés indispensables à sa famille pour qu'elle puisse repartir à flot, mais elle est là, avec le trousseau, recroquevillée sur elle même à subir les absences de son mari qui s'éloigne de plus en plus, et elle ne se rend même pas compte que ses enfants sont en train de prendre une trajectoire tendant vers le bas.

Les jumeaux Marie Anne et Immaculée semblent plus intéressés par les garçons et les filles que leur bac qu'ils doivent passer d'ici la fin de l'année, les jumelles Mwinda et Merveille passent tout leur temps au téléphone à bavarder lorsqu'elles ne sont pas en train de se maquiller. Pitchou a une grosse tête, mais pas seulement dû au plein d'information qu'il doit emmagasiner, quant à la petite dernière, elle est bien trop dorlotée et sûrement pas prête à affronter la vie.

Nous avons perdu nos parents lorsque nous étions très jeunes et je m'attendais à ce que Maureen fasse en sorte de préparer ses enfants tout en les laissant grandir, mais au lieu de ça, elle délaisse certains pour se focaliser sur d'autres sans voir les dérapages qui arrivent devant elle. Adélaïde est tombée enceinte en France, mais si elle ne fait pas attention, dans moins de deux ans, tous ses jumeaux auront des enfants. Enfants dont elle devra s'occuper en plus de son bébé Amara qui sera devenue capricieuse et bien étourdie par les hommes !

J'aurais bien aimé l'aider mais… Mon temps est passé.

~~Amara Bertine Sakumuna ~~

Il avait dit quatorze heures, mais il est déjà quatorze heures vingt et il n'est toujours pas là, je me dis en stressant un peu.

Je regarde encore une fois mon téléphone pour m'assurer que je n'ai pas rater un de ses appels ni un de ses messages et… Rien. Pas d'appels, ni de messages manqués. Il m'a peut-être oublié, malgré notre dernier message.

Tant pis, si d'ici dix minutes il n'est pas là, je …

« — Amara ? »

Je lève les yeux et tombe sur le sourire de Liam.

Wahou, j'avais oublié qu'il avait un super beau sourire avec des belles lèvres et des dents bien blanches, pourtant, tous les jours depuis qu'on se parle, je vais sur son Facebook pour regarder ses photos, que je commence à connaître par coeur.

« — Je suis désolée pour mon retard. il dit en se penchant pour me faire la bise. J'espère que tu n'as pas trop attendu.

— Non, non, c'est bon. Ça va. Je viens d'arriver y'a pas longtemps.

— Ah okay, ça me rassure. Alors quoi de neuf ? il me demande en prenant place à mes côtés, sur le banc où je suis installée. »

C'est étonnant mais, le savoir tout près de moi, sentir son parfum, la chaleur de son corps, m'intimide. J'arrive même pas à le regarder dans les yeux. Il me trouble.

« — Nooon ! Ne me dis pas que tu vas jouer les timides alors que tous les jours on discute ensemble !

— Non. je réponds en souriant. Je ne suis pas timide. C'est juste que ça fait bizarre… Que tu sois là.

— Ce n'est pas comme si tu me voyais pour la première fois ! Je te rappelle que je t'ai accompagné chez toi avec ta copine. D'ailleurs, elle va bien ?

— Oui elle va bien. »

Je ne sais plus quoi dire. Par téléphone, c'est super simple. Je dis ce que je pense et lui il répond et on commence notre discussion, mais je ne sais pas pourquoi, en vrai, c'est si difficile.

« — Je connais un moyen de te faire parler ! il dit en se levant puis en me tendant une main. Si on allait manger ? »

J'éclate de rire avant de me reprendre de peur de passer pour une idiote.

Je lui ai dit que j'aimais manger et qu'on pouvait m'acheter avec un repas. Vu les nombreux snaps que je fais toute la journée où je parle de nourriture et tous mes statuts sur Facebook centrés sur la nourriture, il était obligé de me croire.

« — Tu vas m'expliquer comment tu fais pour manger autant et garder une si belle taille !

— D'accord. je réponds en acceptant la main qu'il me tend.

— Au fait, j'aime beaucoup ta tenue. Très belle jambes !

— Merci. »

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