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Chapitre 03

Chapitre III

~~Maureen Sakumuna~~

« — Prends 25 mille dans mon portefeuille.

— … Okay. »

Elle sort de la pièce me laissant seule avec ya Chadé, qui je le sens bien scrute chacun de mes mouvements.

Dans un premier temps, je fais comme s'il n'en était rien, comme si je ne sentais rien, puis son regard devenant bien trop intense, je finis par lui demander d'arrêter de me regarder.

« — C'est interdit ?

— … Ya Chadé, s'il te plaît. C'est déjà assez difficile comme ça. je soupire en portant ma tasse de thé à mes lèvres.

— C'est déjà assez ?! Hum, on dirait vraiment ta fille, la dernière.

— Ya Chadé !

— Ah-Ah ! »

Elle lève sa main en détournant la tête, comme si je devais oublier ses paroles. Comme si elle n'avait rien dit !

C'est tellement facile de son point de vue extérieur de juger cette situation, de juger ma réaction, mais si elle prenait le temps de se mettre à ma place, elle comprendrait. Il y a la maison, nous et les enfants. Surtout les enfants ! Pour eux, il faut que j'agisse avec prudence.

« — Non mais 25 milles pour aller se faire coiffer ? Maureen ! elle reprend après un moment de silence.

— Elles vont chez le coiffeur !

— Mais elles savent se coiffer ! Elles ne peuvent pas se coiffer entre elles ?

— Oh ya Chadé arrête ! Quand on était plus jeunes et que je te demandais de me coiffer, tu passais ton temps à me faire languir comme faisait ya Pam avec toi ! Et je t'en voulais toujours comme tu en voulais à Ya Pam.

— Mais est-ce que ça ne nous a pas rapproché? Est-ce que je ne te coiffais pas finalement ? C'est ce genre de moments qui créent des liens fraternelles !

— Mes filles sont très proches et ce n'est pas en les obligeant à se coiffer mutuellement que leur relation évoluera. Puis on est pas à quelques francs près.

— Ah bon ? La où ton mari donne déjà la moitié de ta ration à sa jeune maîtresse là ? »

J'écarquille les yeux puis me retourne vivement pour m'assurer qu'aucun des enfants n'est présent et n'a entendu ce que vient de dire ya Chadé. Ils n'ont pas besoin de savoir ça. Leur père connaît un moment de crise et il va se reprendre, il faut seulement lui… Lui laisser un peu de temps.

« — Je t'ai dit que je ne voulais pas parler de ça !

— Tu ne veux pas en parler, mais c'est une réalité ! Il faut commencer à penser à demain. Quand demain arrivera, il faudra être parée. C'est préférable que demain te trouve prête !

— Ya Chadé s'il te plaît ! Avec tout le respect que je te dois, je vais te demander de me laisser gérer cette situation à ma façon d'accord ?

— Je te laisse gérer ma chérie ! Je te laisse gérer ! Et pour bien te laisser gérer, je vais déjà préparer mes affaires pour partir. Ton dernier bilan de santé montre que tu t'es remise de ta hausse de tension et je pense que tu sauras te ménager dorénavant. Je vais donc y aller.

— Yaya, je t'ai pas mis à la porte, je t'ai simplement demandé de …

— Non ! J'ai bien compris ! Ne t'en fais pas ! Je ne pars pas fâchée, mais c'est vraiment le moment pour moi de m'en aller. J'ai fait ce pour quoi je suis venue et ma mission étant accompli, je pars.

— Si c'est ça et rien que ça alors d'accord. Tu peux éventuellement rentrer chez toi ou tu peux aussi rester encore quelques jours avec nous.

— Et être la première victime de tes enfants transformés en vampire là ? elle dit en se levant. Non merci !

— Ya Chadé !

— C'est toi qui ne vois pas leur regard assassin quand ils me voient ! elle crie en sortant de la salle à manger. »

N'importe quoi ! Elle et ses inventions.

Je porte de nouveau ma tasse à mes lèvres, puis arrête mon mouvement en chemin quand je remarque un bol qui n'a pas bougé depuis ce matin. Je m'en empare et le renifle pour m'assurer que je ne suis pas en train de rêver.

« — Mais c'est de la bouillie ! Qui a préparé de la bouillie ? je me questionne à haute voix. »

C'est à ni rien comprendre.

*

* *

S'il est vrai qu'habituellement, je n'aime pas me retrouver seule ; j'aime entendre, voir, sentir, cette maison vivre, pleine de monde, de cris, de rire, de pleurs, de bisous, de chuchotements et j'en passe. C'est apaisant et ça me convainc que mes choix ont été bons, que j'ai bien fait de les prendre. Aujourd'hui, je réussis à trouver de la sérénité dans ce silence.

Les enfants sont tous dehors, ya Chadé est partie rencontrer une amie et Alexandre… Doit-être à son travail. Un samedi, à dix-sept heures, au Congo.

Soupirs.

J'ai tellement l'habitude de donner cette version qu'on dirait que j'ai fini par y croire moi-même. C'est difficile de reconnaître que c'est en train de m'arriver et que je me sens affaiblie quand je me rappelle le nombre de fois où j'ai été cette épaule compatissante qui conseillait de rester forte. Rester forte quand tu sais que ton mari entretient une relation avec une autre femme. Que tu connais cette autre femme, tu connais également son lieu de résidence et que tu sais pertinemment qu'en te rendant à son adresse, tu rencontreras ton mari. C'est bien plus difficile que je ne le pensais. Mais j'essaie d'appliquer à mon propre cas, ses conseils que j'ai tant de fois donnés : rester forte, prier et chercher à améliorer les choses. Bien que je ne sache pas comment nous avons pu en arriver là et ce qu'il faudrait que j'améliore.

« — sALUT Maman.

— Oh ! Marie Anne ! Je te pensais dehors avec tes frères et soeurs.

— Non. J'étais là. J'avais besoin de me reposer.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? Pourquoi tu as les yeux aussi rougis et gonflés ? Tu as pleuré ?

— Non, c'est… mes allergies qui me reviennent. elle dit en détournant la tête.

— Tu es sûre ? Ce n'est que ça ?

— Oui maman. elle soupire avant de se mettre à hoqueter. »

La seconde d'après, elle vient se blottir dans mes bras puis se met à pleurer avec force jusqu'à imbiber de larmes le tissu de mon top.

« — Qu'est-ce qui ne va pas chérie ? je lui demande en essayant de la calme, sans résultat. »

Elle continue à pleurer jusqu'à ce que ses larmes tarissent et que seul ses hoquets deviennent les seuls éléments qui indiquent qu'elle est en train de pleurer.

Seigneur, je suis tellement préoccupée par ma situation que je n'ai même pas su voir que ma fille n'était pas bien !

« — Qu'est-ce qu'il y a chérie ? Tu ne veux pas me parler ?

— C'est rien maman. J'avais juste besoin d'évacuer. elle arrive à articuler entre de soubresauts.

— Mais qu'est-ce que tu avais besoin d'évacuer ?

— Les soucis de jeunes ! L'école, les devoirs ! Ces choses là. elle me répond avec un sourire un peu trop appuyé. »

Je comprends immédiatement que son souci n'a rien à voir avec elle.

C'est peut-être son copain. C'est vrai que je n'ai pas pris le temps de discuter comme il se devait avec elle et ses soeurs des garçons, mais je pensais que la discussion que j'avais eu avec elles toutes concernant les relations sexuelles seraient amplement suffisantes. Et puis je leur ai toujours fait comprendre que si elles ont des questions, des préoccupations, elles pouvaient venir me voir. Mais on dirait que ce n'était pas assez. J'aurai du leur dire clairement. Ce que je décide de faire maintenant.

« — Tu sais que tu peux me parler, me dire ce qu'il ne va pas. Je suis ta mère, je suis là pour t'aider et te conseiller.

— Je sais maman et si j'ai besoin de parler, je viendrai vers toi. Pour le moment je veux bien que tu me serres plus fort. elle ajoute en se blottissant un peu plus contre moi. »

Je la serre un peu plus dans mes bras, comme elle me le demande et on reste là, dans le salon, à profiter du silence et de la réflexion qu'il nous pousse à avoir.

« — Au fait maman ? Les nouveaux canapés et fauteuils ne sont toujours pas arrivés ? »

Ah oui, c'est vrai ! C'est une question pertinente, je me dis en regardant les canapés et fauteuils actuels. Ils ne sont pas spécialement atteint par l'usure et peuvent encore utilisés pendant quelques années mais j'avais envie de les changer, de donner un coup de jeune au salon. J'ai réuni la famille et je leur ai soumis l'idée. J'aime bien les faire participer, demander leur avis puisqu'ils vivent également dans ce cadre. Le fait que tout le monde soit à l'aise est une priorité pour moi. Nous étions tous tombés d'accord sur des modèles en cuir blanc et une décoration grise et noire, avec une petite touche de rouge. J'ai passé la commande il y a quelques mois et j'aurais normalement dû être livrée depuis au moins deux semaines.

« — C'est vrai, j'avais complètement oublié. Ils auraient dû nous livrer depuis un moment. Je vais appeler le magasin. je dis en m'emparant de mon téléphone. »

Je m'éloigne de Marie Anne pour aller récupérer le bon de commande afin de mieux orienter mon interlocutrice et tombe des nues en entendant sa réponse.

« La modification de la commande a bien été prise en compte il y a trois semaines et les canapés et fauteuils ainsi que les poufs ont été livrés jeudi après-midi. »

Il n'a quand même pas fait ça ?

*****

~~Amara Bertine Sakumuna ~~

« — Tu as vu comment Emmanuel te regardait ? lance Kaïs. On aurait dit qu'il allait te manger ! Ça te va bien la coupe là ! »

J'hausse les épaules sans rien répondre. En tout cas, c'est pas moi qui vais aller lui parler. Y'a deux jours il me traitait de moche et maintenant que je suis coiffée il me trouve jolie ! Bah tant pis pour lui ! Il fallait qu'il s'en rende compte plus tôt !

« — Donc là tu vas faire les fières quoi ? Tu ne vas pas lui répondre ? me questionne Kaïs en s'arrêtant.

— Lui répondre pour lui dire quoi ? je lui réponds en continuant de marcher. C'est pas lui qui me trouvait moche ?

— Je savais que c'était pour ça que tu n'avais pas répondu ! Toi vraiment, tu aimes trop garder rancune hein ! elle ricane en me rattrapant. »

Non, je ne garde pas rancune mais je n'aime pas qu'on se moque de moi. Si encore il n'avait rien dit entre temps, j'aurai peut-être pu lui répondre mais avec tout ce qu'il a dit ! Han-Han. Moi je ne vais pas lui répondre, il va bien attendre.

« — Bon, tu fais quoi ? elle me demande Kaïs.

— Bah je vais prendre un taxi. Je comprends pas comment Théos a pu m'oublier. »

Théos, notre chauffeur, me récupère normalement chaque matin pour me déposer à l'école, puis vient me récupérer le soir pour me déposer, mais je sais pas comment, aujourd'hui, il a réussi à m'oublier. Heureusement que ce matin ya IB n'était pas encore partie et m'a déposé mais je pensais au moins qu'il viendrait me prendre à la sortie de classes, mais non.

Heureusement pour moi que ya IB m'a donné deux mille ce matin pour se faire pardonner de son attitude de samedi. C'est avec ça que je prendrais le taxi.

« — Et toi, tu vas faire… »

« Bip, Bip »

Une voiture noire aux vitres teintées s'arrête près de nous sans que rien ne se passe. Kaïs et moi nous regardons sans trop comprendre ce qu'il se passe. Peut-être son conducteur est en train d'attendre une personne. Mais au moment où je me fais cette suggestion, la vitre côté passager s'abaisse pour dévoiler le conducteur du véhicule.

Un super beau gosse, propre sur lui avec les contours et le bouc impeccable comme les américains ! Sa chemise verte repliée sur les avant bras fait ressortir son teint chocolat net et ses dents blanches. A coup sûr, ya Merveille et ya Marie Anne lui aurait mis un neuf sur dix, juste parce que mettre dix sur dix c'est pas bien.

« — Excusez-moi. Je ne voulais pas vous faire peur, mais vous donnez l'impression d'être perdues. Il y a un problème ?

— Non. Enfin si, son chauffeur n'est pas venu la chercher donc elle doit trouver un taxi, mais on est pas perdues. répond Kaïs en souriant.

— Ah, okay. C'est pas cool ça. Mais je peux vous déposer peut-être ? »

Kaïs et moi, on se regarde un instant et je lui demande du regard si c'est une bonne idée.

« — Je ne vous ferai rien ! Vous êtes deux je vous rappelle. Et puis j'ai une soeur. Je voudrais pas qu'elle se retrouve embêtée parce que le chauffeur l'a oublié. C'est seulement une proposition pour vous aider. »

C'est vrai que c'est plutôt gentil de sa part et il n'a pas l'air méchant. Comme il l'a dit, on est deux donc on peut lui demander de nous déposer près de nos maisons et on fera le reste du chemin à pieds. Puis s'il tente quoi que ce soit entre temps, on lui saute dessus à deux. Mais en même temps, il doit faire trois fois notre poids et vu ses bras, je suis pas certaine qu'on puisse arriver à bout de lui s'il venait à nous faire un truc louche.

« — Okay ! répond Kaïs avant même que je ne lui soumettre ma réflexion. Je monte devant.

— La portière est ouverte ! »

Je la regarde monter dans la voiture avec enthousiasme puis remercier le conducteur avant de se tourner vers moi et me faire un signe de la tête pour m'insiter à monter à l'arrête. Tout compte fait, je suis pas certaine que ce soit une bonne idée, mais comme elle est déjà installée, je peux pas le lui dire. Je monte donc à l'arrière, sans l'entrain qui l'animait quelques secondes plus tôt et croise le regard du conducteur dans le rétroviseur juste après avoir mis ma ceinture de sécurité.

« — T'es bien installée ? il me demande à travers le rétroviseur. »

J'hoche simplement la tête, puis me colle à la porte pour ne plus être dans son champ de vision.

Je sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression qu'on a fait une grosse erreur en montant dans cette voiture.

______

A Lundi !

Bon week-end et parler à ...Tout le monde là ! Mère comme filles !

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