06
- Hé oui, le monde est petit, tu ne trouves pas ?
- Mais j'en ai rien à foutre de cette gonzesse !
- Enfin, elle ou une autre. De toute façon, tu baises tout ce qui a des cheveux jaunes et un cul à peu près potable !
Oups, encore une fois, mon sale caractère m'entraîne sur un chemin chaotique.
Lopez me fixe d'un regard à la fois noir et blessé.
- Oui, enfin je prends ce que je trouve. J'en baise le plus possible pour oublier à quel point je suis moche à tes yeux.
Sa réplique inattendue me souffle et me vide de mon énergie négative. C'est d'une voix douce et déconcertée que je lui demande :
- Lopez. Pourquoi dis-tu une chose pareille ?
Il ne me laisse pas poser ma main sur lui et en un mouvement de rage, pénètre dans sa voiture et démarre en trombe. Je reste plantée sur le parking, les bras ballants, un temps qui me paraît interminable avant que la voix de crécelle de Sena me ramène à la réalité.
- Vanessa, entre vite, Emile s'impatiente.
La dernière phrase de Lopez résonne dans ma tête sans que je n'arrive à en saisir le véritable sens. Pourquoi diable pense-t-il que je le trouve moche ? Je me déteste. Encore une fois, je me suis laissée déborder par mon sale caractère. Je dois absolument apprendre à tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler, car ma diarrhée verbale blesse trop souvent mes proches. Mais, avec Lopez, je démarre au quart de tour pour me protéger. Oui, c'est une sorte de carapace forgée depuis mon adolescence pour éloigner mes sentiments inutiles pour lui. Je l'ai toujours aimé, mais je ne ressemble pas du tout aux styles de femmes qui l'attirent. Dans le passé, il a été très clair à ce sujet.
Flash-back (Vanessa 14 ans) :
- Allô Soulé ! J'ai trop besoin de toi.
-Raconte-moi tout.
-Ce soir je vais dire à Lopez que je suis grave amoureuse de lui.
-T'es sérieuse là ?
-Oui, mais j'ai trop peur qu'il me rejette et que je perde mon meilleur ami.
-Vanessa, tu dois lui dire ou tu finiras par le regarder dans les bras d'une autre.
-Je n'ose même pas l'imaginer. Je ne sais pas comment je fais pour rester si près de lui chaque jour, sans lui sauter dessus. Par contre, j'appréhende sa réaction.
-T'inquiète, ça va bien se passer. Tu m'appelles pour tout me raconter, hein ?
-Oui, promis.
Je raccroche et je scrute les étoiles par la fenêtre de ma chambre en attendant que Lopez vienne au rendez-vous que je lui ai donné. Je vais finir par ne plus avoir de peau autour de mes doigts tellement je l'arrache. Mon cœur pulse si fort que j'ai l'impression qu'il remonte dans ma gorge. Lopez ne se doute sûrement pas de ce que je vais lui révéler. J'ai peur, mais en même temps, mon amour pour lui, chaque jour camouflé m'étouffe. Peut-être ressent-il la même chose pour moi ? Là est la question et la seule façon de le savoir, est de lui en parler.
Aïe…Je reconnais ses pas dans les escaliers. Je ne peux plus me dégonfler. Dans quelques minutes je vais enfin goûter ses lèvres plutôt que de fantasmer dessus. Enfin, je l'espère…
-Salut Mon coeur ! Il y a un problème pour que tu me donnes une heure bien précise pour passer te voir ?
À peine a-t-il franchi la porte de ma chambre, qu'il m'enveloppe de ses bras. Oh mon Dieu, comment vais-je réussir à lui dire une chose pareille ?
-Mais, tu trembles ? Tu me fais flipper là. Qui t'as fait quoi ? Dis-moi… je lui casse la gueule tout de suite ! Vanessa ?
-Calme-toi. Personne ne m'a rien fait. Je veux juste te parler.
J'essaie de maîtriser ma respiration pour m'armer de courage. Afin de me faciliter les choses, je décide d'aborder le sujet, tout en restant le visage plaqué contre son torse.
-Tu sais que samedi prochain, Marc organise une soirée pour son anniversaire et…
-Oui, je sais. D'ailleurs, la jolie Mélissa sera là.
-Ah… Et tu l'apprécies beaucoup, c'est ça ?
-Si tu veux dire que je voudrais échanger ma salive avec elle, alors oui, je l'apprécie de fou !
Non, je ne dois pas pleurer. Je serre les dents, ravale les maudites larmes qui s'agglutinent dans mes yeux et sors mes griffes pour chasser la douleur qui m'arrache les tripes. Je modifie mon visage de fille énamourée en Cruella, cette méchante femme sans pitié. Je maîtrise très bien cette mutation physique, car je la pratique sans cesse lorsque ma mère me balance que sa vie aurait été tellement plus simple sans moi. Mon regard noir en place, je me dégage doucement de l'emprise de Lopez et laisse la lave de jalousie sortir de ma bouche.
- C'est sûr que tu ne risques pas d'échanger ton intelligence avec elle, car cette pouffe est dotée d'un seul neurone.
Voilà, je me laisse encore diriger par ce poison qui s'insinue dans mes veines. Lopez quant à lui, affiche une mine interrogative. Je peux comprendre que mon soudain changement d'humeur soit déconcertant.
-Mais Vanessa… Pourquoi tu t'énerves comme ça ?
- Pour rien. Tu m'agaces avec tes blondasses, c'est tout !
- Bon… ce n'est pas pour parler de mes mauvais goûts féminins que tu m'as demandé de venir, n'est-ce pas ?
- Ben… si justement.
- Ah bon ?
-C'est bizarre que tu t'intéresses toujours aux mêmes genres de filles, non ?
Je m'embourbe là et je ne sais pas comment je vais me sortir de ce pétrin.
-J'ai mes raisons et… cela n'a pas toujours été le cas si tu veux savoir.
Un nuage gris assombri subitement son regard. Ai-je touché un point sensible ?
- Oui, justement je veux savoir.
Il enfouit ses mains dans les poches de son jean, signe chez lui révélateur d'un malaise.
-Je ne veux plus tomber amoureux.
Il lâche cette phrase comme un couperet de guillotine. Son regard fixe ses baskets et son air dépité me donne encore plus envie de l'embrasser.
-Je suis ta meilleure amie et tu ne m'as jamais dit que tu avais eu une relation sérieuse avec une fille.
Mon ventre se noue, car j'appréhende les mots qui vont sortirent de sa bouche.
- C'est parce que cette fille n'est pas au courant et elle ne le sera jamais.
Il chuchote presque, très certainement pour ne pas pleurer devant moi. Je dois absolument creuser cette conversation quitte à en crever de douleur.
-Mais, pourquoi Lopez ? Pourquoi ?
Il redresse la tête, dégage la mèche de cheveux qui recouvre son œil droit et avec une voix emplie de sanglots, me révèle ce qui le tourmente autant.
- J'ai surpris une de ses conversations avec une amie et… elle parlait de moi. J'ai alors su que je n'avais aucune chance de la séduire un jour.
- Explique-moi. C'est qui cette nana et qu'a-t-elle dit sur toi ?
-Non. Je n'ai pas envie de remuer tout ça. Toi, dis-moi plutôt de quoi tu voulais me parler et ensuite je m'en irai.
- Tu ne vas pas t'en tirer aussi facilement. Dis-moi au moins pourquoi des blondes alors ?
- Parce qu'elles sont aux antipodes de… Et puis merde, tu me fais chier, je me tire !
- Lopez !
À ce moment précis, je comprends que mon seul moyen d'être proche de lui, c'est d'être et de rester seulement sa meilleure amie.
Bref, je dois laisser le problème« Lopez » pour l'instant, car Emile va finir par penser que je me suis volatilisée. Je reprends donc place à son bras, mais je peine à me concentrer sur l'instant présent. Mes pensées divaguent et ma compagnie devient pitoyable.
- Quelque chose vous tracasse Vanessa ?
- Non, je suis juste un peu fatiguée.
- Que c'est dommage. Je pensais vous inviter à dîner pour vous donner quelques informations sur ma vie. Vous allez devoir jeter quelques os à votre patron sinon il va vous soupçonner de tirer au flanc.
- Si c'est pour le travail, je ne peux pas refuser. Par contre, si cela ne vous embête pas, je préférerais que l'on dîne tranquillement chez moi.
-Avec plaisir Mme Joana.
Un charmant sourire fend son visage. Cela me reconnecte avec le présent et je m'efforce de mettre mes contrariétés dans un coin de ma tête. Nous allons saluer Sena et M. Lewis intime Seige de se pointer rapidement devant l'entrée du musée. Cette autorité chez lui me dérange parfois, mais je l'oublie vite dès qu'il redevient prévenant envers moi. Quant à son garde du corps, il ne nous fait pas attendre plus de deux minutes, comme s'il était caché derrière un arbre à quelques mètres de là.
- Entrez dans mon humble demeure !
S'il vous plaît, donnez une soirée de repos à Seige et je vous raccompagnerai moi-même chez vous. D'accord ?
Il hésite un instant.
- Je ne peux rien vous refuser. Bonne soirée Seige !
M. muscles me décoche un clin d'œil puis un sourire, avant de disposer.
-Merci Emile. Puis-je vous demander un autre service ou ai-je atteint le quota maximum pour ce soir ?
-Je vous écoute.
- Pourriez-vous m'aider à descendre cette satanée fermeture éclair ? Cette robe est magnifique, mais je rêve d'un jean/tee-shirt depuis des heures.
- Montrez-moi ce dos, que je vous libère.
Sitôt dit, sitôt fait. Je lui offre mon côté face et je sens ses mains qui explorent mes épaules. À peine il effleure mon épiderme, mes poils se dressent de plaisir. Il pince la fermeture entre ses doigts et d'un geste lent et sensuel, la glisse jusqu'à mon fessier. Sans réfléchir, comme à mon habitude, je me retourne pour lui faire face.
- Merci, susurré-je.
- C'est un plaisir, dit-il en déposant ses mains sur mes hanches.
Je sais que je vais encore faire une grosse bêtise, mais ses lèvres m'appellent si fort que ma bouche succombe. Dans un premier temps en l'embrassant timidement, puis sous la fermeté de ses doigts parcourant mon dos dénudé, j'approfondis mon baiser. Une colonie de délicieux frissons parcourt mon corps. Celui-ci se détend totalement et s'abandonne aux caresses masculines tant fantasmées. J'essaie un cours instant de me ressaisir, mais lorsque sa langue se délecte de ma nuque, je ne sais même plus comment je m'appelle. Je m'entends gémir sous les divins châtiments corporels que Emile m'inflige à l'aide de ses dents. Afin de ne pas finir allongée par terre au milieu du salon, je le prends par la main et l'emmène découvrir mon lit. Par la même occasion, j'ouvre le tiroir de ma table de nuit et prends un préservatif dans ma réserve « au cas où ». L'emballage de celui-ci vole rapidement à l'autre bout de la pièce, en même temps que nos vêtements devenus bien trop gênants. Puis, il m'invite à participer à un petit jeu. Ce dernier consiste à faire l'amour les yeux bandés afin de développer au maximum mon sens du toucher ainsi qu'à me délecter du plaisir qu'il me donne sans l'anticiper par avance. Très émoustillée par cette proposition coquine, je me dirige vers ma penderie et en prélève un long foulard en soie. Je le pose dans la main de Emile qui s'empresse de me le glisser sur les yeux.
- Te voilà entrée dans la nuit ma belle.
-J'adore lorsque tu me tutoies…
Le verdict de cette nuit noire : torride !
Je ne sais pas l'heure qu'il est, mais une chose est sûre, la faim me tiraille l'estomac. J'attends patiemment que la lumière du jour pénètre dans la chambre, afin de sortir Emile de son paisible sommeil. Je profite de la situation pour glisser mon regard sur son magnifique visage. Avant de s'endormir, il a posé ses lunettes noires sur ma table de nuit, mais comme il faisait nuit, je n'ai pas vu ses yeux. Ce n'est pas de la curiosité malsaine, non, juste un besoin de connaître tout de lui.
Ah…il gigote. Zut !
Il me tourne le dos et tâtonne sur le meuble avec ses doigts pour prendre ses montures. Je pose alors ma main sur son épaule.
- Non, s'il te plaît. Regarde-moi.