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L'amour est-il ailleurs ?

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Les chronique d'amine
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Résumé

Lopez est mon ami de bac à sable. Nous sommes inséparables et très régulièrement, les gens nous prennent pour un couple. Mais, notre amour est au-dessus de tout cela, il est pur et éternel. De toute manière, il est impossible pour lui de craquer pour une fille comme moi, car il est « blondes addict » et moi malheureusement, je suis brune. Il me complimente souvent sur ma silhouette élancée, mes grands yeux verts et mon grain de peau halé, mais, il rajoute toujours qu’il me manque la couleur essentielle qui le fait fondre. Je ne me vexe pas du tout, car je trouve Lopez très sexy, très beau même, mais je le vois comme un ami et uniquement comme cela. Mes collègues féminines de travail sont en extase devant sa plastique de rêve, quand il vient me chercher au boulot. Elles me répètent sans cesse que je suis malade ou bien lesbienne pour ne pas sauter sur ce beau brun aux yeux noisette.

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01

- Mme Joana Vanessa, voulez-vous prendre, M. Conti Ken comme époux, l'aimer, le chérir, jusqu'à ce que la mort vous sépare ?

Nous voilà enfin dans la charmante mairie qui nous a vu grandir. Le plus beau jour de ma vie, c'est aujourd'hui. Tout est parfait, la famille, les amis, le soleil et surtout… l'amour !

- Oui, je l'veux !

Mes mains sont moites, mes dents s'entrechoquent, mon cœur tambourine dans ma poitrine et pour me rassurer, je cherche le regard de mon futur mari. Mais, lui doit être encore plus stressé que moi, car il regarde le sol d'un air abattu.

- M. Conti Ken, consentez-vous de prendre, Mme Joana Vanessa ici présente, de l'ai….

- STOP ! Arrêtez ! Je vous en prie, arrêtez.

Mon dieu… Réveillez-moi ! Faites que je sois en train de cauchemarder ma cérémonie de mariage. Je passe mes mains humides sur mon visage pour le frictionner, pour me réveiller, pour effacer cette horrible situation. Puis, hésitante, je relève la tête et… les même personnes se tiennent dans la salle, à une exception près, leurs faciès sont livides. Quant à Ken, il fuit mon regard et de grosses larmes roulent sur ses joues. Que faire dans un moment pareil ? J'ai envie de hurler, de pleurer et surtout de harceler mon futur ex époux pour qu'il m'explique, pourquoi. Je dois me ressaisir et garder le peu de dignité qu'il me reste.

- Sortons tout de suite Ken ! Allez, bouge !

Étonné par ma réaction, il exécute ma directive sans piper mot. Marcher à côté de personnes chères à notre cœur pour rejoindre la porte de sortie est un vrai supplice pour moi, à tel point que je n'ose croiser leurs regards. Une fois à l'air libre, je remplis mes poumons de cette douce brise de printemps et prends mon courage à deux mains pour questionner ce traitre de Ken. Son air penaud et éploré amplifie puissance mille la rage qui envahie mon intérieur.

- Parle ! Comment ? Comment as-tu pu me faire une chose aussi horrible ? Depuis quand ? Dis-moi, depuis quand as-tu planifié de m'humilier ainsi ? Mais parle, bon sang !

La crise de nerfs me guette et je suis à deux doigts de lui décrocher une droite dans sa face de top model, pas si modèle que ça en l'occurrence. Et lui, pleurniche, renifle, essuie ses grosses larmes de crocodile, mais bordel, ne me dites pas que j'allais épouser un pauvre type comme lui ? Heureusement pour lui, il ouvre sa bouche de crétin pour me fournir l'explication qu'il me doit.

- Calme-toi Mon coeur, je…

- Alors, soyons claire dès le début. Il n'y a plus de chérie ! Et surtout, ne t'avise plus jamais de me demander de me calmer ! Je m'énerve si je veux ! C'est rentré dans ta petite tête de connard, ça ?

Il faut vite qu'il trouve les mots magiques pour défendre sa cause indéfendable, sinon, je vais perdre patience et l'emplâtrer contre le mur de cette maudite mairie.

- Vanessa… je ne voulais pas te faire souffrir, je…

- Et bien bravo. C'est réussi ! Mais ce n'est pas possible, en plus d'être un gougea, t'es un abruti !

Pfff… avec lui, j'ai décroché le pompon. On peut me décerner la médaille d'or de la fille qui s'est amourachée du chef d'escadrille des cons volants.

- Vanessa… je comprends que tu sois fâchée… Mais laisse-moi m'expliquer s'il te plaît.

- C'est ça, raconte-moi tout et arrête de me parler comme si j'avais quatre ans.

Je sais que ma colère parle pour moi et que je n'arrive plus à raisonner comme il se doit, mais qui pourrait être sereine après pareille épreuve ?

- Nous sommes en couple depuis que nous avons 17 ans, depuis 10 ans donc.

- Merci, je sais tout ça et surtout, je sais compter. Accouche !

Il commence sérieusement à me courir sur le haricot.

- Tu as vécu chez tes parents jusqu'à tes 25 ans et une fois la signature de ton contrat en tant que journaliste, tu as accepté de vivre avec moi…

- Et ?

- Avant notre emménagement, je venais très souvent te voir chez tes parents et je partageais beaucoup de temps en compagnie de ta famille. J'ai donc développé des relations privilégiées avec bon nombre d'entre eux, mais plus particulièrement avec ... Dela…

Une chape de plomb vient de s'abattre sur ma tête. Je reste quelques minutes estomaquée, incapable de sortir le moindre mot. Ken, lui, n'en mène pas large et me scrute sans oser rajouter une phrase supplémentaire. Je suppose qu'il me laisse digérer l'information ou peut-être, m'étouffer avec.

- Dela ? Toi et… ma petite sœur ? Ken, dit-moi que ce n'est pas vrai ! Je ne peux pas croire que vous m'avez trahis tous les deux.

Je baisse les armes et laisse le niveau d'eau monter dans mes yeux jusqu'à ce que les vannes cèdent et que l'inondation surgisse. Mes jambes capitulent également et m'abandonnent en me laissant glisser sur le sol. Mon torrent de larmes, quant à lui, dilue la tâche de sang sur ma robe de presque mariée, très certainement causée par mes genoux rentrés trop brusquement en contact avec le bitume. Ken, impuissant devant ma détresse, tente une approche pour me relever, mais d'un geste de la main, je le stoppe net. Une question me torture pourtant encore l'esprit.

- Pourquoi ? Pourquoi être venu jusqu'ici ? Pourquoi avoir demandé ma main, si tu l'aimais ?

Ma curiosité me pousse à poser ces questions et pourtant, mon cœur déjà éparpillé en Senars de morceaux ne souhaite pas en savoir plus. Il ne peut plus supporter d'autres coups aussi virulents.

Curiosité, malheur à toi d'être aussi puissante en moi…

- Il ne s'est jamais rien passé entre elle et moi, je pense que je refoulais ce que je ressentais pour elle, j'arrivais à me convaincre que je l'appréciais comme une amie très chère. Seulement, quand tu lui as annoncé que nous allions nous unir, elle m'a demandé de la retrouver chez elle, sans en parler à personne, pas même… à toi. Je savais que je ne devais pas y aller, mais c'était plus fort que moi. Quand elle a ouvert sa porte, elle m'a ouvert son cœur. Elle voulait que je sache l'amour qu'elle ressentait pour moi depuis son plus jeune âge et que si je ne partageais pas la même chose pour elle, je pouvais partir. Vanessa… ce soir-là, je suis resté. Je… pardon… Je…

- Tais-toi Ken…Tais-toi et laisse-moi seule.

Je ne crie plus, je suis vidée, je ressemble à un bateau échoué, démuni de tous ses passagers. C'est ça, je n'ai plus d'âme… Doucement, je pose mes bras sur le sol, cale ma tête ébouriffée dans le creux de ceux-ci, ferme les yeux et laisse mon esprit partir dans l'oubli. Oui, je fais le vide, je ne veux plus penser, plus pleurer, juste… rien. Toutefois, le bruit sourd d'une porte parvient à mes oreilles avant le trou noir.

Une douce caresse réchauffe ma joue. Je l'apprécie en levant lentement mes paupières lourdes et irritées.

- Où suis-je ?

Le visage rassurant de mon père flotte au-dessus de moi.

- A la maison Mon coeur et ton Papou est là pour prendre soin de toi. Rendors-toi sans crainte, je serai là dès ton réveil.

Je le gratifie d'un sourire et épuisée, mais en sécurité, je sombre dans un profond sommeil. J'ouvre de nouveau les yeux, mais cette fois-ci, je dois avoir un nombre satisfaisant d'heures de sieste au compteur. Je caresse la couette avec mes deux mains et respire l'odeur rassurante de lessive, du lit de mes parents. En l'état actuel des choses, j'ai un besoin viscéral de me raccrocher à des détails de mon enfance qui m'apportent du réconfort. Quelques minutes plus tard, la porte de la chambre s'ouvre.

- Bien dormi mon cœur ?

- Oui Papou, merci.

- Alors, viens manger un morceau, tu sais que je n'aime pas dîner seul.

- Mais, Mami ?

- Elle s'est absentée quelques jours…

J'ai déjà bien trop à penser avec ma pauvre vie, donc, je ne pose aucune question sur le départ inopiné de ma mère. Je suis également reconnaissante envers mon paternel qui parle de tout et de rien durant le repas, mais surtout pas du sujet dont je n'ai aucune envie de parler. Je veux profiter de ce retour aux sources pour me requinquer afin d'essayer de surmonter l'insurmontable.

Mais, la sonnerie de mon téléphone portable, me ramène bien vite à la triste réalité…

Mais, la sonnerie de mon téléphone portable, me ramène bien vite à la triste réalité…

- Allô… M. Truffaud ?

- Tous mes vœux de bonheur Madame Conti. Bon… ma petite Vanessa, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Je vous attends au bureau, demain matin à la première heure.

- Mais…

- Taratata ! Il n'y a pas de « mais » qui tienne. Vous profitez sereinement de votre nuit de noce et au réveil, hop au boulot ! Eh oui Madame, votre mari a choisi de passer sa vie aux côtés d'une journaliste, il doit comprendre que les scoops n'attendent pas.

- Mais, je ne…

- À demain ! De bonne heure et de bonne humeur. Ne faites pas trop de folies de votre corps ! Ah ah ah…

Il a raccroché ! Ce con, a raccroché ! Que faire à part pleurer dans un moment pareil ? Je me dirige vers la fenêtre et ferme les volets. Dormir, je veux dormir pour oublier…

Toc, toc, toc

- Entrez ! Dis-je, la voix encore emplie de sommeil.

- Bonjour ma puce !

- Lopez ! Viens dans mes bras mon chéri. Je suis trop contente de te voir !

Lopez est mon ami de bac à sable. Nous sommes inséparables et très régulièrement, les gens nous prennent pour un couple. Mais, notre amour est au-dessus de tout cela, il est pur et éternel. De toute manière, il est impossible pour lui de craquer pour une fille comme moi, car il est « blondes addict » et moi malheureusement, je suis brune. Il me complimente souvent sur ma silhouette élancée, mes grands yeux verts et mon grain de peau halé, mais, il rajoute toujours qu'il me manque la couleur essentielle qui le fait fondre. Je ne me vexe pas du tout, car je trouve Lopez très sexy, très beau même, mais je le vois comme un ami et uniquement comme cela. Mes collègues féminines de travail sont en extase devant sa plastique de rêve, quand il vient me chercher au boulot. Elles me répètent sans cesse que je suis malade ou bien lesbienne pour ne pas sauter sur ce beau brun aux yeux noisette.

- Et moi donc ! Raconte-moi ce qu'il s'est passé. Pourquoi cet enfoiré t'a fait subir un affront pareil ?

Il s'allonge contre moi et m'enveloppe dans ses grands bras protecteurs. Je cale ma tête dans son cou et hume son parfum épicé.

Comme son contact charnel me rassure…

Je sais que blottie dans sa cage protectrice, plus rien ne peut m'atteindre. Je lui relate donc la scène horrible que j'ai vécue devant la mairie en compagnie de mon… ex-petit ami, or mes phrases sont régulièrement interrompues par des sanglots qui me serrent la gorge. Toutefois, les caresses de ses doigts dans ma chevelure, me calment et me permettent de tout lui raconter. Une fois mon dernier mot prononcé, je serre fortement Lopez dans mes bras et le noie sous un torrent de larmes. Ses mains quittent alors mes cheveux pour masser tendrement mon dos. Puis, délicatement, il pose ses mains sur mes épaules, se dégage de mon étreinte étouffante, effleure ma joue de la pulpe de ses doigts, les laisse glisser comme des plumes jusqu'à mon menton, le saisit tendrement, relève ma tête et ancre son regard dans le mien.

- Regarde-moi ma belle. Essuie tes larmes, ce connard ne mérite pas que tu souffres pour lui. Tu vas être forte, non… tu es forte ! Demain, tu vas te lever, te regarder dans le miroir, te dire combien tu es belle et combien d'hommes voudraient être dans ton lit. Dès ton réveil, tu croqueras la vie à pleines dents. OK mon poussin ?

Ses yeux brillent, son souffle s'accélère et je sens la peine qu'il a de me voir ainsi, quand il dépose un baiser chaud et tendre sur mon front.

- D'accord, mais à une condition.

Il me sourit.

- Tout ce que tu veux Mon coeur.

Je le regarde d'un air malicieux et lui demande ce que je suis sûre d'obtenir.

- Je veux dormir dans tes bras cette nuit.

Ses lèvres s'étirent jusqu'à me dévoiler sa magnifique dentition.

- Mes blondes vont être déçues, mais tu sais que je ne peux rien te refuser. Bonne nuit ma Vanessa à moi, me susurre t-il.

- Bonne nuit mon Lopez.

Bien calée, au chaud contre sa peau, la nuit m'épargne ainsi des idées noires.

Dring, dring, dring…

- Grrrr… Ce maudit réveil.

Lopez dort encore, même le bruit de la sonnerie n'a pas réussi à le tirer de ses songes. Son visage est détendu et je ne peux m'empêcher de me blottir encore quelques minutes dans ses bras avant de me lever.

- Coquine ! Mmm… Tu profites du corps d'un pauvre homme endormi. Ce n'est pas du joli, joli, tout ça, Mme Joana !

Il me taquine et me plaque encore plus fort contre lui.

- C'est vous qui abusez d'une belle fille éplorée, M. Romy !

Nous éclatons de rire et chahutons comme des enfants en entamant une bataille d'oreillers. Seulement, la seconde sonnerie de ce fichu réveil me recentre sur la dure réalité : aller au boulot.

Mon arrivée à la rédaction me donne la nausée. En effet, mes collègues m'accueillent avec des applaudissements et entonnent des « vive la mariée » en affichant de magnifiques sourires. Seulement, mon teint blafard fait retomber l'ambiance comme un soufflé oublié trop longtemps sur la table. De grosses larmes roulent sur mes joues sans même que je puisse les retenir. Ma tête déconfite doit parler pour moi, car je n'ai aucune question sur mon prétendu mariage. Mon chef, quant à lui, égal à lui-même, ne fait pas de sentiment.

- Bonjour Vanessa ! Vous avez cinq minutes de retard ! Sachez que le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt. Ceci n'est pas de moi, mais j'approuve l'auteur de cette citation.

J'essuie mes joues et me dirige sans tarder vers mon bureau. Il ne me demande même pas pourquoi je suis triste. Ce type est vraiment une machine sans cœur.

À peine mon postérieur touche l'assise de ma chaise, que le voyant de mon téléphone m'indique que mon patron essaie déjà de me joindre. En soupirant, j'appuie sur le bouton.

- Oui M..

- Vanessa. Venez tout de suite me voir et ne pensez pas que vous allez flemmarder, j'ai une mission pour vous.

-J'arrive de suite M. Truffaud.

Quel abruti ! Il n'aurait pas pu me convoquer dans son bureau dès mon arrivée ? Non, il préférait me faire tourner en bourrique afin d'affirmer son pouvoir de dirigeant.

- Alors… Vanessa, je vous ai affectée sur une affaire de très haute importance. Je m'explique, un célèbre pianiste est actuellement en représentation sur Rennes et il a accepté qu'une journaliste suive sa carrière dans toute la France durant six mois. Vous allez me dire : « pourquoi moi ? » et à cela, je vais vous répondre : « M. Lewis Emile est un homme caractériel, exigeant et allergique aux femmes groupies ». Vous êtes la seule fille sensée et mariée maintenant, dans cet établissement. Je suis donc rassuré sur le fait que vous n'allez pas vous jeter sur lui comme une fan hystérique.

- Mais, je…

- C'est bon ! Ne me remerciez pas. Ah, au fait ! Vous partez sur-le-champ, il vous attend déjà. Décidément, c'est une habitude chez vous d'être en retard ?

- Mais…

- Nous n'avons pas de temps à perdre dans des discours inutiles. Ah, j'oubliais avec vos interruptions ! Il va de soi que je veux un scoop qui fera la Une sur cet homme mystérieux. Aucun magazine n'a encore eu la chance de décrocher plus d'une heure d'interview avec lui, alors je compte sur vous pour assurer. Vous avez carte blanche, ce qui veut dire, que tous les moyens sont bons pour faire la Une.

J'acquiesce juste d'un hochement de tête, puisqu'il m'est impossible d'aligner plus de deux mots avec lui. Bon…récapitulons : je dois rencontrer un homme connu, caractériel, pianiste, le suivre pendant six mois, obtenir un scoop coûte que coûte et tout cela tout de suite, sans même avoir le temps de me briefer sur lui.

Autant dire, que je suis dans une merde noire.

Opéra de Rennes, me voilà !

J'adore cet endroit, je passerais des heures à regarder cette magnifique architecture.

Pour la première approche avec ce célèbre pianiste, j'ai fait un petit passage à mon appartement, afin d'enfiler une longue robe noire moulante et très chic. De plus, afin d'avoir de l'assurance, j'ai généreusement caressé mes lèvres d'un rouge à lèvres vermillon. Je dois avouer que je suis plutôt stressée, il est vrai que mes articles sur le « music'mag » sont en règle générale, à la dernière page et dans un minuscule encart, en bas à gauche. Bref, personne ne les lit. Je me doute que M. Truffaud m'a envoyée au casse-pipe avec cette vedette apparemment imbuvable, mais c'est peut-être ma seule chance de faire la Une de ce magazine.

Allez… Je souffle un grand coup, réajuste ma robe tout en essuyant mes mains moites dessus, redonne un peu de volume à mes cheveux détachés et gonfle ma généreuse poitrine.

Bah… quoi ? Je donne le meilleur de moi-même pour réussir cette interview.

Mes talons hauts offrent à cette somptueuse structure, une douce musique à chacun de mes pas. Je me dirige élégamment vers les loges, tout en restant concentrée sur ma démarche. Oui, il serait malheureux de s'étaler telle une marionnette démunie de ses fils et de perdre toute crédibilité.

Vas-y ma Vanessa, tu assures, tu es sexy et tu vas le faire baver ce mec !

Une petite pensée pour mon amour de Lopez, j'applique sa méthode « t'es la meilleure ma belle ! ».

Bon… trêve de flatterie, je me tiens droite comme un « i » devant la porte où est inscrit le nom de Emile Lewis. Doucement j'effleure la plaque dorée qui orne cette entrée et frappe trois coups secs avec fermeté. Mais, contrairement à ce que je pouvais imaginer, ce n'est pas le son de la voix de M. Lewis qui me parvient aux oreilles. En effet, une armoire à glace d'environ deux mètres ouvre l'antre du fauve et d'un regard noir, m'intime de pénétrer. Quand ce géant referme la porte derrière moi, je laisse un petit cri de stupeur s'échapper de ma bouche.

Il est temps pour moi, de me répéter mentalement, mes qualités : « je suis la meilleure, j'ai confiance en moi, je vais l'impressionner, je… »

- Veuillez prendre place ! Je n'ai pas beaucoup de temps à vous accorder, alors évitez les questions idiotes, je vous prie.

Outch ! Bonjour madame ou Mme, l'un ou l'autre aurait fait l'affaire, je suis ravi de vous recevoir…

Bah, là, ce n'est pas du tout le style de la maison. Quel malotru ! Non seulement, il a besoin d'un babouin pour m'ouvrir cette foutue porte, mais en plus, il me manque de respect.

Abruti, goujat et… triple con ! Et pour couronner le tout, oui, la cerise sur le gâteau, il se tient debout face au mur, au fond de la loge, les bras derrière le dos. Je peux donc appliquer la fameuse phrase : « parle à mon cul, ma tête est malade ». Toutefois, en bonne professionnelle que je suis, je ravale ma fierté et ma haine récente de la gent masculine, pour lui envoyer une phrase des plus délicates.

- Bonjour M.. Nous allons très bien nous entendre je pense, car je n'ai pas beaucoup de temps à perdre non plus.

Voilà, ça, c'est dit. Dans ta face !

- Oh, excusez-moi ! J'ai oublié de couper ma sonnerie.

Je suis honteuse et je me maudis de cet oubli non professionnel.

- Répondez. Il n'y a pas de problème, on est entre nous.

- Non, c'est juste Lopez. Je le verrai sûrement ce soir.

Il s'écarte alors de moi, réajuste ses boutons de chemise et continue, enfin façon de parler.

- C'est tout pour aujourd'hui Vanessa. Je suis attendu cet après-midi. Souhaitez-vous que mon chauffeur vous dépose quelque part ?

Zut, zut et re-zut !

- Non, merci Emile. Je pense que j'ai besoin de prendre l'air frais.

Il détecte la pointe d'humour dans ma voix et me délecte d'un magnifique sourire malicieux.

- Très bien. Comme vous le souhaitez.

Il lève la main et comme par enchantement, M. gros muscles déboule pour venir le chercher.

- À très vite, jolie journaliste !

- À bientôt… Emile.

Comment peut-il savoir quelle tête j'ai ?

Son garde-du-corps, lui a-t-il fait une description précise de moi ?

C'est déçue que je quitte cet endroit féerique pour rejoindre mon lieu de travail et annoncer à M. ronchon, que j'ai juste une info supplémentaire sur ce célèbre pianiste.

C'est à nouveau mon téléphone qui me tire de mes pensées.

- Coucou Papou ! Comment vas-tu ?

- Salut Mon coeur. Ça va, ça va…

- Et… Mami ?

Je n'ai aucune nouvelle d'elle depuis le plus mauvais jour de ma vie. Je sais que nos rapports mère/fille ont toujours été très compliqués, mais là quand même, elle doit se douter que j'ai besoin d'une Mami.

- Je préfère en parler avec toi en visu. Tu veux bien ma belle ?

Je sens bien qu'il va m'annoncer une mauvaise nouvelle, mais je n'insiste pas.

- Oui Papou.

- Sinon, je t'appelle pour que tu passes à la maison demain soir. Tu dois parfois tenir compagnie à ton vieux père, tu sais !

Il rigole et je sais pourquoi il agit ainsi. Demain, je prends une année de plus et mon entourage sait très bien que je n'aime pas être le centre d'intérêt. C'est pourquoi, je fuis les fêtes d'anniversaires où toute l'attention se porte sur moi.

- OK mon Papou. Promis, je viendrai. Bisous.

- Bisous ma Puce !

Flash-back : Vanessa 3 ans.

- Ça suffit Carla ! Je ne veux plus t'entendre parler ainsi de Vanessa. Bon sang, c'est ta fille et elle n'y est pour rien !

Tino se tient debout dans la cuisine de la magnifique demeure qu'il a acheté à Rennes, trois ans auparavant, dans le but d'offrir un foyer réconfortant à sa famille. Ses bras gisent le long de son corps et il ne sait plus quoi faire ou dire, pour rendre raison à sa femme, qui de mois en mois, s'éloigne de plus en plus de sa fille. Carla Joana ne supporte plus la présence de Vanessa et se console en reportant toute son affection sur la petite Dela, âgée alors d'un an.

- Je t'en prie Tino, ne me rappelle pas qu'un jour cet enfant a vécu dans mes entrailles. C'est trop douloureux, je ne peux pas.

Carla serre contre elle, le torchon qui lui sert à essuyer la vaisselle du dîner. Son regard, emplit de larmes, implore son mari de ne plus raviver ce passé bien trop sombre. Mais, malgré sa compassion pour elle, il ne supporte plus de l'entendre tenir des propos désobligeants à l'égard de leur fille aînée. Il est convaincu que sa femme doit consulter un psychanalyste, afin d'affronter les démons qui lui dévorent l'âme. Or, celle-ci refuse catégoriquement de reparler de ce qu'elle a vécu lors de cette fameuse nuit des étudiants.

- Mais ma chérie, tu lui fais du mal à elle aussi. Tu ne vois pas que tu te détruis en jetant un voile sur ton passé et que par la même occasion, tu détruis notre enfant ?

Tino, peiné de voir sa femme si anéantie, pose sa voix et enlace tendrement Carla. Elle cale sa tête dans son cou, soude son corps au sien et se laisse aspirer par le cocon protecteur de son mari. Elle dépose sa souffrance sur les épaules fiables de l'homme qu'elle a toujours aimé. Elle n'a pas un fond méchant, mais plutôt un fond blessé. Seulement, ses blessures ancrées au fer rouge dans sa chaire, l'empêchent d'être la mère douce et attentionnée qu'elle devrait être avec Vanessa.

- Chut, Mon coeur… Tu sais que je serai toujours là. Je t'ai juré fidélité, amour et surtout, je t'ai promis de m'occuper de Vanessa comme si je l'avais moi-même désirée. Je l'aime cet enfant et jamais je ne regretterai mon choix.

Carla renifle et suffoque en écoutant les mots pansements de son mari.

- Mami ! Mami ! Pourquoi tu pleures ?

Isolés dans leur bulle, le couple ne s'aperçoit pas que l'objet de leur discussion se trouve dans le chambranle de la porte. Depuis combien de temps écoute-t-elle leur conversation et surtout, qu'a-t-elle compris de tout cela, du haut de ses trois ans ?

Ils se ressaisissent rapidement. Tino, en affichant un sourire de Papou protecteur et sa femme, en tournant le dos à sa petite fille. Mais celle-ci, ne compte pas en rester là. Elle se rue vers sa Mami et s'accroche autour de ses jambes comme une bernique sur un rocher. De grosses larmes ruissèlent le long de ses joues et son petit corps frêle est secoué de gros sanglots. Carla reste immobile comme une statue et pour seule réponse à cet appel au secours, elle articule des mots cinglant.

- Lâche-moi tout de suite et va moucher ton nez !

La réaction glaciale de Carla n'étonne apparemment pas la petite fille en détresse et désespérée. Elle resserre donc encore plus fort son emprise, comme pour supplier sa mère de l'aimer.

- Viens avec ton Papou, mon cœur. Papinours va te remettre dans ton lit et va te raconter l'histoire de la jolie princesse qui perd sa chaussure de vair.

Il s'agenouille et lui délie délicatement ses petits doigts ancrés dans la jupe de Carla, à tel point que des fibres de coton remplissent le dessous de ses ongles. La Pitchounette tremble de la tête aux pieds et ses petits yeux chocolat crient de douleur. Sa Mami, quant à elle, reste figée et ne prononce aucun mot. Arrachée à contrecœur de sa bouée de sauvetage, Vanessa se jette brutalement contre le torse de la personne qu'elle aime le plus et crie sa douleur en tapant ses petits poings de toutes ses forces. Son Papou, patient, attend que sa fille termine de déverser sur lui sa colère d'être mal aimée et ensuite, l'emporte dans ses bras avec une douceur presque maternelle. Une fois sous la couette, elle frotte ses yeux rougis et réclame la lecture de son conte préféré. Le duo père/fille permis encore une énième fois, à poser une couche d'onguent sur la plaie ouverte de ce petit cœur meurtri.

Quelques minutes suffisent pour que la petite princesse s'envole au pays des songes.

Tino se retire alors de la chambre, à pas de velours et retourne affronter sa femme, bien décidé cette fois-ci à mettre sur la table cette histoire vieille de bientôt quatre années.

Voilà… aujourd'hui, je fête mes 28 ans.

Je n'ai pas envie de sortir de mon lit. Je ferme donc mes paupières et comme une enfant, je souhaite très fort que cette journée disparaisse du calendrier. Chaque année qui passe me rappelle à quel point c'est douloureux de passer ce moment soi-disant magique, sans la présence de ma mère. En effet, depuis aussi longtemps que je m'en souvienne, elle n'a jamais été présente ces jours-là. Parfois, elle prétextait une urgence chez mes grands-parents qui résident dans le Sud et rentrait deux jours plus tard. D'autres fois, mon père m'interdisait d'entrer dans sa chambre, en m'expliquant que ma mère souffrait d'une terrible migraine et qu'il valait mieux la laisser se reposer. Et c'était ainsi à chaque fois Que l'on devait célébrer l'année de plus qui s'affichait sur mon compteur de vie. Par contre, elle se faisait une joie de préparer une semaine à l'avance, l'anniversaire de Dela. Je ne détestais pas ma sœur pour autant, non, bien au contraire, je me réjouissais à chaque fois d'aider ma mère à lui confectionner une fête que moi-même, j'aurais aimé avoir. Je donnais à ma petite Dela, tout l'amour que je ne pouvais pas exprimer à ma mère. C'était ma façon à moi d'exister et surtout de supporter le rejet dont j'étais victime.

Quand j'y repense aujourd'hui… Maintenant que j'ai vu le véritable visage de ma punaise de sœur, je suis écœurée. La tête enfoncée dans mon oreiller, je revis l'annonce de Ken devant la mairie et très vite, j'enfouis tout cela au fin fond de ma mémoire. Non, je ne veux surtout pas penser à cet homme, l'enfoncer au plus profond de moi jusqu'à oublier son existence est à mon sens, la plus belle des vengeances. Je vais également enterrer son ignoble compagne de vie avec lui et ainsi les laisser pourrir tous les deux, dans l'oubli.

- Mon coeur ? Ne me dis pas que tu es encore couchée à cette heure-ci ?

Lopez…