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- Non, s'il te plaît. Regarde-moi.
Ses muscles se crispent et quelques secondes passent avant qu'il me réponde d'une voix rauque.
-Depuis mon accident, personne n'a vu mes yeux.
Ma demande semble douloureuse pour lui, mais c'est plus fort que moi, j'insiste.
- Mais moi, je ne suis pas « personne ».
Un petit rire s'échappe de sa bouche. Néanmoins, il me tourne toujours le dos.
- Est-il possible de te refuser quelque chose ?
Je masse ses trapèzes pour le détendre et par la même occasion, pour l'amadouer.
-Bien sûr que non mon chéri.
Mon ton est surjoué pour alléger l'ambiance.
- Je troque un regard contre une douche en ta compagnie.
- Très bon compromis ! Accroche-toi à moi et sautons tout de suite sous l'eau.
Le coquin s'accomplit tout en gardant les paupières fermées. Je lui propose tout d'abord une brosse à dents neuve et une fois nos bouches fraîches et mentholées, on s'affaire au savonnage corporel. Je vois que mon partenaire d'ablutions prend un certain plaisir à assainir mon corps, mais je ne le laisse pas approfondir son exploration. J'ai un but et je compte bien l'atteindre le plus rapidement possible. C'est vrai quoi, un deal est un deal ! Je tourne le robinet mitigeur, quitte la douche italienne et éponge soigneusement nos corps. Je ne peux m'empêcher d'ébouriffer ses cheveux, il est trop sexy comme ça.
- Emile !
Je lâche la serviette de bain et appuie délicatement mon corps nu contre le sien. Aussitôt ses bras m'enlacent et sa bouche cherche la mienne.
- Oui, susurre-t-il à mon oreille.
- Regarde-moi.
Il englobe alors mes épaules avec ses paumes, me décolle lentement de lui, dirige sa tête vers la mienne et ouvre timidement ses paupières. Je n'arrive pas à sortir un seul son de ma bouche, tant je suis émue par ce que je vois.
- Dis-moi quelque chose, parce que là, j'ai l'impression que tu vas partir en courant.
L'inquiétude cachée derrière ses mots me pousse à remettre en route mon moulin à paroles.
- Non, pas du tout. Tu es tout simplement magnifique !
-Mais encore ?
- Tes iris sont… la plus belle des fondues de chocolat qu'il m'ait été donné de voir. Et c'est une chocoholic qui te certifie cela.
- Tu sais que je vais finir par t'aimer un peu trop toi !
Juste à cet instant méga romantique, ma famine s'exprime bruyamment.
- Tu meurs de faim à ce que j'entends. Je dois t'avouer que je suis silencieusement dans le même état que toi. Vivre d'amour et d'eau fraîche, ce n'est pas fait pour nous !
-Très bien M. Lewis. Sachez que ce n'est que partie remise. Je vous garde au chaud pour plus tard.
- Mmm… avec plaisir ! Je suis à votre service maîtresse Vanessa.
En moins de temps qu'il faut pour le dire, je me retrouve nue comme un ver dans ma cuisine. Je nous régale d'une plâtrée de pâtes accompagnée d'œufs au plat.
Le dessert, je vous le donne en mille : un Emile enflammé…
- Je passerais volontiers ma journée à butiner ton corps, mais je vais devoir aller travailler un peu sinon mon boss va me hurler dessus.
- Oui, mais avant, je vais te donner des informations sur ma rupture avec Linda, sans quoi ton chef va penser que tu es une médiocre journaliste.
Tout en m'habillant, j'extirpe un calepin et un stylo de mon sac à main. Je suis à son écoute, même si mon intimité avec lui me donne maintenant un cas de conscience. J'ai envie de connaître son passé, mais ai-je envie de le voir étalé sur tous les journaux à scandales ?
Emile se passe les mains dans les cheveux à plusieurs reprises avant de se livrer à moi.
- Comme je te l'ai déjà dit, Linda a quitté la maison il y a cinq ans déjà. Seulement, avant de tourner les talons, elle m'a craché en pleine figure que mon manque d'attentions au quotidien l'avait poussé dans les bras d'une femme. Tu imagines la brûlure au fer rouge que ces mots ont provoqué dans mes entrailles. Depuis, j'éloigne la gent féminine avec dédain, enfin, avant toi mon poussin !
- Mon poussin ? C'est mignon tout plein, comme surnom ça !
J'ironise et couvre ses joues de baisers pour ne pas lui faire ressentir la douleur que sa révélation me procure. À présent, je comprends mieux la carapace qui le recouvre et qui lui donne parfois un air hautain.
- Ce scoop va te propulser en tête des meilleurs journalistes !
C'est évident, mais dois-je choisir l'amour ou ma carrière ? Le virus de mon métier de fouille-merde, me pousse à le passer à tabac pour en savoir plus, toujours plus.
- Connais-tu la personne pour qui elle a rompu avec toi ?
- Non et pour être sincère, il est préférable pour cette fille que je ne le sache pas.
- Je comprends.
- Si cela ne te dérange pas, pourrais-tu me déposer à l'hôtel ? Mon piano m'attend.
Sa question est claire, le sujet révélations est clos.
- Bien sûr. Au fait, Rennes est ta ville natale, pourquoi n'as-tu pas de pieds à terre ici ?
- J'ai laissé la maison à mon ex-femme et depuis, je n'ai pas ressenti le besoin d'avoir un chez moi.
Je réalise à quel point il est écorché par sa vie passée et mon seul remède immédiat est de me lover contre lui pour lui administrer un baiser langoureux.