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Chapitre 5

La tension qui planait sur le campement de la meute était lourde et indéfinissable. Le calme matinal ne faisait que souligner le malaise qui se ressentait dans chaque recoin du territoire. Les batailles passées, le combat contre les Chasseurs et les cicatrices visibles sur les membres de la meute laissaient une empreinte. Chaque bruit, chaque geste semblait résonner plus fort, comme si tout le monde attendait un signal, un mot pour faire exploser le fragile équilibre entre la fierté d’une meute et la nécessité de la survie.

Kaden se tenait seul, les bras croisés, les yeux fixés sur l’horizon. Il n’était pas du genre à se laisser abattre par les circonstances. Son regard, dur comme de l’acier, trahissait toutefois une inquiétude qu’il refusait d’admettre. Une inquiétude qu’il n’avait jamais connue auparavant. Depuis l’apparition des Chasseurs, il n’avait cessé de se préparer à ce jour, ce moment où la force et la domination, qui avaient toujours fait sa réputation, ne seraient plus suffisantes.

« Kaden, » une voix calme mais ferme perça le silence de ses pensées. Elira s’était approchée sans bruit, comme toujours, fidèle à sa nature. Elle n’était pas du genre à faire une entrée bruyante, mais elle avait ce don de faire sentir sa présence dès qu’elle en avait besoin.

Kaden tourna lentement la tête vers elle, l’expression de son visage légèrement contrariée. Il savait pourquoi elle était là. Il savait ce qu’elle allait dire, mais il n’en avait pas moins envie de l’entendre.

« Tu vas encore me dire qu’on doit changer notre approche, n’est-ce pas ? » répondit-il, sa voix marquée par une fatigue qui ne lui ressemblait pas.

Elira hocha la tête, son regard perçant croisant le sien sans détourner les yeux. « Je crois que nous n’avons pas d’autre choix, Kaden. Nous avons vu ce dont les Chasseurs sont capables. Leur stratégie est bien plus précise et efficace que ce que nous pensions. Si nous ne faisons pas évoluer notre façon de penser, nous risquons de perdre bien plus que des batailles. »

Un soupir échappa à Kaden, et il se détourna à nouveau, regardant les loups qui se déplaçaient autour du camp. Il y avait de la fatigue dans leurs mouvements, de l’incertitude dans leurs regards. Sa meute, sa famille, était sur le fil du rasoir. Pourtant, il n’était toujours pas prêt à accepter l’idée qu’ils ne pouvaient pas faire face seuls. « Nous avons survécu tout ce temps sans ces alliances dont tu parles, Elira. Et je ne vois pas pourquoi on devrait changer maintenant. » Il se redressa, se tournant à nouveau vers elle, l’expression fermée. « La fierté est ce qui nous a permis de tenir, et c’est ce qui nous permettra de gagner. »

Elira ne cilla pas, mais son regard était plus lourd, plus insistant. Elle savait qu’elle ne pourrait pas faire changer Kaden sur-le-champ. Mais la situation ne pouvait pas attendre indéfiniment. La guerre qui s’annonçait n’était pas celle d’un seul Alpha. Ce n’était pas une question de fierté personnelle, mais de la survie de la meute dans son ensemble.

« Kaden, il ne s’agit pas de fierté, il s’agit de pragmatisme. Si tu continues à insister sur cette voie, nous risquons de perdre plus que des vies. Nous risquons de perdre notre place dans ce monde. »

Kaden la fixa longuement, ses mâchoires serrées. « Tu veux que je baisse la tête devant ces autres meutes, ces étrangers qui nous ont ignorés pendant des années ? Que je leur demande de l’aide ? » Sa voix monta, vibrante de colère. « Non, Elira. Je refuse de faire ça. »

Elle n'était pas surprise par sa réaction. Il avait toujours été ainsi : fier, obstiné, refusant de plier même quand les circonstances l’imposaient. Mais elle n’allait pas le laisser se laisser engloutir par cette arrogance. « Je ne parle pas de plier, Kaden. Je parle de réfléchir. Il ne s’agit pas de demander de la charité, mais de former une alliance stratégique. »

La conversation aurait pu tourner en rond, mais un bruit derrière eux attira leur attention. Darian s’approcha d’eux, les yeux sombres mais clairs. Il avait écouté en silence jusqu’à présent, mais il n’était plus question de rester dans l’ombre.

« Je suis d’accord avec Elira, » dit-il simplement, sa voix calme mais ferme. Il ne semblait pas vouloir perdre de temps avec des arguments inutiles. « Nous avons perdu trop de loups lors de la dernière attaque. Ils sont plus organisés que nous, et si nous ne changeons pas notre stratégie, nous risquons de perdre tout ce que nous avons construit. »

Kaden le fixa intensément. « Tu as toi aussi décidé de me trahir, Darian ? » Sa voix était dure, presque mordante.

Darian ne flincha pas, maintenant son regard. « Ce n’est pas une trahison, Kaden. C’est une prise de conscience. » Il s’avança d’un pas, maintenant plus près de Kaden. « Nous avons tous vu ce qu’ils sont capables de faire. Et je pense qu’il est temps de sortir de nos vieilles habitudes. »

Kaden resta silencieux pendant un instant, les poings serrés, le visage marqué par une lutte intérieure qu’il peinait à masquer. Il détestait l’idée de se montrer vulnérable, de reconnaître qu’il avait besoin de l’aide de quelqu’un. Mais la pression était grande, et il savait, au fond de lui, qu’ils ne pouvaient pas continuer à ignorer la réalité.

Il tourna enfin le regard vers Darian. « Et tu crois vraiment que ces autres meutes vont se battre pour nous, sans arrière-pensée ? » demanda-t-il, son ton moins acerbe, mais toujours empli de scepticisme. « Après tout ce que nous avons traversé, tu veux qu’on mette notre avenir entre leurs mains ? »

Darian ne répondit pas immédiatement. « Non, » dit-il finalement. « Mais je crois que s’ils veulent survivre, ils auront tout intérêt à nous soutenir. » Il laissa ces mots flotter dans l’air, puis ajouta : « Et si nous faisons ça, si nous montrons que nous sommes prêts à faire l’effort, peut-être qu’on pourra enfin compter sur une vraie alliance. »

Kaden serra les poings, puis se tourna lentement, son regard se posant sur les membres de la meute. Une partie de lui voulait refuser encore, continuer à mener sa guerre à sa façon, mais un autre, plus rationnel, savait qu’il n’y avait pas d’autre choix. Si la meute devait survivre, il allait devoir se résoudre à l’inacceptable : accepter l’aide des autres, même si cela signifiait un sacrifice de son propre orgueil.

« Très bien, » finit-il par dire, la voix plus calme mais empreinte de cette dureté qu’il ne pouvait s’empêcher de projeter. « Mais sachez une chose : je ne ferai pas cela sans une véritable garantie que nous pourrons contrôler ce qui en ressort. »

Elira et Darian échangèrent un regard silencieux. La tension ne s’était pas dissipée, mais un premier pas avait été franchi. Ils savaient qu’il restait encore beaucoup à faire, que le chemin serait semé d’embûches et de doutes. Mais pour la première fois, Kaden semblait prêt à envisager une autre voie. Et pour Elira et Darian, c’était déjà un signe d’espoir.

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