Chapitre 02
Chapitre 2
- Bordel ! je hurle en me tenant le pied et en claudiquant jusqu’à mon lit.
Ma chambre est tellement encombrée et en essayant d’éviter une pile de vêtements, je me suis cognée contre le pied de la chaise.
Je suis en train de terminer mes valises, je repars à Accra. C’est chaque fois un calvaire pour moi. Je ne sais jamais quoi emporter. Je me dis toujours que comme je vais dans la brousse, je ne dois prendre que des vêtements confortables et pratiques. Mais à chaque fois que je rentre sur Accra et que je dois sortir – chaque deux semaines à peu près – je regrette de n’avoir pas de tenue fancy. The struggle is real.
Et je ne peux prendre qu’une seule valise de 40 kilos, merci Asky, du coup je ne peux pas mettre tout et n’importe quoi. J’ai essayé de voyager par la route, une fois, pour avoir plus de bagages, mais on s’est fait couper la route par des voleurs. Je le reconnais, j’ai remercié mon père ce jour-là d’être parano et de m’avoir assigné des gardes au corps. Mais le bruit des balles échangées entre les militaires de papa et les voleurs m’a traumatisée.
D’habitude, maman m’accompagne, de sorte à ce que j’ai deux valises au moins. Mais Delphine est enceinte. Elle n’est qu’à 3 mois et demi, mais maman a peur qu’elle accouche dans son dos, si elle quitte le pays. Je suis donc livrée à moi-même. Triste monde tragique.
Quand maman vient me signaler, à 10h, qu’il est presque temps d’y aller, je n’ai même pas mis la moitié de mes affaires.
- Eeeh, Liah ! commence-t-elle à rapper. Tu es quel genre de femme ? Paresseuse, c’est toi. Désordonnée, c’est toi ! La petite valise là, tu as besoin de combien d’heures pour faire ça ?
- Ah maman, c’est compliqué non ?
- Tout est toujours compliqué chez toi ! Toi aussi comme ça, quelqu’un va te prendre pour te mettre dans sa maison ?
Mais bien sûr. Je peux même te décrire le quelqu’un en question.
- Comme tu es trop ordonnée, je réponds à la place, il faut ranger on va voir.
Et comme je m’y attendais, elle me pousse et se met à plier le tas de vêtements sur mon lit.
- Ceux là sont propres, non ?
J’acquiesce et elle les range dans la valise.
Je la regarde faire en silence.
- Tu ne prends que des jeans ?
- Maman, je vais dans la brousse !
- Donc tous les habits de soirée que tu as achetés te servent à quoi ?
A décorer ma penderie ?
- En plus, tu alternes avec Accra chaque deux semaines, non ?
Je hoche la tête et elle va choisir quelques robes dans ma penderie, ainsi que des jupes et quelques chemisiers qu’elle vient ajouter aux affaires déjà dans la valise.
- Tu as prévu emporter de la nourriture ?
- Non, j’ai un endroit à Accra où je peux acheter la farine de maïs et les autres. Et puis Stéphane a prévu venir me voir, tu pourras lui donner quelques trucs pour moi.
Elle hoche la tête et continue à ranger mes affaires.
Elle ajoute quelques chemisiers, encore des robes avant de passer aux chaussures.
Elle en remplit la valise, de paires de tennis, de baskets et de tonnes de chaussures à talons. Si ça ne dépendait que d’elle, je ne porterais que ça, des chaussures à talons haut. Elle passe son temps à m’en acheter, à chaque fois qu’elle voyage. Je n’ai jamais acheté de chaussures à talons, alors que j’en possède au moins 50 paires, pour vous dire.
On termine de ranger mes affaires au bout d’une heure et maman appelle Stéphane pour aller les charger dans sa voiture.
Je prends ensuite une douche express, entasse mon carnet noir, ma bible et mon ordinateur dans mon fourre-tout et sors en courant de ma chambre.
J’ai regardé l’heure en sortant de la douche, il était déjà plus de 11h. Mon vol est à 12h30.
Ce qu’il y a de bien avec Asky, pour les gens comme moi, c’est que les vols sont toujours en retard. J’ai environ 10 minutes pour manger avant d’y aller. Je sais déjà que papa ne me laissera pas sortir de la maison sans rien avaler, du coup je ne tente même pas.
J’entre à la cuisine par la porte arrière et y trouve Da Margaret, ainsi que papa, à sa place favorite, en train de lire son journal.
Je l’embrasse et m’assied à ses côtés, pendant que da Margaret va sortir du congélateur des viennoiseries et les mets à réchauffer dans une poêle.
- A quelle heure est ton vol ? demande mon père, sans lever le regard de son journal.
- A midi trente.
Il jette un œil à la montre sur son poignet.
- Il est 11h 40. Tu penses que l’avion va t’attendre ?
- Si tu en donnes l’ordre, oui.
Il ne répond rien et se replonge dans sa lecture.
Da Margaret pose devant moi une assiette avec les viennoiseries qu’elle a réchauffé, ainsi qu’une tasse de lait et un verre de jus d’orange.
Je déteste le lait et le jus d’orange, mais mes parents me forcent à en boire, parce que j’ai une carence en calcium et en vitamines. En vérité, j’ai tellement de carences et de troubles alimentaires que je ne pourrais pas tous les citer. C’est aussi à cause de ça que mes parents ont demandé à Serge, mon garde, de me suivre à Accra. Quand je suis seule, je ne mange que du poulet et les carences s’aggravent. Ils ont peur que je me laisse mourir.
Je mange sans me presser, parce que sinon mon père va encore se plaindre. Il dit que quand on mange trop vite, les enzymes n’ont pas le temps de se dégager de la nourriture et on ne grossit pas. Et comme sa femme et lui se sont donné pour mission de me faire passer la barre des 50 kilos, je dois manger comme une tortue en leur présence.
Je suis à mon second pain au chocolat quand mon père replie son journal, le pose sur la table et prend son téléphone portable.
Il compose un numéro en me regardant de travers et porte l’appareil à son oreille.
- Oui, Julien, bonjour, fait-il quand son interlocuteur décroche. Oui, je vais bien. Dis-moi, tu es de service aujourd’hui ?
Julien répond quelque chose et papa reprend :
- Bien, je voudrais que tu fasses attendre le vol de Liah. Celui d’Asky en partance pour Accra.
Autre silence pendant lequel Julien parle.
- Je ne sais pas, tu n’as qu’à convoquer le pilote, ou créer une alerte à la bombe, comme tu veux.
Nouveau silence, puis :
- Très bien. Et assure-toi que l’enregistrement reste ouvert, elle sera à l’aéroport dans un demi-heure à peu près. Merci.
Il écoute encore Julien quelques secondes avant de raccrocher.
Depuis qu’il a demandé qu’on retarde mon vol, je suis figée dans la même position, bouche ouverte, le pain au chocolat à deux centimètres de ma bouche. Je plaisantais pourtant, quand je disais que l’avion m’attendrais, s’il en donnait l’ordre. Faut croire que rien n’est impossible dans ce pays.
- Tu as un problème ? demande mon père après avoir posé son portable.
Je secoue la tête pour dire non, referme la bouche et me remets à manger. Faut pas qu’on vienne me parler mal encore.
Je finis de manger et pendant que da Margaret range les choses, papa m’entraine dans son bureau, de l’autre côté de la maison.
On règle les questions financières relatives à mon séjour et on prie ensemble un moment pour la réussite de mon année scolaire. Puis, il m’embrasse chaleureusement (tout le malin qu’il faisait là, smh) et me laisse partir.
J’arrive à l’aéroport à 12h44. Heureusement, maman et Stéphane m’accompagnent. Maman, qui connait le Julien que papa a appelé se dirige immédiatement vers son bureau, et ce dernier, après l’avoir saluée, m’emmène faire mon enregistrement et embarquer.
Il s’énerve même un peu que je ne sois pas plus pressée que ça. Mais comme dit une collègue camerounaise, mouillé c’est mouillé, il n’y a pas de mouillé sec. Je suis déjà en retard, les gens m’attendent, pourquoi me fatiguer à courir ?
Quand je m’installe enfin dans mon siège, il est 13h. Une des dames dans les fauteuils près de moi me lance un regard noir, mais n’ose pas me parler directement. Elle se contente de se tourner vers une autre dame et de chuchoter à toute vitesse. Moi ? Je m’en fiche royalement. Vous m’avez déjà attendue, ce n’est pas fini ?
Le vol se passe tranquillement et une heure plus tard, nous avons atterri.
Je passe rapidement les formalités et récupère ma valise.
Quand je sors dans le hall de Kotoka, je repère rapidement Serge venu me chercher. Il est avec son épouse Sonya, une jolie ghanéenne très sympathique.
Je m’approche d’eux et les salue chaleureusement, avant de confier ma valise à Serge. Quelque chose qui pèse presque qu’autant que moi, je vais transporter ça comment ?
On sort de l’aéroport en bavardant de choses et d’autres jusqu’à la voiture.
Serge est en train de ranger ma valise dans le coffre quand il repère un de ses amis sur le parking. Il se met donc en tête d’aller le saluer, et il nous entraine Sonya et moi, parce que sinon c’est impoli.
On s’approche donc de son ami à qui il nous présente, il s’appelle Fabrice, est ivoirien et ils se sont connus à la fac après que je sois partie.
Je fais des études d’agronomie, et ma faculté est jumelée à celle de Central University College, à Prampram, non loin de Tema. Donc certains cours sont donnés à Legon, et d’autre à Prampram. Du coup, je fais la navette entre les deux villes, mais je suis plus installée à Tema. Quand j’y suis allée, Serge, lui, a décidé de rester à Accra, pour vivre avec Sonya. Je me souviens d’à quel point ça avait été difficile de faire accepter ça à mes parents. Il a fallu que Serge menace de démissionner, pour qu’ils acceptent. Mais il devait quand même aller me voir chaque deux ou trois jours, et moi je m’engageais à rentrer à Accra tous les weekends.
Pendant que Serge et Fabrice bavardent, je l’observe fixement. Son visage m’est vraiment familier. J’ai l’impression de l’avoir déjà vu, mais je ne sais pas où.
C’est seulement quand il explique à Serge qu’il est venu chercher sa petite amie et son amie que je réalise d’où je le ‘’connais’’ : c’est le petit ami d’Agatha.
Agatha est une fille que je vois régulièrement dans mes rêves, et principalement dans celui où je me marie avec Christophe. Avec Audrey, Naomi et Nathalie, trois autres filles, elle est supposée être ma demoiselle d’honneur. Et j’ai aussi rêvé de Fabrice, qui est le copain d’Agatha, d’un type qui s’appelle Louis et qui est le fiancé de Naomi et d’un autre dont je ne connais pas le nom, qui porte un appareil dentaire et qui est le copain d’Audrey.
Je n’ai pas encore rencontré ces filles, pourtant. La seule amie que j’ai, pour le moment, c’est Marina. Mais si je rencontre Fabrice maintenant, ça signifie que je rencontrerais bientôt mes futures amies. Et donc que je rencontrerais bientôt Christophe. Je n’aurais pas pu avoir meilleure nouvelle dans la journée.
Je sais, vous me prenez sans doute pour une folle, mais ce n’est pas grave.
J’adresse donc un sourire chaleureux à Fabrice, c’est quand même mon futur beau-frère, et quand il nous propose d’aller diner chez lui, afin de rencontrer sa copine et son amie, j’accepte avec hâte.
Même Serge est un peu surpris, je ne suis pas vraiment connue pour être sociable. Mais là, c’est autre chose. Le Seigneur a mis ces personnes sur mon chemin, je ne vais pas les snober, si ?
Serge et Fabrice arrangent les détails du diner et nous prenons congé de lui.
Une fois à la maison, je prends une douche, range une partie de mes affaires et vais aider Sonya à la cuisine. Même si je n’aime pas manger, j’aime bien cuisiner. En même temps, avec maman, je n’ai pas eu le choix. Elle a toujours pensé que si c’est moi-même qui confectionnait mes plats, je pourrais plus facilement les manger. LOL. Ça n’a servi à rien, à part me faire savoir faire à manger.
Pendant que Sonya met la touche finale à son djolof rice, je fais une salade de fruits pour le dessert. Ensuite, nous faisons une petite tarte que nous allons apporter au diner de ce soir. Une fois la tarte au four, on s’installe à table pour manger. Le repas est rythmé par notre conversation animée, à Serge et à moi. Apparemment, mes parents lui ont demandé de me trouver un garde ici, parce que ceux qu’ils ont interviewé à Lomé étaient tous nuls. J’ai beau expliquer que je peux me débrouiller seule, personne ne m’écoute.
Après le déjeuner, j’insiste pour faire la vaisselle, pendant que Serge et Sonya vont faire des cochonneries (je suppose) dans leur chambre, et quand je termine, je vais dans ma chambre.
Serge vit toujours dans la maison où nous étions quand nous sommes arrivés à Accra, dans le quartier de Cantonments, pas loin de l’aéroport. Mes parents ont insisté pour qu’il y vive avec sa femme, de sorte à ce que j’ai toujours ma chambre quand je viendrais à Accra.
Je m’installe à mon bureau et sors mon carnet noir. Je l’ouvre à la dernière page et me met à écrire :
‘’Cher Christophe,
J’ai rencontré Fabrice aujourd’hui. Tu sais, le copain d’Agatha, ma demoiselle d’honneur au mariage. C’est un ami de la fac de Serge. Il nous a invités diner chez lui ce soir, afin de nous présenter Agatha et son amie Audrey. Audrey est ma demoiselle d’honneur principale. Je suis super excitée, tu n’imagines même pas. Parce que si je les rencontre maintenant, ça signifie que bientôt, ce sera ton tour. Mieux, ça signifie que Marina a tort et que tu n’es pas le fruit de mon imagination. Je le savais déjà, mais ça fait tellement de bien d’être conforté dans ses certitudes !
J’espère que la santé d’Arnaud s’est améliorée. Je continue de prier pour lui.
Je t’embrasse, Liah.’’
Je referme mon carnet, le range dans mon sac à main et en sors mon portable. Je l’y avais balancé et n’y avait plus prêté attention depuis ce matin.
Sur l’écran s’affichent deux appels en absence de Marina et trois de Seye, ainsi que 5 messages textes qui demandent tous, de façon globale, où je suis.
Je rappelle Seye en premier, si je commence par Marina, on y sera encore au coucher du soleil.
Il répond immédiatement :
- Ifè mo* .
Comme à chaque fois que j’entends sa voix, un frisson me parcourt.
- Coucou chéri, je réponds. Comment tu vas ?
- Mieux, maintenant que je t’entends.
La frappe !!
- Je m’inquiétais, vu que je n’arrivais pas à te joindre depuis ce matin.
Mes parents ne sont pas les seuls à être surprotecteurs et hypocondriaques. Pour Seye, à chaque fois que je ne réponds pas au téléphone, je suis en train de me dessécher et de mourir dans un coin obscur de la ville, sans personne pour me secourir.
Je me mets à lui raconter mon aventure de ce matin et il ne cesse de se moquer de moi. Il dit toujours que je suis tellement en retard que je risque de rater mon propre mariage.
Avec Christophe ? Aucun risque ! Maman va venir me réveiller avec l’eau glacée, faut pas qu’il s’en fasse.
Je suppose que comme Marina, vous ne comprenez pas que je sois en couple avec un type alors que je suis convaincue que je vais en épouser un autre.
Ne vous-est-il jamais arrivé d’être en couple avec quelqu’un, de sentir au plus profond de vos tripes que vous n’alliez pas finir votre vie avec cette personne, mais de ne pas réussir à vous éloigner d’elle ? Un peu comme des personnes qui savent que leurs parents ne les laisseront jamais se marier ensemble, pour X ou Y raisons, mais qui n’en sont que plus attachés l’un à l’autre ?
C’est ce qui m’arrive avec Seye. J’ai beau savoir qu’on va finir par se séparer, j’ai beau être consciente du fait qu’il n’est pas pour moi et qu’un jour où l’autre, on va devoir se quitter, j’ai du mal à le laisser partir.
D’abord, il est un excellent ami. C’est d’ailleurs comme ça qu’on a commencé à se fréquenter, en tant qu’amis. On s’est rencontrés par l’entremise de Marina, une fois que j’étais allée lui rendre visite à Lagos. C’est l’ami de son copain. Et au fur et à mesure, je me suis attachée à lui. On est devenus vraiment très poches, puis, inévitablement, il m’a fait des avances. Et quand Marina a recommencé à me saouler avec ses ‘’tu perds ton temps avec ton personnage de rêves’’, ‘’ton Christophe n’existe pas’’, ‘’tu ferais mieux de te trouver un homme, au lieu de rester à vivre dans fantasmes’’, je me suis dit pourquoi pas ? Après tout, ça permettrait que Marina me foute la paix, je n’aurais pas à perdre mon amitié avec lui juste parce que je l’aurais rejeté et en plus, ça me ferait un bon aperçu de la vie de couple, Seye étant mon premier et seul petit ami.
En plus, je ne lui ai jamais caché l’existence de Christophe. J’avoue, je ne l’ai pas présenté comme ‘’l’homme de mes rêves’’ au sens propre comme figuré. Non, je lui ai plutôt dit que mon père (quand on prie en disant à DIEU ‘’Père Eternel’’, ce n’est pas notre père ?) avait déjà choisi l’homme avec lequel j’allais me marier et que notre relation n’avait pas d’avenir. Il a paru comprendre, parce que c’est une pratique courante chez les gens de son ethnie (il est Yoruba). Il m’a même avoué que certains de ses frères avaient eu droit au mariage arrangé et qu’il n’était pas certain d’y échapper non plus, mais qu’on prendrait les choses comme elles viendrait.
Ça fait deux ans qu’on prend les choses comme elles viennent et il me rend tellement heureuse.
Au début, je me retenais de m’investir complètement dans la relation, d’abord parce que je ne voulais pas l’aimer alors que je devrais le quitter tôt ou tard, et ensuite parce que j’avais l’impression d’être infidèle à Christophe. Une fois, j’en ai parlé à Stéphane, sans mentionner Christophe. Je lui ai juste dit que je sentais qu’on n’était pas fait l’un pour l’autre, et que j’avais du mal à me laisser aller pour cette raison. Je me souviens encore des perles de sagesse qu’il m’a sorties ce jour-là.
- Dans ce cas, pourquoi tu es avec lui ? m’avait-il demandé.
- Je l’apprécie. Enormément.
- Et tu penses qu’en restant sur tes gardes, en ne t’investissant pas totalement dans une relation avec quelqu’un que tu apprécies, tu fais preuve d’amitié ?
J’ai secoué la tête et il a soupiré. Il a ensuite gardé le silence, le temps de choisir soigneusement ses mots.
- Tu sais, Liah, il est rare qu’une seule personne soit l’homme de ta vie. En fonction des étapes que tu dois franchir, des choses que tu dois accomplir, Dieu met sur ton chemin des gens, à des moments bien précis. Prend l’exemple de l’exode : Dieu savait que Moise n’entrerait pas dans la Terre promise, pourtant il lui a quand même confié son peuple. Au lieu d’attendre que celui qui les ferait pénétrer Canaan soit prêt, il a d’abord parlé à Moise, pour sortir son peuple d’Egypte et le guider dans le désert. Puis, il y a eu Caleb et Josué, qui ont fait tomber les murailles de Jéricho. Et il y a eu des tas et des tas de juges jusqu’à David qui a fait resplendir le peuple de gloire. Rares sont les personnes qui tombent directement sur David ou sur Josué. Tu pourrais, évidemment, ne pas fréquenter d’hommes jusqu’à rencontrer Josué, mais crois-tu que sans Moise, les 10 commandements allaient être révélés aux hommes ?
Je n‘étais pas sûre de comprendre la métaphore.
- Je veux dire que tu peux attendre celui que tu sentiras être l’homme de ta vie, celui fait pour toi. Mais tu risques de passer à côtés de certaines choses. Penses-tu que tu si tu ne vis pas normalement, tu ne laisses personne t’approcher, t’aimer et t’apprendre à aimer, tu seras prête pour lui, quand tu le rencontreras ?
J’ai haussé les épaules.
- En tout cas, a-t-il conclut, je te conseille de prendre la vie comme elle vient. Si ce type te plait, donne-lui une chance de mettre encore plus de bonheur dans ta vie et laisse Dieu se charger du rester.
Le soir même, j’ai veillé et prié pour cette affaire. Tout ce que j’ai reçu, c’était cette phrase ‘’aime le’’.
Je n’ai pas cherché plus loin.
J’ai commencé à m’investir dans la relation, et deux ans plus tard, notre relation est ce qu’il y a de plus proche de la perfection. Ce que j’apprécie le plus chez Seye, en dehors du fait qu’il me couve comme un œuf (j’ai beau détester ça chez mes parents, je trouve ça sexy chez lui), c’est qu’il est très honnête. Il n’a pas le temps de jouer à des jeux, il dit toujours ce qu’il pense, sans tourner en rond, sans parler en paraboles. Il ne voit pas d’autres femmes, il m’en parle quand une fille lui fait des avances, ou quand il en trouve une digne de son intérêt. Rarement, j’ai vu des femmes de mon entourage être traitées avec autant de considération et de respect par leurs hommes que lui le fait pour moi. Ne pensez pas que je joue avec ses sentiments ou que je lui donne de faux espoirs. Ce n’est pas le cas. J’aime Seye, je voudrais l’épouser, je vous l’ai dit, il est parfait. Je sais que je serais heureuse avec lui et qu’il sera heureux avec moi. Je vous assure que parfois, j’ai juste envie d’ignorer mes rêves, de faire comme si je ne savais pas que Christophe existe et d’accepter de l’épouser.
Il me l’a proposé, une fois. Bon, il n’a pas exactement dit ‘’Liah, veux tu m’épouser ?’’. Non, il a plutôt dit un truc dans le genre ‘’bébé, tu crois que si on voulait se marier, tes parents accepteraient de laisser tomber cette histoire de mariage arrangé ?’’. J’ai répondu que je n’en savais rien, mais qu’on pourrait toujours essayer. Il a souri et a dit que si d’ici une à deux années, tout était bien entre nous, on s’organiserait pour qu’il les rencontre.
Il serait tellement plus simple de me laisser convaincre que Christophe n’est que le fruit de mon imagination et de faire ma vie avec un homme bien réel lui, et que j’aime tellement. Mais je n’y arrive pas. Pour autant, j’ai du mal à imaginer ma vie avec un autre que Seye. Je veux dire, je ‘’connais’’ Christophe depuis que j’ai 17 ans, je sais son nom, celui de son meilleur ami, je sais qu’il a une sœur et qu’il a perdu son père... Mais je ne le connais pas vraiment. Souvent, je me demande si nous seront parfaitement compatibles et sur la même longueur d’ondes, ou si je devrais m’accommoder de choses que je n’aime pas, juste parce que je l’aurais vu en songe et considéré comme l’homme de ma vie.
Alors que Seye est parfait pour moi. Je me répète, je sais, mais c’est tellement vrai. J’ai rarement été aussi en phase avec une personne que lui. Même Marina ne me connait pas aussi bien que lui, ne me comprend pas aussi bien que lui. Je vous assure que sans ces rêves, je n’aurais jamais douté un instant qu’il est mon âme sœur.
Je suis constamment tiraillée entre ces deux réalités : ce que je vis et ce que je ressens avec Seye et ce que je rêve de Christophe.
Peut-être que Marina a raison et qu’en définitive, j’ai un mari de nuit et j’ai besoin de délivrance.
*Ifè mo: mon amour (Yoruba)