3.
«Tu as un beau corps et tu dois faire bon usage de ce corps»
Cette phrase là, je ne l'ai jamais oublié. Et je ne pense pas que je l'oublierai de si tôt. Elle est encrée en moi si bien que j'ai fini par en faire ma devise. Deux heures plus tard, j'ai enfin fini avec le client. À en juger par le large sourire qui s'affiche sur son visage, il a plus qu'aimé notre petite partie de jambes en l'air.
C'est normal ! Ils aiment tous !
Je lui ai demandé la voiture comme m'a dit ma mère.
Lui : J'ai adoré ce bon moment qu'on a passé ensemble. Et je suis prêt à t'acheter cette voiture.
Moi : Oh vraiment ?
Lui : Oui ma poupée.
Moi : Merci mon chou.
Je l'embrasse. Je peux voir qu'il est resté sur sa faim. Il sort son chéquier de la poche et me signe un chèque de 10 millions.
Lui : Tiens pour toi! Dit-il en me tendant le chèque.
Je le reprends.
Moi : Oh merci beaucoup. Merci.
Lui : Je t'en prie ma belle.
Il se lève du lit. Je le raccompagne à la porte.
Lui : On se dit à la prochaine ?
Moi : À la prochaine.
Je lui fais un bisou. Il est ensuite parti. J'ai refermé ma porte. L'instant d'après, ma mère fait son entrée.
Ma mère : Il a accepté de te prendre la voiture ?
Je lui tend le chèque sans mot dire. Elle le reprend de ma main. Elle est émerveillée par la somme qu'elle y lit.
Ma mère : (toute contente) Bien joué ma chérie. Je savais que tu allais le faire. Tu as fait un bon travail. Merci beaucoup. Pour te récompenser, je t'annonce que tu peux te reposer ce soir et tout ce weekend. Tu vas reprendre le lundi.
Moi : Merci maman.
Ma mère : Je t'en prie ma chérie. Oh lala dix millions ! Dit-elle en soufflant un bisou en direction du chèque.
Elle s'en va en riant aux éclats. Je suis allée refermer la porte puis j'ai sauté sous la douche sans tarder. Je me suis débarrassée de tout ce qui est parfum de ce vieux et de tout ce qui peut être sa semence restée entre mes jambes.
Lorsque j'ai fini, j'ai regagné la chambre puis j'ai enfilé mon pyjama tout douillet. J'ai fait le lit puis changer de couverture.
J'ai ensuite pris mes comprimés contraceptifs avant de m'engouffrer entre les couvertures. Lorsque ma mère fait venir des hommes à la maison, je ne mets pas de préservatifs parce que ces hommes là paient cher et c'est justement pour le faire sans préservatifs.
Mais lorsque je sors les soirs pour travailler, je dois mettre des préservatifs. C'est la règle que ma mère m'a imposé.
Et je l'ai vite compris. Bon assez parlé. C'est l'heure de me dormir.
J'en ai grandement besoin. Je prends la peine d'éteindre mon téléphone pour ne pas être perturbée par un quelconque appel pendant mon sommeil.
J'allume une douce musique puis règle la lumière sur l'option bleu-nuit. Je règle la clim sur la température qui me convient le mieux puis ferme les yeux. Je ne tarde pas à trouver le sommeil.
(...)
Tout comme hier et avant-hier, j'ai passé tout le weekend à dormir. Ça fait du bien de ne pas coucher avec des hommes pendant un temps. Je me sens différente et bien dans ma peau.
Hélas ! C'est bientôt la fin de mon bonheur car demain on est lundi, et je reprendrai mon travail. Ce soir, ma mère a accepté qu'on commande de la pizza à la demande de ma petite sœur.
Et bien sûr, la bonne demoiselle a choisi de venir manger ses parts dans ma chambre. Elle en mets partout sur mon lit.
Moi : Eh jeune fille, si tu salis ma couverture, tu vas la laver inh.
Timi : Il suffit juste de la mettre dans la machine à laver et le tout est joué. Rigole-t-elle.
Moi : Inh? C'est ça inh? Vous les enfants de la technologie là vraiment. Moi à ton âge, je lavais mes vêtements à la main et je lavais les tiens aussi parce que tu étais trop petite pour les laver toi même.
Timi : Grande sœur tu parles comme si tu venais de la préhistoire, toi aussi tu es un enfant de la technologie.
Moi : Quoi jeune fille ? Répète un peu pour voir.
Je commence à la chatouiller. Elle rit aux éclats.
Timi : (morte de rire) Arrête ! Arrête !
Je cesse de la chatouiller. Elle se redresse.
Timi : Mais maintenant je suis grande.
Moi : Grande avec quoi? Riai-je. Tu as 18ans madame.
Timi : Ce qui veut dire que je suis déjà majeure.
Moi : Dans tes rêves.
On éclate de rire. J'avoue que le fait de voir ma sœur grandir comme cela me fout les chocottes. J'ai peur que ma mère ne lui fasse la même chose qu'à moi. Et rien que d'y penser, ça me terrorise. Ma sœur ne sera jamais comme moi et je suis prête à en découdre avec ma mère si jamais elle essayait de lui faire quelque chose.
Après avoir mangé les pizzas, mademoiselle s'est emparée de mon téléphone où elle a fabriqué du n'importe quoi. Elle remplit toujours ma mémoire avec les photos de son gros front kilométrique là. Rire!
Plus tard dans la soirée, elle a finit par s'endormir. Je l'ai porté puis je suis allée la faire coucher dans sa chambre avant de revenir dans la mienne. J'ai rangé le bazar qu'il y avait sur le lit puis me suis couchée. Il faut que je me repose parce que demain, la vie reprendra son cours.
(...)
On est lundi soir et je me trouve dans ma chambre entrain de me préparer pour aller travailler. J'ai porté une mini-robe très près du corps. Je suis grave sexy avec ça. Je glisse ma perruque sur ma tête. Ah oui! Que croyez-vous? J'ai la boule à zéro moi. Je me rase et me teinte les cheveux. C'est mon style et je suis à tomber avec ça.
Je commence à faire mon maquillage. Je ne perds pas le temps sur ça. À vrai dire, je n'en ai même pas besoin puisque je suis déjà très belle naturellement. Disons que c'est une routine. Je porte mes chaussures après avoir fini et prend mon sac.
Je me dirige ensuite vers la sortie. C'est parti pour une longue nuit. À chaque pas que je pose dans la rue, je peux sentir les regards de chaque passant sur moi. Même les femmes ne sont pas en reste.
D'ailleurs, j'ai déjà eu plusieurs propositions des femmes qui voulaient qu'on couche ensemble mais j'ai toujours refusé. Des femmes de haute classe vous n'avez pas idée. Des ministres et députés de ce pays.
Mais j'ai refusé. Je me suis fait la promesse de ne pas m'aventurer sur ce terrain. Une voiture vient se garer près de moi.
Je m'arrête. Le conducteur fait descendre les vitres.
Lui : Salut poupée ! Où tu vas comme ça ? Que dirais-tu si tu viens avec moi?
Moi : La nuit c'est à partir de 200.000f c'est bon?
Lui : Une nuit ?
Moi : Oui.
Lui : Une nuit à 200.000f. Ta chatte c'est l'or ou quoi? N'importe quoi.
Il m'a injurié et a démarré pour partir. Bon débarras ! Je n'avais même pas envie d'aller quelque part avec lui. Sa tête ne me plaisait pas. Va savoir, la voiture n'est même pas pour lui. Tchrrr !
Je me suis rendue dans une des boîtes de nuit les plus animées de Bamako. À peine, j'ai fait mon entrée que trois gars ont jeté leur dévolu sur moi. J'ai décidé d'accepter la proposition du plus offrant.
500.000f pour une nuit !
On s'est rendu dans un hôtel puis je l'ai satisfait. Il m'a payé puis est parti. J'ai décidé de passer le reste de la soirée dans l'hôtel. Je repartirai à l'aube. De toute façon, j'ai déjà gagné le minimum et ce, en couchant juste avec un seul.
(...)
Je regarde l'heure sur mon téléphone. Il est 5h55. Une heure qu'on a pas l'habitude de voir souvent. Apparemment, quand on voit ces genres d'heures, c'est que quelque chose de bien est sur le point d'arriver. Par exemple, on peut trouver l'argent ou trouver le grand amour.
Bref c'est ce qui se dit. Mais moi je ne crois pas trop à ses choses. Je suis sur le chemin du retour. Je marche avec une amie à moi. Elle s'appelle Stella. Elle est aussi prostituée comme moi. C'est la seule amie que j'ai dans ce milieu. Je lui parle de tout. C'est la seule qui soit au courant de tout ce qui se passe et de tout ce que ma mère me fait endurer.
Elle n'est pas d'ici. C'est une togolaise. On discute de tout et de rien pour faire passer le temps.
Moi : C'était comment cette nuit ?
Stella : Pas mal. J'ai eu deux clients. Ce n'est pas mal. Et toi?
Moi : J'en ai eu qu'un.
Stella : Il t'a bien payé ?
Moi : Oui.
Stella : C'est tout ce qui compte. C'est l'argent on cherche. Si moi j'avais l'argent, je n'allais pas être une prostituée. Je serai peut-être en Amérique ou en Europe entrain de vivre ma belle vie.
Moi : Pourquoi vous pensez toujours que c'est dans les pays occidentaux qu'on vit la belle vie ? La belle vie est partout.
Stella : Où ? Dit-elle en regardant autour d'elle. Elle est où cette belle vie inh? Tu peux me dire ? Tchrrr.
Moi : Ne sois pas si négatives s'il te plaît.
Stella : De toute façon, je vais bientôt arrêter ce travail et commencer une activité avec l'argent que j'ai pû économiser.
Moi : Tu veux abandonner la prostitution ?
Stella : Bah évidemment. Je ne vais quand même pas me prostituer toute ma vie non?
Moi : Si seulement, j'avais aussi le choix comme toi. Dis-je triste.
Stella : Tu attends quoi pour dénoncer ta mère même ? Cette femme est le diable. Excuse-moi mais elle est une sorcière Zahara.
Moi : C'est ma mère et je dois faire ce qu'elle me dit. De plus, je mérite cela. J'ai tué mon père.
Stella : C'était un accident Zahara. Un satané accident.
Moi : Peu importe.
Elle soupire et ne dit plus rien. On continue la marche en silence.
Stella : Allons par là. Dit-elle en empruntant une autre voie. Ça sera plus rapide. C'est un raccourci.
Moi : D'accord.
On emprunte donc la voie qu'elle a indiqué. Tout à coup, on entend un bruit sourd. Ça ressemble à un coup de feu. On entend le bruit une seconde fois. Mon cœur commence à battre la chamade.
Stella : Cachons-nous vite! Dit-elle en tirant ma main.
On est parti nous cacher dans les fleurs d'une résidence à côté. On était couché et on tâchait de ne faire aucun bruit.
Les coups de feu ont fini par cesser puis l'instant d'après, une voiture est passée devant nous à la vitesse de la lumière.
On a attendu un moment histoire de nous assurer que tout est revenu à la normale avant de sortir de notre cachette. Tous nos vêtements sont sales. On essaie de nous arranger du mieux qu'on peut.
Moi : C'était quoi ça mon Dieu? Tu crois qu'ils ont tué des gens ?
Stella : Allons y. Vite! Quittons ces lieux.
On a commencé à courir pour nous en aller quand on tombe sur un homme dans la rue. Il était couché dans une marre de sang non loin d'une voiture. La voiture avait toutes ses portières ouvertes. L'homme a vraiment l'air mal en point. Je me demande s'il est toujours vivant.
Moi : Ils l'ont tué ? Demandai-je à Stella.
Stella : Qu'est ce que ça peut nous faire ? Allons nous-en d'ici sinon c'est nous on va tuer.
Moi : On ne peut quand même pas laisser cet homme là. Il a besoin d'aide.
Stella : Qu'est ce que tu veux faire madame la docteur ? Zahara ne te complique pas la vie. Cette affaire ne nous regarde pas. Allons-nous-en.
Elle me tire la main mais je refuse de bouger. Je marche vers l'homme couché au sol. Il me semble qu'il respire toujours.
Je suis allée m'accroupir près de lui. Je vérifie son pouls. Oui, il respire.
Moi : Il respire toujours.
Stella : Super ! On peut partir maintenant ?
Moi : On doit l'aider sinon il va mourir. Dis-je en appuyant l'endroit où il a reçu la balle pour essayer d'arrêter l'hémorragie.
Stella : Zahara qu'est ce que tu fais bon sang ? Et si la police vient et te trouve là, ils vont penser que c'est toi qui l'a tué.
Moi : Mais non. Qu'est ce que tu racontes ? Ils vont faire leur enquête afin de trouver les vrais coupables. Aide-moi au lieu de rester là à me regarder.
Stella : Qui? Moi? Désolée mais j'aime ma vie. Au revoir.
Elle a commencé à marcher pour partir. Je l'interpelle mais elle ne s'arrête pas.
Quoique je crois que j'ai trop vite parlé. Elle finit par s'arrêter et revient vers moi. Je souris.
Moi : Je savais que tu n'allais pas me laisser tomber. Merci.
Stella : Tu es tellement têtue. Je te jure. Bon on fait quoi du blessé ?
Moi : On l'amène à l'hôpital.
Stella : Comment ?
Moi : En taxi.
Stella : Tu vois un taxi ici toi?
Moi : Dans cette voiture. On dirait que c'est pour lui. Allez aide-moi à le soulever.
Elle me donne un coup de main et on le redresse. Difficilement, on l'a transporté pour le déposer dans la voiture. Il pèse tellement je vous jure.
Je respire essoufflée.
Stella : Bon maintenant qui va conduire ?
Moi : Moi.
Stella : Tu sais conduire toi?
Moi : Oui.
Stella : Depuis quand ça ? Et moi, je ne savais pas.
Moi : Monte on y va.
Je fais mon entrée dans la voiture puis je mets ma ceinture de sécurité. Stella fait de même et je démarre. Direction l'hôpital.
Une fois à l'hôpital, on nous a demandé de remplir les formulaires de base. On nous a demandé si nous étions les proches de la victime et on a dit non. Que nous sommes juste des personnes qui ont décidé de porter secours à un homme qui était entrain de mourir.
Dieu merci, les médecins ont été compréhensifs et ont accepté de lui donner les soins. Il a été conduit au bloc opératoire.
Stella : C'est bon. On a fini. Il ira bien. On peut partir maintenant ?
Je commence à rire. Elle est incroyable.
Moi : D'accord allons-y.
Stella : Enfin! Dieu merci.
On a donc quitté l'hôpital. On a emprunté un taxi pour rentrer et cette fois pas de raccourci. On a bien retenu la leçon.
Comme d'habitude lorsque je suis rentrée, j'ai trouvé ma mère qui faisait les comptes. Je lui ai remis ce que j'avais gagné. Elle était très contente. J'ai regagné ma chambre par la suite puis j'ai pris ma douche.
Quelle nuit franchement !
Je me demande comment se porte l'homme qu'on a ramené à l'hôpital. J'espère que les médecins réussiront à lui sauver la vie.