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CHAPITRE VII

CROSSED DESTINIES

CHAPITRE VII

ANTONIA MARIA: La réputation de papa allait grandissant. Il continuait de tisser sa toile, de creuser son sillon. Le respect de la parole donnée, la grande attention portée à ceux qui sollicitaient ses services, la volonté constante de leur donner satisfaction, son engagement sans faille à cet égard, en somme, le sérieux dont-il faisait preuve dans l'exercice de son métier et son très bon rapport à autrui, c'est-à-dire ses grandes qualités humaines, lui avaient permis de se bâtir une communauté d'incondotionnels, de fidèles irréductibles. Il avait réussi à fédérer autour de sa personne une clientèle nombreuse, qui s'était érigée en véritable agence de publicité et de communication pour son compte. Chaque fois que l'occasion se présentait, elle s'employait à promouvoir son image de marque, son talent et ses qualités exceptionnels. Toutes choses qui contribuaient au recrutement, mieux, à l'enrôlement de nouveaux clients à son bénéfice. Les choses se faisaient désormais d'elles-mêmes, elles coulaient de source. Ses états de service travaillaient pour lui. Son portefeuille clientèle continuait ainsi de prendre du volume, de l'envergure et son chiffre d'affaires avec. Il jouissait d'un prestige quasiment indéboulonnable. Parent-modèle, il était resté fidèle à sa volonté affichée, sa détermination inextinguible d'offrir le meilleur à sa progéniture. Aussi, tenait-il à ce que nous ayons la même trajectoire que lui. Il fallait donc nous-y préparer dès le jeune âge, l'enfant d'aujourd'hui étant l'adulte de demain. Pour avoir longtemps cheminé avec des religieux venant des quatre coins du monde et côtoyé leurs cultures, il avait beaucoup appris d'eux. Particulièrement fasciné par leur approche éducative, il en avait retenue les éléments les plus saillants. Dans une savante combinaison avec les nôtres, il avait réussi à bâtir un modèle éducatif pertinent pour sa progéniture. Il avait par exemple appris que c'est jusqu'à l'âge de six ans qu'il fallait façonner un enfant, construire sa personnalité. A cet égard, il fallait particulièrement faire preuve de rigueur dans son éducation, mettre les bouchées doubles pour que tout se passe en toute conformité sur ce plan. Ce qui tranchait d'emblée avec la démarche, le process de ses frères et sœurs du village qui était quelque peu à l'emporte pièce, à qui mieux mieux. C'est cette orientation que papa avait prise pour nous. En effet, pour faire de nous des hommes et femmes sérieux et responsables, il nous tenait régulièrement ce discours :

Clément Richard : Ne vous engagez dans une cause que, si vous êtes convaincus d'y mettre toute votre volonté, si vous êtes sûrs d'y consacrer toute votre énergie, d'y donner entièrement du vôtre c'est-à-dire de la servir sans réserve aucune, afin que les résultats obtenus soient éloquents, mieux, parlants, à la hauteur des attentes, connus et reconnus. C'est la condition sine qua non pour vous bâtir une réputation digne de ce nom. En tout état de cause, c'est le sésame, la clé qui donne droit au succès, le préalable pour accéder à un grand avenir, elle vaut son pesant d'or. La construire devrait donc être votre cheval de bataille, votre quête permanente, votre préoccupation constante, votre conquête et perpétuelle reconquête, car, la haute opinion d'autrui à votre endroit, la bonne disposition des autres à votre égard, du fait de l'exemplarité dont vous faites montre, est généralement source d'opportunités nombreuses à votre bénéfice, pour votre épanouissement à tous égards. Dès lors, quand vous vous engagerez dans une entreprise, il faudrait qu'après coup, c'est-à-dire au moment du bilan, vous ayez le sentiment du devoir bien accompli, c'est votre juge suprême, c'est cette sensation ultime qui procure une béatitude indicible pour vous-même à titre personnel et pour ceux qui se sont appuyés sur vous pour la satisfaction de leurs besoins d'autre part. Cela passe par une bonne dose d'abnégation et un profond dévouement. Vous convenez avec moi que j'en suis la parfaite illustration, l'exemple patent du don soi. Vous avez donc avec vous, un phare pour éclairer vos sombres nuits, un aiguillon pour vous montrer le chemin, un modèle dont vous devez vous inspirer.

Antonia Maria: C'est ce à quoi nous nous attelons papa. Il va sans dire que tous autant que nous sommes, nous employons à être à ton image, à tendre vers ton idéal, à faire aussi bien que toi. Bref, à être la fierté de nos parents. Nous nous évertuons à nous approprier les valeurs que tu incarnes et que tu t'es toujours employé à nous inculquer.

Clément Richard : Cette bonne disposition est déjà un très bon point. Vous êtes sur la voie, mais le travail doit se poursuivre. D'autre part, vous devez savoir que pour y parvenir, il faut prendre clairement position, le juste milieu est à proscrire, c'est un raccourci, le chemin le plus court pour verser dans le bricolage, le non accompli, c'est la marque des médiocres voire des tricheurs. En conséquence, je suis fondé de soutenir que cette approche est absolument vide de sens, raison pour laquelle, je n'apprécie que très modérément les gens qui prétendent être mi-figue, mi-raisin. Quand on choisit de faire, il faut mobiliser toutes les ressources nécessaires à cet égard, se donner à cent pour cent, s'investir à fond.

Antonia Maria: Le surcroît d'activité de papa, dans le domaine de la mode en l'occurrence, ne lui donnait plus de pouvoir gérer convenablement la petite boutique qu'il avait ouverte au village et où étaient proposés des produits de première nécessité aux riverains. Une véritable bouffée d'oxygène pour les villageois, qui, depuis son ouverture, n'étaient plus obligés de se rendre en ville, parfois pour se procurer un simple morceau de savon, ou alors pour s'acheter un petit bidon de pétrole pour leur lampe tempête. Toute chose qui occasionnait des dépenses supplémentaires en frais de transport, alors que leurs revenus étaient déjà très limités, et une dispersion du temps qu'ils auraient pu consacrer à leurs exploitations agricoles. C'était donc une initiative de salut public, très appréciée par ailleurs par les villageois. J'avais dû reprendre la main, pour que papa ne soit pas écartelé. Il n'aurait pas pu concilier tout ce qu'il avait à faire. Il aurait nécessairement abandonné quelque chose. Heureusement, gérer ledit commerce n'était pas de la mer à boire, ce n'était pas quelque chose de prenant, car on ne l'ouvrait qu'à partir de la deuxième moitié de l'après-midi à notre retour de la plantation. En effet, la matinée était consacrée aux travaux champêtres au village, tout le monde rejoignait son exploitation agricole en forêt, il n'y avait donc quasiment personne chez soi, donc la possibilité d'avoir un client à ce moment de la journée était quasi nulle. Et même, il n'aurait pas été possible, même s'il y avait eu des clients à ce moment-là, que je restasse à la maison pour les servir. Le fondamental, c'était l'agriculture, l'investissement sûr. Comme les parents aimaient à le relever : la terre ne trompe pas, l'avenir c'est dans la terre. Ainsi donc, notre quotidien tournait autour de ces activités, qu'on prenait plaisir à effectuer.

Malgré le coup de main à lui donné pour lui alléger la tâche dans le cadre de ses activités, papa continuait d'être submergé de sollicitations et avait entrepris une valse de déplacements pour répondre aux sollicitations des clients à mille lieues du village. Ces derniers s'étaient attachés ses services sur recommandation d'autres, à qui il avait donné satisfaction. A cet égard, il eut à sillonner le pays de part en part, se rendant partout où le service l'appelait. De fait, il ne pouvait plus lui être possible de s'occuper selon les règles de l'art de ses exploitations agricoles, en dépit de l'intérêt qu'il y portait. Mes frères aînés avaient donc dû reprendre l'affaire à leur compte, en y mettant un peu plus de tonus, pour que, la dynamique si heureusement enclenchée ne soit pas rompue.

Le voyage de ce mois-là l'avait éloigné de sa famille pendant une bagatelle d'un peu plus de six semaines. Par un Jeudi du mois de Juillet, au cours d'une après-midi ensoleillée, nous étions déjà de retour à la maison après une matinée bien remplie au champ, contre toute attente, un car de transport investit notre cour. Un passager y descendit. A notre grande surprise, c'était papa, il était de retour à la maison, auprès des siens, après un long périple, après ''un petit tour du monde''. Le téléphone était un bien de luxe à cette époque-là. Dans les grandes métropoles, seules les personnes qui avaient une certaine position sociale et qui jouissait d'une certaine aisance matérielle, pouvaient se prévaloir d'un ''tel investissement''. Au village, il demeurait une vue de l'esprit. Il n'était donc pas possible que papa nous prevînt de son arrivée. Aucun bureau de poste n'était disponible ici, le courrier s'acheminait par personne interposée, les transporteurs généralement, encore fallait-il que l'opportunité se présentât, que l'un d'eux acceptât de vous rendre ce service. On était donc restés sans nouvelles depuis son départ. Papa avait disparu des radars. On savait qu'il allait bien parce qu'on avait reçu aucune nouvelle fâcheuse : pas de nouvelle, bonne nouvelle. C'était pénible, véritablement très éprouvant.

Clément Richard: Que faites-vous plantés là comme des choux, ne voyez-vous pas que je suis de retour à la maison? J'ai des bagages, de nombreux bagages. Venez me porter les bagages.

Antonia Maria: L'humour de papa n'avait pas bougé d'une semelle. Il avait gardé indemne son côté boute en train. Sans autre forme de procès, c'était la grande ruée vers lui. Entre câlins et échanges à chaud, on n'y perdait son latin, on ne savait plus où donner de la tête. C'était la grande cohue. Le brouhaha qu'on faisait avait eu à faire sortir maman de sa cuisine pour s'enquérir de la situation. Fidèle à sa réserve légendaire, elle ne s'était pas prêtée au jeu, elle avait attendu que le vacarme s'estompe pour exprimer à papa sa joie de le voir de retour à la maison après tout ce temps. Elle avait attendu que les choses aillent à elle.

Clément Richard: Votre mère est-elle encore au champ? Il ne me souvient pas l'avoir vue à ma descente de voiture.

Antonia Maria: Pendant que mes frères s'occupaient à transporter les nombreux colis que papa avait ramenés, je lui faisais la causette.

Maman est là, nous sommes rentrées ensemble. Je l'ai même vue sortir de la cuisine à ton arrivée. Je pense qu'elle l'y est rentrée pour surveiller sa marmite au feu. Elle ne devrait pas tarder.

Clément Richard : Je vais moi-même à sa rencontre.

Antonia Maria : Une fois à la cuisine, papa s'adressa ainsi à maman:

Clément Richard : Bonne après-midi chérie, tu ne m'as pas entendu arriver?

Véronica : Si, je sais que tu es là, je t'ai vu descendre de voiture. Je ne pouvais pas venir à ta rencontre tout de suite, il me fallait prendre avant toute chose, certaines dispositions ici à la cuisine, pour nous prémunir d'un éventuel feu d'artifice. En sortant tout de suite pour te souhaiter la bienvenue, je me serais laissée aller au récit de tes aventures, l'abandon à ton étreinte aurait pu me faire oublier que j'avais une marmite au feu.

Clément Richard: Je comprends… Mais comment restes-tu là à me regarder? Tu ne viens pas me faire un câlin ? Allez, dans mes bras!

Antonia Maria: Maman alla se blottir contre papa, qui la serra fort dans ses bras. La regardant droit dans les yeux, il lui demanda:

Clément Richard : J'espère que vous n'avez eu aucun souci ici pendant mon séjour en dehors de la maison. Raconte- moi tout en tout cas. Je suis toute ouïe.

Véronica: Je vais tout te raconter dans les moindres détails. Je te gratifierai d'un compte rendu complet, prends ton mal en patience. Si je m'y mets tout de suite, il ne me sera plus possible de faire autre chose. Permets que je termine la cuisine, comme ça on pourra échanger en toute quiétude, à tête reposée comme qui dirait. Que je sache, tu ne repars pas aujourd'hui?

Clément Richard : Absolument pas. D'ailleurs, tu as entièrement raison. Pendant que tu t'actives au fourneau, je vais me baigner et mettre une tenue plus décontractée. A toute.

Véronica : Ça marche.

Antonia Maria : Maman avait tôt fait de se libérer. Elle servit à manger à papa et alla s'installer à la salle de séjour pour l'attendre. Elle donna consigne à ma sœur aînée Séraphine de s'occuper du reste de la maisonnée. Quelques minutes plus tard, papa était là.

Véronica : La table est dressée. Je présume que tu meurs de faim. Alors très bon appétit.

Clément Richard : Le voyage a été long et très épuisant en raison du mauvais état de la route. Il était temps que je me nourrisse. Merci de toujours penser à tout.

Véronica : Je t'en prie, c'est ma responsabilité, ma charge la plus élémentaire. Je sais que ce n'est pas dans tes habitudes d'échanger à table. Alors, je te laisse d'abord savourer ton repas, on discutera lorsque tu auras fini.

Clément Richard : Il n'y a pas de règles sans exception, mieux, les règles sont faites pour être transgressées de temps à autre. On ne devrait pas seulement en faire une norme, car on ne saurait écarter la norme et normaliser l'écart. On va déroger à la pratique communément admise aujourd'hui. Qu'on apporte un couvert supplémentaire pour qu'on puisse dîner ensemble et échanger en même temps. Assieds-toi s'il te plaît. On aurait même pu le faire en famille.

Véronica : Les enfants sont sur divers fronts en ce moment, c'aurait été un peu compliqué de bousculer la petite organisation qui s'est mise en place. C'est partie remise.

Antonia Maria : Je portai aux parents le couvert demandé et les laissai en toute convivialité. Ils savouraient la joie des retrouvailles.

Clément Richard : Hormis les repas qui n'étaient pas toujours à mon goût, mon séjour a été des plus fructueux. J'ai vu du pays. J'ai fait de nouvelles rencontres. Je me suis fait de nouvelles amitiés, surtout j'ai rendu service tout en me faisant de l'argent. Je suis rentré avec une besace bien garnie. Nous allons défaire les paquets dès que possible. Ce voyage m'a donné de découvrir quasiment toute la Sanaga Maritime. Ma base c'était Edéa, mais j'ai eu droit à un week-end de tourisme, qui m'a donné de sillonner le département de bout en bout. J'ai véritablement bénéficié d'un traitement spécial. Naturellement, j'ai su le leur rendre. Tout le monde était satisfait à mon départ. C'est ce qui est gratifiant dans mon métier, c'est mon ferment, c'est ce qui m'encourage à faire un peu plus, à me surpasser pour toujours donner le meilleur. Ma première récompense comme tu le sais, c'est le bonheur que je diffuse, la joie que je distille dans le cadre de mon activité professionnelle.

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