CHAPITRE IV
CROSSED DESTINIES
CHAPITRE IV
ANTONIA MARIA: Il était désormais établi, qu'en sus de leurs activités ordinaires, mes frères de façon intermittente ou sporadique, mieux, selon une organisation que maman allait mettre sur pied, devaient souscrire à la pratique ménagère, c'est-à-dire se fondre, mieux, s'adonner à cette activité, à la faveur de l'intervalle de temps y consacré. Cette approche, comme souligné supra, était essentiellement didactique. Il s'agissait de contribuer à leur formation complète en intégrant cette dimension dans le champ de leurs compétences. Ainsi donc, papa avait lâché du lest sur le sujet, il avait fait preuve de flexibilité sur la question, le consensus avait été dégagé. Au demeurant, mes frères avaient accepté le pari avec enthousiasme, ils s'y livraient de bonne grâce. C'était une aventure nouvelle, un investissement à la fois atypique de leur propre aveu, rébarbative à l'occasion, mais certainement très exaltante.
Ce modus operandi s'était donc érigé en règle et en norme de gestion de la maisonnée, c'était la boussole, le canevas à suivre.
Par un Samedi du mois de Juin, nous étions alors en saison pluvieuse. Exceptionnellement ce jour-là, il n'avait pas plu, on avait quelque peu rompu avec la météo maussade ambiante, le temps était plutôt clément. Il nous été donc loisible, mieux, on avait toute licence de vaquer à nos activités sans accroc. Pour le fond, la pluie, bien qu'éminemment importante pour nous, source de bénédictions en milieu rural en somme, en raison du bien qu'elle faisait à nos cultures, était aussi une entrave, un caillou dans la chaussure, mieux, un goulot d'étranglement pour la bonne tenue de nos autres activités, telles que celles sportives et culturelles, les activités d'évasion au demeurant. Ainsi donc, cette journée atypique, démarra comme à l'accoutumée avec l'oraison matinale. C'était l'articulation première de tous les jours et cela était consacré. Elle se faisait comme qui dirait en enlevée de rideaux. Nous sacrifiâmes tous à ce rituel, à cet exercice. Naturellement, papa était à la manœuvre.
Clément Richard: Je vous invite à revisiter ce jour, les béatitudes avec l'évangéliste Matthieu, dans son chapitre sixième. Notre contrat, la consigne que nous nous sommes donnés hier en toute fin prière, c'était que chacun de nous en prenne connaissance, en prélude aux retrouvailles de ce matin et donc au partage y relatif. Je vous sais très appliqués et véritablement investis dans la question chrétienne, alors pour gagner en temps, je suggère qu'on fasse ''un micro-balladeur'' pour que chacun dise à brûle-pourpoint les enseignements qu'il en a tirés.
Antonia Maria: Les fidèles se prêtèrent volontiers à l'exercice.
Clément Richard : Je décerne la mention spéciale à l'assistance. C'est un bonheur de constater que l'immense majorité a respecté l'engagement pris ici même hier. Je me félicite de la qualité de la restitution. Cela dit, pour une harmonisation des leçons émanant de l'extrait soumis à notre examen, je suggère qu'un brave jeune du groupe d'animation liturgique nous le refasse découvrir en le lisant in extenso.
ANTONIA MARIA: Un jeune se porta spontanément volontaire pour répondre à la sollicitation de papa.
Clément Richard: C'est là les différents comportements, attitudes et postures que le Seigneur attend de nous. Il nous administre aussi là la preuve que nos inquiétudes sont généralement sans fondements : ''nous nous inquiétons pour beaucoup de choses'' comme disait le Christ. Ce qui est en totale contradiction, fondamentalement à l'opposé, c'est-à-dire antinomique à notre statut de chrétien. Notre Dieu est omniscient et Omnipotent, c'est le détenteur de toutes choses, il sait ce qu'il faut à chacun de ses enfants que nous sommes et ce qui suffirait à notre épanouissement. Point besoin de se faire du mourron inutilement. Ce qu'il nous recommmande, c'est seulement de lui faire confiance et de nous acquitter de nos obligations vis-à-vis de lui. C'est alors que nous serons en phase avec ses préceptes et le disposera à répondre favorablement à nos attentes. Mieux, il sera prompt à voler à notre secours, à nous venir en aide. L'amour de Dieu bien entendu, passe par celui du prochain. Chaque fois que nous aurons une attitude favorable à l'endroit de notre semblable, nous répondrons à l'appel de Dieu, à son attente. Il saura en être reconnaissant, il nous le rendra au centuple. On ne saurait prétendre aimer Dieu, si nous n'éprouvons que mépris, dédain et condescendance à l'endroit de nos semblables, de notre prochain. La matérialisation, mieux, l'expression de notre amour pour Dieu, c'est de prendre soin de nos semblables, dont nous sommes responsables. La vertu cardinale, je dirais même, théogale, d'amour réciproque, donc de solidarité, c'est-à-dire d'assistance mutuelle devrait toujours prévaloir entre nous. C'est un impératif absolu dans la vie du chrétien. On a toujours quelque chose à donner, personne n'est indigent au point de ne pouvoir rien offrir. Les plus nantis, c'est-à-dire, ceux dont Dieu a comblés de sa bénédiction, en les pourvoyant d'abondantes richesses, doivent savoir que, c'est à l'effet de soutenir ceux qui sont moins bien lotis. Ils ont des obligations vis-à-vis de leurs frères. Absolument, nous sommes les gardiens de nos frères. Nous répondrons devant Dieu de ce qu'on en aura fait. Personne n'en réchappera. La mesure que nous utilisons pour les autres, c'est de la même mesure qu'on se servira pour nous-mêmes. En somme, il faut être conciliant, savoir faire preuve de pardon et surtout d'innocuité envers les autres. l'Amour doit être le socle de notre foi. Ainsi, notre relation avec Dieu sera raffermie, renforcée. La résultante, mieux, la conséquence étant que, les écluses du ciel s'ouvriront pour nous inonder de bénédictions. La grâce et le bonheur du Seigneur nous accompagneront tous les jours de nos vies, nous serons littéralement plongés dans sa béatitude.
ANTONIA MARIA: Outre cette formation spirituelle à large spectre, c'est-à-dire de portée générale, puisque adressée à toute la communauté (contrée), dont papa était le catéchiste, les autres aspects de la vie n'était pas en reste. Il s'était fait le devoir de nous former tous azimuts. Pour lui en effet:
Clément Richard: Un homme digne de ce nom, c'est-à-dire qui peut se prévaloir de quelque accomplissement, est celui-là, qui passe toute chose au crible de l'examen, de la pensée, qui explore de façon méthodique, cartésienne donc rationnelle toutes les dimensions de son environnement, c'est-à-dire du milieu dans lequel il évolue, mieux, du champ d'accomplissement de ses activités. Lorsqu'il y a quelque chose à faire, quelque chose qui nous interpelle en tant qu'être humain, en tant qu'homme, même si elle ne tombe pas dans notre champ absolu de compétences, on devrait, ce qui est d'ailleurs capital, lorsqu'on s'intéresse à ce qui se passe autour de nous, en avoir à tout le moins, une vue synoptique, une connaissance paronamique, même si, pour ce qui est de la démarche pratique, du déploiement opérationnel et tactique, on doive s'entourer de mains plus expertes, c'est-à-dire, mieux exercées, plus qualifiées.
ANTONIA MARIA: Sûr de son fait, profondément attaché à ses principes, convaincu que ce mode opératoire est le plus pertinent pour soumettre la nature, que c'est une exigence fondamentale pour dominer la création, il n'est aucune chose, aucun domaine de la vie que mon père n'ait exploré. Il me souvient que lorsque nous étions plus jeunes, alors qu'il s'activait encore à nous bâtir une case, fort des professionnels du bâtiment dont-il s'était attaché les services, lui-même, bien que s'étant acquitté rubis sur l'ongle des exigences financières y liées, notamment pour l'accomplissement de l'office, avait pris part de bout en bout à la réalisation des travaux. En effet, autant que faire se pouvait, il se rendait au chantier pour, non seulement toucher du doigt l'état d'avancement de l'édifice, mais également pour s'imprégner des rouages et canons du métier. De fil en aiguille, il en était devenu un employé à part entière, un aide-maçon à la compétence avérée de l'avis des techniciens stylés du domaine, commis à l'office. Papa avait le cœur à l'ouvrage. Il faisait l'effort de nous associer à la part belle de ses activités et entreprises pour que nous en soyions imprégnés. Il insistait pour que tout ce qui était connu de lui, tout ce qui rentrait dans ses cordes ne nous soit pas étranger. C'était sa manière de nous préparer à reprendre la relève par le truchement de la formation continue. Il jetait là les bases de la perpétuation de la tradition. Toutes choses qui avaient contribué au raffermissement de nos rapports, à nous faire vivre une relation filiale de choix, sans nuages.
A l'issue de l'incontournable prière matinale ce jour-là, papa avait juste fait un détour à la maison pour arborer l'une de ses tenues dédiées aux travaux champêtres et poursuivre sa journée. C'est le cas de le préciser, au contraire de l'immense majorité des populations riveraines, qui se rendaient généralement à l'église pour les besoins de prière en tenue négligée, papa se bichonnait toujours. Il nous l'avait d'ailleurs imposé et on s'y était accommodés. Il ne s'agissait pas de se parer de ses plus beaux atours, mais il fallait se mettre de façon convenable. La tenue arborée devait être propre. C'était un grand moment comme il aimait à le dire, la rencontre avec le créateur, le cœur à cœur profond avec lui. Il fallait donc être à son avantage. Pour lui en effet
Clément Richard: Tout séjour à la chapelle ou à l'église pour des besoins d'oraison, c'est-à-dire pour des questions de foi, est comparable à un dîner d'État, avec la particularité que notre interlocuteur est le créateur de toutes choses. Si pour une audience avec un responsable administratif d'un certain rang, nous soignons notre habillement pour y avoir accès et pour qu'il nous aliène de la considération, à plus forte raison lorsqu'il s'agit d'une rencontre inespérée avec la source, l'origine de toutes choses, dont les dirigeants de ce monde, auxquels nous faisons allégeance, ne sont que de simples créatures. Nous devons garder à l'esprit, quel que soit le domaine, qu'une bonne présentation est une lettre de recommandation. On ne nous prendra au sérieux que, si nous-mêmes nous nous prenons au sérieux.
Antonia Maria: Après ce crochet éclair à la maison pour les besoins de la cause, la deuxième articulation de la journée de papa était la visite des pièges. Après quoi, Il devait se rendre à la cacaoyère. Il l'avait héritée de ses parents et s'était employé au fil des années, non seulement à l'agrandir, mais également à la rajeunir avec de nouveaux plants et à la moderniser, aidé en cela par mes frères. Le travail à la cacaoyère était une activité essentiellement masculine dans notre famille. Les dames n'y étaient conviées qu'en période de campagne, c'est-à-dire lors des récoltes, car une main d'oeuvre supplémentaire était nécessaire pour des besoins de célérité donc d'efficacité; l'objectif poursuivi étant de se prémunir des pertes liées au pourrissement de la moisson. Et même, la cueillette du cacao, de même que ses activités connexes, étaient parfaitement à portée d'endurance de toute personne, fût-elle de sexe féminin, douée d'un tantinet de volonté, quand bien même, elle vivrait en milieu urbain, donc pas spécialement au contact, ou alors au point, pour ce qui est des travaux sylvicoles, mieux, du travail de la terre. En tout état de cause, la cueillette était un moment de grande effusion, de communion indicible, dont-on se délecte toujours.
Une demie-heure après son départ, papa revint.
Clément Richard : Mon expédition a été fructueuse comme vous pouvez le constater. Le Seigneur a pourvu. C'est un jour faste.
Dieudonné : Il y a des jours sans et des jours avec. Deux prises en une seule nuit, de gros hérissons de surcroît, nous sommes gâtés. Chapeau bas papa! Nous allons quelque peu rompre avec la monotonie culinaire de ces derniers jours, qui finissait par nous peser. On verra passer autre chose, je m'en lèche d'ores et déjà les babines. Le fait que tu rapportes toujours du gibier lorsque tu vas visiter les pièges papa, nous donne l'impression que le gibier ''s'organise'' à ne se faire prendre que lorsque c'est ton tour. Personne n'a jamais eu la même réussite que toi, ta moisson est toujours abondante. Tu ferais même des envieux. Hier encore, j'y étais, mais je suis rentré la queue entre les jambes, bredouille. Dis-moi papa, quel est ton secret ?
Clément Richard : Un maître reste un maître. Il suffit de savoir où tendre ses pièges. J'ai partagé avec vous moult astuces à ce sujet, mais vous traînez le pas à en user de manière appropriée. Les tubercules de manioc sont hautement appréciés par les hérissons, et puis ta mère a fait son champ dans une zone particulièrement giboyeuse, où on dénote une forte concentration d'hérissons, sérieuse menace pour les cultures dont celles actuelles. Si je n'avais pas protégé le champ, en dressant des pièges tout autour, on serait sérieusement en difficulté, on aurait travaillé en vain. Avec mon dispositif sécuritaire sophistiqué, ils n'ont qu'à bien se tenir. Je peux d'ores et déjà vous rassurer que nous consommerons du gibier en abondance pendant des semaines d'affilée, nos tables ne seront plus celles de disette, nous allons rompre avec la période de vaches maigres. Et puis, nos cultures se porteront bien. En tout cas, la menace des hérissons en est écartée, ou à tout le moins, réduite à la portion congrue.
Dieudonné : Je ne peux que me réjouir de ce que nous fassions d'une pierre deux coups. Les tubercules attirent eux-mêmes la viande de brousse avec laquelle ils seront consommés. On se frotte les mains, nous sommes en état de grâce.
Clément Richard : Il faut tout de même reconnaître que ça été un travail de longue haleine. Toutefois, qui veut la fin veut les moyens. Après l'effort, le réconfort. Quadriller deux hectares de manioc de pièges n'a pas été la chose la plus aisée. Heureusement, qu'on s'y est mis tous ensemble. Ça été un excellent travail de synergie, on s'y est investis à l'unisson pendant toutes les étapes de l'opération. Je me réjouis de ce que vous vous y connaissiez déjà bien en la matière, en tout cas pour la plupart.
Dieudonné : Nous nous évertuons, peut-être pas avec la dextérité souhaitée, à mettre en oeuvre toutes les techniques que tu nous as apprises, pour obtenir des résultats probants. Manifestement, il nous manque encore quelque chose. Il y a un effort d'affinement à faire pour espérer t'atteindre à l'épaule.
Clément Richard : Rome ne s'est pas fait en un jour, le bon vin se bonifie avec le temps. Laisse le temps au temps. Le principal c'est déjà que tu tendes les pièges avec une dextérité remarquable, tu amélioreras ta technique par toi-même à force de pratique. C'est un processus, un cheminement.