Chapitre 3
Marie a du mal à digérer les remarques que lui a fait son frère quelques minutes de cela. D’habitude, Eric la soutient – qu’elle ait raison ou tort – et cela n’a pas été le cas cette fois-ci, ce qui la plonge dans l’incompréhension totale. C’est avec déception qu’elle se retire, mais elle est bien décidée à avoir une conversation avec lui pour essayer de comprendre son geste, surtout que cette remarque a eu pour résultat que certains avaient un sourire au coin des lèvres. Voulant s’isoler pour s’aérer quelque peu l’esprit, elle rentre chez elle, s’installe dans un sofa et allume le téléviseur quand, à peine tente-t-elle de se relaxer que Thomas fait irruption dans la maison.
- Qu’est-ce qui t’arrive, chérie ? Pourquoi tu réagis ainsi ? C’est la première fois que je te vois t’emporter de la sorte à cause de quelques remarques.
- Tu as entendu comment Eric m’a parlé ? Il m’a humiliée et devant tout le monde en plus !
- Je ne prends pas sa défense, mais je pense qu’il t’a simplement fait comprendre que tu n’avais pas à t’inquiéter. C’est pour cela que je ne comprends pas pourquoi tu t’es emportée en fait.
- Il aurait pu la fermer s’il n’était pas d’accord ! D’ailleurs, il le fait toujours ! Pourquoi ça a changé aujourd’hui ? C’est parce que Laure était là ? Un silence s’installe avant qu’elle ne poursuive. Rachel adore nous faire des sales coups et ça fait un moment qu’elle n’a puni personne. La connaissant, ça doit la démanger. Je suis persuadée qu’elle nous joue un mauvais tour et que ce soi-disant voyage n’est qu’une ruse de sa part pour voir ce que nous faisons en son absence. Malheureusement, vous vous en foutez de mes craintes…
Thomas s’approche de sa petite amie, s’assoit à côté d’elle et l’enlace au niveau des hanches.
- Je ne m’en fous pas moi…
Il lui donne, ensuite, un tendre bisou sur le front.
- Eric m’a déçue, poursuit la demoiselle alors qu’elle se blottit dans le bras de Thomas. En plus, il devient tout aussi paresseux que Marc ! Je savais que ce con aurait une mauvaise influence sur lui. Ce n’est que quand il se retrouvera dans la merde qu’il accourra vers moi pour me demander de l’aide. D’ailleurs, vous le faites tous ici !
- Même moi ? la reprend le jeune homme.
- Oui, surtout toi ! D’ailleurs, je me demande ce que je fous avec toi, lance-t-elle avec tout le sérieux du monde.
- C’est méchant ce que tu me dis là, rebondit-il, vexé.
- Désolée de te dire ce que je pense sincèrement, mais tout ce qui m’arrive en ce moment commence grave à me faire chier. Tu vas peut-être mal le prendre une fois de plus, mais je doute fort que tu serais en couple avec moi si ce n’était pas pour mon physique. C’est une aubaine de s’afficher avec moi, n’est-ce pas ? Tu te sens fier à ce moment.
- Qu’est-ce que tu me sors comme conneries, aujourd’hui ? Tu es une femme formidable et ce n’est pas qu’à cause de ta beauté ! Qui n’aimerait pas avoir une personne comme toi à ses côtés ?
- Tu penses sincèrement ce que tu me dis là ? lui demande-t-elle alors que les paroles de celui qui partage sa vie lui vont droit au cœur.
- Comment tu peux croire que je suis avec toi uniquement pour ta beauté ? Je ne vais pas te cacher que c’est une fierté de m’afficher avec toi, mais je suis avec toi pour d’autres raisons également. Tu es intelligente, tu as une joie de vivre extraordinaire, tu es toujours très organisée, tu ne te plains jamais… Voilà pourquoi je suis en couple avec toi. C’est agréable d’avoir une personne comme toi dans sa vie.
Marie le regarde avec des yeux remplis d’amour, touchée par ses propos.
- Ça me fait plaisir que tu sois avec moi. Je ne sais pas pourquoi, mais j’étais persuadée que tu resterais avec eux…
- Tu as une très mauvaise impression de moi, ma parole ! Pourquoi est-ce le cas ? Même après quatre ans, tu doutes toujours de moi ?
- Que veux-tu que je pense alors que je te prends constamment à flirter avec d’autres meufs ? Ce n’est pas une fois le temps, mais quasiment tous les jours ! Je t’ai vu faire les yeux doux à Amélie pendant que je parlais ! Ne sois pas étonné que j’arrive difficilement à te faire confiance ! Tu aurais pu me montrer un peu de respect quand nous sommes avec autres ! A moins que tu me dises que c’est faux ?
- C’est vrai… approuve-t-il, honteusement.
- Dans ce cas, ne te plains pas ! Tantôt tu agis comme un vrai goujat, tantôt tu es adorable, comme en ce moment. Pourtant, ça me touche que tu sois ici avec moi ; surtout que j’en ai besoin ! Je ne te comprends plus… J’espère que ça changera un jour.
Marie ressentait le besoin de dire à Thomas tout ce qu’elle avait sur le cœur car cela la pesait beaucoup. Cependant, c’est la première fois qu’elle se sent soutenue par lui. Apaisée et ne voulant pas gâcher l’ambiance, elle se lève et s’assoit sur les jambes de son petit ami avant de l’enlacer tendrement au niveau du cou et de lui donner un tendre bisou sur les lèvres. Subitement, elle redevient inquiète.
- Je suis désolée de plomber l’ambiance une fois de plus mais, si j’ai vu juste, mon frère risque de se retrouver à la rue… Eric est ma seule famille ici. Je m’en fou royalement de ce qui peut arriver aux autres, mais lui…
- Pourquoi tu n’as pas une conversation avec lui ? Peut-être qu’il y a une explication à ses agissements… Tiens, je te propose quelque chose, reprend Thomas après avoir eu une idée pour soulager la jeune femme.
- Quoi donc ? s’intéresse-t-elle aussitôt.
- Je te donne un coup de main pour t’occuper des chevaux de ton frère ; il en a quatre. Nous nous occuperons de deux chacun. En retour, une fois que nous aurons terminé, tu cesses de te tourmenter et nous allons passer le reste de la journée avec les autres…
- Ça me va, acquiesce-t-elle, intéressée par cette proposition.
Marie ne s’est jamais occupée d’un cheval – elle ne fait que jouer avec quand tout le travail est déjà fait – et elle ne sait pas si elle s’y prendra correctement. Se retrouvant dans le box d’un cheval, elle essaie de faire tout ce que ferait normalement un palefrenier ; jetant par la même occasion un coup d’œil sur le box d’à côté pour voir, sur ce que fait Thomas, si elle s’y prend correctement. Une fois sa tâche terminée dans les environs de midi, elle se permet de lâcher les chevaux dans la prairie. En sus d’être satisfaite du travail qu’elle a abattu pour la journée, Marie est également touchée par toute l’attention que lui accorde son petit ami. Après tout ce qu’il a fait pour elle aujourd’hui alors qu’il n’était pas obligé, la Jamaïcaine compte le remercier à sa manière et elle est certaine que cela lui fera plaisir.
Après ses débuts de journée mouvementés, Marie réalise qu’elle mérite un bon repos. Du coup, comme elle a promis à Thomas qu’elle rejoindrait les autres une fois de plus, elle tient sa promesse. De toute façon, elle n’a plus rien à craindre car le travail d’Eric est fait. S’approchant du groupe avec le sourire alors qu’ils marchent main dans la main, le couple voit Ingrid Rouget, qui est considérée comme la chef de la bande, s’éloigner des autres et avancer dans leur direction avant de les arrêter à bonne distance pour que personne ne les entende. Contre toute attente, elle réagit froidement avec Marie, lui lançant même des remarques désobligeantes. Ces remarques font mal à la demoiselle et, sentant que sa gorge se serre et que les larmes lui montent aux yeux, elle se retire en courant, comprenant qu’elle est loin d’être la bienvenue. Thomas n’a même pas le temps de réagir.
- C’est quoi ton problème ? lance-t-il, agacé. Marie se libère pour passer du temps avec vous et c’est ainsi que tu la traites ? J’espère vraiment que Rachel sera de retour plus tôt que prévu pour te remettre à ta place, sale ingrate.
- Change de ton avec moi, pauvre idiot, l’arrête Ingrid. Ce n’est ni toi, ni ta petite copine qui dictera mes agissements. C’est clair ça ?
- Vraiment ? Et toi, tu as le droit de la traiter comme tu l’as fait ?
- Je la traite comme je veux, Thomas. Si elle n’était pas d’accord, elle aurait dû me le dire ! Je lui aurais fait reprendre ses esprits avec une bonne paire de claque. Elle a déjà plombé l’ambiance une fois et je n’ai pas l’intention de la laisser rejoindre les autres pour qu’elle le refasse. Si ça ne te plaît pas, va la retrouver !
- C’est ce que je compte faire, figure-toi.
Thomas est dépité. Il ne pensait pas que les choses tourneraient aussi mal et, comme c’est de sa faute si Marie a vécu cette mésaventure – il a quelque peu insisté pour qu’elle rejoigne le groupe – il va la retrouver. Le hic est qu’il n’a aucune idée où elle est allée car elle n’a pas pris la direction de sa maison. Après avoir longuement cherché où il pensait la trouver, il l’aperçoit pleurant sous un arbre près de la prairie. S’approchant, il l’enlace tendrement avant de lui caresser les cheveux pendant que sa petite amie fond une fois de plus en larmes dans ses bras.
- Je t’avais dit qu’ils ne m’aiment pas ! lance-t-elle alors qu’elle a du mal à parler. Je savais que je n’aurais rien dû leur dire, mais je n’ai pas pu m’empêcher d’ouvrir ma grande gueule !
- Cesse de te tourmenter pour des gens qui n’en valent pas la peine, bébé, lance-t-il sur un ton compatissant.
- J’aurais bien aimé ne pas m’en soucier, mais mon frère se trouve parmi ces cons qui ne pensent qu’à s’amuser ! Je ne veux pas le perdre et, pour se faire, je me retrouve à faire son travail ces derniers temps ! Il y a des choses que je ne supporte plus !
- Je ne savais pas que tu faisais son job tous les jours ! s’étonne Thomas. A partir de maintenant, occupe-toi uniquement de ton travail. J’aurais une conversation avec Eric. Il est hors de question qu’il t’utilise à sa guise comme si tu étais son objet.
- Ne fais pas ça. Tu vas créer encore plus de problèmes.
- Je suis désolé, bébé, mais il faut que tout ça cesse ! reprend-il sur un ton catégorique.
- Attends au moins que l’atmosphère se soit calmée. J’ai déjà assez de soucis comme ça. N’en rajoute pas, s’il te plaît.
- D’accord… Je vais attendre uniquement parce que tu me le demandes, mais je te jure que je lui parlerai dès que tout se sera calmé. Je ne permettrai pas qu’on te maltraite ou qu’on abuse de ta bonté ; même pas Rachel.
Marie réagit aussitôt à cette remarque ; un sourire se dessine sur son visage, amusée.
- Vraiment ? le reprend-elle. Je te vois mal défier Rachel pour moi. Tu es comme son petit chien domestique ; tu lui obéis au doigt et à l’œil. Explique-moi comment ferais-tu ? Je suis même sûre que tu coucherais avec elle si elle te le demandait.
- Je ne ferais jamais une telle chose. D’ailleurs, elle m’horripile. En sus d’avoir un caractère de chien, elle est loin d’être belle. Sauf qu’étant un de ses chauffeurs, je n’ai pas d’autres choix que de lui obéir. Je n’apprécie pas ton commentaire mais, au moins, ça a le mérite de t’avoir redonné le sourire.
- Pardonne-moi, bébé, lance-t-elle en réalisant qu’elle va trop loin dans ses propos. Toute cette histoire me rend de très mauvaise humeur. C’est une chance qu’elle ne t’ait pas choisi pour l’accompagner je ne sais où. Elle en était bien capable pour me faire chier une fois de plus… J’espère vraiment que tu ne me remplaceras jamais pour aucune autre femme ; je ne le supporterai pas, lui avoue Marie avant de poser la tête contre le torse du jeune homme.
- Je crois bien que c’est la première fois que tu me dis quelque chose de ce genre, lance-t-il avec le sourire avant de déposer un bisou sur le front de sa petite amie.
- Si tu passais plus de temps avec moi, tu aurais eu ce genre de propos plus souvent ! le pique-t-elle avec le sourire avant de lui donner un baiser sur les lèvres pour lui faire comprendre qu’elle plaisante.
Passer ce moment avec Thomas a un effet positif sur Marie. Elle retrouve le sourire mais, après avoir passé plusieurs minutes devant la télévision alors qu’il n’y a pas grand-chose qui les intéresse, l’ennui s’installe. De plus, la Jamaïcaine commence déjà à réfléchir à ce qu’elle pourra bien faire d’intéressant pour le reste de la journée car, d’habitude, Thomas ne passe jamais une journée entière en sa compagnie et elle ne voit pas pourquoi cela changerait aujourd’hui, même s’ils passent un agréable moment ensemble.
- A quoi tu penses ? lui demande Thomas, la sortant de ses pensées.
- Je réfléchis à ce que je pourrais bien faire d’intéressant pour le reste de la journée.
- Tu ne vois pas ce que tu pourrais faire ? Même en ma compagnie ? s’étonne-t-il, vexé.
- Ne le prends pas mal, chéri, reprend-elle aussitôt en voyant son désarroi. D’habitude tu ne passes jamais une journée entière avec moi. Et là, je me sens mal de te faire rester avec moi alors que tu peux profiter de la grillade avec les autres.
- Tu as raison sur le fait que je ne passe jamais une journée avec toi, réalise-t-il. Mais, aujourd’hui, il est hors de question que je te laisse seule. De toute façon, je ne peux pas retourner là-bas ; j’ai insulté Ingrid, poursuit-il avant de réfléchir un moment. Que dirais-tu si nous passions la journée en amoureux ? lui propose soudainement le jeune homme quand les yeux de Marie s’illuminent.
- J’adore cette idée ! répond-elle aussitôt avec enthousiasme. Que me proposes-tu ?
- Ça te dirait qu’on se fasse un pique-nique au bord de la rivière ? D’ailleurs, j’ai un cadre très romantique en tête et j’aimerais te le faire découvrir.
- Je suis partante, acquiesce-t-elle d’emblée, enchantée par cette idée. Que se passe-t-il aujourd’hui ? Il m’arrive tellement de choses de merveilleuses que je commence à me demander si je ne rêve pas.
- On se donne rendez-vous derrière l’écurie dans une heure ? Je prépare le déjeuner.
- Ça me va, acquiesce Marie. Tu as déjà tout calculé à ce que je vois. Tu veux que j’apporte quelque chose ?
- Certainement pas ! C’est ton jour de repos… Va te préparer et on se revoit plus tard. Je vais tout mettre en œuvre pour que tu passes une meilleure journée que ces cons. Ils ne veulent pas de toi, tant pis. Ils ne tarderont pas à s’en repentir.
Marie est surprise d’entendre une telle remarque de son petit ami. Vu la manière que cela a été dit, elle comprend qu’il est au courant de quelque chose, mais qu’il n’en dira pas plus. Réalisant qu’elle a peut-être vu juste par rapport au soudain départ de Rachel, elle décide de ne pas poser davantage de questions pour éviter qu’il ne se braque, surtout qu’elle passe une bonne journée grâce à lui.
- Je ne leur adresserai plus la parole et je ne leur apporterai encore moins mon aide… Ils n’en valent pas la peine. Bien sûr, ça ne s’applique pas à mon frère…
- Tu es rancunière ? s’étonne Thomas.
- Pas vraiment, mais ça m’a fait mal d’apprendre que je ne suis qu’un fardeau pour eux. Moi, je ne voulais que leur bien quand je leur ai conseillé de terminer leur travail, mais ils m’ont repoussée. Ça leur aurait pris quoi ? Une demi-journée ? Maintenant, je ne m’occupe que de mes oignons !
- Tu ne devrais pas en vouloir à tout le monde. C’est surtout Ingrid la méchante dans l’histoire. C’est elle qui t’a empêchée de rejoindre les autres.
- Quelqu’un aurait pu intervenir ! Il y en a qui regardait dans notre direction, mais tu as raison, réalise-t-elle après quelques instants de réflexion. Bon, je vais me préparer. On se voit plus tard, lance-t-elle et de lui donner un autre bisou sur les lèvres avant qu’ils n’aillent chacun de son côté.
Marie a toujours un petit goût amer qui lui reste en travers de la gorge après ce qui s’est passé plus tôt, même si Thomas fait de son mieux pour l’aider à se sentir mieux. Du coup, elle décide de se faire la plus belle possible, acceptant même de faire quelque chose d’illégal en portant autre chose que la tenue règlementaire, pour faire plaisir à Thomas. Du reste, après tout ce qu’il a fait pour elle aujourd’hui, il mérite amplement qu’elle le fasse plaisir.