Chapitre 2

*Cinq ans plus tôt*

La vie n’est pas aisée pour Eric et Marie en Jamaïque. Depuis la mort de leurs parents quelques semaines de cela, l’aîné de la famille fait de son mieux pour s’adapter à cette nouvelle vie. De toute façon, ils n’ont pas vraiment d’autres choix que de se débrouiller par eux-mêmes, étant seuls à présent. Si Eric arrive à surmonter cette dure épreuve, c’est un peu plus compliqué pour Marie. D’ailleurs, cela a eu pour conséquence qu’elle a échoué à ses examens de fin d’année et, à chaque fois qu’elle cherche du travail, elle tombe sur des gens qui ne cherchent qu’à profiter d’elle pour lui en donner vu qu’elle n’a pas de diplôme. Alors que chacun est dans son coin, Marcus Kingston, l’oncle des jeunes gens, fait irruption dans la maison sans frapper avant de tomber sur Eric, qui est surpris de le voir à l’intérieur.

- Bonjour mon oncle ! lance-t-il avant de s’approcher pour le saluer. Je ne savais pas que tu étais là.

- Bonjour mon grand. Comment tu vas ?

- On essaie toujours de s’y faire… Ce n’est pas facile de devoir soudainement se retrouver livré à soi-même et ça l’est encore moins pour Marie. Elle s’isole, elle pleure beaucoup… Je ne sais plus quoi faire pour lui remonter le moral.

Le jeune homme a sa sœur dans son champ de vision pendant qu’il parle d’elle.

- C’est triste… Cependant, je viens avec une bonne nouvelle. Ça pourrait vous aider à sortir la tête de l’eau, financièrement parlant.

- Vraiment ? s’intéresse aussitôt Eric. Quelle est cette nouvelle ?

- Tu te rappelles du travail dont je t’avais parlé ?

- Celui que tu as trouvé pour moi dans un ranch ?

- Effectivement. Ils t’attendent pour vendredi.

- Ce vendredi ? s’étonne-t-il. Mais c’est dans deux jours ! Je ne serai jamais prêt !

- Ne t’en fais pas mon grand, le rassure son oncle. Tu n’as rien à prendre. Tu n’emmènes que tes papiers. Tu auras tout le reste là-bas. Ta patronne se chargera également des frais du billet d’avion. En fait, elle a besoin d’un palefrenier car celui dont tu vas prendre la place vient d’être renvoyé. Vu que tu aimes les animaux, je me suis dit que ce serait bien pour toi, surtout que tu connais un peu le métier.

- C’est une très bonne nouvelle… Heu, dis mon oncle, tu ne parles que de moi. Et Marie ?

Un silence s’installe subitement entre eux. Puis, prenant une grande inspiration, Marcus lui répond.

- Malheureusement, il n’y a pas de place pour elle. Il y a beaucoup de femmes là-bas, mais pas suffisamment de travail pour toutes. Ne t’en fait pas pour elle ; je vais prendre grand soin d’elle. Elle viendra vivre avec moi. Elle s’y plaira car elle sera avec ses cousines.

- S’il n’y a pas de place pour Marie, je ne vais nulle part, lance-t-il sur un ton catégorique, au grand choc de Marcus.

- Quoi ? Mais j’ai dû énormément supplier pour qu’on t’accepte, Eric !

- Je comprends mon oncle, mais je n’abandonnerai pas ma sœur. Elle est tout ce qui me reste. Il en est hors de question que je l’abandonne pour un travail…

- Donc, si je te suis bien, tu vas y aller uniquement si ta sœur t’accompagne ?

- C’est ça. Je te l’avais dit quand tu m’en avais parlé la dernière fois pourtant !

- Je comprends parfaitement, lance-t-il avec un visage dépité. Tu sais quoi ? Laisse-moi essayer de résoudre ce problème. Je reviens te voir juste après.

Ne perdant pas une seconde, Marcus s’éloigne en sortant son téléphone portable de sa poche. Puis, après avoir discuté avec une personne, elle retourne auprès de son neveu une fois qu’il a raccroché.

- C’est bon. J’ai réussi à convaincre mon contact de te prendre avec ta sœur. Ta patronne a urgemment besoin d’un palefrenier et, de ce fait, il accepte d’embaucher Marie également. Tout comme pour toi, il ne lui faut que prendre ses papiers

- Super ! lance-t-il, soulagé. Il ne me reste plus qu’à espérer qu’elle accepte de m’accompagner à présent…

- Et si elle refuse ? Ne me dis pas que j’ai fait tout ça pour rien !

- Ne t’en fait pas… Je réussirai à la convaincre. Merci pour tout, oncle Marcus.

Prenant une grande inspiration, Eric va rejoindre sa petite sœur pour lui parler de cette belle opportunité. Tout ce qu’il espère est qu’elle accepte de le suivre, ce qui n’est pas gagné. S’approchant lentement de Marie pendant qu’elle a les yeux braqués sur la télévision, Eric réfléchit à comment il va s’y prendre pour qu’elle accepte de le suivre. Dès qu’il pense avoir trouvé, il prend une grande inspiration et s’assoit sur le sofa d’en face.

- Je peux te parler, ma chérie ?

- Qui a-t-il ? lui demande-t-elle en lui accordant toute son attention.

- Ça te plairait de vivre dans un ranch ?

Marie fronce les sourcils.

- Dans un ranch ? Qu’est-ce que je vais faire dans un ranch ? Et puis, il n’y a pas de ranch ici.

- Bon, je t’explique. J’ai eu un job dans un ranch en Amérique. Je veux accepter, mais il en est hors de question que je te laisse seule ici. Si tu refuses, je vais devoir décliner la proposition, mais ce travail nous aiderait à vivre correctement. Nous n’aurons plus à nous soucier de quoi que ce soit.

- Pourquoi je ne peux pas rester seule ici ? enchaîne-t-elle aussitôt, pas très chaude à l’idée de l’accompagner.

- Tu n’as que quinze ans, ma puce. Tu sais comment réagissent les hommes quand tu es dans les parages ; tu me l’as toi-même souvent raconté. Je préfère ne pas savoir ce qui se passera le jour où ils apprendront que tu es seule dans cette maison…

- Je pourrai vivre chez oncle Marcus ! lance-t-elle après avoir eu une illumination.

- Il en est hors de question.

- Pourquoi pas ? rebondit aussitôt la demoiselle, surprise par la réaction d’Eric. Je pourrai rester avec Murielle et Stacy ! Je serai avec nos cousines ! Je ne vois pas pourquoi il ne s’occuperait pas bien de moi !

- Vu comment il te regarde, je refuse de prendre ce risque.

- Et comment il me regarde ? lui demande Marie, amusée.

- Comme un chien affamé. Tu te rends compte qu’il est entré dans la maison sans frapper ? Il a dû penser que je n’étais pas là. D’ailleurs, il tenait particulièrement à ce que tu restes ici. Je lui ai clairement faire comprendre que si tu ne m’accompagnais pas, je n’irais nulle part. Ça ne lui a pas plu.

- Si j’accepte de t’accompagner, je vais devoir travailler également ? enchaîne la demoiselle après avoir gardé un moment de silence, surprise d’apprendre que Marcus est entré sans frapper, ce qui n’est pas dans ses habitudes.

- Vu le ton que tu as employé, j’ai comme l’impression que ça ne t’emballe pas vraiment.

Un sourire se dessine aussitôt sur le visage de l’adolescente.

- Il semblerait que ça ne t’emballe absolument pas en fin de compte, poursuit Eric, comprenant que son rêve risque de partir en fumée.

- Ah non… Ça ne m’emballe absolument pas. Je n’ai pas envie de travailler maintenant… Comme tu l’as toi-même dit, je n’ai que quinze ans !

La déception se lit sur le visage du jeune homme.

- Dans ce cas, je n’ai pas d’autres choix que de refuser la proposition…

- Mais non ! le reprend-elle aussitôt. Pourquoi tu vas refuser ?

- Parce que, comme je te l’ai déjà dit, je n’irai nulle part sans toi… Je te l’ai déjà expliqué ça. Tu es tout ce qui me reste et je dois te protéger. Les parents n’auraient pas apprécié que je t’abandonne ici.

- Tu ne m’abandonnes pas voyons…

Après avoir pris quelques secondes de réflexion, elle se souvient subitement d’une conversation qu’elle a entendu pas si longtemps de cela quand il en parlait avec son ami.

- Dis, est-ce le ranch que tu discutais avec Albert ?

- Effectivement, mais on ne peut pas tout avoir, malheureusement. Ma petite sœur est ma priorité.

- Mais non ! Tu ne peux pas mettre un rêve de côté à cause de moi, Eric ! le reprend aussitôt Marie.

- Je te l’ai dit. Je ne laisserai pas ma petite sœur toute seule ici. Quoique ça aurait été bien que tu acceptes. Ça te ferait du bien de changer d’environnement. Et puis, il y a tout ce que tu aimes là-bas. Il y a une magnifique rivière, des chevaux… Tu pourrais en profiter après les heures de travail… lance Eric dans une ultime tentative.

- Je suis capable de me débrouiller toute seule, tu sais ? lui répond Marie, donnant l’impression qu’elle n’est toujours pas réceptive.

- Je t’ai expliqué pourquoi je ne te laisserai pas seule. Ne t’en fais pas, petite sœur. Nous resterons ici.

Même s’il est déçu, Eric n’en veut pas à Marie. Après avoir déposé un bisou sur le front de sa petite sœur, il se retire. Pendant ce temps, ce qu’entend la demoiselle la dérange beaucoup. Elle ne veut pas être un frein pour son frère. Du coup, prenant quelques instants pour réfléchir, elle arrive à la conclusion que ce serait mieux pour elle de l’accompagner, surtout qu’il n’y a pas grand-chose qui la retient ici désormais. Changer de pays pourrait lui permettre de faire de nouvelles rencontres et se tenir occupée pendant la journée l’aiderait peut-être à éviter de penser continuellement à ses parents, d’autant plus qu’il y a tout ce qu’elle aime dans ce ranch. Après avoir fait son choix, Marie va retrouver son frère pour lui faire part de sa décision.

- Tu as gagné, grand frère.

- Ne te force pas pour moi voyons. C’est ton droit de vouloir rester en Jamaïque.

- Tu as toujours voulu y aller et je ne veux pas être celle qui brise tes rêves. Tu sais que le changement m’a toujours fait peur. C’est un peu pour ça que je suis réticente. Peut-être que je vais m’y plaire après tout ! Par contre, tu es vraiment certain que je pourrai passer du temps avec les animaux ?

- J’en suis certain. J’ai eu un poste de palefrenier là-bas.

- Dans ce cas, ça me va… lui dit-elle avec le sourire.

- Tu vas m’accompagner ? s’étonne-t-il.

- Oui… Tu sais que je ne peux pas résister quand il y a des chevaux et une rivière dans le même endroit. C’est tout ce que j’aime. Que faut-il apporter ?

- Il n’y a absolument rien à apporter. Prends uniquement tes papiers. Nous aurons tout le reste là-bas.

Marie a peur, mais elle ne le montre pas. Elle ne sait pas dans quoi elle s’embarque, mais elle ne veut pas priver Eric de son rêve et elle ne veut pas rester trop loin de lui non plus, surtout qu’il est tout ce qui lui reste. Alors que son frère l’enlace en guise de remerciement, l’adolescente espère qu’elle ne regrettera pas son choix et qu’elle y fera également de belles rencontres, surtout que cela lui conviendrait parfaitement de passer du temps avec des animaux.