Chapitre 4
*Cinq ans plus tôt*
Marie est agréablement surprise de découvrir l’endroit où elle va vivre désormais. Cela fait deux heures que son frère et elle ont atterri et, au fur et à mesure qu’ils avancent, elle comprend pourquoi les employés vivent sur leur lieu de travail. Cela fait un moment que le chauffeur les a informés qu’ils sont entrés dans le ranch, mais ils n’y trouvent rien d’autre qu’une route non-asphaltée et des arbres de chaque côté. Ceci fait qu’ils sont constamment en secousse, même si Alain Valery, le chauffeur, roule lentement. Cependant, cela ne dérange point Marie. Etant une amoureuse de la nature, elle sent qu’elle va s’y plaire. Quelques mètres plus loin, elle voit un cerf isolé qui regarde la voiture passer, ce qui l’attire aussitôt. Elle aurait tellement aimé pouvoir descendre et jouer avec mais, comme ce n’est pas possible pour le moment, elle le garde pour une des choses à faire plus tard. Alors qu’elle est en émerveillement, Eric la sort de ses pensées.
- Comment tu trouves ? lui demande-t-il, pas très emballé.
- C’est super ! répond-elle avec enthousiasme.
- C’est ironique, n’est-ce pas ? enchaîne-t-il pour être certain d’avoir bien compris.
- Ironique ? Non ! Pourquoi ironique ? Je m’y sens vraiment bien !
- Comment tu peux te sentir bien ? s’étonne-t-il. Il n’y a rien ici !
- Justement ! C’est ce qui me plaît. Cette nature. Ça n’existe pas partout quand même !
- Ah Seigneur. Il ne manquait plus que ça. Si cela ne tenait qu’à moi, je rentrerais sur le champ.
- Pourquoi ? Qu’est-ce que tu pensais trouver dans un ranch au fait ? le questionne aussitôt Marie.
- Un peu plus de d’habitations, déjà…
- Excusez-moi d’interférer dans votre conversation, mais ne vous en faites pas. Nous ne sommes qu’au début du ranch. Il y a pas mal de maisons à l’intérieur, lance Alain.
- Il y a encore une longue route à parcourir ? s’étonne Eric. Mais nous avons déjà beaucoup roulé !
- Nous avons encore une quinzaine de minutes devant nous avant d’arriver à destination.
- Quoi ? s’étonne-t-il. Maintenant je comprends pourquoi les employés vivent dans le ranch…
- C’est justement pour cette raison… confirme Alain. Il y a tellement de route à parcourir que très peu de chauffeurs acceptent de rouler jusqu’ici. Ce n’est pas très rentable. Très souvent, c’est moi qui transporte les nouveaux. Si un employé veut se rendre dans une autre ville, il doit marcher jusqu’à la route principale et ensuite il prend le bus.
- Ce n’est pas évident ! lance Eric, regrettant de plus en plus d’avoir accepté cette offre. Je ne vois même pas de chevaux.
- Votre sœur semble apprécier la vue, lance-t-il alors qu’il la regarde dans son rétroviseur.
- Ah oui… répond-elle avec enthousiasme. C’est trop chouette ici ! Je suis certaine que je vais aimer. Dites, qui a-t-il là-bas ?
Marie lui pointe du doigt un endroit retiré, rempli d’arbres.
- C’est la première fois qu’on me pose cette question, répond le chauffeur avec le sourire. Cette partie-là ne fait pas partie du ranch. C’est une forêt… Vous pourrez y aller ; ce n’est pas barré.
- Non mais… Ça ne va pas ? C’est quoi ces conseils que vous lui donnez ?
Alain ne peut s’empêcher d’éclater de rire.
- Vous n’avez pas à vous inquiéter. Il ne lui arrivera rien…
- Comment pouvez-vous en être si sûr ?
- Parce qu’il ne s’est jamais rien passé auparavant. Tenez… Regardez par là… Vous voyez ? Regardez ces deux demoiselles. Elles profitent de leur journée après le boulot. Elles savent qu’il ne leur arrivera rien.
- Et si des voyous entrent et les enlèvent ? enchaîne Eric. Vous nous avez dit qu’il y a au moins quinze minutes de route. Personne n’en saura rien !
- Il y a un gardien à l’entrée qui contrôle les entrées et sorties. Il est obligatoire de passer par là pour accéder jusqu’ici.
- La porte ? s’étonne le jeune homme. Je n’ai pas vu de porte !
- Tu es sérieux ? lance Marie, amusée. Dans ce cas, tu ne portes attention à rien ! Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai comme l’impression que je vais bien m’entendre avec ces filles. Elles m’ont l’air sympa.
- Sans indiscrétion, quel âge avez-vous, Mademoiselle ? s’enquiert le chauffeur.
- J’ai quinze ans…
- Dans ce cas, il est fort probable que vous vous entendiez bien avec elles. Celle qui est joliment habillée est plus âgée – elle doit avoir dix-huit ans si je ne me trompe pas – mais l’autre n’a que quatorze ans.
- Il y a des personnes de mon âge ici ? s’étonne Marie.
- Oui, il y a pas mal d’enfants qui naissent et qui grandissent ici. Du coup, ils vivent dans le ranch.
- Ah, je comprends…
La voiture continue sa route et, dix minutes plus tard, ils arrivent à destination. En descendant, Eric voit que la vie dans le ranch est bien plus animée que ce qu’il ne pensait. En descendant, ils vont voir leur employeur, qui les attend.
- Bonjour, lance Phoebe Spencer, la patronne, en les voyant entrer. Je suppose que vous êtes les nouveaux employés…
- Effectivement. Je m’appelle Eric Kingston et voici ma petite sœur, Marie.
Rachel, la fille unique de Phoebe, ne cesse de fixer Marie du regard, n’appréciant absolument pas la nouvelle venue.
- Tu m’as l’air très jeune ! reprend Phoebe en s’adressant à la demoiselle. Tu as quel âge ?
- J’ai quinze ans… répond-elle timidement, intimidée par l’élégance de la femme qui est assise en face d’elle.
- Je sais qu’elle est un peu jeune pour travailler, mais elle est tout ce qui me reste et je n’ai pas voulu la laisser seule à la maison.
- Vous avez eu raison, surtout qu’elle est toute mignonne. Ce n’est pas prudent de la laisser là-bas toute seule. Vous êtes de la Jamaïque, n’est-ce pas ?
- C’est bien ça…
- Je suis contente de vous compter parmi nous. Ça ne me pose aucun problème que votre petite sœur vive avec vous sur mes terres. En revanche, comme elle ne travaillera pas avant d’avoir seize ans, elle n’aura aucune rémunération. Elle sera donc sous votre entière responsabilité. C’est bon pour vous ?
- Oui, c’est parfait, répond Eric.
- Super ! lance Phoebe avant que son regard ne se pose une fois de plus sur la demoiselle. J’adore regarder votre sœur. Elle est vraiment très belle…
- Merci, lui dit Marie avec un sourire timide, commençant même à rougir.
- On vous a déjà expliqué comment ça se passe ici ?
- Non, pas encore…
- Alors, vous aurez un toit – ce sera votre maison et personne ne pourra y entrer sans votre permission – vous aurez un travail et un horaire précis. Une fois que vous terminez, vous aurez votre journée de libre. Il n’y a qu’un style vestimentaire ici. Je suppose que vous l’avez remarqué. Si vous êtes bon en couture et que vous voulez rendre votre habit unique, vous en avez le droit. Concernant la nourriture, il y a un transport qui apporte des légumes et de la viande frais chaque vendredi. Maintenant, si vous voulez planter des légumes ou nourrir des poules que vous aurez acheté et vendre vos œufs, ça c’est libre à vous. En revanche, je ne tolère pas les vols. C’est l’expulsion directe. Je pense que c’est tout. Vous comprendrez nos rouages au fil des jours. Vous avez des questions ?
- Non, je n’en ai pas, répond Eric.
- Super… Dans ce cas, vous pouvez lire et signer votre contrat, lance Phoebe avant de se tourner vers Marie. A tes seize ans, je vais t’embaucher pour que tu travailles pour moi dans la maison. C’est déjà complet, mais je te trouverai quelque chose à faire. Je t’aime trop.
Marie est touchée. Elle ne s’attendait pas à être autant appréciée par la patronne de son frère. Comme elle a un an pour découvrir le ranch avant de commencer à travailler, elle décide d’en profiter ; voulant dans un premier temps faire la découverte de ce lieu qui l’a attirée en arrivant. Par la suite, elle compte se faire de nouveaux amis, surtout qu’elle constate qu’il y a un bon nombre de jeunes de son âge dans ce ranch et que ce serait bien d’avoir un peu de compagnie pour que ses journées soient plus intéressantes.