chapitre 11
J’ouvre les yeux et tout me semble flou autour de moi. Je les cligne pour y voir plus clair et sens quelque chose de froid en dessous de moi. En relevant la tête je remarque que je suis dans de l’herbe. Plaçant ma main sur l’endroit qui me fait mal, je peux remarquer un dépôt, lorsque je renifle mes doigts, je reconnais l’odeur métallique du sang, ce qui me fait me redresser rapidement. Je reconnais tout aussi rapidement la voiture de X, enfin celle qu’il m’a prêtée, juste devant moi. Les roues sont percées et l'arrière est ouvert. Je m'arrête de respirer un moment en me rappelant de ce qui m’a amené ici. Je me relève malgré le mal de crane et vais vérifier, sans grande assurance,si les cartons sont encore là. Comme je m’y attendais, il n’y a plus rien. Je me demande bien à quoi je pensais en essayant de me battre avec l’un d’eux au moment où ils voulaient se diriger vers le coffre. Il ne m’a pas raté. Je scrute les alentours et remarque que cette voie est aussi calme qu’un cimetière. Je ne suis loin de la circulation fluide de la ville, c’est normal. Je fouille mon téléphone mais ne le trouve pas. Mais oui il était aussi dans le coffre. Plus d’argent, plus colis, plus de téléphone. Comment est ce que je m’arrange pour partir d’ici? Ils ont même pris ma montre. Moi criant en pleine route: Sales chiens! Je vais vous retrouver.
Très en colère, j’essaie de me rappeler les visages de mes agresseurs. Ils vont regretter de m’avoir laissé en vie parce que lorsque je vais les attraper, ils ne me reconnaîtront pas. De toute ma vie, je n’ai jamais été coupé dans une transaction, jamais. Non seulement ils ont tout pris mais en plus je ne peux aller nulle part. Je m’installe à l'arrière, où se trouvaient les cartons pour me coucher parce que je sens une certaine fatigue.
Je reste ainsi un bon moment avant qu’un 4x4 ne s’approche du lieu. Je fais signe au conducteur mais en me voyant, il accélère et je serais certainement mort tamponné si je ne m'étais pas élancé sur le trottoir. Mais enfin il me prend pour un bandit ou quoi? Bon c’est vrai que j’en suis un mais il s’agit de situation de détresse, pas autre chose. Je ne sais pas combien de temps je reste ici mais je suis surpris par des phares braqués sur moi. Un klaxon me fait me relever et ce n’est qu’en m’approchant que je reconnais le conducteur, ou du moins la conductrice. Reine: Celio? Qu’est ce que tu fais là? Moi: Je cherche à rentrer.
Reine en examinant ma voiture: Mais qu’est ce qui s’est passé?
Moi: C’est long, je dois rentrer. Reine: Rentrer? Avec cette tête? Moi: …
Reine: Monte! Qu’est ce qui t’arrive? Moi: C’est rien.
Je prends place comme elle me le demande et lui dis que ce serait bien si elle pouvait me laisser quelque part pour que je me débrouille à prendre un taxi même si cela m’étonnerait qu’il y en ai beaucoup à cette heure ci. Je remarque qu’elle ne va pas dans la bonne direction. Moi: Qu’est ce que tu fais? Reine: Tu as besoin d’un médecin normalement.
Moi: non pas de médecin Reine: J’ai deviné figure toi.
Elle me dévisage un long moment avant de prendre la direction de chez elle, ce qui évidemment me fait lui demander ce qu'elle fout à nouveau. Elle m’explique que si je ne veux pas de soin des médecins, elle pourra au moins nettoyer ma blessure et faire un pansement. Moi: Tu es docteur? Reine: Je connais les bases.
Moi: Ah bon? Reine: Je l’ai déjà fait à plusieurs reprises. Je sais que j’ai plus l’air de faire mes ongles à longueur de journée mais crois moi je suis restée en milieu hospitalier assez longtemps pour savoir soigner des coupures. Moi résigné: OK!
Reine: Alors tu me dis comment tu as fait pour attirer des agresseurs dans ce coin? Moi: Qui parle d’agresseurs?
Reine: En analysant les choses, c’est la conclusion. Aucune autre voiture, les dégâts sur la tienne et tes blessures. Alors? Moi en soupirant: Ils sont sortis de nulle part. Reine: Je vois.
Moi: Je vais les retrouver. Reine: Pour faire quoi? Tu es suicidaire? S’ils ont fait ça c’est qu’ils sont dangereux. Moi: … Elle me raconte ce qu’elle faisait avant de rentrer et me dit à quel point je suis chanceux qu’elle soit passée surtout parce que c’est assez calme à cette heure blablabla. Je l'écoute d’une oreille, essayant de calmer la colère que je ressens pour les trois hommes de tout à l’heure. Oh oui je vais les retrouver, maintenant ou après, je les retrouverai et leur ferai payer
. Libreville est petit, ils ne pourront pas fuire jusqu’au tombeau. En pensant au coli, je me trouve assez ravi que X ne puisse pas me joindre sur mon portable. Je me rappelle encore du seul interdit concernant les transactions: ne jamais perdre un coli. Je ne sais pas comment je vais pouvoir lui expliquer m'être fait dérober aussi stupidement mais j’ai du temps pour réfléchir à tout ceci.
Lorsqu’elle se gare enfin dans la concession, je saute au sol, marche nonchalamment jusqu’à la porte et l’attends pour entrer. Elle me demande de m’installer dans la salle à manger et va chercher une trousse de secours. Je me cale dans une chaise et elle revient placer son matériel sur la table, s’y asseyant pour mieux voir mon crane. Elle passe ses mains au dessus de mon oeil gauche où se trouve la première blessure puis remonte sur mon crane où le coup était plus important. Reine: Apparement c’est pas trop grave. J’ai juste à nettoyer et faire un pansement. Heureusement que tu ne gardes pas les cheveux. J’aurais pas pu bien soigner.
Moi: Hum! Je ferme les yeux pendant que ses mains s’occupent de moi et ça me fait du bien quand même. J’ai envie de dormir pour oublier cette soirée mais je reviens vite à la réalité lorsque je remarque qu’elle ne me touche plus. J’ouvre les yeux pour m’apercevoir qu’elle m’observe sans rien dire.
Moi: C’est bon? Reine: Oui c’est bon
. Moi: Merci! Reine: Pourquoi tu ne voulais pas aller à l'hôpital? Qu’est ce que tu as fait? Moi: Rien!
Reine: Ok qu'est ce que tu fuis? Moi: Rien! Reine: Tu es plus concentré à vouloir les retrouver qu’à te faire soigner ou appeler la police.
Moi: Ils m’ont attaqué c’est normal. Reine après un moment: Ok si tu le dis! Elle se redresse et va vers la chambre déposer la trousse de soin et revient pour jeter ce qu’elle a utilisé. Je la remercie simplement pour l’effort et me redresse dans l’intention de partir mais me rappelle que je n’ai pas de véhicule et qu’il se fait un peu tard, non il se fait très tard.
Reine: Tu peux dormir ici, il y a assez de places. Moi: Ok c’est gentil.
Reine: De rien. Tu veux que j’appelle quelqu'un? MOi: On verra demain. J'appellerai moi même. Reine: Fais moi juste signe si tu veux utiliser mon portable ou autre chose. MOi: J'ai juste besoin de nettoyer ma chemise.
Reine: Suis moi! Elle me conduit jusqu'à une chambre que je devine être réservée pour les visites inattendues...ou pas. Elle me montre les affaires de toilettes et s’en va pour que je puisse me rafraichir. Je retire mes vêtements et vais sous la douche, cela me fait un grand bien. Je remarque en revenant que mes vêtements ne sont plus là alors je tique un peu. Je sors ma tête de la chambre en guettant si elle est encore dans les parages. Ne voyant rien, je mets une serviette autour de la taille et l’appelle à distance.
Reine en revenant: Oui? Moi: Tu as pris tout mes habits.
Reine: Oui! Moi: Je voulais juste nettoyer la chemise. Reine: C'est pareil. Tout est en machine.
Moi: C'était pas nécessaire. Reine: me dis pas merci!
Moi en souriant: Et je fais comment? Reine: C’est la première fois que tu dors nu? Moi : Non mais je suis pas chez moi.
Reine: C’est pas grave. Il te suffira de verrouiller. Tu pourras prendre tes habits le matin. Moi: Ok! Je m’installe confortablement dans le lit et m’endors presque aussitôt vu comment il est douillet, bien plus douillet que le mien. Je récupère mes habits comme convenu en matinée et passe un appel à X, lui expliquant l’urgence et lui donnant ma position. IL ne demande pas plus et me dit venir me prendre, ce qui m’arrange. Je reviens dans la cuisine et Reine est en train de prendre son petit déjeuner. Reine: Alors la nuit? Moi: A l’aise!
Reine: Si tu as faim, y a du jambon, du beurre, du salami.
Moi: Je vais juste prendre de l’eau merci! Reine: Fais comme chez toi! Je m'exécute et m’installe à ses côtés comme si de rien n'était en la remerciant pour hier. Si je n'étais pas aussi tendu pour l’affaire d’hier j’avoue que je j’aurais surement tenté un truc cette nuit. Quelle idée de dormir avec une femme dans la maison et ne rien faire? Pfff j’ai trop de choses en tête en ce moment. Pour éviter d'entretenir un silence bizarre, je vais attendre X dans la cour assis sur une chaise en rotin. Il se pointe et entre saluer Reine avant qu’on ne s’en aille.
X en conduisant: J’ai réglé le problème de la voiture.
Moi: Ah ouais? X: Ouais pourquoi tu ne m’as pas fait signe plutôt?
Moi: pas de portable. X: Bon qu’est ce qui s’est passé concrètement?
Je lui relate les faits détail par détail et il se contente de hocher la tête en m'écoutant attentivement. Vu qu’il est le plus souvent difficile de lire dans son langage corporel, je finis simplement d’expliquer et attends son avis dessus. X: Tu as dit qu’ils étaient trois? Moi: Oui
X: Tu les connais? Moi: Evidemment non!
X: Tu es certain? Moi: Tu veux m’accuser de quelque chose? X: Pas du tout mais comprends que c’est quand même bizarre. Moi: Peut être qu’ils étaient juste là par hasard.
X: Et ils sont tombés sur le gros lot. Moi: … X: Ok je ne vais pas te mentir ça sent pas bon.
Moi: ... X: Tu as perdu un coli important, Il y a plusieurs paramètres qui changent maintenant. Si ça ne tenait qu’à moi on passerait l'éponge mais tu sais bien que je ne suis pas seul. Le travail qu’on fait est basé sur l'efficacité. Moi: Je vais les retrouver.
X: Et qu’est ce qui te dit qu’ils auront encore le coli? On parle de beaucoup d’argent Celio. Moi: …
X: Bon écoute, je vais te déposer chez toi, te laisser le temps de voir avec les clients comment on peut faire. Moi: D’accord! X: Apprête toi à toute éventualité!
Moi: J’attendrai ton appel. Une fois chez moi, je vais m’installer à l'arrière après avoir vérifié mon argent, espérant que ce faux pas ne me portera pas vraiment préjudice. Deux bons jours passent ainsi sans que je ne sache où me placer et que je reste avec Gringo pour tuer le temps. Je réalise à peine que je n’ai pas mis les pieds chez le ngue depuis. Contrairement à ce que certains pourraient penser, je n'évite personne, je n’ai juste pas eu à y penser, trop concentré sur mes propres soucis.
Moi: Allo? X: 19h Moi: Ok!
Click! Gringo: C’etait X?
Moi: Ouais Gringo: Top! Le ngue: Moi je comprends pas un biz. Tout le pognon qu’ils ont ne peut pas les aider à retrouver les gars qui t’ont agressé?
Gringo: c’est vrai hein c’est quand même zarre. Oh croyez moi, j’y ai pensé à maintes reprises. En fait, j’ai pensé à tout ce qui s’est passé dernièrement et en ai tiré quelques conclusions. Comme je ne voulais pas qu’elles soient hâtives, j’attendais tranquillement un signe de X. Je saurai où me situer ce soir… Vêtu de manière casuelle, je rencontre X au hangar à l’heure indiquée. Il y est avant moi, ce qui est un scoop. On se sert la main sans rien dire puis je le suis dans son véhicule. Il soupire un instant et se tourne vers moi: X: les nouvelles ne sont pas bonnes.
Moi: J’écoute. X: Ils pensent que tu as une part dans ce coup.
Moi: Tu sais que ce n’est pas le cas. X: En effet! C’est pour ça que j’ai plaidé pour toi. Mais ils se méfient maintenant.
Moi en riant nerveusement: Mais c'est avec toi que je traite.
X: Je sais. Moi: Et comment peuvent-ils douter s'ils ne me connaissent pas?
X: Cela fait deux contrats qui ne se passent pas comme prévu ok? Tu en as refusé un, et l'autre se solde par la disparition des colis. Tu as besoin de leur montrer qu’il n’y a rien de douteux.
Moi: C'est ridicule! X: Mets toi à leur place. Tu refuses un contrat et les contrats qui suivent ne vont pas à bout. Y a comme une impression de sabotage. Moi: …
X: Donc ce que tu peux faire à défaut de retrouver les voleurs, c’est te rattraper en prenant le premier contrat. Moi: je t’ai déjà dit que c’est non. X: Je fais ça pour que tu n’aies pas d’ennui Celio. Mais il faut que tu m’aides aussi. Si tu le fais je t’assure qu’ils seront au moins rassurés sur toi. Sans compter que tu as une grosse somme à rembourser. Moi: Qu’est ce qui se passe concrètement si je refuse? X: Tu ne comprends pas bien. Tu as une chance de te ressaisir, prends la simplement et tout s’arrange. Tu t’obstines à refuser le contrat, tu es sur leur radar et crois moi tu ne veux pas être sur leur radar. Fais le et tu seras clean. Ensuite on verra comment tu pourras rembourser la perte. Le plus important maintenant c’est de les rassurer. Plus il parle de cet ultimatum et plus je me rapproche de la conclusion que je m'étais faite de la situation. Oui je suis de plus en plus sure que ce braquage sur la route n'était pas un hasard. Je ne vois pas le rapport entre le vol et le contrat dont je ne voulais pas si ce n'est une tentative de me pousser à l'accepter. Même sans preuve je sais que cela est possible. C'est forcément un coups monté, un guet apen! Je le regarde sans rien dire, sachant que nous ne sommes pas dans le monde des bizounours et que au moindre faux pas de ma part, je pourrais faire un aller sans retour...