CHAPITRE .06
Nous retrouvons Julien là où il nous avait laissées la veille. Lola et moi arrivons à peu près à faire semblant d'aller bien. Heureusement, mon grand frère ne pose pas tellement de questions, il est bien trop occupé à nous détailler notre dur labeur de l'après-midi : poussière, aspirateur, serpillère dans toute la maison. Je soupire, la brièveté de notre nuit et les révélations de ce matin m'ont laissée dans un état de fatigue extrême.
L'après-midi est déjà bien entamée lorsque nous arrivons à la maison. Alors que nous commençons à enlever la poussière, je ne peux m'empêcher de remarquer la nervosité de Julien. Je commence par me dire que c'est lié à l'arrivée de nos parents mais je remarque que Julien ne cesse de regarder son téléphone.
-Il se passe quoi ? Je demande.
-Rien rien, il marmonne en évitant mon regard.
Je quitte mon poste, me place devant lui et réitère ma question.
-J'ai dû refuser une invitation qui me tenait à cœur à cause de ce foutu ménage, il grogne.
-Une fille ?
-Effectivement.
Pendant un temps, je ne sais pas quoi répondre. Si Julien a fini par m'en parler c'est que cela le touche réellement.
-Vas-y, je lance.
-Non, nous ne serons jamais prêts à temps pour la venue des parents sinon.
-Ecoute, pour le ménage, j'en fais mon affaire.
-Ah, tu as des pouvoirs magiques maintenant ? Parce que je ne vois pas tellement d'autres solutions.
Mon cœur rate un battement. Il ne l'a pas dit d'un ton méchant et pourtant cela me perfore le cœur. Je regrette d'avoir envoyé Lola ranger notre chambre, j'aurais bien eu besoin d'elle. En moins d'une seconde, la culpabilité revient : devrais-je lui dire pour mes pouvoirs ? Devrais-je soigner des gens ?
J'arrive tant bien que mal à écarter ces pensées.
-Tu sais Julien, ce n'est pas parce que, pour une fois, nous parents ont daigné venir nous voir que nous allons arrêter de vivre. Si ce rendez-vous te tient à cœur alors fonce ! Et si vraiment le ménage ne quitte pas tes pensées alors sois rassuré, Lola et moi allons t'épater !
-Tu es sûre ?
-Certaine ! Je réponds, un sourire au coin des lèvres.
-T'es la meilleure sœurette ! Il crie en courant vers sa chambre pour se changer.
Il n'aura pas été long à convaincre le bougre. En réalité, je suis plutôt contente de mon coup. Julien ne sort pas avec n'importe qui, si ce rendez-vous lui fait tant plaisir alors des sentiments sont en jeu. Et s'il y a des sentiments alors il est peut être amoureux. Et quand Julien est amoureux, il l'est vraiment. Il n'est pas le genre de garçon qui embrasse soixante filles par soirée.
C'est justement ce qui m'a fait peur quand j'ai su que Maelys et lui s'étaient embrassés : s'il l'a embrassée c'est qu'il avait de vrais sentiments à son égard.
Je suis plutôt rassurée qu'il s'intéresse à une autre fille parce que Maelys n'est pas très stable en amour. Elle est belle, a de nombreux garçons à ses pieds et profite comme il se doit de sa notoriété.
J'explique rapidement la situation à Lola et nous nous remettons au travail. Malgré tous nos efforts, nous sommes carrément en retard et deux heures plus tard, Julien n'est toujours pas de retour. La situation devient préoccupante : mes parents arrivent dans une heure.
Je décide d'envoyer un sms à Maelys, qui habite à quelques minutes à peine de chez nous.
A : Maelys
Tu peux venir nous aider ? On galère pour le ménage et on est limite niveau du temps !
De : Maelys
Salut miss, désolée je suis occupée là !
A : Maelys
Evidemment tout le monde est occupé le jour où j'ai besoin d'aide pour le ménage ! M'enfin t'inquiètes, je te pardonne !
J'envoie un message à mon frère pour lui demander où il est en est mais ne reçois pas de réponse.
-Lola ? je crie pour couvrir le bruit de l'aspirateur.
-Oui ?
-Maelys est occupée, tout comme Julien apparemment puisqu'il ne me répond pas. On va devoir s'en sortir seules !
-Maelys est occupée avec Julien ? Elle hurle effarée en débarquant dans le salon, l'aspirateur à la main.
-Nan comme Julien j'ai dit ! Je renchéris sans même la regarder.
Tout à coup prise d'inquiétude, j'envoie à Maelys :
A : Maelys
Pitié, ne me dis pas que tu es avec mon frère.
Pas de réponse. Je soupire, cette journée est un cauchemar. Lola éclate de rire en voyant ma tête dépitée mais redevient très vite sérieuse :
- Allez hop hop hop, on retourne au travail, tes parents arrivent bientôt !
A vrai dire, nous finissons le ménage juste à temps. Heureusement que mes parents sont très ponctuels : ils n'arrivent jamais ni avance ni en retard donc on sait parfaitement quand les attendre.
Julien, lui, est arrivé dix minutes en avance et a tout fait pour m'éviter. Ça promet.
-Nous voilà ! crie ma mère en ouvrant la porte.
Je leur offre le plus beau de mes sourires, mon bonheur est réel. Malgré tout ce que je peux dire et malgré la tonne de choses que je leur reproche, je suis toujours contente de les voir.
Ma mère porte ses cheveux plus longs que d'habitude et est encore en uniforme alors que mon père, qui a le crane presque rasé, est en tenue de civil. Cependant, sa carrure ne laisse aucun doute sur sa profession.
-Comment ça va ma puce ? Me demande mon père, en souriant.
Quand je vois mes parents j'ai l'impression que le temps n'a pas d'emprise sur eux. Ma mère est grande et brune et ses yeux marron pétillent de bonne humeur. Il parait que je ressemble beaucoup à elle et cela me saute aux yeux quand je nous vois côte à côte dans le reflet du miroir. Dans les yeux bleus de mon père on peut voir de la rigueur et de l'autorité : son regard me faisait peur quand j'étais petite, je le croyais sans cesse énervé.
-Génial ! Et vous ? Vous repartez quand ?
Étonnamment, demander la date de leur départ est toujours mon premier de réflexe. C'est comme si j'avais besoin de temps pour me préparer à une énième rupture déchirante.
Julien est déjà en train de serrer mes parents dans ses bras, il parait très ému.
-D'ici une semaine ! Oh Lola tu as encore grandi ! ajoute mon père quand Lola sort de notre chambre.
L'ambiance est festive. Nous passons la soirée à rattraper le temps perdu jusqu'à ce que ma mère, prétextant un mal de crâne intense parte se coucher.
-Maman ? Je t'accompagne jusqu'à ta chambre ! Je propose, déçue de voir ma mère nous quitter si tôt.
-Si tu veux ma puce, je suis juste extrêmement fatiguée, il faut que je me repo...
Ma mère s'effondre devant sa chambre.
-Papa ! Lola ! Julien ! Je crie désespérée.
Instinctivement je pose la main sur le bras de ma mère et la secoue, comme pour la réveiller. Directement, je me sens attirée dans cette autre dimension, que j'ai connue il y a moins de 24 heures. La panique me submerge, je me sens embourbée, je n'arrive pas à retrouver le monde réel. Bêtement, je cherche une porte dans cet autre monde, une porte qui me permettrait de faire demi-tour. Comme je n'en trouve pas et que j'ai conscience que chaque seconde passée hors de mon corps met en danger mon secret, je me précipite à la recherche de ce chemin de douceur. Je le trouve très vite et revient à la réalité.
-Marine ? Comment..
- Je ne sais pas tu t'es réveillée toute seule alors que je m'asseyais près de toi, je mens en la coupant.
Je mens très mal mais ma mère est suffisamment chamboulée pour ne pas le remarquer. Mon cœur bat extrêmement vite ; pourquoi n'ai-je pas réussi à faire demi-tour ? Une chose est sûre, ce que j'appelle la voie de la douceur ou voie de la guérison, est plus ou moins longue et compliquée à trouver. Cela ne peut pas dépendre de mon propre état physique : je suis exténuée et pourtant je suis allée plus vite que ce matin. Peut-être cela est en lien avec la gravité du mal ?
Finalement, le reste de la famille fait irruption.
-Qu'est ce qu'il s'est passé Patricia ? Commence mon père, le regard inquiet.
-Je ne sais pas Eric, je me suis évanouie et puis me suis réveillée d'un coup comme si de rien n'était. J'ai cru sentir quelque chose au niveau de mon bras mais mes souvenirs sont flous et Marine était seule près de moi.
-Oh, c'est la fatigue ça, ça m'arrive souvent ! Je me réveille aussi d'un coup, c'est vrai que c'est perturbant sur le moment, dit tout à coup Lola.
Je sais que Lola ne m'en veut pas, cependant je n'aime pas qu'elle soit forcée à mentir par ma faute. Très vite, nous nous débrouillons pour rejoindre notre chambre et je lui raconte en détail ce qu'il s'est passé. J'en profite également pour le raconter aux autres membres du groupe : il va falloir être très prudents.
Les ennuis ne faisaient que commencer.