CHAPITRE .04 PARTIE 1
Les semaines passent et se ressemblent. Dès que je commence à aller mieux la vie me rappelle que j'ai perdu des êtres chers il y a à peine quelques mois. Malgré tout, je crois que je suis sur une bonne voie.
Socialement, tout va pour le mieux. J'avais oublié à quel point c'est agréable de se sentir entourée. Lola et moi sommes redevenues très proches de la bande et les jumeaux sont maintenant parfaitement intégrés. Mes amis m'aident à relativiser, à me rappeler que personne n'est épargné par la vie et que chacun a des problèmes à gérer. Ensemble nous sommes plus forts, c'est indéniable.
Plongée dans mes pensées, je me prépare distraitement ce matin. Aujourd'hui est un jour un peu particulier : c'est le dernier avant les vacances de la Toussaint. C'est d'autant plus particulier que, pour une raison que j'ignore, mes parents ont décidé de venir passer quelques jours ici. C'est la première fois depuis bien longtemps et je ne peux m'empêcher de trouver ça louche. La culpabilité aurait-elle fait son apparition ? Mon imagination s'emballe et me propose un tas de scénarii tous plus improbables les uns que les autres.
Lola est en train de terminer son petit déjeuner quand j'entre dans la cuisine.
-Salut ! Je dis en retenant un bâillement.
-Coucou ! Louis m'a envoyé un message : Laura et lui nous invitent à fêter leur anniversaire dans leur maison près de l'océan ce soir. J'ai accepté évidemment, j'espère que tu n'y vois pas d'inconvénients !
-Absolument aucun ! Je réponds entre deux tartines. Julien t'a dit quand arrivent les parents ?
-Demain matin je crois. Au fait, j'ai prévenu ton frère que l'on sortait ce soir, ajoute-t-elle en quittant la pièce.
-Parfait ! Je mange et on peut y aller, je crie pour qu'elle m'entende.
Dix minutes plus tard, nous sommes en route.
J'ai beau habiter dans le Sud de la France, l'automne a eu raison de la chaleur ambiante. Mais ce n'est pas quelque chose qui me dérange, j'adore les pulls. Et surtout, j'adore l'automne et ses feuilles mortes.
Comme chaque jour, nous faisons un petit détour pour éviter la maison de Mme Dubois. Extrêmement bavarde, elle est la hantise de tous les jeunes du coin. La croiser c'est être en retard à coup sur.
Mais de toute évidence, Lola et moi n'avons pas besoin de Mme Dubois pour arriver en retard. C'est du moins ce que je comprends lorsque, une fois encore, je remarque que nous sommes les dernières de la bande à arriver. Je me précipite vers les jumeaux :
-Joyeux anniversaiiiiiires les cocos !
La réaction est immédiate : Laura lève les yeux au ciel en gloussant et Louis me fait un clin d'œil en déclarant à Maxime qu'il a gagné le pari.
-Quel pari ?
-J'avais parié que tu allais oublier, grogne Maxime. Franchement tu aurais pu faire un effort!
Je fais mine de taper Maxime et me tourne vers Louis pour lui expliquer que jamais je n'oublierais une information aussi capitale mais je m'arrête en plein mouvement.
Louis dévore Lola des yeux, qui se met instantanément à rougir. Je me demande actuellement si le plus choquant est ce que j'ai vu dans les yeux de Louis ou la timidité de Lola. Rougir c'est ma spécialité, pas la sienne. Qu'est ce qui lui arrive ?
Perdue, je jette un coup d'œil à Johanna, qui parait aussi confuse que moi. Comment ai-je pu passer à côté de ça ?
Il n'y a jamais eu de couple dans la bande, on est tous d'accord pour dire que c'est trop dangereux. C'est beau l'amour mais la séparation de deux personnes peut détruire la complicité d'une bande d'amis. Et il est hors de question que la notre explose. Je soupire en pensant au sermon que j'allais être obligée d'infliger à ma meilleure amie, elle a oublié les règles ou quoi ?
Un jeune garçon vient interrompre le fil de mes idées.
-C'est bien toi Marine ? me demande le garçon doucement.
J'ai la vague impression de l'avoir déjà vu mais il m'est impossible de l'identifier.
-Oui ! Je peux t'aider ?
Il a l'air assez agité et passe fréquemment une main dans ses cheveux blonds.
-Je m'appelle Mike, j'étais le meilleur ami de Lisa... Mes parents refusent de me dire ce qui s'est passé. Mais j'ai le droit de savoir, tu ne penses pas ?
Comme tous les autres membres de la bande, je me fige. Encore une personne qui a souffert. Cet accident n'a pas fait quatre victimes mais des dizaines. Je réalise que je retiens mon souffle depuis sa déclaration et m'applique à reprendre ma respiration.
Je mets quelques secondes pour m'en remettre mais je finis par lui offrir un sourire triste. Il a raison, il a le droit de savoir. Je l'entraîne à l'écart et lui explique. Je leur dois bien ca, à lui et à ma petite sœur.
Je reviens vers le groupe les yeux un peu humides. Lola me sert contre elle et Jeremy pose sa main sur mon bras. Chacun finit par rejoindre sa salle de classe et les cours se suivent sans que je ne le réalise vraiment.
L'entrain de M. Lems ne suffit pas à me faire oublier ce jeune garçon. Les mathématiques ne me distraient pas plus. Je passe la journée à penser à ma sœur et au fait qu'elle ne remettra plus jamais les pieds dans cette école, qui est un collège et un lycée. Ma sœur ne connaîtra jamais le lycée, ne fera jamais d'études post bac.
J'arrive finalement à passer outre lorsque j'entends la sonnerie qui annonce la fin des cours. Vacances !