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Chapitre 05

Chapitre V

« — Tu mets quelques fessées sur son p’tit cul brioché. T’es un mastoc insensible à la douleur, et elle, elle est douce et fine, donc gère bien le bord. Faut pas y aller trop fort, tu veux lui faire du bien et non la désarticuler. Je dis ça mais c’est peut-être une go des wè. On l’a vu grandir avec Moses et devant lui elle se tenait à carreaux, mais dans son « tous les jours » là, on ne l’a jamais vu. Les gos qui font du yoga sont dangereuses. Elles t’attrapent dans une position, grand écart en l’air et tu sais plus comment tu t’appelles.

— Tu as fini ?

— Gars, je te prépare pour « The » moment ! Tu dois mougou la petite là avec é-ner-gie ! Tu dois me représenter, j’ai investi sur toi, la ligue des hommes forts ! Faut pas aller faire les choses des crocoto fragiles devant la femme de leur rêve, il faut valablement me… »

Oh ! Ce mec décidément…

Je dépose le combiné sur le comptoir et récupère ma veste, posée sur la chaise en face. Délicatement, je tente de passer mon bras droit dans la manche sans trop le lever et tirer sur mes points. Ça m’arrache une grimace, et une légère douleur mais c’est déjà beaucoup moins douloureux qu’il y a deux jours. Machinalement, je passe ma main au niveau de mes côtes, juste au-dessus de l’entaille. C’est à peine si je la touche. Le frottement du tissu de ma chemise contre ma peau est déjà assez désagréable, et tout me dit que passer ma main dessus n’arrangera rien.

Cela fait moins de trois mois que je suis arrivé et les premiers jours ont été un pur moment de bonheur. Comme un gamin, je suis retrouvé dans les bras de ma mère que je n’ai pas lâché de la semaine. Tout en elle m’avait tellement manqué et ce n’est pas les bons petits plats, les marques d’attention et le déversement de tout l’amour dont elle a toujours fait preuve envers ses enfants qui m’ont aidé à me rappeler mon âge et à agir comme tel. Heureusement, pour ma virilité, et malheureusement, pour le petit garçon en moi, j’ai dû aller en intervention sur Pointe-Noire. Cela m’a comme qui dirait, remis les pieds sur terre, et tout ce qui a suivi mon retour, il y a trois semaines, également.

« — Est-ce que je dois te rappeler que je ne suis pas en état de jouer un quelconque match ? je le questionne en reprenant le combiné.

— C’est un détail ! T’es un champion, ou bien ? Donc c’est une petite coupure de ménagère qui va te faire rater les olympiades ? »

Je souris. Coupure de ménagère ? J’aurais bien aimé l’y voir. Le connaissant, ces tous les noms de ces ancêtres qu’il aurait implorés pour calmer la douleur lancinante qui m’a parcouru pendant plus d’une semaine. Et ce n’est pas fini. Aujourd’hui, la douleur est toujours présente, mais reste supportable sous médocs et avec la bonne position.

« — ça t’apprendra aussi. Je t’ai toujours dit de ne pas coucher avec la même bande d’amies, mais est-ce que tu m’écoutes. Les brazzavilloises sont dangereuses hein sous… »

« Toc, toc, toc »

Tous en l’écoutant d’une oreille abstraite, je me dirige vers la porte d’entrée où une belle femme au regard captivant réquisitionne toute mon attention.

« — Bonjour ? Je peux vous aider ?

— Bonjour, Tiessesse Makaya, je suis votre infirmière. »

Tout en se présentant, elle me tend sa main que je prends, sans vraiment comprendre ce qu’elle fait ici. De mémoire, mon prochain rendez-vous avec mon médecin est dans deux semaines et entre aujourd’hui et ce rendez-vous, il n’était pas question que je rencontre une quelconque infirmière. Je m’apprête à lui faire la réflexion, sa présence devant s’agir d’une erreur, lorsque Tom se met à crier dans mon oreille :

« — Les choses des films ! C’est quelle infirmière qui débarque chez toi à 7 heures du matin et avec une voix à faire bander un octogénaire ayant une libido égale à 0 ?!

— Je vais devoir te rappeler.

— Mon ami, si tu dois gérer les deux bords là, prends seulement ankourou ! Représente… »

Je raccroche sans chercher à comprendre ses propos et me tourne vers l’infirmière l’air interrogateur :

« — Je pense qu’il doit y avoir une erreur. Cela va bientôt faire deux semaines que je suis sortie de l’hôpital et je fais mes soins tout seul.

— En effet, mais ce n’est pas la procédure. Lorsque vous êtes autorisé à sortir, une infirmière vous est automatiquement assignée et cela jusqu’à la demande contraire de votre médecin ou jusqu’à ce que je ne le juge plus nécessaire. Ne vous inquiétez pas, cette prestation est totalement prise en charge par votre entreprise.

— Ce n’est pas la question financière qui m’interpelle, mais plutôt le délai. Encore une fois, je suis sorti il y a deux semaines.

— Et depuis deux semaines vous êtes supposé avoir une infirmière. Je veux bien croire que vous sachiez maintenant faire un soin, mais je vais quand même m’assurer qu’il n’y ait aucune infection et que vous cicatrisez parfaitement… Si vous voulez bien me laissez entrer ? »

Lèvres charnues, poitrine pleine et petite taille, ce serait dommage de passer à côté de ça.

Faut dire que depuis mon arrivé, j’ai été plutôt sage. Pas de flirt, pas de coup d’un soir, rien. Pourtant, ce n’est pas ce qui manque. Ici, les femmes sont naturellement belles, et bienveillantes, même si certaines semblent un peu trop intéressées, mais pour une raison que j’ignore et qui m’étonne, je ne me suis penché sur aucun dossier. Il va falloir remédier à ça. Peut-être avec …

« — Tiessesse ? C’est un joli prénom. Entrez, je vous en prie. »

Elle pénètre dans la pièce en laissant derrière elle une agréable senteur fruitée qui marque immédiatement ma mémoire olfactive. Après un coup d’œil vers moi, je lui indique de la main le bar où je l’invite à poser ses affaires, puis la rejoins lentement après avoir pris le temps de l’observer.

« — Je peux vous proposer quelque chose à boire ?

— Non merci, nous allons commencer.

— D’accord. Et par quoi allons-nous commencer ?

— Vous allez retirer votre chemise et je vais regarder votre cicatrice.

— Ici ? Ce ne serait pas mieux dans ma chambre ?

— On est aussi bien ici. »

De la grosse mallette qu’elle a déposé sur une des chaises hautes, elle sort un gel désinfectant dont elle applique une noix dans le creux de sa paume avant de frictionner énergiquement ses mains tandis que moi, je me concentre. Enfiler un maillot de corps puis une chemise, cela relève du combat, mais ce n’est pas si difficile que cela. Mais procéder à l’inverse, retirer une chemise puis un maillot de corps, c’est digne du parcours du combattant, et j’en fais les frais tous les soirs après une journée de travail. J’ai fini par instaurer un petit rituel histoire de ne pas trop souffrir, ou lorsque c’est le cas, je me retrouve à souffrir, il y a toujours un petit remontant, prêt à me requinquer, mais là. Vu l’heure et la personne en face de moi, je doute que je peux installer mon rituel.

Après avoir fait craqué mon cou puis pris une grande inspiration, je déboutonne ma chemise, puis tente de me plier sur le côté pour retirer ma manche droite. Mes dents s’enfoncent profondément dans la chair de ma lèvre inférieure, qui a cout sur doit être blanchie.

« — Vous allez bien ?

— Oui oui, la douleur est encore bien présente, même si elle a diminué les dernières semaines.

— Oh. Okay. Et sur une échelle de, un à dix, vous estimerez votre douleur à combien ?

— Je ne sais pas trop… Sept.

— SEPT ! »

Elle semble étonnée, je ne vois pas pourquoi, puis les yeux qu’elle pose sur ma cicatrice après que j’ai soulevé mon maillot et retirer le pensement que je me suis posé quelques minutes plus tôt, m’informe que je dois m’inquiéter.

« — Il y a un souci ?

— Votre cicatrice est toute rouge…

— Oh, ce n’est rien ça, c’est … AIE !

— Ce n’est pas rien, commente-elle en imbibant une compression d’un produit que je ne reconnais pas. Votre cicatrice est en train de s’infecter. Vous ne la nettoyer pas bien.

— Qu’est-ce que vous racontez ! Chaque matin après mon footing, je prends une douche puis je la nettoie !

— Parce que vous allez courir ? Avec la cicatrice que vous avez ?

— Je ne cours pas vraiment, essayé-je de me reprendre. Je trotte pour me maintenir. »

J’exerce un boulot stressant et le sport, principalement la boxe, est l’une des seules activités qui réussit à me déstresser. Il est inconcevable pour moi de ne pas en pratiquer. Depuis mon arrivé, je n’ai pas eu le temps de chercher une salle. Je me contente d’un petit footing de quarante-cinq minutes qui faisait très bien l’affaire jusqu’au jours où on m’a entaillé.

« — Ne vous a-t-on pas dit qu’il ne fallait pratiquer aucune activité sportive et surtout beaucoup vous reposer ?

— Trottiner ce n’est pas faire de sport ! »

Elle arque un sourcil, qui agrandit son œil droit, tout en faisant une petite moue délicieuse et en croisant ses bras sous sa poitrine, ce qui l’accentue un peu plus. Je me vois bien lui mordiller la jouer pour effacer cette moue avant d’embrasser ses lèvres et en faire autant avec ses seins. Je commencerai par enfuir ma tête dans le creux de son cou tout en lui chuchotant à quel point elle est désirable puis je passerai…

« — Monsieur Tsana ? Vous allez bien ?

— Oui, oui. Un petit moment d’absence.

— J’ai pu le constater. Sans paraître trop indiscrète, comment-vous êtes-vous fait cela ? me demande-t-elle en passant une compresse imbibée cette fois-ci d’une solution moussante.

— J’ai voulu aider une jeune femme en difficulté.

— Oh ! Un acte chevaleresque ? »

Je souris. C’est vrai qu’en y regardant de plus près, ça y ressemble.

Lorsque je cours, je ne regarde pas trop le chemin, la rue fait office de piste de courses. C’est comme ça que je me suis retrouvé à courir dans une ruelle désertique assez mal éclairée, que je n’avais jamais empruntée avant. Plus je m’avançais, et plus ce qui ressemblait à des sons semblables à des cris s’intensifiaient. Je me suis retrouvé devant une scène classique ; une jeune femme vêtue de la robe la plus courte et la moins couvrante qui m’est été donné de voir, et Dieu seul sait que j’en ai vu des robes, en train de s’interposer entre deux jeunes hommes. Leur échange n’avait visiblement pas alerté le voisinage, ou il était tellement habitué qu’il n’en faisait plus cas ? Toujours est-il que j’ai trouvé bon de lui venir en aide. Entre ses échasses lui servant de chaussures, sur lesquelles elle dodelinait, ses longues extensions lui barrant les yeux et ses faux cils, elle recevait plus de coups qu’elle n’était supposée en contrer. J’ai pris sa place entre les deux jeunes que j’ai facilement maitrisé. L’un d’entre eux s’en est allé vers une voiture et je l’ai laissé s’éloigner pensant qu’il cherchait à se calmer. Je ne l’ai pas vu revenir avec un couteau. J’ai éloigné son adversaire juste attend pour lui éviter un coup de poignard, mais je n’ai pas pu éviter l’entaille profonde sous ma poitrine. Ça m’a valu une semaine à l’hôpital, une putain de douleur qui ne disparaît pas encore mais au moins, je passe devant la gente féminine pour un brave bonhomme puis dans quelques semaines, j’aurais une superbe cicatrice qui confirmera mon récit et qui m’aidera à mieux attraper le poisson.

« — Et voilà, c’est fini.

— Je n’ai rien senti ! Vous êtes une vraie douceur.

— Je vous remercie. On se revoit demain à la même heure. Cela vous convient ?

— Parfait. Je vous offrirai le café. »

Le sourire en coin qu’elle me sert en guise de réponse, m’annonce qu’elle ne va pas être facile à amadouer et le joueur en moi me fait promettre de relever le défi.

Je suis mentalement en train de planifier un plan d’attaque lorsque mon téléphone se met à vibrer. Un message WhatsApp de Tom.

« Appelle-moi lorsque tu finis champion ! »

Aussitôt je lance un appel et active le haut-parleur :

« — Ohhh ! Chap-Chap comme ça ? C’est quelle souillure ça ?

— Je t’ai rappelé pour que tu n’oublies pas de me chercher le nom du contact pour les envois. Je voudrais me faire un envoi assez rapidement donc n’oublie pas s’il te plaît.

— Si je te cherche ça, tu dois aussi chercher à me représenter.

— Je vais raccrocher Tom.

— Tu vas raccrocher pour te préparer à assurer la prochaine fois, parce que je ne veux pas venir et marcher avec une souillure. Il ne faut pas qu’on nous confonde dans les bêtises ! »

« BAM »

Je passe devant la porte d’entrée quand un bruit assourdissant provenant de l’extérieur attire mon attention. Machinalement, j’ouvre la porte pour me retrouver dans les escaliers, face à Mickaela.

« — Aie ! Je voulais pas faire autant de bruit, dit-elle en se massant le genou. Je suis tombé. Pardon. Je… Je suis désolée si je t’ai dérangé.

— Tu ne t’es pas fait trop mal ?

— Comment ça ?

— Ton genou ? lui fais-je remarquer en l’indiquant du menton.

— Oh ! Non, non ça va. J’ai un peu mal mais ça va. »

Je cale mon téléphone entre mon épaule et mon oreille, pour l’aider à récupérer tous les documents répandus sur le sol, tous en essayant de faire abstraction des propos de Tom, ce qui devient difficile tant sa voix monte dans les aigus à mesure qu’il parle :

« Dieu t’aiiiime mon fils, Dieu t’aimmeuuuuh ! Aiiiiiiie ! Il t’envoie la petite pour faire le corrigé de ta souillure ! Ne me déçois pas ! Ne nous déçois pas ! La nation toute entière est avec toi ! »

Je finis par retirer mon téléphone de mon oreille, couper la communication et le ranger dans la poche arrière de mon jean.

Tout en tentant de canaliser la douleur provoquée par ma cicatrice, je récupère différents feuilles et livres dont les titres finissent par m’interpeller. « Les hommes viennent de mars, les femmes de vénus », « C’est quoi l’Amour », « Aimer l’amour »,« A chacun sa définition de l’amour, quelle est la tienne ? »

« — « Qu'est ce que l'amour ? Les trois conceptions de l'amour Amour et sexualité. Quand les philosophes en parlent et la vivent. Quel effet ça fait d'être amoureux ? L'amour se réduit-il au désir ? Comment tombe-t-on amoureux ? Sommes-nous égaux devant l'amour ? L'amour rime-t-il avec toujours ? Peut-on apprendre à aimer ? L'amour : un besoin vital ? », « L’amour consiste à prendre soin de l’autre, à s’inquiéter de lui, à le respecter et à essayer sans cesse de le connaître davantage. », « Celui qui est passionnément amoureux devient inévitablement aveugle aux défauts de l’objet aimé, bien qu’en général, il recouvre la vue huit jours après le mariage. »

— C’est pour un article, lance-t-elle en me reprenant rapidement le livre dont j’ai lu le résumé, puis ses notes et les autres livres. Je me documente. Ça n’a rien à voir avec toi. Enfin, je ne suis pas en train de dire que je ne t’aime pas. Non. Enfin, ce que je veux dire… »

Elle baisse la tête, semble faire quelques exercices de respiration pour se redonner une certaine contenance.

Elle est mignonne quand elle fait ça, quand elle se met à bafouiller. Ses joues rosissent et illumine davantage son teint caramel. Puis elle a toujours se regard mouillé qui fait scintiller comme de petites étoiles dans ses yeux. Si je pouvais, je la prendrais dans mes bras et lui dirais combien elle est mignonne, même en étant gauche. Mais je ne peux pas, alors je me contente de rester de marbre et la laisser reprendre le contrôle.

« — Je vais y aller, marmonne-t-elle en relevant timidement sa tête.

— Bonne journée et bon courage pour ton article.

— Merci. »

Je l’observe dévaler les marches tel une furie avant de retourner dans l’appart.

Encore une fois, mon téléphone se met à vibrer à plusieurs reprises, signe que je suis en train de recevoir un appel et je décide de l’ignorer. Il doit probablement s’agir de Tom et je n’ai plus le temps pour discuter avec lui ou même l’écouter balancer ses inepties légendaires. Il est sept heures trente à ma montre et je devrai normalement être parti depuis une dizaine de minutes.

Ma veste enfilée, je m’apprête à sortir de la maison quand encore une fois mon téléphone se met à vibrer. Décidément, cette matinée Tom veut parler.

Je sors mon téléphone plus dans l’optique de mettre sous silence mon téléphone quand je constate que les différents appels et messages proviennent de ma petite sœur.

« Message Kimia, 07h32 :

L’onclo a pété une durite ce matin, je t’envoie la NASA ?! »

« Message Kimia, 07h34 :

Genre, tu ne veux pas être au courant ? Ton cœur est serré kiekiekie ! »

« Message Kimia, 07h35 :

Bon, je suis gentille, je te préviens déjà, maman arrive chez toi ce soir ! »

J’entreprends de répondre à ce dernier message avant d’opter pour l’appel espérant que la durite pétée ne me concerne pas, parce que si jamais c’était le cas, je me ferai plaisir de dire deux mots à mon très cher oncle. Avec tout ce qu’il a fait, et c’est bien de l’ironie, je le trouve sacrément gonflé d’oser s’attendre à quoi que ce soit venant de moi.

Quelques semaines avant mon départ, je l’entendais marmonner à travers ses enfants quant à mon silence concernant mon départ et mon manque de reconnaissance pour ce qu’il a fait pour moi. Je n’ai jamais compris ce qu’il voulait dire par reconnaissance et je m’attendais dans tous les cas à ce qu’il vienne me faire part de ses requêtes en face, mais en bon lâche qu’il est, il ne l’a jamais fait. Et je veux croire que ce n’est pas par ma mère qu’il compte passer pour le faire.

« — Allô ?

— Tu voulais envoyer la Nasa ?

— Humm ! Est-ce que tu es même prêt ?

— Je t’écoute. »

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