Chapitre 2
Natalia se laisse guider par les autres filles, tellement elle est encore sous le choc de ce qu'il vient de se passer. Aucune d'elles ne parle avant d'entrer dans une pièce, qui ressemble à une vaste suite. Elles assoient le dernier membre du trio sur le premier canapé à proximité.
- C'était chaud, lance Catalina. J'ai vraiment eu peur pour elle. Il faut qu'elle mette la tenue maintenant. Il ne faut pas qu'il revienne et la trouve comme cela.
Rosa acquiesce en silence. Elles aident Natalia ayant du mal à réaliser sa situation à enfiler la tenue. Elles lui donnent de l'eau et du temps pour revenir à elle.
Dans la salle de réunion, l'air est lourd. L'air est chargé en tension. Personne ne parle pour le moment attendant que Andres ou Mateo s'expriment.
- On a perdu une partie de la cargaison d'armes du mois prochain.
- Comment cela a perdu, Mateo ?
- Elle nous a été volée, rectifie le bras droit de Mateo : Kylian. Nous mettons tout en œuvre pour la retrouver.
- Quel est mon rôle dans cette histoire ?
La question est cruciale. Il forme un seul groupe mais ils sont comme deux branches indépendantes. Si les hommes de Andres s'occupent du blanchiment et de la drogue, ceux de Mateo veillent à l'armement de leurs hommes et la vente d'armes. Les hommes possèdent tous un signe distinctif de leur appartenance à un des côtés. Les Ouroboros tatoués sur une partie de leur corps sont soit tout noir à bordure blanche ou vide à bordure noire.
- Tu dois bien m'aider Andres, ajoute Mateo d'un ton nonchalant. Après tout, nous sommes une seule famille. Et le déshonneur de l'un fait celui de l'autre également.
- Je doute que tes hommes aient bien intégré cette idée, lui dit-il d'un voix froide en lui rappelant l'incident d'il y a quelques jours.
- Ils peuvent parfois être étourdis. Mais nous sommes la branche principale. J'ai besoin de retrouver la marchandise...
- Et surtout de savoir qui est l'espion. Il acquiesce en silence. Des pistes ?
Ivan serre la mine, il connaît assez bien son patron pour savoir qu'il va accepter. Il est le seul assis autour de la table rectangulaire du côté de Andres. Du côté de Mateo, 4 hommes sont assis de part et d'autre de la table. Les 2 bras droit sont debout derrière leur chef respectif. Une joute de regard se lance.
- Du calme, les gars, rappelle à l'ordre Kylian. Nous avons peut-être une piste. Nous sommes sûrs d'une chose c'est que ce n'est pas la police. Ils sont arrivés plus tard, alors que la marchandise avait déjà été dérobée. Nos hommes ont été tués. C'était une véritable boucherie.
- On a demandé à C de nous donner un coup de main pour savoir qui est l'enfoiré qui a fait cela, reprend à son tour Mateo. Mais elle ne veut pas faire d'affaires avec nous...
Ivan et Andres lèvent un sourcil interrogateur. L'information leur paraît bizarre.
- Plutôt, elle ne veut faire du business qu'avec moi. Elle veut que tu viennes aux négociations Andres. C'est ce soir.
- Ce n'est pas une bonne idée, ajoute alors pour la première fois Lorenzo. Cette femme est dangereuse. Très manipulatrice.
- Oui, mais elle possède de nombreuses infos très croustillantes et c'est peut-être la meilleure personne pour nous guider. Et nous aider à éliminer notre problème.
- Votre problème, corrige Lorenzo d'un rire cynique.
L'air perd encore quelques degrés. L'ambiance déjà lourde devient électrique. Une arme pourrait être sortie et tout prendrait une autre ampleur. Ivan et Lorenzo sont prêts, ils attendent que leur patron s'exprime. Son regard fixe un point dans un mur sans sembler prêter grand intérêt à la discussion. Mais ils savent qu'il a tout entendu. Ils savent aussi que cette demande de C n'est pas anodine. Ils savent ce qu'elle peut lui demander et ils savent que s'il accepte d'aider Mateo, il ne pourra plus se rétracter par la suite. Car parole donnée ne peut plus être reprise.
- Très bien, allons voir ce qu'elle a comme information pour nous. Mais tu payeras cher cette demande Mateo. Si c'est à moi d'honorer ton contrat, tu me le payeras cher également.
Sa voix est rasante. La menace dans sa voix est claire. Les chiens sentent le danger autour de leur maître et sortent les griffes.
- Je n'en attendais pas moins de toi. Mon cher frère, dit-il d'un ton mielleux avant de calmer ses hommes d'un regard. Qui est cette jeune femme ?
- Qui cela ?
- Celle de tout à l'heure bien sûr. Assez coriace...
- Je doute que cela ne te concerne mon frère. Il se lève et s'apprête à sortir de la pièce, mettant fin à la conversation. Nous nous reverrons ce soir.
Ivan et Lorenzo le suivent en silence. Ils se sont rangés à l'ordre de leur chef, mais ils n'en pensent pas moins qu'il s'agit d'une très mauvaise idée. Une fois partis, Kylian se tourne vers Mateo.
- Il devient de plus en plus insolent Mateo. Nous aurions dû leur donner une leçon, il ne doit pas oublier qui est le vrai patron ici. Il n'est qu'un enfant adoptif. Tu es le fils du précédent boss.
- Tu ne dis rien que je ne sache déjà Kylian. Pour le moment, réglons les problèmes un par un. Le plus important c'est notre cargaison.
Ils congédient le reste de ces hommes d'un regard. Une fois qu'ils ne sont plus que deux, Kylian s'entretient sérieusement avec Mateo.
- Tu as toujours peur de lui ?
- Peur je ne sais pas. Je sais que je ne dois rien montrer. Mais Andres est différent de moi tu le sais. Si il est à cette position aujourd'hui, c'est parce que ses actes le lui ont permis. Je sais bien que beaucoup parmi nous pensent que c'est lui qui devrait être le vrai chef.
- Tu penses qu'il veut cette place ?
- Non, il m'a promis qu'il ne ferait rien qui menacerait ma position...
- Mais...
- Il n'y a pas de mais Kylian. Je connais ton avis. Mais Andres n'a jamais rompu une seule de ses promesses. Je ne peux pas pour le moment me battre sur 2 fronts. Et surtout, j'ai l'impression que autre chose le préoccupe. Il s'est encore absenté 2 semaines, sans rien dire. Je veux savoir ce qu'il fait en dehors de nos affaires. Qui le fait voyager autant.
- Je vais le surveiller.
Il le congédie ensuite pour rester seul quelques instants. Il se rend dans sa chambre pour se préparer pour leur rendez-vous de ce soir.
Installés dans la salle d'attente de C, Andres et Mateo sont bien silencieux. Personne ne parle. Leurs hommes sont dehors. Même leurs bras droit n'ont pas eu le droit de pénétrer aussi profondément dans l'antre de cette femme, signe de son influence dans la ville de Mexico. Un jeune homme vêtu uniquement en boxer vient leur annoncer qu'elle va les recevoir. Ils pénètrent dans une pièce, qui rappelle de très mauvais souvenirs à Andres. Lui est déjà venu ici plusieurs fois, mais à chaque fois le dégoût le prend en y retournant. Pour Mateo, il s'agit de la première fois depuis le décès de son père. Il connait juste les rumeurs au sujet de cette femme C, qui est connue pour tout savoir dans la ville et avoir des contacts avec les mafias chinoises.
La pièce est embourbée de fumée. Surchargée d'une odeur d'encens. Mais cela ne trompe pas Andres, qui sait que ce n'est que pour mieux cacher l'odeur de sang que cette maison close dégage à chaque fois. Dans chaque coin de la pièce, il y a des hommes armés prêt à bondir sur eux dès qu'ils feraient le moindre pas suspect. Ils ont encore leur arme sur eux, seule considération qu'elle semble prête à leur offrir.
- Cela fait très longtemps Andres, murmure une voix presque envoûtante. La voix provient de derrière le fauteuil tourné vers la ville, qui cache sa propriétaire. Tu ne viens plus me voir.
- Bonsoir C, j'espérais que cela dure encore longtemps.
D'un geste laconique, le bras de la femme leur ordonne de s'assoir. Mateo regarde la scène avec beaucoup d'intérêt. Mais même lui peut se rendre compte du jeu pervers qui se joue devant lui, entre Andres et cette femme. Elle se tourne vers eux subitement et leur révèle une beauté froide. Le genre de beauté que le temps n'épuise pas parce que la chirurgie sait faire des miracles.
- Que puis-je faire pour vous ?
- Ne fais pas comme si tu ne savais pas pourquoi nous sommes là. Ce serait faire honte à ta réputation C.
La femme lui sourit, mais conserve une expression froide. Elle sait parfaitement pourquoi ils sont ici. Il se cale encore plus dans le fauteuil.
- Que pouvez-vous m'offrir ? Qu'allez-vous m'offrir ?
- Que veux-tu ? lui demande alors Mateo, plus entreprenant. Il est venu pour gérer l'affaire et ne compte pas laisser Andres prendre les commandes des négociations tout seul. Nous voulons la tête de ces chiens.
C ne le calcule même pas. Son regard reste fixé sur Andres.
- Tu sais parfaitement ce que je veux. Tu me manques ici Andres.
Elle souffle un bouffée de la pipe qu'elle tient dans la main d'un geste lent. Elle profite de sa bouffée attendant la réponse de l'homme qu'elle fixe depuis le départ.
- Je ne suis pas celui avec qui tu vas faire le deal C.
- Je sais. Je t'ai demandé de me rejoindre quand le vieux Scario est mort. Je vois qu'il a réussi à te convaincre de baby-sitter son fils. Elle pose enfin un regard sur Mateo, dont le regard se fait dur. Il n'aime pas qu'on le lui rappelle constamment. J'étais prête à t'offrir un empire, une place au sommet mon chou. Tu sais que je respecte mieux que quiconque tes capacités, dit-elle en appuyant particulièrement sur ses derniers mots.
- Tu voulais que je sois ton chien surtout. Dis-nous ton prix C.
- Je vais te faire une faveur, en mémoire du bon vieux temps. Je vais te donner l'information qu'il cherche. Je vais même te donner une information encore plus juteuse....
- Mais...
- Mais je veux quelque chose en retour. Je te veux toi.
Mateo semble sur le point d'ajouter quelque chose. Mais Andres réagit avant lui.
- Combien de temps ?
- 3 heures.
- Très bien.
- Tu connais les lieux, fais comme chez toi.
Andres se lève et sort de la pièce par une entrée cachée que lui ouvre un des gorilles de la pièce.
- Ce n'est pas à lui de payer pour cela. Nous pouvons faire affaire ensemble.
- Gamin, laisse-moi te corriger immédiatement. Si tu es dans cette pièce à oser me parler, c'est parce qu'il est venu avec toi. Si tu es encore vivant à cette heure, c'est parce qu'il te soutient. Je te déconseille de pousser ta chance plus loin. Elle lui fait un sourire hypocrite. Sur ce, je te laisse rentrer et tu auras les infos dans 30 minutes.
Elle secoue la tête et un homme apparaît dans le dos de Mateo pour le faire sortir de la pièce. Il est furax, mais il sait que pour le moment, il ne peut rien lui faire. Il déteste qu'on le sous-estime. Il va leur prouver à tous, que cette place il la mérite plus que quiconque. Cette femme sera la première tête à tomber en temps et en heure. Il a su attendre le décès de son père, il sait se montrer patient. Très patient même.
Natalia n'avait plus de nouvelles de cet homme. Le soir même elle avait été séparée des autres filles, qu'elle avait appris à connaitre. Catalina et Rosa étaient là depuis 2 ans maintenant pour Rosa et 1 an pour Catalina. Rosa était fiancée à Mateo depuis ses 15 ans, une affaire de gang. Elle savait qu'elle finirait avec lui depuis ce jour-là et avait en quelques sorte accepté son sort. Quand à Catalina, elle avait été obligée à venir vivre ici comme Natalia. Ils ne l'avaient pas kidnappé comme cela avait été son cas. Elle était danseuse dans un bar, où ils étaient venus s'amuser. Mateo n'avait plus voulu la lâcher après ce jour. Il lui avait dit qu'il la voulait et avait payé le prix pour l'avoir, avant de lui faire comprendre qu'elle ne pourrait plus rien faire sans lui et qu'elle ne serait qu'à lui définitivement. Elle ne pouvait pas fuir, ce serait risquer la vie des gens qu'elle aimait. Elle le savait et elle avait accepté de le suivre.
Natalia est retournée dans la chambre où on continue à lui apporter les repas 2 fois par jour. Mais cette fois-ci, ce sont les filles qui s'en chargent et c'est le seul moment de liberté qu'elle semble avoir. Elle ne comprend toujours pas ce qu'elle vient faire ici. Ce qu'on attend d'elle. Sans ces informations, elle ne peut rien faire de mieux pour le moment. Rien que de jouer la gentille et de suivre les ordres. Cela faisait déjà 3 jours, elle commençait à trouver le temps de plus en plus long. Mais personne ne répond à aucune de ses questions. Même les filles choisissent prudemment leur réponse en sa présence. Couchée dans le lit de la chambre, elle entend la porte s'ouvrir et s'attend à voir Rosa ou Catalina avec son repas. Mais il s'agit de Ivan. Leurs regards se croisent et le sien est courroucé. Natalia a du mal à déglutir et détourne le regard devant l'intensité du sien. Elle ne sait pas ce qu'il se passe, mais il n'est pas de bonne humeur. La dernière fois qu'elle a interagi avec lui, elle a fini humiliée de la pire des manières.
- Caramela, mange rapidement. Ensuite il veut te voir.
- Encore lui....
- Caramela, je ne veux pas avoir à me montrer dur avec toi. Je ne suis pas d'humeur donc dépêche-toi. Je t'attends de l'autre côté de la porte. Tu as 30 minutes maximum.
Il ressort en fermant la porte avec force. Natalia ne joue pas la courageuse. Ivan ne semble pas du tout en capacité de la supporter. Elle mange rapidement et sort de la pièce au bout du temps imparti. Il est adossé sur la porte et fume. En la voyant sortir, il éteint sa cigarette avant de la guider dans une partie de la résidence. C'est une aile qu'elle ne connaît pas. Elle croise des hommes par moment, qui la fixent du regard, elle et son corps que la nuisette transparente ne cache pas. Elle baisse les yeux et mord ses lèvres de nervosité. Elle a envie de savoir ce qu'il va lui arriver. Peut-être qu'il va finalement la tuer. Mais pourquoi la faire déplacer dans ce cas ? Ou il va juste coucher avec elle...
Perdue dans ses pensées, elle ne se rend pas compte que Ivan s'est arrêté et elle lui rentre dedans avant de reculer à cause de l'impact. Ils se trouvent devant une grande porte noire. Ivan cogne à la porte. La voix de Andres sonne de l'autre côté. Il ouvre la porte et la laisse entrer avant de refermer la porte derrière elle. La laissant toute seule avec cet homme. Il la fixe comme un animal, comme un prédateur face à sa proie.
- Approche, Caramela.
Sa voix est froide et claquante comme un fouet. Il ne crie pas, mais c'est encore plus effrayant. Natalia ne dit rien et s'exécute. Elle recherche rapidement une source de fuite, mais rien ne lui saute aux yeux. Le regard qui la déshabille sans ménagement la captive d'une façon qu'elle a l'impression que son propriétaire prend plus de place dans la suite qu'il en est réellement. Il remplit tout l'espace de par sa seule présence. Une fois face à lui, elle s'arrête et ne bouge pas.
- Sais-tu pourquoi je t'ai fait venir Natalia ?
- Non... Il claque sa langue contre son palais. Non monsieur...
- Tu n'as pas une petite idée ?
- Pour me violer ?
Elle lance cette idée sans pour autant mesurer les potentielles conséquences. De toute façon, il a sa vie entre ses mains. S' il voulait la tuer, elle serait déjà morte.
- Non Natalia. Je ne force aucune femme dans mon lit. Il lève son menton avec ses doigts et pour la première fois, leurs regards se croisent. Encore moins les très belles femmes. Sans savoir pourquoi sa confidence l'a fait légèrement rougir. Où est passée ta force ? Ton regard insolent ?
Il la lâche, avant de retirer sa chemise, lui révélant son tatouage géant de Ouroboros dans le dos.
- Mais je veux une certaine chose de ta part. Je veux ta soumission.
Natalia n'est pas connue pour être soumise. Loin de tout cela, elle lâche un petit rire nerveux qu'elle n'a pas pu retenir. Elle met sa main devant sa bouche en se rendant compte de ce qu'elle vient de faire.
- On ne force pas la soumission. Vous ne pouvez pas me retenir ici contre mon gré.
Il rigole à son tour. Mais cette fois-ci son rire fiche la frousse à la jeune fille. C'est un rire entre le sadisme, la moquerie et le cynisme.
- Je peux te faire ce que je veux. Il se tourne vers elle et attrape brutalement son cou avant de resserrer progressivement son étreinte. Oui Natalia, ce regard. Ce regard de peur... Donne-moi en plus...
Elle a peur, elle a du mal à respirer. Elle voit sa fin s'approcher. Elle n'arrive même pas à respirer. De moins en moins. Sa tête lui fait mal.
- Caramela, je vais te faire souffrir.
- Pourquoi ?
Elle a posé la question avec le peu d'air qu'il lui laisse respirer.
- Parce que ça me fait plaisir Caramela. Quand j'en aurais fini avec toi, ce n'est pas seulement ta soumission que tu me donneras. Mais aussi ta vie.