Chapitre 2
Ciaran
Je bondis juste à temps pour rattraper Chenoa. Merde ! Je m'attendais à des cris ou à un rire incrédule, mais
qu'elle tombe dans les pommes avec un air si égaré que j'ai ressenti jusque dans mes tripes sa douleur ?
Je me traite mentalement de tous les noms. J'aurais dû anticiper le choc. La préparer plus doucement et... mais putain ! La femme qui m'a accueilli n'est plus la Chenoa que j'ai connue. Et ce n'est pas qu'une question de poids perdu.
Quoique...
La silhouette pulpeuse a cédé la place à une maigreur inquiétante. Chenoa a parachevé son changement physique en coupant ses magnifiques cheveux roux. Cette coiffure à la garçonne lui siérait si son visage n'était pas aussi émacié et blafard. Et l'absence totale de maquillage n'arrange rien.
En vérité, je n'ai jamais aimé que Chenoa se peinturlure les soirs de concert. Elle était si belle et si lumineuse au naturel que son sourire suffisait à éclairer son être intime et à la transformer en une sorte d'elfe dansant. Notre succès fulgurant est en partie imputable à cette aura fantastique qui l'accompagnait où qu'elle aille, sur scène plus qu'ailleurs.
Mais ça, c'était avant...
Aujourd'hui, l'ange malicieux n'est plus qu'une ombre. Une espèce de caricature qui réveille ma fureur en
même temps que mon instinct protecteur. J'aimerais être assez généreux pour lui offrir ma totale compassion, mais, en vérité, je suis trop en colère. Meurtri encore par son départ précipité et son refus de communiquer.
Je me rape le fond de la gorge, irrité de ressentir la pique d'une émotion aussi âpre. Chenoa a perdu sa fille : je dois assimiler son rejet à un besoin viscéral de se protéger, et non à une volonté consciente de me blesser. Mon amertume grimpe pourtant d'un cran. Je voulais être présent pour elle, partager cette douleur qui m'a fauché avec violence lorsque j'ai appris la mort de Bella, la consoler et sécher ses larmes. Sécher les miennes, également.
Mais elle a fermé la porte non seulement de son cœur, mais aussi sur notre amitié. Puis elle a disparu...
Je la soulève pourtant avec précaution et regagne l'appartement au pas de charge. Chenoa vit sommairement. L'intérieur est propre, mais de taille modeste. Le salon et la salle à manger forment une seule pièce, et la cuisine tient du placard à balais, même s'il y a l'essentiel: un frigo, un évier et des plaques de cuisson.
Je n'ai aucun mal à localiser sa chambre. Il y a juste assez de place pour un lit et un petit dressing en tissu.
Dépouillé, mais suffisant. D'autant qu'elle a calé un ventilateur dans un coin. Une nécessité si j'en crois la sueur qui recouvre mes muscles.
J'écarte la moustiquaire et allonge Chenoa sur les draps, avant de filer chercher une serviette mouillée.
La salle de bains me tire une grimace. « Spartiate » est un terme approprié. Il y a l'espace pour un bac de douche et un lavabo, Je cligne des yeux, abasourdi devant l'ampoule placée juste en dessous de la pomme de douche.
Je ne m'attarde pas et rejoins Chenoa. Elle est pâle, mais ses paupières frémissent lorsque je tamponne ses
tempes pour les rafraîchir.
- Tu veux boire un peu d'eau ?
Elle acquiesce, avant de refermer les yeux, n'appréciant pas l'idée de se montrer vulnérable. Là, je la retrouve
bien. Je souris malgré moi et lui soulève la nuque pour l'aider à avaler un peu de liquide.
- Ça va, finit-elle par mindiquer en repoussant ma main.
- Quand as-tu mangé pour la dernière fois ?
Mon ton la picote assez pour qu'elle se redresse sur les coudes, l'œil assassin.
- Si tu es venu ici pour me faire la morale, tu peux te barrer illico. En fait, non : dans tous les cas, tu peux te
barrer illico !
- Pas avant de t'avoir nourrie, petit elfe. Tu as de quoi cuisiner dans ton frigo ?
Chenoa se laisse retomber sur le lit, un soupir agacé sur les lèvres. Je ne sais pas pourquoi j'ai ressorti le surnom d'autrefois. C'est mon père qui l'a ainsi baptisée après l'avoir vue courir dans la lande, ses longs cheveux roux volant dans le vent.
Connell a repris ce sobriquet pour son compte, mais d'une façon plus moqueuse. Mon frère était un sale garnement, en ce temps-là, pour peu que cela ait changé...
Pour ma part, j'ai toujours eu le sentiment que Chenoa était réellement une sorte de créature féerique. En raison de sa voix. Même petite, quand elle ouvrait la bouche pour égrener quelques notes, elle parvenait à me fasciner.
- Je suis capable de m'occuper de moi ! riposte-t-elle d'un ton qui aurait pu être cinglant s'il avait eu la
puissance de la colère.
- Ouais, ce qui explique pourquoi tu n'as que la peau sur les os.
Je ne mâche pas mes mots et n'éprouve pourtant aucun scrupule. J'ai tenté la douceur et la compréhension,
le silence bienveillant même, et tout cela pour quoi ? Pour qu'elle s'enfuie sans une parole ?
Chenoa s'humidifie les lèvres et déglutit sans quitter le plafond des yeux. Si je ne la connaissais pas si bien, je
dirais qu'elle esquive mon regard. Je ne suis pas le seul en colère, ce qui fait retomber mon irritation d'un cran.
- Mon frigo est plein.
- Sans blague ? Je peux donc espérer y dénicher trois pommes et deux quignons de pain ?
- La ferme, Ciaran!
- Toi aussi, tu m'as manqué, dis-je en sortant de la pièce.
Et c'est la vérité. Mon ressentiment a beau s'être réactivé lorsque j'ai croisé le regard de Chenoa, son absence a été une putain d'épreuve. Nous nous sommes rencontrés quand nous avions 6 ans et ne nous sommes jamais éloignés plus de trois semaines. Je savais qu'elle comptait pour moi, mais je n'avais pas pris conscience à quel point avant qu'elle ne s'évapore dans la nature.
Le vide m'a laissé amorphe pendant des jours, comme si je m'étais pris un uppercut. Mais le pire a été de constater qu'en cas d'ennuis, elle ne me considérait pas comme un allié. Chenoa m'a bazardé en même temps que
Connell, comme si j'étais, d'une certaine façon, responsable des agissements de mon frère.
Et cette idée me hante depuis des mois, sans que je sois capable de la digérer.
Je me rabats sur des gestes simples pour me purger l'esprit. Le frigo est mieux garni que ce à quoi je m'attendais, mais ce n'est pas non plus la panacée. Je sors les œufs et un morceau de fromage, après avoir déniché un sac de pommes de terre et des oignons. Je sais cuisiner tant que c'est rudimentaire. Une omelette reste donc à ma portée.
La mangue et l'ananas, eux, vont finir en salade de fruits.
Je prends une bouteille de Coca et une barre de céréales qui traîne dans un placard, lui presque complètement vide, et retourne dans la chambre. Chenoa s'est assise sur le rebord du lit, buste penché en avant et mains cramponnées au matelas comme si elle peinait à se relever totalement.
- Avale ça, ça devrait faire remonter ta glycémie.
Elle redresse la tête brusquement, ce qui lui arrache une grimace, puis me fixe d'un regard mauvais avant
d'accepter l'en-cas. Je croise les bras pour lui signifier que je ne bougerai pas tant qu'elle n'aura pas ingurgité une bouchée.
- Tu m'emmerdes vraiment, peste-t-elle avant de déchirer l'emballage.
Les questions se bousculent dans mon esprit, trop pour que je me contienne. J'ai toujours aimé donner du sens aux choses, et le visage que m'offre Chenoa m'est étranger. La femme que j'ai connue n'était ni amère ni sarcastique. Elle débordait de vie et de sensualité. Et elle affrontait les épreuves avec un courage qui m'estomaquait.
La transformation est trop intime. Trop féroce.
- Pourquoi le Bénin ? demandé-je pour ne pas formuler ces autres mots qui me ravagent la gorge et qui
risquent de sortir avec une franchise brutale.
- Tu te souviens de notre dernière tournée aux États-Unis ? dit-elle après un silence si long que j'ai douté d'obtenir une réponse. Quand nous sommes tombés en panne au milieu du Wisconsin et que nous avons été accueillis par un couple de fermiers pendant qu'on réparait notre bus ?
- Ouais, on a fini autour d'un barbecue. C'était cool !
- Pendant le repas, la femme m'a beaucoup parlé de sa fille. Elle était très fière d'elle, parce qu'elle était partie au Bénin avec son mari pour créer un orphelinat. Elle voulait contribuer à scolariser les enfants pauvres, et j'ai trouvé que c'était un projet sympa. J'ai fait quelques dons dans les mois qui ont suivi et Harley m'a contactée pour me remercier. Elle et Jon vivent à Sakété depuis sept ans et ils ont bâti une structure qui accueille physiquement une trentaine d'orphelins, mais ils soutiennent également une centaine d'autres gosses. Ils rémunèrent les familles pour qu'elles les envoient à l'école, au lieu de les faire travailler dans les champs, et paient les frais de scolarité.
- C'est un beau projet.
- Quand... quand j'ai eu besoin d'air, Harley m'a proposé de venir en mission humanitaire pour les aider.
Chenoa termine son récit en avalant quelques gorgées de Coca. Du jour où la musique a commencé à nous rapporter de l'argent, elle s'est servie de notre notoriété pour soutenir tout un tas de causes qui lui tenait à cœur. Je ne suis donc pas étonné qu'elle ait répondu à cette invitation.
- OK, mais pourquoi sans nous prévenir ?
- Tu étais là, non ? crache-t-elle d'un ton hostile qui me fait sursauter. La presse campait sous mes fenêtres et
Connell... Oh ! Bon sang ! Il refusait ma décision de divorcer et me harcelait d'appels. Je ne pouvais plus sortir sans être questionnée et poursuivie. Dans les journaux, j'étais dépeinte comme la star capricieuse qui lâchait ses partenaires parce qu'elle était dévorée par la jalousie. D'ailleurs, Connell se répandait publiquement en excuses, affirmant qu'il en avait fini avec ses aventures d'un soir, comme si c'était ça, le problème !
À mes yeux, l'infidélité de mon frère en était un ! Et je me souviens, comme si c'était hier, du jour où il a
asséné le premier coup de canif dans son contrat de mariage.
Ça a été un choc phénoménal pour moi. Connell avait beau avoir du succès auprès des femmes, il était fou
amoureux de Chenoa et il lui a été loyal en dépit des tentations et de son attitude de séducteur.
Puis tout a dérapé. Le jour où il s'est aperçu qu'il ne pouvait pas donner à sa compagne l'enfant qu'ils espéraient tous les deux, un truc s'est brisé en lui. J'ignore si c'est une question d'ego ou de douleur intime - avec Connell, tout est toujours plus compliqué qu'il n'y parait -, mais une chose est certaine : ça l'a fait disjoncter.
Et les aventures ont commencé. Discrètement au début, mais lorsque le drame a fait la une des journaux, les
incartades de mon frère ont été révélées.
- Nos fans m'envoyaient des lettres d'insultes... continue Chenoa en se frottant les bras comme si elle avait
froid. C'était devenu.. invivable!
- Pourquoi ne m'en as-tu pas parlé ? grondé-je, atterré d'être passé à côté de ça.
J'ai évidemment lu la presse à l'époque. Les circonstances exactes de l'accouchement de Chenoa n'ont jamais été révélées. Barney a toujours été doué pour ce genre de tours, mais il n'a pas été capable d'enrayer le déferlement d'immondices qui a suivi. Les témoignages sur les infidélités de Connell ont fleuri à la vitesse de l'éclair, mais j'avoue y avoir été moins attentif. En tout cas, l'annonce du divorce et de la dissolution du groupe a balayé tout le reste.
Un choc pour nos fans, mais également pour moi. Je ne m'y étais pas préparé. Tous les quatre, nous avons
essuyé assez de tempêtes pour que je suppose que nous aurions la force de surmonter celle-ci.
Et mon impuissance, dans cette histoire, m'a fauché avec la virulence d'un tsunami. J'ai été un simple
spectateur dans ce naufrage, le cœur meurtri par ces émotions que je n'avais pas le droit d'exprimer...
Ma souffrance me reste en travers de la gorge, sans personne vers qui la diriger. J'ai cru que j'étais en colère contre Chenoa, mais le poids de sa propre douleur me ramène à la surface. Je m'assois à côté d'elle et lui serre la main. Elle ne se dérobe pas, mais ses muscles sont contractés sous mes doigts, ce que j'assimile à un rejet.
Une redite dans notre histoire...
À chaque fois que j'ai l'impression de l'atteindre, je la perds un peu plus. Mon cœur a cessé de saigner il y a bien longtemps à cette idée, mais il suppure toujours, comme si l'existence souhaitait me rappeler que cette plaie ne cicatrisera jamais vraiment.
Je suis surpris de saisir cet écho amer. Je me suis résigné, il y a des années, et ai croqué, depuis, dans tout
ce que la vie avait à m'offrir. Les regrets ne font pas partie du voyage.
- Je vais préparer le diner, dis-je avant de me relever et de quitter la pièce, un nœud me tordant le ventre.
Je m'attelle au repas, contrarié. Ce voyage n'était finalement pas une bonne idée. Puis je repense à Pharell et
me traite d'idiot. Mes états d'âme importent peu !
- Tu repars quand ? me surprend Chenoa alors que je verse l'omelette fumante dans deux assiettes.
- Je repartirais dès demain si ça ne tenait qu'à moi.
- Mais ?
- Je suis ici pour Pharell, ce qui signifie que je vais m'incruster le temps de te convaincre.
Les coins de ma bouche ébauchent un rictus sarcastique lorsque Chenoa me fusille du regard. Elle a beau ne pas apprécier ma présence, la situation de Pharell ne la laisse pas indifférente. C'était mon pari de départ, même si je m'attendais à un accueil moins... réfrigérant!
- Ça t'emmerde, hein, de ne pas pouvoir me foutre à la porte ? me moqué-je, volontairement provocateur.
Chenoa arrondit les yeux, puis les étrécit, entre agacement et surprise. Nos échanges ont toujours appartenu
au registre de l'amitié sincère, sans un mot plus haut que l'autre. Enfin, non...
Fut un temps où notre mode de communication était plus spontané et franc. Mais, quand j'ai compris que Chenoa en pinçait pour mon frère, j'ai du m'adapter. Faire en sorte qu'elle ne devine jamais que son choix me plongeait dans le désespoir. Veiller à ce que Connell n'ait pas de scrupules à vivre son amour au grand jour. Mon frère aurait renoncé à elle s'il avait su, et je lui devais trop pour m'opposer à son bonheur.
Aujourd'hui encore..
Tu as payé tes dettes ! scande la voix de ma conscience, en dépit de mon manque de conviction sur le sujet.
- Il y a forcément une autre solution, élude-t-elle en me suivant jusqu'à la table du salon.
Je dépose les assiettes et m'installe sans attendre que Chenoa daigne m'accompagner. J'ai les crocs et je suis à cran, trop pour céder aux formules de politesse. J'enfourne une bouchée d'omelette et me contente de lui indiquer une chaise d'un mouvement de tête.
« On n'apprivoise pas un cheval sauvage en utilisant la force ou la contrainte », répétait mon père lorsqu'il
m'enseignait les rudiments du dressage.
Il m'aurait aussi rappelé qu'un homme se doit d'être galant en toutes circonstances. Un trait de caractère presque surprenant pour un mec largué par sa femme une semaine après la naissance de ses jumeaux, et ruiné par la même occasion.
- S'il te plaît, formulé-je d'un ton que j'espère moins cassant.
La Chenoa que je connais est gourmande, et celle qui me fait face a l'air affamée, un combo qui l'incite à s'asseoir et à saisir sa fourchette. Je réprime un sourire involontaire lorsqu'elle étouffe un gémissement de plaisir.
La tension dans mes épaules s'évapore d'un coup.
- OK, finit-elle par dire entre deux bouchées. Je te propose qu'on y réfléchisse ensemble.
- Au problème de Pharell ? relevé-je.
- Hum, oui. Merde ! Qu'est-ce que tu as mis dans ton omelette ? Elle est délicieuse!
- Oignons, fromage, pommes de terre et œufs, rien de plus, mais merci.
- Et dans deux secondes, on se tombe dans les bras ? raille-t-elle avec un sourire plus amusé que piquant.
Pardonne-moi pour tout à l'heure, mais...
- Je t'ai prise de court, c'est à moi de te présenter mes plus plates excuses...
Chenoa pouffe, ses yeux s'embrasant d'une lueur joyeuse. Un progrès fragile, mais qui vaut tout l'or du
monde.
- J'en fais trop ?
- Rends-moi le Ciaran arrogant et provocateur, je le préfère à cette version ultra polie.
- Le souci, c'est que je ne sais pas comment m'y prendre avec toi, avoué-je en me surprenant moi-même.
Avant, on discutait librement, tous les deux, mais ton départ m'a prouvé qu'on n'était peut-être pas aussi proches que ce que je croyais. Et, là, j'ai besoin de toi, même si j'admets que ce que je te demande est... difficile pour toi.
Mon nouvel accès de franchise fait ciller Chenoa, ce qui n'est pas pour me déplaire. Au moins, elle sort de son
rôle de pantin inexpressif. Elle me soupèse avec indécision, puis se rejette contre le dossier de sa chaise.
- J'ai voulu en finir. Je ne suis pas passée à l'acte, précise-t-elle devant mon sursaut.
Un silence indélicat s'installe, mais je me refuse à le briser. Chenoa aspire l'air par grandes bouffées, comme si elle avait besoin de se donner du courage ou d'un élan pour continuer, et j'ai dans l'idée que les mots qu'elle s'apprête à prononcer n'ont jamais franchi le seuil de ses lèvres.
- La pression, mentionne-t-elle d'un ton enroué. Le harcèlement, la douleur, le manque...
Elle renverse la tête en arrière pour dissimuler ses yeux humides, puis se rétablit, plongeant dans mon regard
comme si, finalement, elle avait décidé d'exposer cette souffrance qui la ravage.
- Certains jours, je me disais que j'étais forte, que j'allais surmonter ça... Pour Bella... Pour que sa vie n'ait pas été vaine... Pour qu'on se rappelle que son étoile brille tout là-haut...
Elle abaisse ses paupières sous le poids de ses émotions, la bouche tordue en un rictus peiné. Une larme
unique trace son chemin sur sa joue pâle. Elle reprend :
- Puis, d'autres jours, j'avais juste envie de m'endormir et de la rejoindre.
J'accuse le choc. Pas très bien, si je dois être tout à fait honnête.
- Non... Chenoa...
- Il y a encore des moments difficiles, continue-t-elle d'une voix hachée. Les doutes, le désir de ne plus rien
ressentir, d'être simplement en paix...
L'abysse de douleur m'explose à la figure. Me coupe littéralement le souffle. Je revois Connell à l'hôpital, le visage exsangue et les traits tirés. Je me souviens de ses promesses de prendre soin de Chenoa et de ses regrets si manifestes que j'ai accepté de me tenir à distance. De taire la souffrance qui me lacérait la poitrine.
Une connerie sans nom dont je ne mesure vraiment l'ampleur qu'aujourd'hui.
- Ici, c'est plus... simple. Alors, rentrer ? Non, jamais !
Et, sur ces mots, elle quitte la table pour aller se réfugier dans sa chambre, me laissant avec une furieuse envie de massacrer mon frère.