Chapitre 4
Pour ce week-end, la météo avait prévu un temps plutôt sec avec des températures clémentes. Siv qui avait réussi à faire céder Lucia, conduisait en direction de la côte.
Ce ne fût pas simple de lui faire changer d’avis, mais avec un peu d’insistance et en invoquant leur amitié, le jeune homme avait fini par arriver à ses fins.
Il s’était mis en tête de parler à Lucia durant le dîner de ce soir.
Il voulait vraiment lui dire ce qu’il ressentait pour elle. Cela faisait un moment qu’il repoussait et aujourd’hui, il se sentait enfin prêt.
La route avait bercé Leo qui dormait à point fermé dans son siège auto.
Il devait déjà rêver aux navires qu’il allait voir durant leur court séjour.
La joie qu’il avait manifestée, en apprenant qu’ils iraient au bord de la mer en fin de compte, fit vraiment plaisir à Siv.
Lucia, elle, restait murée dans une espèce d’angoisse, comme si cette sortie éprouvait ses limites et l'exposait à un grand danger.
_ Je comprends que tu n’ais pas envie d’étaler ta vie, lui dit son ami en la sentant au comble de la crispation, mais on se connait depuis un moment déjà. Tu sais que tu peux me faire confiance et me parler.
_ De quoi voudrais-tu qu’on parle, lui dit-elle en quittant sa fenêtre du regard et en tournant la tête vers lui.
_ Je suis avocat je te signale. Et malgré ce que tu veux faire croire, je vois bien que tu te caches. La question est, de qui ?
Le regard de la jeune femme se fronça et pour noyer sa nervosité soudaine, elle noua et dénoua ses doigts entre eux.
_ Tu te comportes comme ces témoins de grandes affaires criminelles, qui se terrent dans un trou perdu et ne vivent plus qu’avec la crainte d’être retrouvé un jour. Je doute bien sûr que ce soit ton cas, plaisanta-t-il pour détendre un peu l’atmosphère qu’il sentait tendue. Quoi qu’il en soit, sache que tu n’es pas seule et que tu peux compter sur moi…
Les idées de Lucia se bousculaient dans sa tête. Siv s'était toujours gardé de lui parler de son passé, auparavant.
Alors pourquoi ce changement d'attitude ?
Elle espérait juste qu'il n'était pas en train d’enquêter dans son coin pour découvrir la vérité la concernant.
Personne ne devait savoir qui elle était vraiment, ni s’impliquer dans ses problèmes.
Alors si son ami venait à découvrir quoi que ce soit, elle serait obligée de partir et de tout recommencer ailleurs.
_ Tu devrais peut-être réveiller Leo pour qu’il puisse voir le port, on va passer devant, lui suggéra l’homme qui voulait apaiser l’état d’affolement interne qu’il avait provoqué chez Lucia.
_ Heu, oui...
Tandis qu’elle appelait doucement son fils, Siv lui jeta quelques regards furtifs. Son passé était donc plus sensible qu’il ne le pensait.
L’enfant fut transporté de joie à la vue de ces bateaux de toutes tailles qui étaient amarrés dans le port.
Du bout de son petit doigt boudiné, il essayait de compter le nombres d’embarcations qui s’y trouvaient.
_ Il y en a trop ! Finit-il par dire en arrivant à la limite des nombres qu’il connaissait.
_ Oui et encore tu n’as rien vu. Il y a un autre port pas loin qui compte encore plus de bateaux.
_ On peut y aller ? S’impatienta Leo qui ne tenait déjà plus en place.
_ On va passer à l’hôtel d’abord, lui dit sa mère. On doit déposer nos bagages et te débarbouiller un peu, ensuite on verra ce que l’on fait.
Les sourcils froncés et la moue boudeuse, l’enfant acquiesça de la tête…
La suite qu’avait pris Siv était spacieuse et comportait deux chambres et un salon.
La décoration était sans fioritures, mais restait moderne et lumineuse.
Même si Lucia trouvait que le lieu n’était en aucun point comparable, il lui fit repenser aux moments qu’elle avait passé avec Vincenzo.
Presque quatre ans s’étaient écoulés et beaucoup de choses s’étaient produit entre-temps, mais son souvenir de lui était encore bien présent. Trop présent pour la laisser vivre en paix.
Elle le voyait partout. Rêvait de lui en permanence et bien malgré elle, elle souffrait toujours autant de son absence.
_ Lucia, l’interpella Siv tandis qu’elle était plongée dans ses pensées. J’ai proposé à Léo une petite ballade avant d’aller déjeuner. Tu es d’accord ? Si tu veux, tu peux venir avec nous ?
_ Une ballade ? S’enquit-t-elle un peu inquiète.
_ Oui, juste histoire de le faire patienter. On ira visiter le port plus en début d’après-midi.
Leo arborait un air grave. Sans lâcher la main de Siv, il restait suspendu aux lèvres de sa mère, attendant sa réponse avec appréhension.
_ C’est d’accord, vous pouvez y aller, acquiesça la jeune femme qui ne voulait pas frustrer tout le monde par ses peurs.
_ Ouiii ! S’écria le petit en sautant de joie. Elle a dit oui.
L’homme salua l’effort de la jeune femme d'un sourire pleins de fierté.
_ On ne sera pas long, et à notre retour nous irons déjeuner.
_ Très bien, je vous attends...
C’était la première fois que Vincenzo atterrissait à l’aéroport de Bordeaux.
Malgré la saison, un beau soleil inondait cette vieille ville qu'il ne connaissait que de nom.
Il jeta un œil à sa montre et s’aperçut qu’il n’allait pas être en avance pour sa visite du site de construction navale.
_ Votre voiture est avancée, lui dit Simon son autre assistant, en prenant son bagage à main.
_ Bien, merci. Dis-moi, il faut combien de temps de route jusqu’à Arcachon ? Lui demanda Vincenzo.
_ Une heure peut-être. Mais ne vous inquiétez pas, j’ai déjà prévenu Mademoiselle Lafond pour le retard qu'a accusé votre vol.
_ Merci Simon. Autre chose, je ne repartirai pas ce soir, je suis H.S.
_ Bien Monsieur. Je fais annuler votre vol et je vous prend une chambre dans ce cas.
La route qui menait à la côte était fluide ce qui permis à l’homme d’arriver rapidement à son rendez-vous. Selena Lafond l’attendait avec une petite délégation de directeurs dans le hall des bureaux de Navy-Tech.
Après les salutations et les protocoles d’usage, la jeune femme lui proposa de commencer la longue et fatigante visite du site. L’homme ne faisait que rarement ce genre de chose, mais vu que la présidente actuelle avait fait des pieds et des mains lors de leur petit tête à tête, il avait consenti à venir voir sa future acquisition.
Selena lui faisait le descriptif des locaux en usant d’une voix qui se voulait séductrice, ses manières surjouées et son déhanchement ne lui laissaient aucun doute sur l’intérêt qu’elle lui portait. Il l’avait déjà senti le soir où ils avaient pris un verre ensemble, mais il ne s’attendait pas à ce qu’elle continue son manège devant ses collaborateurs.
Vincenzo faisait mine de n’y voir que du feu, et pour la décourager, il gardait un sérieux exemplaire.
Dire qu’elle ne lui plaisait pas aurait été un mensonge. Mais vu qu’il avait pour principes de ne pas dépasser certaines limites dans son cercle professionnel, il s’abstint de lui montrer tout intérêt.
Son téléphone vibra et un message de Natale s’afficha. Il aurait aimé le lire, mais il voulait d’abord en finir avec son engagement.
_ Quelque chose vous ennuie ? Lui demanda Selena alors qu’ils arborait une moue agacée.
_ Non, tout va bien. On peut reprendre…
Après une visite de plus de trois heures et une bonne migraine, Vincenzo put enfin se libérer.
Au lieu de rentrer directement à l’hôtel, il se dit qu’une petite promenade dans cette ville portuaire lui ferait le plus grand bien.
Il n’avait pas pris une seule journée de repos et cela depuis des semaines. Il allait profiter de ce séjour forcé pour souffler un peu et visiter les environs.