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Chapitre 2

Une fois dans la voiture je pense l’appeler avant de démarrer.

Moi : Allo

Mane : Allo Mohamed, un instant.

Il m’a appelé Mohamed ? J’ai failli raccrocher sur le champ mais compris de suite, il devait être avec sa femme. Ah les hommes ! Mes hommes !

Alors j’entends une chaise qu’on tirait, une porte qu’on refermait, puis la voix mielleuse de M. Mane

Mane : Ah, mon piment d’amour. Ca va ?

Moi : Oui, j’espère que je ne t’ai pas dérangé, je suis désolée de t’appeler chez toi.

Mane : Non il n’ y a pas de soucis, vas y. Que puis je faire pour toi ?

Moi : Oui, je voulais juste te dire que je n’ai pas pu retirer le chèque, il y’ avait trop de monde à la banque. Je te la garde et tu feras le nécessaire, d’ accord ?

Mane : Ca me va. Je m’en occupe au plus vite. J’ai même voulu t’appeler là, je voulais t’inviter à dîner ce soir.

Ca par contre ce ne sera pas possible, Demba doit venir me voir et il a déjà payé cher pour un bon diner. Demba est la personne qui te paie plus qu’il ne te doit. Il travaille dans une entreprise de télécommunication de la place, et assure aussi le paiement de mes lignes téléphoniques et de mon internet. Je lui refuse très rarement une visite.

Mane lui, il accepte tout ce que je lui dis, il ne me refuse jamais rien.

Moi : Oh, je suis désolée chéri mais ce ne sera pas possible. Je me suis déjà engagée pour un diner. Si ca te va pour demain, s’il te plait appelle moi avant au plus tard midi pour confirmation.

Oui, parce qu’il arrive souvent que certains me sollicitent le weekend. Même si beaucoup d’entre eux me voient en semaine après leur boulot ou à leur pause déjeuner, et les plus déterminés les soirs aussi. Je ne comprendrai jamais les excuses qu’ils invitent à leurs épouses pour sortir les weekends.

Mane : Non non, ce me va pour demain. Je confirme tout de suite.

Il a dit ceci si vite qu’un sourire m’échappe.

Moi : Ok, on se dit à demain alors, bye

Mane : Bien mon piment d’amour, à demain.

Dès que je raccroche mes pensées ne peuvent s’empêcher d’aller vers Mane. Agé d’une cinquantaine d’années cet homme est père de trois enfants. Sa femme, commerçante habite presque dans les avions. C’est cependant grâce à ce travail qu’elle fait vivre sa famille, et qu’elle les a mis à l’abri du besoin. La maison où ils habitent, la scolarité des enfants, la nourriture, tout lui revient. Mane est fonctionnaire, et son salaire ne lui aurait pas permis de se permettre le niveau de vie que sa femme leur offre actuellement.

Mais cette femme ne le satisfait en rien dans son rôle d’épouse. Elle n’est jamais là, et ils ne dorment même plus dans la même chambre. Sa vie c’est son business et ses amies avec qui elle se retrouve à chaque fois qu’elle est à Dakar pour des séances de « mbakhal » et autres de ce genre entre « grandes dames ».

Pour elle, son rôle se limite au paiement des factures et la bonne fait le reste.

Mane n’ attend de moi que les choses simples, sa tête posée sur mes cuisses pendant que je lui fait du thé, qu’on lui lave les pieds à l’ air chaude suivi d’ un bon massage, et qu’on le détende avec ce que vous savez, il ne demande que ca pour vivre comme il le sent. Ca fera bientôt deux ans qu’il me fréquente, et j’ai droit à deux cent mille à chaque fois qu’on se voit.

Je chasse vite ces pensées et me rappelle devoir passer à la pharmacie avant de rentrer chez moi. J’étais presque en rupture de stock de préservatif. Je regrette déjà Charles, c’est un délégué médical qui a été envoyé en expatriation en Côte d’Ivoire, lui il me fournissait tout mon stock, je n’avais pas besoin d’en acheter comme là.

Une fois chez moi je me mets en pagne et débardeur pour me diriger vers la cuisine. La domestique, Awa, que j’ai appelé pendant que je patientais à la banque a tout préparé comme je lui avais demandé, il ne me reste qu’à mariner le gigot, le laisser poser un peu avant de le mettre au four. Au moment de faire la salade je le repasserai au barbecue pour avoir le goût du feu. Pour certaines personnes comme Demba je m’occupe moi même de leur repas, c’est ca qu’ils désirent.

Demba a juste quarante ans. Un homme charmant dont toutes les femmes pourraient rêver à la première vue. Il est correct, tendre, généreux, et gagne très bien sa vie. On s’est rencontrés par hasard chez des amis communs il y’a un an, on a échangé pendant un bon moment puis il m’a demandé s’il pouvait me recontacter. A la suite on se parlait souvent par téléphone, puis il a fini par venir souvent me voir. Assez intelligent, il a deviné après en observant mes communications téléphoniques que je me fais payer mes services d’argent de bonne compagnie, je n’ai rien eu à lui dire. Ceci n’a rien changé dans son comportement, alors on a continué à se fréquenter, puis on est allés à plus que ca. Il me laisse souvent beaucoup d’argent avant de partir, s’occupe des frais de mes communications sans que je ne le lui demande. Sans jamais poser de questions, il s’assure juste que je réponde à ses exigences, de bons plats préparés pour lui, et de bons moments en ma compagnie.

Sa femme est médecin, et est souvent appelée dans des urgences. Ses moments libres elle les passe tout le temps chez ses parents. Après son boulot elle passe chez ses parents où elle se sert de leur diner qu’elle vient ensuite servir à leur mari dans leur appartement prétextant un manque de temps. L’impossibilité d’avoir un enfant après sept ans de mariage ou le cordon toujours lié à la maison paternelle la poussent t-elle à s’éloigner autant de son mari ? Je ne saurai le dire.

J’ai compris que Demba est un homme réservé, calme, qui se contente de ce que sa femme lui donne sans en exiger plus, il la pousse inconsciemment dans ce qu’elle fait et se contente de venir me voir pour combler son manque.

Il fait partie de ceux qui m’ont déjà demandé en mariage, mais j’ ai bien entendu refusé.

C’est simple, je ne veux plus et ne compte plus me marier.

Je me demande même si ce que j’ai vécu peut s’appeler un mariage ?

Ma famille est une famille de Pulaar, la noble famille dont j’appartiens hélas.

Je suis fille unique, j’ai un petit frère âgé de vingt quatre ans dont je paie actuellement les études à l’étranger, c’est ma seule famille.

A l’âge de cinq ans j’ai été excisée, à l’âge de quatorze ans j’ai été mariée à un commerçant âgé de cinquante quatre ans dans ma ville natale à Podor.

Permettez moi de ne pas entrer dans les atrocités de ce mariage, j’en refoule les souvenirs.

Quelques mois après ma maman nous a quitté, puis quatre ans après mon mari est décédé dans le lit conjugal. Après le deuil j’ai passé mon baccalauréat que je n’ai malheureusement pas réussi. Ma tante maternelle Khoudia que je ne remercierai jamais assez a souhaité que je vienne habiter chez elle à Dakar, cadre plus propice pour bien continuer mes études auxquels je tenais énormément. Après plusieurs négociations et discussions dans la famille mon père a accepté.

Ma tante avait deux petit enfants, et quelques mois après être restée chez elle je compris qu’elle me voulait plus pour bonne qu’autre chose.

Avant d’aller à l’école il me fallait faire le ménage, à midi le déjeuner à faire m’attendait, le soir j’avais le diner à faire avant de me plonger dans mes cahiers.

Mais je préférais ceci à mon retour à Podor, car on pouvait me remettre de force dans un mariage avec un autre, j’avais entendu le bruit courir.

J’ai réussi mon baccalauréat l’année suivante, et je suis partie à l’université de Dakar pour y suivre des études en économies, enfin j’étais libre.

Ma vie actuelle a commencé avec ma bataille pour vivre, survivre.

Une maîtrise en poche j’ai tapé toutes les portes pour trouver un travail qui ne venait pas. Je me suis alors contentée de ce que je fais, qui me permet de subvenir à mes besoins et ceux de mon frère.

Au moment où je mets les jus d’orange au frais, je vois mon téléphone sonner, un petit frisson me traverse le corps lorsque je vois le nom s’afficher sur l’écran : Karim.

Je n’ai pas du tout envie de lui répondre, mais il n’arrêtera pas d’insister si je ne décroche pas.

Je soupire et décroche après le deuxième appel.

Moi : Oui

Karim : Hey doucement toi, tu ne me dis pas bonjour?

Sa voix puissante a juste l’art de me mettre hors de moi, il me faut écourter vite cette conversation.

Je soupire et finis par répondre

Moi : Bonjour Karim.

Karim : Ben voilà qui est mieux, bonjour Fa. Je suis rentrée la nuit passée et souhaitais voir comment tu vas depuis mon absence d’une semaine.

Je maudis Mariam qui lui a passé mon numéro. Mariam c’est une amie que je fréquente depuis l’université. Karim est un ami de son mari, il cherche à se caser et Mariam veut jouer aux entremetteuses croyant qu’il peut me faire changer d’avis. Il insiste depuis deux mois qu’on se voit, m’appelant tous les jours mais je refuse catégoriquement pour deux raisons : il est célibataire, et quelque chose dans sa voix me perturbe. J’ai tout fait pour lui dire qu’il ne m’intéresse pas, mais il s’entête.

C’est bizarre mais durant toute cette semaine j’ai ressenti comme un petit manque, là qu’il vient de m’appeler je sens ce qui créait ce vide...Je rejette vite cette pensée stupide.

Moi : D’ accord ! Merci d’avoir appelé.

Karim : Tu sais tout ca m’a vraiment manqué ?

Moi : C’est quoi tout ca ?

Karim : Le fait que tu sois sèche, désagréable, mais que je sens au fond de toi cette douceur...Tout ca j’avais hâte de le redécouvrir. Mais une chose me fait plus envie, voir enfin la personne qui se cache derrière tout ca.

Moi : Bon Karim, merci pour ton appel mais on m’attend. Je suis désolée.

Karim : Ok chérie, je te laisse alors. Mais j’ai un petit cadeau pour toi que je voulais te remettre.

Moi : Non Karim, merci mais je n’en veux pas de ce cadeau.

Il fait comme s’il ne m’a pas entendu.

Karim : Je te rappelle quand tu seras mieux disposée et on verra comment et où je pourrai te l’amener. Au revoir chérie.

Puis il raccroche d’un coup.

Je l’insulte intérieurement avant de retourner derrière mes fourneaux.

À suivre.

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