Chapitre 02
Chapitre 2.
Une bonne odeur de café me tire de mon sommeil. Je me retourne doucement et dans mon dos un plateau sur lequel est disposé mon petit-déjeuner et un bouquet de fleurs. Des roses blanches, mes fleurs préférées. Ce petit geste enfle mon cœur d’amour et je souris toute seule.
Après avoir englouti mon petit-déjeuner, j’appelle maman pour lui dire que je suis bien arrivée. J’en profite pour lui narrer la conversation téléphonique de la veille avec mon géniteur.
- Ah Mayite ! elle soupire. Je ne sais pas comment ces gens sont toujours informés de ce qui se fait chez nous. Je ne sais pas qui lui a raconté ça ni dans quel but.
- Tu te rends compte que rien que pour ça il m’appelle. Pour les vraies choses il est aux abonnés absents. Il me parle de tradition, la même tradition autorise-t-elle un père à abandonner ses enfants.
- Tout ce que je te demande c’est de continuer à respecter ton père. La Bible demande d’honorer nos parents. Pas seulement les bons, les gentils, mais aussi les irresponsables. Ne porte pas les péchés de ton père. Cette même Bible demande aux parents ne pas irriter leurs enfants. Dieu se chargera de ton père, ne porte pas ses fardeaux. Tu m’entends ?
- Oui maman.
- Tu es déjà grande Mayite, en plus tu es l’aînée. Le porte-documents que je t’ai remis, tu as eu le temps de le parcourir ?
- Pas encore, je viens de me réveiller.
- Fais-le, je t’appelle le soir. En attendant, fais un message à ton père pour lui dire que ce n’étaient pas des présentations ni demande en mariage.
- Oui maman. je réponds en boudant.
- Je t’aime mon petit soldat.
- Je t’aime mamounette.
Je descends du lit pour récupérer mon sac à main. Le porte-documents n’a pas l’air lourd, je retourne sous la couette m’installer confortablement avant de le feuilleter. A l’intérieur, les originaux de nos quatre actes de naissance, les papiers des terrains de maman, l’assurance vie de maman (je ne savais même pas qu’elle en avait une), des comptes d’épargne pour chacun de mes frères, des papiers du tribunal et bien d’autres. Que des documents importants, que des versions originales. Ça ne me plaît pas et j’appelle immédiatement ma mère.
- Aimer c’est prévoir. Je souhaite vivre assez longtemps pour voir vos enfants, pourquoi pas vos petits-enfants même, mais malheureusement je ne suis pas maître de mon souffle de vie. Tu comprends ?
- Tu es malade mamounette ?
- Non. Et je ne vais pas attendre la maladie pour mettre votre avenir en sécurité. Je suis désormais le seul tuteur légal de tes frères et si je venais à fermer les yeux, tu le deviendras toi. Mayite écoute attentivement ce que je te dis
- Je t’écoute.
- Tout a été fait de façon totalement légale. Pas pour créer des histoires, mais pour votre sécurité. Tu as vu le numéro de mon notaire ?
- Je l’ai vu.
- Les épargnes pour tes frères ne doivent servir que pour leurs études universitaires. Je te fais confiance Mayite, sois responsable. Occupe-toi bien de tes petits frères. Même si c’est difficile, fais-le pour moi.
- Je n’aime pas la tournure de cette conversation. Tu me caches quelque chose ?
- J’ai simplement réalisé à quel point l’orphelin était malheureux et je fais de mon mieux pour vous protéger. Si je ferme les yeux…
- Touche du bois. je m’empresse de l’interrompre.
- Je touche du bois. Si je meurs, tu auras la responsabilité entière de tes frères.
- Et papa. Il n’est plus notre père ?
- Cette conversation, ça devrait être avec lui que je devais l’avoir. C’est à lui que je devrais remettre ces documents. Malheureusement Stéphane NGOYE ADIMANGOYI restera à jamais Stéphane NGOYE ADIMANGOYI. Il reste votre père, vous lui devez toujours du respect, mais pour votre bien, on n’aura pas besoin de sa signature pour un voyage important ou autre par exemple.
Elle me dit comment elle veut que les choses s’organisent après son départ. J’insiste pour savoir si elle n’a pas de maladies qu’elle me cacherait, elle maintient sa réponse : non, elle va bien. Peu convaincue, j’appelle maman Lou pour lui poser la question. Elle me dit que ma mère va très bien et qu’elle assure simplement l’avenir de ses enfants. L’idée lui serait venue après une visite dans un orphelinat avec des membres de son église. Discuter avec des orphelins lui aurait vraiment fait réaliser beaucoup de choses. Notamment que si on souffre autant en Afrique, c’est parce qu’on ne sait pas prévoir. On ne prévoit pas nos retraites, on ne prévoit pas le futur de nos enfants. On a vraiment pris pour nous les paroles de l’Ecclésiaste «Ne vous inquiétez donc pas du lendemain ; car le lendemain aura soin de lui-même. A chaque jour suffit sa peine ».
Je sens dans la voix de maman Lou de la sincérité alors je baisse la garde. Enfin je me lève du lit pour commencer la journée. Déjà, je dois ranger mes affaires. Ryan m’a fait une place dans son placard mais mes manteaux ont déjà tout pris.
L’appartement est petit pour son prix. Ryan m’avait prévenue que les logements dans cette ville était chère. C’est pour ça qu’il a commencé à regarder des appartements. Celui-ci est bien trop petit pour deux personnes.
Tout est propre et rangé. Je décide donc de faire à manger. Mais placards et frigidaire sont vides. On rentre tout deux de voyage, normal. Je me résigne alors à regarder des films sur une plateforme en ligne en attendant le retour de Ryan.
Je n’ai pas envie d’envoyer ce message à mon père, mais j’ai encore moins envie de désobéir à ma mère. Après plusieurs réflexions, je lui envoie un message simple et clair.
« Bonjour papa. Je ne sais pas qui te l’a dit mais Ryan n’est nullement venu se présenter ni demander ma main. Bonne journée. »
Au moins c’est fait.
Ryan rentre en début d’après-midi avec des paquets de fast-food. Il dépose un baiser sur mes lèvres et continue dans la chambre. En attendant son retour, je vais chercher des plateaux pour disposer la nourriture.
- On va déménager la semaine prochaine. Pour une appartement plus grand.
- Ah oui ? Fais voir les photos.
L’appartement est certes plus grand, avec deux chambres, mais pas terrible. Pas vraiment beau. Mais vu le prix, je ne dis rien. Peut-être qu’une fois aménagée et décorée ça sera plus beau.
- Donc il faut faire les cartons ? je demande.
- On a encore du temps. Ils sont actuellement en train de refaire la peinture et régler un problème de plomberie mais d’ici deux semaines on pourra aménager. Par contre c’est encore plus loin de l’école, environ une heure. On devra forcément aller le matin ensemble et rentrer ensemble pour faire des économies.
- Mais si tu as cours et pas moi ou vice versa ?
- A ce moment on trouvera une solution.
La première journée, je visite une partie de Paris. C’est tellement beau. J’ai envie de tout acheter, mes yeux brillent.
- Tu peux prendre un présent mais pas plus de cent euros.
Je sais qu’il veut me faire plaisir, mais on a tellement de dépenses qui arrive. Je décline son offre, plus tard peut-être.
Avant de rentrer, nous nous arrêtons dans un supermarché faire des courses juste pour la semaine. Je m’éparpille en regardant les objets de décoration pour notre futur maison, des ustensiles de cuisine. Si seulement ma mère était aussi riche que ses parents le disent.
Je nous fais un repas copieux de retour chez nous. Ryan branche son jeu vidéo et lance une partie en ligne. On passe à table puis on s’occupe comme on peut de la soirée.
Les cours ont commencé depuis environ trois semaine. On s’organise comme on peut même si financièrement c’est un peu lourd. Je n’ai toujours pas l’appartement de mes rêves, on compte les sous pour tout. Absolument tout. On doit tout planifier à l’avance, réfléchir à deux fois avant d’effectuer la moindre dépense. Ce n’est pas la vie que je m’étais imaginée mais ça va, on a un toit sur la tête et des vêtements chauds sur le corps.
Par contre, l’adaptation n’est pas vraiment facile pour moi. Ryan est dans ce pays depuis trois ans. Il a ses habitudes, ses amis, ses endroits. Moi je n’ai que lui. Lorsqu’il sort avec ses amis, je me retrouve seule dans la maison à m’ennuyer. Je ne suis pas de ceux qui se font facilement de nouveaux amis, je ne m’ouvre pas facilement aux gens. Ryan est soit avec ses amis, soit devant son jeu vidéo. J’ai l’impression de ne pas exister, de ne pas être importante.
Il est 19h et Ryan n’est toujours pas rentré. Je suis seule dans l’appartement, et j’ai déjà fait toutes les tâches ménagères faisables. Alors je décide de sortir marcher un peu, prendre de l’air. La batterie de mon téléphone affichant un très faible pourcentage, je le laisse en charge. Il commence à faire froid, je prends soin de bien me couvrir me sachant frileuse.
Je marche sans but, je veux juste me changer d’idées. Voir autre chose que les murs de cette maison. Je fais du lèche-vitrine et fantasme sur quand on sera plus à l’aise financièrement. Ça me détend, si bien que je ne vois pas le temps passer. À mon retour à l’appartement, il est 23h et Ryan est dans tous ses états.
- Tu sors d’où ? il m’agresse à peine je ferme la porte.
- J’étais allée faire un tour. je réponds confuse.
- Sans ton téléphone ? il poursuit.
Je ne comprends pas pourquoi il est aussi tendu ? Maman a appelé en mon absence ? Il y a un problème ?
- Ma batterie était faible et je n’ai pas vu le temps passer.
- Tu ne pouvais pas non plus me faire un message pour me prévenir ?
- Parce que tu le fais toi ? Tu passes tout ton temps libre dehors à faire je ne sais quoi, avec je ne sais qui, je ne sais où. Je ne suis pas un meuble qui est censé rester dans cette appartement à attendre ton retour. Même les plantes ont besoin d’être sorties de temps en temps.
- Je suis responsable de toi ici. Tu as entendu ta mère, s’il t’arrive quelque chose c’est à moi qu’on demandera des comptes. Si tu sors préviens-moi c’est la moindre des choses.
- Parce que quand tu m’abandonnes ici je ne peux pas avoir un problème ?
Cette conversation commence à m’énerver, je vais dans la chambre vérifier mes notifications. Sauf que Ryan n’en avait pas fini.
- Donc comme je fais, toi aussi tu fais ? Tu rentres à 23h c’est normal, je ne dois rien dire.
- Tu n’es pas mon père.
- Non mais je suis responsable de toi. Tu n’es pas responsable de moi.
- La bonne excuse !
- C’est la réalité Mayite. S’il t’était arrivé quelque chose, je devais dire quoi à ta mère ?
- Que je suis sortie prendre de l’air pendant que tu étais avec tes amis comme d’habitude.
- Je suis maintenant condamné à rester avec toi à la maison ?
- Bref Ryan !
- Ne me dis pas « bref » !
C’est une conversation de sourds. Qu’il continue de vociférer s’il veut. Maman dit toujours que la paix vaut mieux qu’avoir raison. Je ne vois pas l’intérêt de continuer à se crier dessus si au final on ne se comprendra pas. Je sors si je veux, et il sort s’il veut. Il sait ce que je pense de ses sorties, je n’en parlerai plus.
- On se voit depuis le primaire, au lycée on était tout le temps ensemble. Je ne peux pas avoir de vie ? On se lève ensemble, on va à l’école ensemble, on rentre ensemble. Pour une heure ou deux dehors avec mes potes c’est le drame ?
Ses paroles me chagrinent parce que moi je ne compte pas le temps passé avec lui. Ça ne me dérangerait pas qu’on soit collés l’un à l’autre trois cent soixante cinq jours l’an. De plus, je ne lui interdis pas d’avoir des amis ou d’aller les voir. Seulement, c’est tout le temps le cas. Mais il a raison, maman me l’avait bien dit de ne pas développer de dépendance affective.
- Mayite, je te parle ! Regarde-moi !
Je laisse mon téléphone et lève les yeux vers lui.
- J’ai compris Ryan. C’est bon.
J’ai compris que je dois avoir une vie indépendante de sa personne. J’ai compris que je dois avoir mon univers parallèle au sien. Je ne peux pas lui en vouloir d’avoir une vie parce que j’ai basé la mienne sur lui. Même si ça me fait mal, je dois l’accepter.
C’est à partir de ce jour que j’ai fait l’effort d’avoir une vie sociale. Non pas avoir de amis, comme je l’ai dit j’ai du mal à laisser les gens entrer dans ma vie. Par contre je sortais avec mes condisciples de classe, sans trop les laisser entrer dans ma vie. J’ai aussi trouvé un travail dans un restaurant. Les allés et venus de Ryan je n’en ai plus fait une cause de disputes.
Pour notre premier Noël en amoureux dans notre chez nous, j’ai mis les petits plats dans les grands. En entrée une terrine de saumon aux langoustines, du foie gras et un cheesecake au saumon fumé et coulis de betterave. En plat de résistance une dinde aux marrons et des Saint-Jacques. Pour le dessert on a acheté car je n’avais pas le temps mais en plus la pâtisserie c’est vraiment mon point faible en cuisine.
Pour ce Noël spécial pour moi, je n’ai pas regardé à la dépense. Du repas à la déco, ainsi que pour cette montre de créateur Premium que je compte offrir à Ryan. J’ai vidé mes petites économies sans y réfléchir à deux fois.
- Ça te dérange si Darween se joint à nous ? Ryan me demande.
- Il y en a assez pour trois.
Mais grande fut ma surprise de voir débarquer toute la bande. Tous ses amis et certains même avec des « plus one ». Ça ne me dérange pas de les recevoir, simplement j’aurai apprécié qu’on m’avertisse. Lorsque j’ai fait cette réflexion à Ryan, il s’est enflammé en concluant que je n’aime pas ses amis. Il m’a même crié dessus. Pour moi c’était la goutte d’eau de trop. Depuis notre arrivée en France je prends énormément sur moi, j’évite les conflits. Mais me faire gronder comme un enfant pour si peu ? Ça je dis non. J’ai pensé ce repas pendant des jours, je me suis démenée pendant des jours afin qu’il soit parfait. Il sait combien ça comptait pour moi.
Simplement je retire mon tablier que je remplace par un manteau et je sors. Je vais m’assoir au McDo où je reste pour me calmer. Un serveur s’approche et me demande pourquoi je suis si triste un jour aussi heureux. Je lui souris simplement et il m’offre un chocolat chaud.
J’avais besoin de me calmer alors je suis restée dans ce restaurant à lire « Trois amis en quête de sagesse ». Pour avoir un peu plus de paix, j’ai mis mon téléphone en mode avion.
Je dévorais mon livre lorsque j’ai senti une main sur mon épaule. J’ai levé les yeux en pensant tomber sur le serveur de tout à l’heure, mais c’était Ryan.
- On rentre !
Je ne discute pas avec lui. Je me lève simplement avec mon livre et on marche jusqu’à sa voiture en silence. On rentre à l’appartement où il n’y a plus personne. La table n'a pas bougé, le repas pareil. Je vais dans la chambre avec l’intention de continuer ma lecture avant de me coucher mais Ryan me stop.
- Je suis désolé d’avoir réagi avec excès. Je te demande pardon. C’est notre premier Noël dans notre chez nous, s’il te plaît viens manger.
- Je n’étais pas contre le fait que tu invites tes amis. Je voulais simplement être avertie.
- J’ai compris. Ça fait deux heures que je te cherche sous le froid, on peut d’abord manger s’il te plaît.
Il faut réchauffer car c’est froid. Ryan met des chansons de Noël pour l’ambiance. Un réveillon de Noël comme je l’avais imaginé même si le début a failli être raté. On échange les cadeaux à minuit puis on fait l’amour sur le canapé.
Pour le premier réveillon par contre on avait prévu sortir avec les amis. Comme je n’aime pas ses amis et qu’ils me le rendent bien, j’ai préféré répondre à l’invitation d’une condisciple de classe dans le sud.
- Tu ne peux pas aller aussi loin Mayite.
- Laisse-moi deviner. Parce que je suis sous ta responsabilité. Mais lorsque tu me laisses ici seule pour aller t’éclater avec tes amis je ne suis plus un bébé dont tu as la responsabilité ?
- Tu me défies ?
Je ferme simplement ma valise et la mets sur pied.
- C’est bon, je ne sors plus. Tu es contente ?
- Tu fais ce que tu veux mais moi j’y vais.
On avait l’habitude d’avoir des petits désaccords, des petites chamailleries, mais ce soir on a eu notre plus grosse discute. J’étais déterminée à ne pas me laisser faire cette fois. Il m’a arraché mon trousseau de clé pour le mettre dans la poche de son jeans. Pendant qu’on se chamaillait, mon téléphone ne cessait de sonner. J’imaginais que c’était ma condisciple avec qui je devais partir. C’est lorsque les appels insistants ont basculé chez Ryan qu’on s’est calmés. Il a pris son téléphone pour répondre à l’appel.
- Bonsoir maman (…) non, je faisais du sport (…) elle est là, je ne sais pas (…) oh !
L’expression de son visage ayant changé, j’ai compris qu’il venait de recevoir une mauvaise nouvelle. J’étais désormais suspendue à ses lèvres.
Lorsqu’il raccroche enfin, il vient me serrer très fort dans ses bras.
- Ta maman a eu accident.
- Maman ne sort jamais les jours de fêtes, comment est-ce possible ?
- Un iguane est entré chez vous et l’aurait attaquée.
C’est absurde ! Il n’y a pas de cours d’eau, ni de végétation chez nous, d’où sort soudainement cet iguane ?
Je me précipite sur mon téléphone et appelle mes frères. Ils sont avec maman Lou. Les deux me racontent la même histoire que Ryan. Un iguane est entré dans la maison attaquer maman. L’animal l’aurait mordue et griffée. Les blessures sont profondes mais rien de trop grave.
- Je peux lui parler ?
- Elle est encore avec les médecins aux urgences. Mayite j’ai peur de rentrer à la maison. Lucas me confie.
C’est dans ces cas qu’on regrette d’être loin. Qu’est-ce que je peux bien répondre à mon petit frère totalement terrorisé à l’idée que cet iguane ne revienne ?
- Vous allez dormir chez maman Lou en attendant que votre maman sorte de l’hôpital. Ryan intervient.
Je le sens soulagé par cette nouvelle. Il repasse le téléphone à maman Lou à qui Ryan demande de prendre les garçons le temps que maman ne se remette sur pied.
- Mayite m’écoute ?
- Oui tu es sur haut-parleur.
- Prie. Prie énormément Mayite pour ta maman et tes frères.