Chapitre 01
Chapitre 1.
J’ai absolument tout vendu. Mes bagages ? J’ai fait partir une bonne partie de mes vêtements, notamment ceux d’hiver avec Ryan -mon petit ami- en France, et le reste je rentre avec au Gabon.
Après trois ans au Maroc, ma Licence en poche, je quitte ce pays sans regrets. Avec Ryan, on a prévu que j’aille poursuivre mon Master en France pour qu’on se rapproche. Mais les parents, du moins ma mère ne sait pas encore. Je lui en avais vaguement parlé et elle ne semblait pas emballée. M’étant prise en retard pour Campus France, j’ai dû postuler dans le privé et j’ai obtenu une préinscription dans une école de commerce à Paris -la même que Ryan- qui n’est franchement pas donnée. Je rentre au Gabon essayer de convaincre ma mère.
Mon téléphone sonne dans la chambre. J’ai rendu mon appartement, actuellement je suis chez une amie. Je me dépêche d’aller prendre cet appel. C’est soit maman qui m’annonce qu’elle a pris mon billet, soit Ryan. C’est maman.
- Allô mamounette.
- Bonjour Mayite. Je viens de t’envoyer ton billet d’avion par mail.
J’exécute quelques pas de danses.
- Merci maman.
- Aller simple tu as dit ?
- Oui.
- Pourquoi Mayite ? Je t’ai déjà dit que si le Maroc te fatigue, tu rentres faire ton Master en France. Ton histoire de France la, oublie !
Je ne lui réponds pas pour la simple et bonne raison que ce n’est pas au téléphone qu’on va en parler. Je lui ai vaguement parlé du projet et elle s’y est opposée farouchement. Mais c’est ma mamounette, je saurai lui faire changer d’avis.
En attendant, je vérifie mes mails et transfert mon billet à Ryan pour qu’on puisse prendre le même vol. J’ai besoin de ses kilos pour mes bagages.
Plus que cinq jours et je serai chez moi.
J’arrive à Libreville chargée. Maman m’a demandé de lui faire quelques achats, surtout pour la rentrée scolaire prochaine de mes petits frères. Toute ma famille m’attend à la sortie du hall avec la maman de Ryan. Nos mamans s’entendent très bien. Il faut dire que leurs enfants se connaissent depuis plus de quinze ans et sont en couple depuis dix ans.
- Je comprends mieux pourquoi depuis que j’ai envoyé l’argent Monsieur n’a pas acheté de billet, maman Lou taquine son fils.
- Vous avez fait bon voyage ? maman demande.
Nous leur racontons nos péripéties en se dirigeant vers les voitures. Chacun récupère ses affaires et nous nous séparons. Mais à peine maman s’installe dans sa voiture que son sourire disparaît. Oh oh ! Ça ne sent pas bon.
- C’est avec Lou que j’apprends que tu as déjà tout planifier pour aller en France à la rentrée. Que tu viens au Gabon pour faire ton visa. C’est normal Mayite ?
Lorsqu’elle est aussi en colère, il veut mieux ne pas répondre. J’ai mal agis en plus, qu’est-ce que je vais bien lui répondre ?
- Tu agis comme si tu étais mon unique enfant. Je paie ton école à six millions combien ? En plus à Paris, Lou me dit qu’elle envoie six cent mille francs à Ryan par mois pour vivre. Je trouve tout cet argent où Mayite ? Tu oublies que tu as deux petits frères ?
- Ryan dit qu’il va payer tout le reste, tu paies seulement l’école. je prends le risque de répondre d’une voix de souris.
- Ryan travaille où ? elle me demande encore plus en colère. Tu veux vivre en comptant sur les gens ? Et si demain vous vous séparez tu deviendras quoi ? Tu vas aller vivre où ? Ne compte jamais sur les gens Mayite, les gens sont changeants. Ne compte que sur toi-même.
Les larmes me montent aux yeux. J’ai connu Ryan à l’école primaire, on était les pires ennemis car constamment en course pour la première place. Puis nous sommes allés au lycée et l’expression « de la haine à l’amour il n’y a qu’un pas » a pris tout son sens. Dès la sixième nous nous sommes mis en couple. Maman Lou savait, mais ma mère… Comment dire à une maman africaine qu’on a un petit ami à seulement onze ans ? Elle ne l’a su que quatre ans plus tard, lorsque Ryan est venu lui demander la permission de sortir pour aller célébrer l’obtention de notre brevet.
Je me rappelle encore de ce jour. De comment je stressais, de comment j’étais devenue la meilleure petite fille du monde dans la maison. Elle avait accepté de me laisser partir parce qu’elle le connaissait et jusqu’à ce jour, je ne sais pas comment elle a su que Ryan était devenu plus qu’un ami.
Lorsque je suis rentrée ce soir là, elle m’a demandé depuis combien de temps on sortait ensemble. « Quatre ans » je lui ai répondu.
Elle m’a demandé si on avait déjà fait l’amour. « Oui, depuis deux semaines » je lui avais répondu.
Elle m’a demandé si on se protégeait. « oui » je lui avais répondu. Moi qui pensais recevoir des coups pour cette confession, elle m’a simplement sensibilisée. Elle s’est ouverte à moi et m’a dit pourquoi je ne devais pas me prendre une grossesse. Suite à cette discussion, j’ai annoncé à Ryan qu’on n’aurait plus de rapports jusqu’à l’obtention de notre bac. Promesse que j’ai tenue.
Ryan m’a toujours respectée, il a toujours été correct avec moi. S’il dit qu’il s’occupera de moi, il le fera. Je ne comprends pas pourquoi maman ne veut toujours pas voir Ryan pour ce qu’il est et non pour ce que « les hommes » sont. Ça me frustre. Je veux rejoindre mon petit ami. Je veux qu’on aménage notre chez nous. Qu’on vive librement chez nous. Trois ans loin l’un de l’autre, même s’il venait me voir dès qu’il le pouvait, c’était long. Long pour deux personnes qui avaient l’habitude de se voir tous les jours. Je veux aller en France.
Malgré l’opposition de maman, j’ai continué mes démarches pour partir. Je sais que je finirai par convaincre maman, je le sais. C’est ma maman, je suis sa seule fille.
Les jours passaient, maintenant je constituais un dossier pour ma demande de visa. Jusque là j’avais tout fait avec Ryan. Côté finances, il avait tout payé. Sauf que pour la demande de visa, j’avais besoin des papiers de maman.
- Et puis zut alors ! je m’exclame soudain.
- Zut quoi ? maman me demande.
- Je vais aller voir papa. C’est un peu trop facile non, il peut bien t’aider pour me faire partir.
- Hum ! fit-elle simplement en reportant son attention sur la télé.
C’était décidé. Le lendemain même j’allais rendre visite à mon père. pour lui parler de mon avenir. Stéphane NGOYE ADIMANGOYI et Lucrèce BENDOME ont eu trois enfants : Mayite, Lucas et Raphaël âgés respectivement de vingt-et-un, douze et neuf ans. Après leur séparation, mon père n’a plus jamais envoyé le moindre sous pour nous. Et ma mère, cette femme orgueilleuse, n’a jamais demandé non plus. Maman a toujours tout fait pour nous sans l’aide de personne.
Mon père a refait sa vie avec une femme dont maman dit que c’est une « petite fille ». Je ne la trouve pas petite, elle est de loin plus âgée que moi. Cette dernière accouche chaque deux ans, ils ont déjà quatre enfants dont le dernier a à peine sept mois.
La maison de mon père, cette maison dans laquelle j’ai grandi ne ressemble désormais à rien. Tout part en lambeauux Ça sent le manioc, les carreaux ont des tâches. Les fauteuils sont déchirés et les murs repeints aux dessins des enfants. En plus de ses quatre, il héberge deux neveux de sa concubine.
En me voyant, mes petits frères courent se jeter sur moi. Or je suis en blanc et ils ont les mains pleines de poussières. J’essaie de les maintenir à distance, ce qui n’est pas pour plaire à leur mère.
- Mayite tu m’as *emmené quoi de la France ? Lilian, le plus âgé me demande.
Ils ne connaissent que deux pays : le Gabon et la France. Si tu n’es pas sous leur yeux et que tu n’es pas au village, alors tu es en France.
- Je n’avais pas d’argent mais prochainement. je lui réponds gentiment avec un sourire chaleureux.
Je ne sais pas où m’assoir pour ne pas me salir. Tout est sale, tout est cassé. Mais quelle idée de venir ici habillée en blanc !
- Bonjour Mayite ! papa me salue froidement en prenant place sur un fauteuil.
- Bonjour papa.
- Je vois que tu connais encore le chemin de cette maison. C’est bien.
- Je viens d’arriver, je devais faire des papiers.
- C’est bien.
Il m’accueille tellement froidement que je ne sais plus comment aborder le sujet. Heureusement, je lui avais pris une paire de babouche et une chemise avant de quitter le Maroc. Ce petit présent apaise un tant soit peu son cœur.
- Maintenant qu’est-ce que tu comptes faire ? papa me demande plus gentiment.
- Justement, je dois aller en France pour faire mon Master. Mais maman dit que seule, elle ne pourra pas.
- C’est aujourd’hui que Lucrèce ne peut pas ? N’est-elle pas celle qui me narguait parce qu’elle a de l’argent ? Elle ne pouvait pas se rabaisser à me demander de l’argent non ? Aujourd’hui vous avez besoin de mon argent, moi le pauvre type ? Depuis que tu es partie au Maroc, tu m’as appelé combien de fois ?
Conclusion de cette échange, il n’a pas d’argent. A-t-il déjà eu de l’argent pour nous ? J’ai mal de me savoir orpheline de père lorsque mon géniteur est encore en vie. Je pleure sur les genoux de ma mère, pas parce que je ne partirai pas. Mais parce que mon avenir est le cadet des soucis de mon père.
- Il te faut quels papiers ? maman me demande en soupirant.
Je me redresse et essuie mes larmes. Je sais qu’elle ne le fait pas de bon cœur et qu’elle ira sûrement s’endetter pour me faire partir. Ça m’attriste lorsque je pense à mes petits frères.
- Tu vas faire comment ? je lui demande en la fixant.
- Honnêtement je ne peux pas payer l’école et le quotidien. Mais je ne peux pas t’empêcher d’aller au devant de ta destinée par orgueil ou parce que j’ai peur. Si vraiment Ryan s’engage à s’occuper du quotidien, je peux me battre payer l’école et le transport. Mais je veux que Lou et Ryan viennent prendre cet engagement devant témoin.
- Merci maman. je saute gaiement sur son cou. Merci maman. Je ne te décevrai pas. Je te rendrai fière et lorsque je serai quelqu’un, je te ferai mener une vie de Reine.
- A quel âge ? me demande-t-elle en rigolant. Prends seulement soin de tes petits frères, accompagne-les jusqu’à leur Master si jamais je me retrouve dans l’incapacité de le faire.
En une semaine, je réunissais les documents pour la demande de visa. J’étais excitée, heureuse. Enfin j’allais vivre ce rêve, cette vie que je voyais sur les réseaux sociaux. Enfin Ryan et moi serons de nouveau réunis.
Je stressais un peu mais un article lu sur le net m’avait redonné la force d’y croire. Le Gabon a le taux de refus de visas pour la France le plus bas de la sous-région et les refus de visa étudiant y étaient rares. Et puis finalement, en une semaine j’étais rappelée pour récupérer mon passeport… avec la vignette à l’intérieur. Le comble du bonheur.
Quelques jours avant mon départ, Lucas et Raphaël voulaient aller manger une pizza. Avec Ryan, nous y sommes allés. La nuit étant encore jeune, finalement nous avions continué au cinéma. Une belle soirée à rigoler.
Je n’ai pas vraiment été présente pour mes frères ces derniers temps avec tous mes problèmes, mais je me rattrape. Lucas, Raphaël et ma mère sont toute ma famille. Les seuls à me donner le sourire, ma motivation lorsque j’ai envie de baisser les bras. Bien sûr il y a Ryan, mais je parle d’abord de ma famille.
Mon père, vous avez eu un idée du personnage. Sa famille, quant à elle ne vaut pas mieux. Sept ans que maman a quitté leur frère et fils, sept ans que mes frères et moi sommes morts pour eux. Pas d’appel, pas de message, rien de chez rien. Je ne demande même pas de l’argent ou un sac de riz, juste savoir que j’ai de la famille. Que j’ai une famille paternelle. A l’obtention de mon baccalauréat, je suis allée l’annoncer à mes tantes. Elles m’ont répondu froidement « félicitations ». Plus tard, j’aurai appris que ce jour je suis allée les narguer avec mon « petit bac ».
Il faut savoir que dans ma famille paternelle, mon père est le plus diplômé et ses frères et sœurs ne sont pas de ces parents qui se soucient des résultats ou de l’avancé scolaire de leurs enfants. Là-bas, parler de tes études lorsque tu es un élève brillant, c’est mal perçu. Il serait mieux, pour ne frustrer, de parler des « pigeons ». A traduire, des hommes généreux qui succombent à nos charmes.
Ma famille maternelle n’est pas mieux. Si chez mon père c’est la solidarité même dans les bêtises. Chez ma mère c’est la désunion totale. Tout le monde est sorcier, tout le monde veut le malheur de tout le monde. Alors chacun reste dans son coin avec ses enfants. On évite de se côtoyer de peur que le malheur ne te frappe après avoir rendu visite à ton frère. On ne parle pas de ses projets ni de son évolution. On ment, cache, joue à l’hypocrite, soupçonne, accuse etc. tout un sport que je ne maîtrise pas.
Dans cette famille, ma mère est la sorcière. Elle a eu tous ses enfants d’un même homme dans le mariage. Sans aller loin dans les études, elle gagne bien sa vie. Et elle est « riche ». Je ne sais pas en ce qui concerne cette dernière affirmation. Un « riche » ne réfléchit pas à deux fois pour payer les études de sa fille à Paris. Un « riche » a une piscine, une grande maison, plusieurs voitures, des domestiques. Ma mère n’a que sa maison et sa voiture. Elle a bien quelques boxes qu’elle fait louer à des commerçants, mais ce n'est pas du standing d’un « riche ».
Il faut croire qu’une femme qui réussit à élever ses enfants seule dans de bonnes conditions est riche alors. Où qu’il y a plusieurs catégories de riches. Dans ce cas, ma mère doit être bien en bas de l’échelle du groupe.
Maman Lou alors est aussi riche. Six cent mille francs par mois pour son fils ? C’est le salaire de certains fonctionnaires de ce pays. Après Ryan est son seul fils.
Maman Lou et maman s’entendent si bien parce qu’elles ont sensiblement la même histoire. A savoir qu’elles se battent seules pour leurs enfants et qu’elles ne peuvent pas compter sur leur famille.
Maman Lou est tombée enceinte à quatorze ans. Elle était avec le père de Ryan depuis quelques mois seulement, et croyait cette histoire sérieuse. La pauvre n’avait encore jamais eu ses règles et Ryan est le fruit du rapport sexuel qui a défloré sa mère. Ne vous inquiétez pas, elle le raconte elle-même sans honte.
Lorsque son père a su sa fille enceinte, il l’a envoyée en mariage chez l’auteur de la grossesse. Chez un jeune homme plus âgé qui avait abusé de la naïveté de sa fille. Chez un jeune homme qui n’était pas prêt pour le mariage et ne voyait pas en maman Lou la femme avec qui il finirait sa vie. Il a envoyé sa fille en mariage sans dot ni cérémonie de mariage.
La vie de maman Lou dans la maison de sa belle-famille n’a été que misère. Elle dit que sa belle-mère était la pire de tous. Ne pouvant plus aller à l’école, elle n’a même pas son brevet. Son mari avait alors honte d’elle, lui grand universitaire. Un jour, maman Lou en a eu marre. Elle a pris son fils et elle est partie sans dire au revoir.
Comme elle le dit, ses débuts n’étaient pas faciles. Elle vivait dans des conditions misérables chez des amis, des connaissances, ou à l’église. Pour manger elle tressait, faisait le ménage ou tout autre boulots qui pouvaient rapporter. Jusqu’au jour où sa mère a eu pitié et lui a donné un studio pour au moins avoir un toit sur la tête, ainsi que de l’argent. Cumulé à ses économies, elle se lança alors dans la confection de bougies parfumées. Elle allait fouiller dans des brocantes et au marché des petites pépites qu’elle redesignait pour en faire des objets de décoration de grande valeur. Aujourd’hui son magasin est l’un des plus grands magasins de décoration et bougies parfumées de la ville.
Son ex belle-famille ne lui a jamais pardonné d’être partie comme une voleuse. Concernant le père de Ryan, il a simplement dit bon débarras à cette femme qu’il n’a jamais aimée et à son enfant qu’il n’a jamais voulu. De son expérience avec sa belle-mère, maman Lou est aujourd’hui avec moi une femme ouverte. Avenante. Elle s’est promis de ne jamais ressembler à cette horrible femme.
Avant mon départ, maman Lou est venue s’entretenir avec maman comme convenu. Ryan s’est engagé à m’héberger et me nourrir pendant deux ans même si on venait à rompre. Maman ne paiera que les frais relatifs à la scolarité dont le transport. Tout le reste reposera sur Ryan. Il a accepté devant sa maman.
- Sous aucun prétexte tu ne me mets mon enfant dehors ou la laisse plusieurs jours sans manger. maman menace. J’ai envoyé ma fille au Maroc, c’est toi qui lui as mis dans la tête de te suivre en France au lieu de toi aller au Maroc.
- Je prends cet engagement solennel maman.
- Même si une semaine après votre arrivée, vous vous séparez, tu vas la garder chez toi jusqu’à ce qu’elle obtienne son Master.
- Oui maman.
- Je ne connais pas la France. Si quelque chose arrive à mon enfant c’est toi que je vais pointer du doigt en premier.
- Je prendrai soin de Mayite maman.
Les yeux de maman devinrent soudain rouges. Sa voix se mit à trembler d’émotions
- Tu peux me faire confiance maman. Je prendrai soin de ta fille plus même que ma vie.
C’est la phrase qui fit éclater maman en sanglots. Immédiatement maman Lou se rapproche d’elle pour la rassurer avec des mots que seule une maman peut trouver. Moi aussi je me mets à pleurer parce que émue par la situation mais aussi par cette phrase que venait de prononcer Ryan.
Le soir, longtemps après que Ryan et sa mère n’aient pris congé de nous, maman me prit en aparté dans sa chambre.
- Tu sais ce que signifie ton prénom n’est-ce pas ? elle me demandit.
- Je vaincrai, je combattrai.
- Tu es une battante, tu as une force en toi. Ne va pas en France pour t’assoir et tout attendre de Ryan. Tu dois être indépendante financièrement.
- Oui maman.
- Tu as une vie, une destinée différente de celle de Ryan. Tu es une personne à part entière. Ne t’empêche pas de vivre pour Ryan, ne construis pas ta vie autour de lui. Tu dois être indépendante émotionnellement. Je vous souhaite d’aller le plus loin possible mais si ce n’est pas la volonté de Dieu, tu dois l’accepter. Est-ce que tu comprends réellement ce que je te dis ?
- Oui, j’avais répondu pour me débarrasser d’elle.
Puis on fit une petite prière toutes les deux. Lorsqu’elle a perdu sa famille biologique, maman s’est trouvée une autre famille dans l’église. Elle priait énormément désormais.
- Je peux dormir avec toi ? Je pars bientôt.
- Toujours mon bébé. Tu n’as même pas à demander.
Avant de partir, fait étrange, maman m’avait remis un porte-documents en me disant d’en prendre grand soin. Dans l’euphorie du départ, je me suis dis que je le regarderai plus tard.
J’ai pris mon dernier repas avec ma famille puis maman est allée me déposer à l’aéroport avec mes deux petits monstres de frères. Avant de la quitter pour deux longues années minimum, je l’ai serrée fort dans mes bras et l’ai remerciée pour tout ce qu’elle a fait pour moi. Pour nous. Rien que pour ma mère, je ne lâcherai pas. Je ferai tout pour la rendre fière.
Elle me demande où est le porte-documents et je le lui montre, calé dans mon sac à main.
- Je t’aime mamounette.
- Je t’aime encore plus mon petit soldat.
La séparation est plus difficile que je ne l’imaginais mais je me fortifie en me disant que je travaillerai dure pour lui offrir un billet d’avion au moins pour ma remise de diplôme. Car croyez-le ou non, mais cette femme « riche » n’est jamais sortie du Gabon. Je lui ferai prendre l’avion. J’ai tellement de projets pour cette femme, que Dieu nous accorde simplement la vie.
Ryan et moi passons les contrôles. L’embarquement a déjà commencé donc on se met simplement dans le rang. Je tiens fortement la main de Ryan. Évidemment que j’appréhende. Et si vivre ensemble nous faisait réaliser qu’on n’était pas fait l’un pour l’autre ? Et s’il changeait d’avis ? Et si. Et si.
Comme s’il avait entendu mes pensées, Ryan passe son bras par-dessus mon épaule et me tire vers lui.
- Ça va aller Mayite. il tente de me rassurer.
Mon téléphone se met à vibrer dans la poche arrière de mon jeans. Je le sors et constate avec surprise que c’est mon père qui m’appelle. Je réponds en me laissant le soin à Ryan de ranger nos bagages à main dans le compartiment au dessus de nos têtes.
- Oui papa. Bonjour.
- Tu appelles qui papa ? il se met à hurler dans l’appareil. Donc tu sais que je suis ton père ? Je suis ton père et c’est chez ta mère que tu vas faire tes présentations ?
- Quelles présentations ? De quoi parles-tu ?
- Ne me prends pas pour un imbécile Mayite ! il se fâche encore plus. Tu es gabonaise, il y a des traditions à respecter. Que tu le veuilles ou pas je suis ton père et si tu vas te marier ailleurs, sache que ce mariage n’ira pas loin.
Pour me dire ces méchancetés il m’appelle. Mais après avoir refuser de financer une partie de mes études, m’a-t-il appelée pour me demander ce que je comptais faire désormais ? Après l’obtention de mon bac, m’a-t-il appelée pour savoir mes projets ? Combien de Noël, d’anniversaires, de Pâques, etc. passés sans un coup de fils ?
- C’est quoi ce bruit ? Tu es où ?
- Dans l’avion. je réponds en reniflant.
- Ah ! il s’exclame. Tu retournes au Maroc sans me dire au revoir comme j’ai refusé de payer tes études en France ? Donc tu étais bel et bien venue chez moi simplement par intérêt. C’est bien Mayite. Mais un jour tu sauras que je suis ton père.
Sur ce il raccroche sans plus rien ajouter. Je pose ma tête sur l’épaule de Ryan et me mets à pleurer silencieusement. Je ne sais pas pourquoi mon père nous déteste autant.