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Chapitre 3, 4

- Huuum ! Tu es belle… si belle ! On te le dit souvent ?

- Je ne prête pas attention à ce genre de compliments.

- Je sais qu’on te le dit, mais pas de la même manière.

- Où est la différence ?

- Elle se situe là…

Il pointa son index sur sa poitrine, sans oublier de m’attirer encore vers lui et de me câliner un peu partout.

- La différence justement c’est la manière dont moi je le dis. Ça vient du plus profond de mon cœur. Tu as aimé ?

- Je ne peux pas me prononcer.

- Dis quelque chose…

- Oui. Et toi ?

- C’était merveilleux !

- J’aime déjà ce moment où nous nous retrouvons tous les deux… tu me fais découvrir des choses … des choses … que je ne connaissais pas.

- Et ce n’est que le début !

On avait franchi le cap, celui de se mettre en couple, et ça ne se cachait pas dans la région. Depuis notre fameuse danse pendant cette soirée, nous nous sommes dévoilés aux yeux de tous. Ça se racontait à tous les coins de rue. La ville était petite, assez petite pour que ce genre de nouvelle se répande comme une traînée de poussière en l’espace d’une semaine, mais moi je dirai, en l’espace de 24 heures.

Placide était resté assez longtemps; il venait passer les vacances auprès de ses grand-parents comme il l’avait l’habitude de le faire dès qu’il en avait l’occasion. Mais c’était un gars de Yaoundé. Il y est né, a grandi et vécu. Il n’avait pas honte, de s’afficher et de se pavaner avec moi à toutes les occasions; il n’hésitait pas à mettre en garde tous ses amis et connaissances.

-C’est une propriété privée! C’est la go de mes rêves, pas touche !

Il me surprotégait, je me sentais en sécurité. Placide savait prendre les devants, mais

ce n’était pas le genre de mec qui harcèle ; il prenait toujours son temps et me disait toujours que les choses viendraient en temps voulu. Je rigolais toujours, le prenant pour un de ces philosophes notoires, il savait se faire désirer, et savait bien ruser lorsqu’il voulait quelque chose.

- Je vais à Yaoundé ce week-end.

- Il y a quoi là-bas ?

- J’ai un truc à faire au campus.

- Le week-end ?

- Oui. Je dois rencontrer des copains, on doit se voir là-bas. Il y a une grande foire qui est organisée, et il y aura beaucoup d'activités sportives, et tout. J’ai prévu d’y aller.

- Ok.

- C’est quoi cette tête ?

- Je n’ai rien dit.

- Approche…

- Je connais ça. Tu vas y aller et tu ne reviendras pas de sitôt.

- Quoi ?

- Si ! Si !

- Approche … j’ai quelque chose d’autre à te demander.

Je jubilais tout simplement. Il venait de me proposer de l’accompagner. Il voulait que j’y sois et que nous passions du bon temps.

- Placide ! C’est trop bien ! J'aimerais vraiment venir avec toi… mais je vais dire quoi à ma tante ? En plus je n’ai personne là bas.

- Tu seras avec moi ne t’en fais pas, et en plus j’ai un endroit où dormir, ma chambre. Ta tante ne sera certainement pas d’accord je sais.

- Tu vois ? C’est peine perdue.

- A moins que…

Il m'emmena à la découverte de son univers à lui, de ce monde estudiantin ; ça grouillait de monde, il y avait beaucoup d’activités au programme ; il m’expliqua que la foire était ouverte à tous et dédiée à tous ceux et celles qui avaient l’intention de s’y inscrire, sans oublier les différentes compétitions sportives, entre autre match

de foot, de basket et d’autres disciplines. C’est ainsi que je pris la résolution de m’inscrire dans la même université pour l’année suivante ; c’est ainsi que je pus convaincre ma tante de me laisser aller en ville question de m’imprégner et de m’enquérir de certaines infirmation liées à ma future inscription.

- J’y vais avec mes autres camarades, et on a l’intention de voir comment ça se passe là-bas, et comme ça le moment venu, j’aurai de l’avance.

- Un week-end ? Demanda-t-elle.

- En fait il y a une grande foire qui est organisée là-bas, et ça a lieu uniquement ce week-end. Je suis obligée d’y aller.

- Ok tu me ramèneras les brochures, formulaires et tout ce qu’il faut.

Placide me présenta à sa bande d’amis, tous étudiants comme lui.

- Je te présente mes amis, Armand, Michel, Patrick, Laure et Marie. Elle c’est Jaïda, la go de mes rêves.

L’ambiance était plutôt cool. Ils étaient tous sympas et gentils, les amis de Placide. Nous étions assis autour d’une table devant un grand stand aménagé pour l’occasion. Un peu réservée, je n’avais pas coutume de fréquenter ce genre de milieu, mais tous essayaient de me mettre à l’aise et d’être relax. Par moment Placide se penchait vers moi et me murmurait des mots tendres à l’oreille, sans oublier de me voler de petits baisers qui me mirent dans un grand embarras.

- Tu n’as pas à avoir honte. Regarde les ils sont tous en couple comme tu les vois là. Armand est avec Laure ; Michel, c’est Marie sa meuf. Le singleton c’est Patrick, donc c’est lui qui devrait avoir honte.

Nous nous sommes mis à rire, ce qui m'a détendue un peu. Encore plus lorsqu’il me prit la main sous la table et la pressa si fort. Il était plus de minuit lorsque nous nous sommes dirigés vers sa chambre…. Il me guidait tout simplement . Il y alla tout en douceur et je ne pus ressentir que de drôles d’effets. Et il le fit avec une si grande attention que je ne pus qu’émettre des sons aïgus. J’étais comme électrocutée sur place par ce jeu de mains, de langue et parfois de jambes. Il me demanda de les entrouvrir délicatement mes jambes et de le laisser faire.

- Laisse-moi faire… et laisse-toi faire…

Le résultat était tout simplement fantastique et cette nuit-là je devenais sienne, son amante, sa vraie petite amie, bref Placide m’avait en quelque sorte marquée au plus profond de mon âme.

C’était très fort, nous nous aimions tant, malgré la pluie et le beau temps. Je me sentais revivre chaque jour; Placide m’a apprit à avoir confiance en moi, à croire en moi et à ne jamais me laisser dominer par des problèmes de toutes natures aussi infimes fussent ils. Il terminait son année de maîtrise et avait décidé des sursoir à ses études juste après ; son père venait de décéder et en tant que fils aîné, il essayait de soutenir sa mère qui ne travaillait pas et n’avait presque pas de revenus. Alors il a décidé d’entrer dans la vie active, de se battre afin d’aider les siens. Né dans une famille ordinaire, son père et sa mère n’eurent que trois enfants, un garçon et deux filles dont il était l’aîné.

J’ai fais la connaissance de ces derniers lorsque je venais d’arriver en ville, où je commençais à l’université. Placide comme toujours, voulait que les choses se passent sérieusement ; il m’a présentée à sa mère; on savait qu’il était un grand garçon débrouillard, alors la venue d’une copine dans la famille ne gênerait personne. L’accueil a été assez chaleureux. Mais l’une des choses dont je me souviens à été la manière dont sa mère m’avait posé la question directement et qui m’avait un peu secouée.

- Tu fais quoi ? Qui sont tes parents ? Ils s’appellent comment ? Ils travaillent ? Tu habites où?

Mes réponses l’avaient tout juste un peu refroidie, si bien que juste après, elle se désintéressa complètement de moi. Elle savait juste que j’étais la petite amie de son fils, sans plus.

Je menais ma vie estudiantine sans trop de peine. Je venais de passer en 2ième année ; ma tante s’était toujours battue pour que je ne manque de rien ; elle s’arrangeait à me payer la scolarité et à m’envoyer chaque mois un peu d'argent de poche pour gérer mon quotidien.

Elle avait décidé de faire un tour en ville ce samedi matin, question de se procurer des produits d’élevage et d’entretien pour son nouveau poulailler. Elle ne m’avait pas avertie de sa venue et avait débarqué au campus à l’improviste. Elle ne connaissait pas ma chambre, mais elle avait pris la peine de se renseigner. On lui indiqua plutôt la mauvaise adresse, celle de la chambre de Placide et dans laquelle je me trouvais. J’avais élu domicile chez lui depuis plusieurs mois ; on vivait comme un couple ; j'étais loin, vraiment très loin d'imaginer qu'elle puisse un jour chercher à venir me voir au campus.

On venais juste de faire l’amour et nous étions en train de reprendre nos esprits qu’on entendit frapper à la porte. Pensant que c’était un de ces amis avec qui il avait rendez-vous, il ne prit pas la peine de demander avant. Il ouvrit directement, avant de sursauter, et se rendre compte que ce n’était que ma tante… Sidonie.

- Eh! Placide ? Mais qu’est-ce que…

- Bonjour… Madame…

- Bonjour… je me suis trompée. Je cherche ma fille Jaïda. Tu sais où…

- Euh…

Je reconnus aussitôt la voix de ma tante ; paniquée, je ne pouvais et ne voulais en aucun cas faire un geste brusque ; obligée de rester coincée sur le lit, immobile. Si je bougeais, elle aurait le temps de remarquer qu’il n’était pas seul, car la porte, à peine on l’ouvrait, elle donnait directement sur le lit ; pas moyen d’aller me réfugier dans la salle de bains. Placide était en petite tenue, en boxer. Ma tante s’attarda un peu plus…

-Euh… Madame… vous… vous êtes trompée d'adresse.

- Alors indique-moi tout simplement sa chambre si tu connais. Elle m’a dit qu’elle n’a pas cours les samedis, c’est pourquoi j’ai tenu à venir la voir très tôt ce matin, avant d’aller faire mes achats.

- Un instant… j’enfile un T shirt.

Il referma la porte, se retourna et me regarda, l’air confus. Il me fit des signes et des gestes avec ses mains ; puis se rapprocha de moi et me parla à voix basse.

- C'est ta tante. Je lui dis quoi? Elle veut que je lui indique où se trouve ta chambre.

- Vas-y ! Indique-lui et comme ça, j’ai le temps de m’éclipser.

- Ok.

Il prit une grande inspiration avant de lui ouvrir à nouveau la porte.

- Bon je vais vous indiquer sa chambre, c’est pas compliqué. Vous voyez ce grand bâtiment de l’autre côté? Vous traversez juste la route et vous le longez, la cité se trouve juste derrière, on l’appelle la cité « les Quolibets ».

- Je peux avoir le numéro de la chambre ? Tu connais ?

- Non ! Mais les voisins connaissent sûrement.

- Je m’en vais de ce pas là-bas. Merci.

- De rien madame. N’hésitez pas à revenir au cas où. Je m’apprêtais à prendre ma douche, c’est pour cette raison que je ne peux pas vous accompagner.

- Non, ça va, je vais me débrouiller, merci encore. Si je ne la trouve pas je reviens, et comme ça je lui laisserai un mot.

- Pas de soucis.

A peine il referma la porte que je bondis du lit et enfila rapidement un vêtement, n’importe lequel, mais il fallait que je sorte au plus vite de chez Placide. Elle était censée revenir si elle ne me trouvait pas ; l’essentiel est que je sois hors de la chambre. Lui-même Placide m’aida à me vêtir rapidement ; j’enfilai une robe avant de me rendre compte qu’elle était terriblement froissée, je piaffai, mais il n'y avait plus assez de temps. Avant de sortir il me prit par les épaules et me fit un câlin.

- T’en fais pas, quoi qu’il arrive, je vais assumer… je suis de tout cœur avec toi. Aller file !

Je pris la peine d’ouvrir la porte avec précaution, en regardant à gauche et à droite; lorsque que je vis que le couloir semblait désert, je me lançai à toute vitesse, sans regarder derrière moi.

- Jaida ? C’est … c’est toi ?

Je m’arrêtai net sur le champ. Je reconnu sa voix ; mon cœur fit plusieurs bonds dans ma poitrine, on aurait dit que j’allais avoir une attaque. Je n’osai pas me retourner, tellement honteuse ; j’avais plutôt envie de m’enfuir ; je n’avais jamais souhaité qu’elle le découvre de cette façon. Tante Sidonie, elle était postée là, derrière moi. En fait, elle n’avait pas bougé d’un pouce.

- Je t’appelle Jaïda ! Qu’est-ce tu fous dans la chambre de ce gars ?

Je me retournai timidement, j’aurais voulu qu’on s’éloigne pour en parler, loin de lui, loin des autres camarades qui passaient par là et qui devinèrent clairement de quoi il s’agissait. Placide, je savais qu’il entendait tout. Elle insista d’une voix grave et autoritaire. Elle finit par enfoncer le clou lorsqu’elle éleva le ton.

- C’est à toi que je parle ! Qu’est-ce que tu foutais dans la chambre Placide Danga ? Réponds-moi tout de suite ! Vous me prenez tous les deux pour une idiote hein ? Figure-toi que je me suis d’abord rendue à la cité « Les Quolibets » tout à l’heure, et j’ai demandé ta chambre qu’on m’a montrée ; j’y suis allée et j’ai frappé pendant plus de vingt minutes ; c’est ainsi qu’on m’oriente ici ; j’ai vite fais le lien quand il m’a ouvert la porte, j’ai compris tout de suite. J’ai joué le jeu et j’ai préféré attendre tout simplement de voir la personne que j’ai eu le temps d’apercevoir sur le lit, il fallait que j’ai le cœur net et que je me rende compte qu'il s'agisse effectivement de toi. Donc… tu crois à tout ce qu'il te dit? Je suis déçue. Je m’en vais !

Elle marchait tellement vite que je peinai à la rattraper, je voulais rattraper les choses avant qu’il ne soit trop tard, je voulais juste lui demander pardon, je me

sentais mal et je culpabilisais de m’être dévoilée de cette façon, je n’aurais jamais voulu qu’elle sache que je menais ce genre de vie, je voulais qu’elle comprenne que lui et moi on s’aimait.

- Tata… s’il te plait … écoute… ne t’en va pas, je vais t’expliquer, il faut qu’on cause… tu sais qu’on a toujours dialogué non ? Je … je te demande pardon.

- Justement ! Tu ne m’as plus jamais approchée. Tu es devenue distante, rêveuse. Je n’ai pas voulu te brusquer et j’ai moi-même longtemps culpabilisé de t’avoir peut-être frustrée quand je te parlais des hommes ; je pensais t’aider à ne pas faire des mauvais choix, comme moi, comme ta maman, mais…

- Non tata ! Je ne suis pas comme ma maman. Placide c’est quelqu’un de bien, il est bien je t’assure.

- Mon enfant, tu ne sais pas de quoi tu parles. Les Danga ? Je les connais bien !

- Tu connais ses grand-parents et non lui. Tu ne sais pas ce qu’il est et ce qu’il fait.

- C’est une famille compliquée. Je ne peux pas me retenir de te le dire. Tu dois arrêter cette relation.

- Mais pourquoi ? Je suis une grande fille, j’ai le droit d’aimer ! Je n’ai jamais eu de copains avant, j’ai toujours respecté tout ce que tu m’as enseigné comme valeurs, je ne suis pas une fille légère… Placide est la seule personne que je fréquente depuis tout ce temps.

- Non ! Je dis non ! Placide Danga, sa famille, ce sont des sorciers. Ils pratiquent la vraie sorcellerie. Ils passent leur temps chez les marabouts ! Fais attention où tu mets les pieds. Fais attention !

- Je ne te crois pas une seconde…

- Je t’ai toujours dis la vérité et ça tu le sais.

- Non c’est tout simplement parce que tu ne veux pas que je m’éloigne de toi, tu veux que je devienne une vieille fille… comme…

- Comme… moi. C’est à moi que tu parles ainsi ? Je te laisse, je m’en vais ! Et sache que je ne remettrai plus jamais les pieds ici ! Je ne t’adresserai plus la parole à ce sujet. Fais comme tu veux…

Elle m’a plantée là en pleine cours devant l’immeuble ; j’avais la rage, j’étais en colère, je la jugeais parce qu’elle m’avait jugée, et elle avait traité mon petit ami de sorcier. Je suis retournée dans sa chambre le retrouver, et je lui ai fais par de ma dispute avec elle sans mentionner le détail sur les pratiques dont elle accusait sa famille. Il m’a consolée et m’a prise dans ses bras. J’étais en larmes et tellement en colère, je lui en voulais de ne pas me comprendre.

- Sèche tes larmes… ne t’en fais pas. Un jour je te mériterai tout simplement.

- Tu veux dire quoi par là ?

- Je veux juste te dire de laisser faire le temps…

Chapitre 4 :

A cette période, je ne sus pas si le temps eut raison de moi ou pas. Ce temps, il passait si vite, tellement vite que je ne me rendis pas compte qu’une année entière venait de s’écouler. Une année pendant laquelle j’ai appris à me débrouiller; une année pendant laquelle nous nous sommes davantage rapprochés; on se soutenait mutuellement, surtout lui. Placide avait arrêté ses études et s’était lancé dans la vie active ; il cherchait du boulot, ce qui n’était pas du tout facile. C'était loin de ce qu’on avait imaginé. Il avait beaucoup de potentiel, il avait un diplôme, mais ce n’était pas suffisant. Même les différents concours professionnels qu’il avait pu faire ne se soldèrent que par des échecs. Rien ne marchait, à part les cours de répétition qu’il faisait à gauche à droite, glanant quelque maigre sous, juste de quoi tenir, juste de quoi survivre.

Je ne saurai omettre de préciser la manière dont il me tenait la main à chaque fois ; son soutien indéfectible me touchait profondément, il le faisait sans se plaindre et sans arrières pensées. Il devait soutenir sa famille et en même temps, il se démenait tous les mois afin que je puisse avoir l’essentiel vital.

J’entamais ma troisième année et il tenait à ce que j’ai ma licence ; il me motivait dans ce sens. J’avais droit à 10 000 frs chaque mois venant de lui et je me débrouillais avec. Je ne recevais plus rien de ma tante, à part les frais de scolarité qu’elle s’était promis de payer jusqu’au bout…

- Je fais juste mon devoir. Mais pour le reste je verrai. M'avait-t-elle dit un jour au téléphone.

Je finis par comprendre après deux mois de silence elle ne le ferait plus. Notre altercation de la dernière fois l’avait non seulement blessée, mais profondément marquée. Elle ne m’adressa plus la parole, et nos rapports finirent par se distendre progressivement. On ne se voyait plus, et je ne suis plus retournée la voir.

Une année pleine venait encore de s'écouler. Placide se battait avec les jobs, c’était minable ; il avait tenu à garder sa chambre d’étudiant ; nous y vivions toujours, comme un couple. Lorsqu’il sortait le matin pour ne revenir qu’en soirée, je restais tenir ce petit foyer. Je gérais en même temps les cours et notre vie commune. Je tenais à ce qu’il ait toujours la panse pleine et ne se plaigne pas. C’était ça notre quotidien. A chaque fois qu’il rentrait, je l’observais à distance ; sa mine, lorsqu’elle était triste ne s’ignorait pas ; préférant s’enfermer dans un silence gênant, je parvenais quand même à lui arracher quelques mots de la bouche.

- Comment était ta journée ?

- Oh ça va. Pas trop mal.

- Ça ira. Tu sais la vie est ainsi faite. Toi-même tu me l’as appris. Tu m’as toujours dit de ne pas m’en faire… regarde ! Et c’est ce que j’essaie de faire, j’essaie de positiver.

- Je sais … tu as raison… je suis juste très fatigué. Les choses ne fonctionnent pas souvent comme on le souhaite… c’est la vraie merde. Je n’ai pas un vrai travail, et ça me mets dans un sale état. Il faut qu’on vive.

- Je sais … prends patience. Je sais que tu es un battant, tu seras récompensé.

- Oui je suis patient… mais il y a des moments où comme ce soir j’ai juste envie de dormir.

- Mange un pti bout et tu te couches, je vais nettoyer un peu.

C’est ainsi qu’il parvenait à retrouver le sourire et regagner assez de force pour le lendemain.

-Heureusement que tu es là pour me booster tous les jours. Merci ma belle.

- Je ne fais que mon devoir. J'ai confiance. On finira par sen sortir.

J’avais confiance, je savais que ce n’était qu’une question de temps. Il finirait bien par trouver un truc, quelque chose de bien. Lui dont la famille était trempée dans les pratiques occultes et autres comme le supposait ma tante, je me posai bien la question de savoir pourquoi Placide trimait et faisait donc du sur place ; si lui et sa famille avaient les mains trempées, pourquoi ne s’en sortait il pas ? Si sa famille côtoyait des personnes ascètes, il y a longtemps qu’il serait en train de percer et d’évoluer assez rapidement dans cette vie merdique. Je ne l’avais pas crue une seule seconde ; dans ma tête, j’avais perçu juste sa détermination à vouloir arrêter cette relation et me faire retourner auprès d’elle. A chaque fois que j’y repensais j’avais mal, mal de savoir qu’elle n’aimerait peut-être aucune de mes relations. Même si je rencontrais quelqu’un d’autre, elle aurait fait pareil. Traiter son petit ami de sorcier, voilà une chose que je n’arrivais pas à digérer. Placide avait souhaité qu’on se réconcilie toutes les deux.

-Vas la voir… c’est tante, c'est le seul membre de la famille que tu as. C’est vrai que je t’ai toujours dit de te battre afin de construire ta vraie famille, mais ça ne veut pas dire que tu dois la rejeter.

- J’irai la voir.

Se sentant un peu coupable, il prit les prit les devants et décida un jour d’aller la voir, lors d’un de ses voyages dans la région.

-Je suis allé voir mes grands-parents, tu te souviens ? Après je suis allé à sa rencontre, je l’ai saluée poliment, mais elle n'a pas répondu. Elle m'a ignorée.

- Le moment viendra où j’irai la voir…. c’est cette manière qu’elle a de dénigrer qui me fait mal. Elle pense que je suis si bête. Elle a toujours été comme ma mère, mais elle aussi vient de me rejeter en quelque sorte.

Je ne parvenais pas à digérer l’attitude qu’elle affichait envers moi, et pire envers Placide. Cela montrait bel et bien qu’elle le considérait comme tel, un sorcier. J’avais décidé de ne pas lui donner les vraies raisons de son attitude vis-à-vis de nous, mais surtout de lui Placide. Je pense qu’il ne digérerait pas non plus cette insulte. Dans ma tête, je savais juste que le temps nous donnerait un raison un jour ; nos liens se resserreronnt encore plus, contre tous, contre tout ce monde que je qualifiai tout simplement de détracteurs.

L’année académique tirait à sa fin. Je n’avais plus eu des nouvelles de ma tante. J'aurai voulu lui annoncer, lui dire que tout se passait bien à l’école. Elle aurait été fière, ça je le savais. J’aurai aussi voulu lui faire part de mon intention de chercher du travail ; elle saurait exactement quoi me dire. Mais un mûr s’était érigé entre nous depuis longtemps, et je ne savais pas comment faire pour le franchir.

- Appelle ta tante et annonce lui la bonne nouvelle! Proposa Placide.

C’est dans un effort presque surhumain que je le fis. En composant son numéro, un petit doute me traversa l’esprit, mais je savais que la nouvelle la rassurerait.

- Allo ? Tata ?... c’est… c'est moi !

- Toi qui ? Présentez vous ?

- C’est moi Jaïda !

- Jaïda ? Désolée je ne connais pas de Jaïda.

- Tante Sidonie ? C'est bien toi ?

- Oui c’est bien moi.

- Mais c’est moi ! Jaïda !

- C'est qui ? Et pourquoi tu m’appelles ? Tu t’es trompée de numéro.

- Comment ça ?

- Je ne te connais pas… comme toi aussi tu ne me connais plus.

- Je ne comprends pas ce que tu dis. Je t’appelle juste pour t’annoncer que…

- C’est ça ! Bonne chance !

Elle me raccrocha violemment au nez si bien que tout le reste de ma journée fut gâchée. Je n’arrivai pas à croire qu’elle aussi avait finit par me méconnaître. Elle venait de me le faire comprendre directement, et tout ça à cause de l’amour. Cet après-midi là, je ne pus m’empêcher de verser un flot de larmes ; j’étais si mal. Au final, cette autre victoire, ce diplôme, je n’eus plus la force de le savourer comme prévu, même lorsque Placide, de retour, tenta de me rassurer et de me consoler.

- Laisse tomber, je suis là. Tu as fais de ton mieux. Je pense juste qu’elle est toujours blessée au fond et qu’elle t’en veut de l’avoir traitée si mal la dernière fois.

- Mais… la moindre des choses c’est de me reconnaître. Elle me méconnait, ça me fait très mal.

- Tu iras donc la voir… pour réparer, c’est tout ce que je peux te dire.

- Pas question ! Arrivée là-bas elle risque de me chasser à coup de balai, et je n’aurai pas la force de supporter ça.

- D’accord dans ce cas, laissons faire les choses.

- C’est mieux.

- Alors comme ça tu as eu ton diplôme ! Ça s’arrose !

- Arroser même quoi ? Je n’ai pas le moral.

- Aller ! Viens on va fêter doublement.

- Non laisse tomber… demain peut-être, je ne me sens pas d’humeur.

- Même pour moi ?

- Pour toi ? Tu as réussis ? A quoi ? Quel examen encore ?

- J’ai trouvé du travail !

J’ai eu envie de le crier sur tous les toits. J’ai crié de joie lorsqu’il me l’annonça ce soir là. Je jubilais, oubliant le petit incident avec ma tante. Je retrouvai le sourire à l’immédiat et je lui sautais au cou. Il venait de trouver un travail décent. Placide avait cessé il y a longtemps de donner les cours de répétition ; il avait par la suite trouvé une place dans un lycée où il donnait les cours du soir ; c’était toujours minable et le salaire était bien maigre. Il avait fermé les yeux et avait tenu bon. Je l’encourageais sans cesse. Mais ce jour là, les choses venaient de changer…

- Quoi ? On… t’a finalement pris comme stagiaire dans cette société pétrolière?

- Tu as oublié ? Je t’ai dis qu’une de mes cousines directes a un grand poste là-bas. C’est ma cousine paternelle. Elle est venue l’autre jour à la maison chez la mater. On a beaucoup causé et elle m’a dit qu’elle allait négocier pour qu'on me prenne. Elle a apprécié le fait de me voir me battre, de ne pas sombrer et surtout elle a eu pitié de ma mère.

- C’est super ! Et tu commences quand ?

- Lundi.

Je ne pouvais que le confirmer, et ça j’en étais sûre…. à cette époque je mis à avoir un peu la grosse tête ; je savais et j’étais persuadée que le temps m’avait donné raison. J’avais cette rage de prouver à tout le monde que nous avions en quelque sorte réussi. Placide travaillait déjà depuis plus d’un mois dans cette société. Il était en pré emploi. Il avait de l’avenir pensais-je fièrement. Il était assez bien payé pour un stagiaire et faisait le bonheur de tous, de sa famille en l’occurrence. Sa mère se vantait sans cesse auprès de qui voulait l’entendre que son fils était devenu un pétrolier. Mais ce dernier n’était pas très d’accord avec sa façon de faire.

- Maman. Je ne suis pas un pétrolier, je travaille dans une société pétrolière en tant que gestionnaire au service de la comptabilité, nuance !

- Akaaa ! Je ne comprends rien de tout ce que tu me dis là ! Tu es dans le pétrole ! Ouloulou!!!!

- Comme tu veux, mais arrête de chanter ça partout. Je n’aime pas ça.

- Je suis juste contente.

- Oui mais arrête ! Tu sais que je débute encore et avec Jaïda on a pensé qu’il valait mieux qu’on reste bien discrets.

C’était une tradition, du moins nous nous l’étions imposée, celle d’aller rendre visite à sa mère tous les dimanches. Depuis qu’il avait décroché ce travail décent, l’ambiance chez sa mère était devenue festive. C’est tout le monde qui rappliquait, les oncles, tantes, cousins et j’en passe. Je parvenais à dissiper ma gêne parce que n’étant pas habituée à ce genre de vie de famille, je tenais à rester assez discrète mais courtoise. Placide m’avait imposée depuis longtemps comme sa compagne officielle ; il avait dit aux siens que je l’avais beaucoup soutenu et que c’était grâce à ma patience qu’il avait pu tenir. Tout le monde respectait ça et mes rapports avec ces derniers étaient toujours au beau fixe. Même avec sa mère, il y a longtemps qu’elle m’avait adoptée, me considérant et m’appelant parfois « ma fille ».

Mais depuis un certain temps j’ai commencé à ressentir des choses ; mon intuition, je savais qu’elle ne me trompait pas souvent ; j’aurai aimé qu’il en soit autrement, mais j’avais eu raison ; les choses semblaient changer un tout petit peu ; le comportement de la mère de Placide ne m’enchantait guère ; non seulement elle faisait trop de publicité malgré les recommandations de son fils de se taire et de rester discrète, mais ses questions à mon encontre me mettaient dans un état de profond mal être. Un après-midi alors que nous étions chez elle, toujours dans la même ambiance festive et toujours avec autant de monde, elle m’accosta à la cuisine, on devait servir le repas.

- Ma fille… j’ai appris pour ton diplôme c’est très bien… j’espère aussi que tu cherches un emploi. Placide a déjà trop de charges comme ça.

- Oui maman je sais. Je cherche du boulot, j’ai commencé à déposer un peu partout. C’est aussi une question de chance, ce n’est pas facile.

- Je te dis… c’est devenu très dur tous ces derniers temps. Placide a eu beaucoup de chance. Ça va aller ! Mais là où il est là, il ne peut pas tout faire… moi je suis déjà vieille et mon arthrose ne me permet pas de faire n’importe quoi, c’est pour ça qu’il m’aide comme il peut.

- Je sais… c’est normal.

- Oui. Heureusement qu’il a obtenu de l’aide. On était déjà dépassés.

- C’est vraiment un coup de chance que sa cousine ait pu lui trouver quelque chose.

- Sa cousine ? Quelle cousine ? Ahhhh ouiiii ! Je te dis. Elle a beaucoup fait…

J’avais cette impression là qu’elle voulait me faire passer un message indirectement, mais je ne sus lequel. Ses questions et ses réponses, je sentais qu’elles étaient bien étudiées et préparées à l’avance. Mais à la fin, après mûre réflexion, je parvins à la conclusion qu’elle voulait juste me faire comprendre que je devenais une charge inutile auprès de Placide. Je ne manquai pas de faire la remarque à ce dernier un peu plus tard.

- Je n’ai jamais dit que je ne cherchais pas à faire quelque chose, je ne dors pas sur mes lauriers.

- Oui je sais. Elle est comme ça, ne considère pas trop ses dires. Les mater là dérangent souvent dis donc!

- Sérieux, ça me fait un genre.

- Moi-même je lui ai dit que je cherchais aussi à t’aider à en trouver.

- Qu'elle ne pense pas que je suis juste là pour profiter.

- Je vais demander à ma cousine si elle a un tuyau, on ne sait jamais.

Elle avait fière allure et était richement vêtue, cette femme, la cousine de Placide. Elle paraissait bien jeune pour le poste et le pouvoir qu’elle avait, d’un simple claquement de doigts de régler une situation quelconque. Je l’ai vue pour la première fois dans la famille de Placide ; elle était venue, comme à l’accoutumée, où nous nous retrouvions tous les dimanches. Nous étions tous à table lorsqu’elle fit son apparition. Rien que l’odeur de son parfum a envahi en l’espace de quelques secondes toute la pièce.

A peine était elle entrée que je vis tous les visages s’illuminer, c’était quand même grâce à elle que nous mangions assez copieusement à cette table ; c’était grâce à elle que la vie de Placide avait changé, et c’était encore grâce à elle que j’allais peut-être avoir la chance d’intégrer ce cabinet d’avocats comme me l’avait signifié Placide ; Nous attendions juste la confirmation, la sienne. Pas de doute, je sus à l’instant que c’était bien elle, cette cousine dont on vantait si bien les mérites.

Sa mini robe bleue ultra moulante, laissait deviner des formes plantureuses, sans oublier la chevillère à son pied qui lui donnait un air de femme fatale. Tout ce qu’elle portait avait de la valeur. Elle respirait le fric, ça se voyait et ça se sentait. A peine entrée, elle lança avec assurance un…

- Bonjour mes chers et bon appétit ! La bouffe est bonne j'espère ? C'est encore et toujours moi qui régale ! Quelle joie de vous voir enjaillés comme ça!

Assis à côté de moi, Placide se leva rapidement le premier, tout sourire aux lèvres et se dirigea vers elle. Il lui fit la bise sur la joue, se retourna et me fit signe d’approcher. En pleine mastication du poulet dans ma bouche, je me levai tout en essuyant mes mains et m’approchai d’eux.

- Jaïda, viens que je te présente ma très très chère cousine… Priscilla !

Cette dernière me dévisagea, dans un sourire forcé.

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