Chapitre 3 :Les prémices.
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Je suis réticente à l’idée d’accepter son invitation. Si j’ai appris une chose depuis que je vis avec ma mère, ce qu’elle ne supporte pas que je sorte de la concession sauf pour venir puiser de l’eau et faire une commission pour un adulte. Mais en même temps, je me sens seule, ma maman ne me parle que pour le strict nécessaire. Tous mes cousins sont plus âgés que moi. Je n’ai aucune amie, personne avec qui jouer et les quelques livres que j’ai réussie à avoir à l’école, je les ai tous lu plusieurs fois.
-D’accord. Mais je ne connais pas ta maison.
-Viens avec moi. Me dit-elle en me prenant par la main.
Elle me parle gaiement pendant que nous arpentons la petite pente qui mène au village. Nous arrivons devant une concession qui est faite de briques dures, ce qui est exceptionnelle dans ce village. Elle pose son seau d’eau et m’invite à venir m’asseoir près d’elle.
-Il n’y a personne chez vous ?
-Ma mère est au marché.
Nous restons silencieuses un long moment pendant que Djouldé épluche des légumes.
-Je viens d’arriver ici. Dis-je en essayant de meubler le silence.
-Je sais, nos mamans sont amies. Et puis, tout le monde dans ce village connait ton histoire et celle de ta mère.
Je me sens tout à coup embarrassée et mal à l’aise. Tout le monde dans ce village doit savoir que ma mère ne m’aime pas et qu’elle me tient pour responsable des malheurs survenus dans sa vie. J’ai surpris une conversation avec ma grand-mère une fois ou ma mère disait qu’elle regrettait de m’avoir donné la vie.
-Il ne faut pas dire ce genre de chose mon enfant, lui avait répondu ma grand-mère. Cette petite n’a pas demandé à naitre. Tu as fais des pieds et des mains pour tomber enceinte. Ton mari était fou de joie quand c’est arrivé.
-Si je n’étais pas tombée enceinte, peut-être que Mounir serait encore avec moi. J’aurais préféré ne jamais être mère, si j’avais su que le sacrifice ultime serait de perdre mon mari. Avait-elle dit dans un sanglot.
Voici l’histoire de ma vie. Un père que je n’ai jamais connu mais à qui je me sens profondément lié, et une mère qui est bien vivante, mais ne veut rien savoir de moi.
-Tu vas bien ? Me demande Djouldé qui me tire de mes pensées douloureuses.
-Je vais bien.
Djouldé et moi passons un bon moment. Je l’aide à faire sa cuisine et après nous allons jouer à la corde à sauter à l’arrière de leur maison.
Je ris de bon cœur depuis le décès de ma grand-mère. Il faut dire aussi que je n’ai pas beaucoup de raison de rire. Je ne me rends compte de l’heure que lorsque la maman de Djouldé revient du marché. Mon cœur commence à battre la chamade, je ne sais pas si ma mère est rentrée ou pas.
-Il faut que je rentre maintenant.
Je vais me laver les pieds avant d’aller dire bonsoir à la maman de Djouldé.
-Comment vas-tu, ma fille ?
-Je vais bien, maman.
-J’ai fais le chemin avec ta mère. Elle doit être en train de te chercher, tu devrais y aller.
Elle me fait un sourire bienveillant, un de ceux que j’aimerais voir sur le visage de ma mère un jour.
Djouldé décide de me raccompagner jusqu’à la maison, à la demande de sa mère pour m’éviter les problèmes avec la mienne. Quand nous arrivons, ma mère ne semble pas très inquiète de ne pas m’avoir vu à son arrivée.
Je vais dire bonsoir à tout le monde avant d’entrer dans la case de ma mère :
-Bonsoir maman, dis-je à bonne distance d’elle
-Combien de fois t’ais-je dis de ne pas m’appeler comme ça ?
Elle me dit de ne pas l’appeler « maman » mais en même temps, elle ne me dit pas comment l’appeler.
-Comment devrais-je t’appeler alors ?
-J’ai un prénom, utilises le. Je ne suis rien pour toi.
Je me pince les lèvres et bats des paupières pour chasser les larmes qui veulent me monter aux yeux.
-J’étais chez Djouldé, la fille de tantie Mariam.
-N’amène pas ta malchance chez les gens, s’il te plait.
Ne pouvant pas en supporter d’avantage, je cours vers l’arrière cours en passant devant Djouldé qui m’attendait près de l’entrée de l’enclos. Je laisse couler mes larmes tout en faisant attention à ne pas me faire entendre. Qui s’intéresse à ce qui m’arrive dans cette concession de toute manière.
Une main qui me touche le dos me fait sursauter. Je lève la tête et mon regard va croiser celui de Djouldé. Elle a l’air de compatir, ce qui a le don de redoubler mes pleurs. Elle s’assoit près de moi et passe un bras autour de mes épaules et m’attire contre elle.
Ça m’avait tellement manqué, un peu d’affection, un peu de réconfort. Je me blottis contre elle et pleure tout mon saoul. Aucun enfant ne devrait avoir à vivre ce que je vis. Ma grand-mère me disait que j’étais très mature pour mon âge. Mais franchement, je n’ai pas envie d’être mature, je veux juste être une enfant normale.
Je n’ai néanmoins pas le choix. Je n’ai que 10 ans et je n’entrevois aucun avenir pour moi.
Je ne sais même pas si j’irais à l’école à la rentrée. C’est la seule chose qui me reste pourtant. Depuis que je vis dans cette concession, j’ai pris conscience d’une chose, si je veux m’en sortir et être quelqu’un dans la vie, je dois étudier. Mon problème est que je ne sais même pas si je pourrais.
-Tu te sens mieux ? Me demande Djouldé en m’essuyant le visage
Je hoche juste la tête.
-J’ai entendu ce que ta mère t’a dit. Je suis désolée. J’en parlerais à ma mère pour qu’elle lui parle. Ce n’est pas normal pour un parent de se comporter ainsi envers son propre enfant.
Je me relève vivement et essuie rageusement mes larmes :
-Je ne veux pas que ta mère lui parle. Je ne veux pas qu’elle intervienne.
Elle se lève et m’assure qu’elle ne va rien faire avant de me lancer un regard compatissant. Quand Djouldé tourne les talons, je me sens vide et désemparée. Pour la énième fois, je me promets que le manque d’intérêt de ma mère, sa froideur et son antipathie ne me toucheraient plus. Je me promets, on y croyant de toutes mes forces, qu’elle n’arrivera plus à me faire pleurer à moins qu’elle ne me fasse mal physiquement.
Je commence à m’habituer à ma vie dans cette concession. Mon oncle se montre toujours aussi gentil avec moi et maman est de plus en plus antipathique.
À ma grande surprise, mon oncle a décidé que j’allais reprendre les cours à la rentrée. Ma mère n’a pas eu son mot à dire. Il s’est chargé d’acheter tout ce dont j’aurais besoin pour la reprise.
Cette année, je vais passer mon examen d’entrée en 7eme année. Même si dans ce village, nous n’avons pas de collège. Les études se limitent à la fin de l’école primaire. Quelqu’un qui veut aller au de-là, doit s’inscrire dans un collège à Labé. Je ne sais pas si Dieu me permettra de continuer, mais je compte bien décrocher cet examen haut la main.
***
C’est la rentrée des classes aujourd’hui. Je me sens toute excitée.
Je me réveil à l’aube pour faire mes travaux ménager avant d’aller prier et commencer à me préparer. Une fois ma tenue portée et mes chaussures aux pieds, je prends mon cartable et vais dire au revoir à ma mère et le reste de la famille sans même me soucier de prendre un petit déjeuné.
Cette rentrée, j’ai failli ne pas la faire avec mes camarades. Ma mère a fait des pieds et des mains pour m’en empêcher. Elle a sortit toutes les raisons, aussi farfelues et arriérées les une que les autres. Elle a par exemple avancée qu’une fille ne devrait pas aller à l’école alors qu’il y a des choses à faire à la maison.
C’est Karamokoèen qui a posé son veto.
Sur le chemin de l’école, je croise d’autres petits écoliers. Mais aucun n’est aussi excité que moi.
Cette journée étant une journée de prise de contact, nous ne faisons pas vraiment cours. Nous recherchons nos différentes salles de classe.
Le directeur de l’école nous présente notre nouveau professeur qui est venu de la capitale et nous parle sur l’importance de bien travailler cette année pour décrocher notre examen d’entrée au collège.
On nous libère à midi et je me précipite pour rentrer à la maison. Ma mère m’avait bien fait comprendre le matin qu’elle voulait que ses travaux à la maison soient faits avant le soir. Quand j’arrive, la cours est complètement déserte. Je vais me changer et commence le nettoyage de la maison.
Ce qui me semble être une demi-heure plus tard, j’entends des pas dans la cours. Je délaisse ma besogne un moment pour voir de qui il s’agit. Je vois Karamokoèn revenir de je ne sais où.
-Bonjour, mon oncle
-Bonjour Mouminatou, et ta mère ?
-Elle est au marché
-Tu es donc toute seule ici ? Demande-t-il en me scrutant du regard
-Oui mon oncle, je suis toute seule mais les autres ne devraient plus tarder. Je faisais le feu pour cuire le riz en attendant.
-D’accord. Laves toi les mains et apportes moi de l’eau à boire.
Il disparait dans sa case pendant que je me précipite vers le seau d’eau pour me laver les mains. Je vais dans notre case et remplie un gobelet d’eau provenant de notre canari.
Arrivé devant sa case, je reste à la porte et le préviens que je suis devant avec le gobelet d’eau.
- Entres ! Me dit-il
Un peu hésitante, j’entre et m’agenouille en signe de respect pour lui donner son eau. Il boit d’une traite et me tend le gobelet.
Il a troqué son boubou blanc contre un caftan léger gris.
Au moment de récupérer le récipient, il attrape mon poignet et me tire vers lui. Dans ma chute, mon pagne se défait et je me retrouve à moitié nue.
Sans me donner le temps de réagir, il glisse sa main entre mes cuisses et commence à me toucher de façon très inappropriée.
Je le repousse une premières fois. Il recommence pendant que je me débats et essaie de me libérer.
Il perd patience et me donne une gifle qui me fait voir les étoiles. Je me sens étourdie et incapable de me lever. Je me mets donc à pleurer et crier de toutes mes forces, il me bloque la bouche avec sa main pendant qu’il m’écrase de tout son pieds sur le sol.
Je continu a me débattre, mais je ne fais pas le poids face à lui. Je me heurte à un mur de muscle. Il arrive presqu’à m’immobiliser et commence à se frotter contre ma cuisse.
Je ne sais pas combien de temps ça dure mais au bout d’un moment, je l’entends crier et il se relève.
-Tu ne racontes ce qui vient de se passer à personne. Tu m’entends ? Aboi-t-il, l’air mauvais
Je ne reconnais pas cette personne qui me regarde. Son expression bienveillante et paternelle que je connais s’est transformée en quelque chose de bestial et de primitif.
-Si j’apprends que tu as raconté ça à qui que ce soit, tu meurs et la personne avec.
Je sors de sa case et vais m’enfermer dans celle de ma mère. Je me jette dans le lit et me roule en boule. Je ne sors plus que quand j’entends la voix familière et rassurante de ma mère dans la cours.
-Bienvenue maman
-Merci. J’espère pour toi que tu as nettoyé la case et fais le riz comme je te l’avais demandé.
-J’ai nettoyé la maison mais je n’ai pas pu faire le riz.
-Et pourquoi ?
-Je…heuu…
-Tu ne sais plus parlé ? Tu as pourtant la langue bien pendue non ?
Elle se lève brusquement et va chercher je ne sais quoi dans la case. Quand elle ressort, je vois qu’elle tient un fouet.
Décidément, ce n’est vraiment pas mon jour aujourd’hui.
Elle me prend par la main et m’aligne trois coups bien envoyés qui me font crier. Les autres femmes de mon oncle qui sont aussi rentrées se précipitent vers nous et prennent le fouet des mains de maman.
-Pourquoi tu bats l’enfant comme ça ? Demande la première femme de mon oncle, celle que toutes les autres appellent « Djadja » (grande sœur), derrière laquelle je suis allée me cacher.
-Elle m’a désobéit. En sortant le matin, je lui avais dit de faire le riz. Je viens la trouver coucher dans la case alors que le riz n’est pas fait.
-J’étais sur le point de le faire mais Karamokoien m’a… j’avale le reste de ma phrase quand je vois mon oncle arriver.
Je me mets à pleurer de plus belle et a trembler de tout mon être.
-Mariam, je ne t’ai pas dit de ne pas toucher à cette petite ? Dit mon oncle en me tirant vers lui. Cette enfant est la seule chose qui me reste de mon frère. Si tu ne peux pas t’occuper d’elle, tu me dis et je l’envoie à la capitale.
Il me tire presque de force pour le suivre dans sa case. A peine on y pénètre, je cours me mettre dans un coin, apeurée. Je me dis qu’il ne va certainement rien me faire parce que tout le monde est là, mais j’ai quand même peur de lui.
-Tu allais parler, Mouminatou ? Si je n’étais pas sortie, tu allais raconter notre petit secret à tout le monde ? Demande-t-il en s’approchant dangereusement de moi. Ne t’ai-je pas dis que si tu racontais ça à qui que ce soit, ca serait la fin pour toi et cette personne ? Ton père est mort, tu veux que ta mère aussi meure et te laisses toute seule ici ?
L’idée de perdre ma mère m’ait insupportable. Ma grand-mère m’a laissé et malgré notre relation houleuse, j’aimerais avoir ma mère au près de moi. Je me sens déjà seule au monde, perdre ma mère est inimaginable.
-Je ne lui ai rien dis.
-Oui, mais tu allais le faire.
-Je jure que je ne dirais rien à personne. Je vous promets que je n’ouvrirais pas la bouche.
Je sursaute quand il tend sa main vers moi. Il me palpe la poitrine tout en me regardant dans les yeux.
-Tes seins devraient commencer à pousser maintenant, non ? Demande-t-il tout en faisant glisser sa main sur ma poitrine. Tu as onze ans.
-J’ai dix ans mon oncle.
-Tu as le corps d’une femme, Mouminatou. Tu es aussi belle que l’était ta mère quand elle se mariait avec ton père.
Il me prend la main et la dirige vers son pantalon. Je me dérobe rapidement et sors précipitamment de cette case.
A partir de ce jour fatidique ou mon oncle m’a montré son vrai visage, il ne s’est plus arrêté. Mes journées ont été ponctuées d’attouchement et de mots déplacés à chaque fois que l’occasion se présentait.
Et comme si ça ne suffisait pas, cette année là, ma poitrine a commencée à se développer ce qui le rendait fou.
Il me parle de mon corps et comment il me trouve belle.
J’ai enduré tout ça toute seule, sans jamais trouver le courage d’en parler à qui que ce soit. Ma relation avec ma mère devient plus compliquée de jour en jour. Elle se braque dès que j’essaie de me rapprocher d’elle.
La seule échappatoire que j’ai trouvé, se sont mes livres et mes cahiers. Je me noie dans la lecture. Notre nouveau professeur l’a remarqué et il me passe un nouveau livre à chaque fois que je lui en demande.
Mon examen arrive. Et contre l’avis de ma mère, j’ai intégrée le groupe de révision organisé dans mon école. Mon oncle se charge de tout payer et s’assure aussi que maman me laisse apprendre mes leçons. Personne ne discute ses ordres dans cette concession, sa voix suffit à mettre tout le monde au pas.
Tout le monde pense qu’il me protège parce qu’il m’aime. Qu’il prend soin de moi et qu’il est soucieux de ma réussite scolaire par gentillesse. Si seulement ils savaient.