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Chapitre 2 : Comment tout a commencé

(Lisez, aimez, commentez et partagez, vous m’aurez faites plaisir)

Nous sommes dans une sous préfecture qui s’appelle Fafaya, dans la préfecture de Koubia en moyenne Guinée.

Un endroit où il fait bon vivre, les habitants solidaires les uns avec les autres dans les travaux champêtres. Une localité dans laquelle les traditions sont respectées à la lettre.

Personne ne discutent les décisions prises par les sages à plus forte raison les contredire. Les anciens savent toujours selon eux, ce qui est bon pour les autres, surtout pour les femmes. Elles n’ont pas la voix au chapitre. On décide pour elles et elles obéissent.

Je m’appelle Mouminatou Diallo. Ce prénom m’a été donné car je suis née le lendemain du décès de mon père. Dans la culture peulh, si un enfant nait pendant le veuvage de sa mère, si c’est une fille, elle s’appellera Mouminatou et si c’est un garçon, on l’appellera Moumini.

D’après ce que j’ai pu comprendre, ma mère et mon père s’aimait beaucoup.

La plus part des mariages dans mon village sont arrangés sauf celui de mes parents. Ils se sont rencontrés un jour de marché ou ma mère était allée revendre les légumes de ma grand-mère. Il y a eu le coup de foudre dès le premier regard et leur mariage n’a plus tardé.

Mes parents étaient jeunes tous les deux. Après leur mariage, ils se sont installés dans la concession familiale. Mes deux grands parents, du coté de mon père sont décédés très tôt et mon père tenait la concession avec son grand frère puisqu’ils ne sont que deux.

Ce derniers est allé au Sénégal très jeune pour apprendre le coran et depuis son retour, tout le monde dans le village l’appelle Karamokoèn (qui veut dire maitre coranique en langue poular).

Mon grand oncle est très respecté dans le village à cause de son niveau de connaissance du coran et de l’islam. Il enseigne le coran à tous les enfants des environs, mais pas que les enfants, des adultes aussi viennent pour la mémorisation du livre sain.

Des couples viennent pour des médiations quand ils ont des problèmes dans leurs foyers. Des gens viennent des villages environnants pour demander des bénédictions. Il est presque vénéré dans ce village.

Il a deux femmes et huit enfants. Quatre de chaque coté.

Dieu sachant faire les choses, il n’a eu que des garçons. Il vit avec les plus jeunes. Les plus grands sont allés apprendre le coran comme lui dans d’autres contrées.

Mon père et son frère, c’est le jour et la nuit. Mon père avait la peau très foncée. C’est à lui que je dois ma peau ébène.

Tandis que son frère est très clair. Apparemment, leur mère était très clair et leur père foncé. Chacun des enfants à ressemblé à un parent.

Les villageois disent d’ailleurs que la peau claire de mon oncle est preuve de sainteté d’âme. Que ça démontre sa pureté.

Quant à mon père, il était le couturier du village. En plus des champs, il arrivait à joindre les deux bouts grâce à son métier de couturier.

Il retouchait les habits des villageois. Selon ce que j’ai appris de lui à travers ma grand-mère et ma mère aussi, c’était un homme gentil, juste et très calme.

Il prenait la vie avec légèreté et beaucoup de sagesse. J’aurais tellement aimé le connaitre, tellement aimée avoir partagé ne serait-ce qu’un petit souvenir avec lui.

Après le mariage de mes parents, ils ont eu du mal à concevoir. Mon père n’a jamais tenu ma mère pour responsable de ça. Les villageois et les membres de la famille de mon père avaient commencé à parler. Il ne lui a cependant jamais jeté la pierre.

Mais, deux ans après leur union, ma mère à appris qu’elle était enceinte. Mon père était tellement content qu’il a égorgé un bœuf et a distribué la viande à tous les voisins.

Leur bonheur fut de courte durée. Quelques semaines après, un mal mystérieux s’est emparé de mon père. Pendant des mois, on lui a fait faire le tour de tous les villages environnants. Aucun guérisseur n’a jamais pu déterminer avec certitude ce qu’il avait. Chacun y est allé de son commentaire, mais ce qui revenait le plus, c’était l’ensorcellement.

Mais aucun n’a pu le soigner, il est mort un jour avant ma naissance.

Ma mère a été détruite. Elle n’était plus que l’ombre d’elle-même.

Quand je suis née, elle était encore sous le choc, elle ne m’a pas prise dans ses bras. Les gens pensaient que c’était parce que l’accouchement l’avait épuisée. Ma grand-mère à donc pris sur elle et s’est occupée de moi cette première nuit. Le lendemain c’était pareil, elle ne voulait toujours pas me regarder encore moins me toucher.

Une semaine plus tard, ma grand-mère a due se rendre à l’évidence, ma mère ne voulait pas de moi. Malgré qu’avec mon père, ils m’avaient attendu deux longues années, elle n’était plus disposée à s’occuper de moi. Ma grand-mère m’a prise avec elle et a due me nourrir avec du lait de chèvre.

Les villageois s’en sont donné à cœur joie. Ils ont qualifiés ma mère de femme sans cœur. Comment pouvait-elle abandonner son propre enfant, la chaire de sa chaire ? Comment prétendait-elle aimer mon père alors qu’elle tournait le dos à sa progéniture ? J’ai grandi dans ces conditions, ou les gens murmuraient à mon passage.

Ma mère passait de temps en temps voir ma grand-mère mais sans plus. Elle n’a jamais rien voulu savoir à mon sujet.

Après son veuvage, comme la tradition le veut, elle a été mariée à mon grand oncle.

Si mon père avait un petit frère, ça aurait été à lui d’hériter de ma mère, il est revenu donc à mon grand oncle de l’épouser.

Selon ce qui m’a été raconté, elle a pleurée pendant des semaines entières quand elle a su qu’elle devait se remarier à Karamokoèn. Mais la tradition ne se discute pas, ça avait été comme ça depuis la nuit des temps et ce n’est pas avec elle que les choses allaient changer.

Ma mère est une très belle femme avec une taille fine, une peau foncée et des traits fins. Il émane d’elle un calme et une sérénité qui la rend agréable à regarder.

Quand je la vois interagir avec les autres, j’en suis jalouse tellement elle parait douce. Je suis triste de ne pas avoir la chance de profiter de cette douceur.

Les choses ont continués à empirer entre nous au fur et mesure que je grandis. Je ressemblais de plus en plus à mon père. Ma grand-mère m’a dit que ma mère ne supportait pas de me regarder parce qu’elle voyait mon père en moi.

Les fois ou ma grand-mère me trainait de force pour aller rendre visite à mon oncle, ce dernier se comportait très bien avec moi.

Quand je suis là-bas, il exige que je mange avec lui dans sa case alors que ses autres enfants n’avaient pas le droit d’y pénétrer. Il est toujours d’ailleurs très tactile avec moi. Des gestes que les adultes prennent pour des démonstrations d’affections d’un oncle envers sa petite nièce. Et moi, en quête d’amour paternel et dans ma grande innocence de petite fille, je suis heureuse d’avoir un semblant de présence paternelle dans ma vie.

Ma vie a basculée quand ma grand-mère est décédée. J’ai dix ans, et la seule personne que j’ai toujours connu vient de mourir.

Je n’ai pas vraiment compris les premiers jours ce qui venait de se passer. J’étais entourée de personnes qui venaient présenter leurs condoléances. Une de mes tantes est venue rester avec moi les sept premiers jours après le décès. Je me demandais souvent si ma grand-mère n’allait plus revenir comme mon père, ma tante me disait que ma grand-mère est allée rejoindre son créateur.

Quand est venue l’heure pour ma tante de rentrer chez elle, la question du lieu où je devais habiter s’est posée. Une petite réunion a été convoquée ou il y avait, mon grand oncle, ma tante, ma mère et un autre vieux que je ne connais pas.

Ils ont parlé longtemps dans la case de ma grand-mère avant que ma tante ne vienne me chercher à l’arrière de la case ou je jouais à la dinette.

-Mouminatou, à partir d’aujourd’hui, tu vas habiter avec moi et ta mère, me dit Koramokoèn avec un sourire que je pensais bienveillant à ce moment là.

Je lève la tête et regarde ma mère qui garde obstinément les yeux baissés. Je la fixe pendant une bonne minute espérant qu’elle lève la tête pour essayer de savoir, par l’expression de son visage, si ma venue dans sa maison lui plait.

De toute façon, la décision est prise.

Ma tante me demande d’aller rassembler mes affaires.

Lorsque je pénètre dans la petite case de ma grand-mère, je m’assois sur le lit et récupère l’oreiller sur lequel il y a encore son odeur. Je le porte à mon nez et hume cette odeur qui m’a toujours rassurée.

Pour la première fois depuis son décès, j’explose en sanglot. J’enfuis ma tête dans l’oreiller et pleure pendant plusieurs minutes me rendant compte que je vais devoir quitter cette modeste case qui m’a vu grandir. Je me rends compte également que ma grand-mère ne sera plus là pour me protéger et combler en partie l’absence de ma mère dans ma vie.

Lorsque je n’en peux plus de pleurer, je me lève et prends mes quelques vêtements que j’attache dans un des pagnes de ma grand-mère. Je récupère son collier en perle dont elle ne se séparait jamais mais aussi un de ces foulards que je me promets de ne jamais laver pour ne pas que son odeur s’en aille.

Sur le trajet qui me mène dans ma nouvelle maison, j’observe ma mère qui a les yeux bouffis par les pleures. J’observe aussi mon oncle qui marche avec son chapelet dans une main en murmurant des paroles incompréhensives.

Il porte un grand boubou bleu marine, des babouches blanches aux pieds, un chapeau de la même couleur et un keffieh sur le cou.

Nous avançons sans que personne ne parle. Même si j’avais envie de parler, je ne saurais pas trop quoi dire.

Arrivée dans mon nouveau chez moi, ma génitrice me fait signe de la tête de la suivre.

-tu as cette natte, dit-elle en pointant du doigt un truc par terre qui ne ressemble vraiment plus à une natte.

-C’est ici que tu vas dormir.

Du haut mes dix ans, j’ai eu la présence d’esprit de ne pas répondre et surtout, de ne pas protester.

Je pose mes petites affaires dans un coin de la case avant de sortir répondre à l’appelle de mon oncle. Il me confie à ses autres femmes et leur recommande de prendre soin de moi comme si j’étais leur propre enfant.

-c’est la seule chose que mon frère nous a laissé. Nous devons donc en prendre soin comme si c’était la prunelle de nos yeux.

Ses femmes acquiescent et chacune va vaquer à ses occupations. Je reste arrêter au beau milieu de la cour sans savoir quoi faire.

Mon oncle le comprend et m’appelle dans sa case avant d’ordonner qu’on nous serve à manger. C’est presque la prière du crépuscule mais nous avons le temps de manger.

Comme les fois ou je venais les saluer, je suis autorisée à prendre le repas avec lui dans sa case. Pendant que nous mangeons, j’observe plus attentivement ses traits, en me demandant s’il ressemble à mon père.

Ma grand-mère m’a montrée une photo de lui quand il était jeune. Mais je n’y ’ai pas vu grand-chose, parce qu’au-delà du fait qu’elle soit en noir et blanc, le papier est dégradé. On entrevoit à peine son visage.

Après le repas, je me propose de débarrasser et de nettoyer les grains de riz qui sont tombées par terre.

Une des femmes de mon oncle sort les nattes dans la cour pour la prière. Nous allons tous prendre nos ablutions et venons prier.

Je remarqué que tout le monde reste sur place après la prière, à papoter. L’ambiance est très bonne mais à aucun moment, ma mère ne participe à la conversation. Elle est restée muette comme une carpe. Je me demande si elle est comme ça d’habitude ou si ma présence y est pour quelque chose.

Une autre remarque, personne ne hausse le ton dans cette concession. Les voix restent basses, surtout en présence de Koramokoèn. Après la dernière prière, chacun va rejoindre sa case. Je mets la natte que ma mère m’avait indiquée plutôt et y dépose quelques uns de mes pagnes pour que ca soit un peu plus moelleux et confortable.

Ma mère se déshabille et reste avec son pagne qu’elle attache sous ses aisselles, je fais de même avant de me coucher. Elle tend la main, récupère la lampe à pétrole et souffle dessus pour l’éteindre.

Je me réveil très tôt le lendemain demain, je n’ai d’ailleurs pas beaucoup dormi. Ce matelas de fortune que je me suis fabriqué est insupportable. J’ai l’impression d’avoir dormi sur un bout de bois. Le changement d’environnement aussi n’a pas favorisé les choses.

Je tends l’oreille pour écouter ce qui se passe dehors, je ne perçois aucun bruit. Je me demande s’il fait déjà jour. Je reste couchée, je ne voudrais pas réveiller ma mère en faisant du bruit. Même si je me levais, qu’est ce que je ferais ? Chez nous, je connaissais mes taches journalières. Je m’y attelais dès mon réveil, ici par contre, je ne saurais pas quoi faire.

Des minutes après mon réveil, j’entends l’appel à la prière. Je sens ma mère bouger dans son lit et se réveiller. Elle va ouvrir la porte et allume la lampe à pétrole. Je n’attends pas qu’elle m’appelle. Je me lève à mon tour et range mon matelas avant de la rejoindre dehors. Ses autres coépouses sont aussi debout, une d’entre elle est dans la cuisine en train de faire du feu.

Je suis arrêtée sans vraiment savoir quoi faire. Après le retour de ma mère des toilettes, il me tend un petit bout de bois pour me nettoyer les dents :

-Bonjour maman, dis-je en récupérant le bout de bois

-Bonjour

Pendant que je me brosse les dents, je vais prendre le balai et m’atèle à nettoyer la cour. Personne ne me dit rien, je vais donc faire ça au moins.

Quelques minutes après, c’est l’heure de la prière. Une des coépouses de ma mère sert le petit déjeuné, de la bouilli de mais. Les garçons boivent leur bouillie en groupe, les femmes ensembles et moi je bois avec Karamokoen. Je ne lève la tête que quand le bol se vide.

Je récupère tous les bols et vais les laver avant d’aller répondre à l’appelle de Karamokoèn :

-tu es venue avec ta planche coranique ? me demande-t-il

-non, je l’ai oublié chez nènè Kaou (c’est comme ça que j’appelle ma grand-mère. ça veut dire : maman de mon oncle. chez les peuls de Guinée, les grand-mères maternelles sont appelée comme ça)

-je t’en donnerais une dans la journée, tu vas apprendre avec les autres.

Je dis oui avant de sortir.

Comme prévus, je commence mon apprentissage du coran le jour même. Karamakoèn qui voulait que je commence depuis le début est agréablement surpris de remarquer que je suis déjà bien loin.

Ma grand-mère s’est assuré que je sois instruite. Elle m’a confiée à un vieux qui m’apprenait le coran et elle a également tenu à ce que j’aille à l’école. Même s’il faut que je marche plusieurs kilomètres pour ça. J’aime apprendre, que ça soit le coran ou l’école, l’apprentissage me fascine.

Je me demande à ce propos comment ça va se passer à la rentrée. Ma mère va-t-elle s’assurer que je recommence l’école ou va-t-elle se comporter comme ses nombreuses mères qui pensent qu’amener une fille à l’école au lieu de la garder à la maison pour les taches ménagères est une perte de temps.

Mes premiers jours dans cette concession se passe mieux que je ne l’imaginais. Les coépouses de ma mère me traitent de loin mieux que celle qui m’a mise au monde. Je sais que si elle avait le choix, je ne serais pas là.

Je suis le chouchou de mon oncle. Il me ramène toujours quelque chose de ces sorties et m’appelle pour que j’aille lui tenir compagnie dans sa case de temps en temps, ça se passe généralement quand la concession est vide. Que mes cousins sont allés travailler au champ et que les femmes sont occupées dans les potagers ou le marché.

-j’ai appris que tu partais à l’école ? Me demande-t-il, une de ces fois ou la concession est vide et qu’il me demande de lui masser les pieds

-oui…

-tu veux continuer à aller à l’école ?

-oui…

Pendant que je lui fais craquer ses orteils, il me demande de remonter un peu plus haut pour masser ses mollets et ses jambes. Du haut de mes 10 années de vie, je ne peux pas y avoir une intention cachée. Je remonte donc mes petites mains vers ses mollets et ses jambes.

Je stoppe brusquement le massage et me lève:

-pourquoi t’arrêtes-tu, ma fille ?

-pardon mon oncle, mais je dois aller aux toilettes.

Je ne lui laisse pas le temps de protester que je suis déjà dehors. Je marche très vite en direction du petit marigot ou nous puisons de l’eau. Je viens ici quand je veux échapper au monde qui m’entoure. Dans un magazine qui mon maitre de l’école m’a prêté une fois, j’ai vu la photo d’une plage. L’étendu de sable blanc et la limpidité de l’eau m’ont subjugué. J’aimerais tellement voir la plage une fois dans ma vie.

Ce petit marigot me donne l’impression d’être à la plage. Le bruit de l’eau qui coule m’apaise et me permet de réfléchir.

-je te vois très souvent assise ici, toute seule.

La voix qui vient de se faire entendre me fait sursauter.

-je ne voulais pas te faire peur, me dit la jolie jeune fille qui se tient en face de moi avec son seau d’eau posé près d’elle.

Elle doit être un peu plus âgée que moi et sa peau claire et ses grands yeux noirs la rendent insolemment belle.

-je m’appelle Djouldé. Me dit-elle en allant plonger le seau dans le marigot pour puiser son eau.

-je m’appelle Mouminatou

-je sais qui tu es. Avec mes frères, nous allons apprendre le coran chez vous.

Comment ça se fait que je ne me souvienne pas de l’avoir vu chez nous.

-si tu veux, tu peux venir chez nous et nous allons jouer ensemble. Me dit-elle tout en portant son sceau d’eau sur la tête.

Je suis réticente à l’idée d’accepter son invitation parce que si j’ai appris une chose depuis que je vis avec ma mère, ce qu’elle ne supporte pas que je sorte de la concession sauf pour venir puiser de l’eau et faire une commission pour un adulte. Mais en même temps, je me sens seule, ma mère ne me parle que pour le strict nécessaire. Tous mes cousins sont plus âgés que moi. Je n’ai aucune amie, personne avec qui jouer et les quelques livres que j’ai réussie à avoir à l’école, je les ai tous lu plusieurs fois.

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