Chapitre 3

La forêt s’étendait à perte de vue, sombre et mystérieuse, mais pour Luna, elle n’avait jamais semblé aussi accueillante. Ses pieds foulaient le sol meuble avec une détermination nouvelle, un mélange de peur et d’excitation brûlant en elle. Elle ne savait pas où elle allait, seulement qu’elle devait s’éloigner de la meute, de Ronan, de cette vie qui l’avait enchaînée. Chaque pas la rapprochait de sa liberté, mais plus elle avançait, plus elle sentait le poids des souvenirs remonter en elle, des souvenirs douloureux qui refusaient de rester enfouis.

Elle se rappelait ces nuits où elle pleurait en silence, ses larmes muettes roulant sur ses joues, sans personne pour les voir, pour les comprendre. Le silence avait été son refuge, un lieu où elle pouvait dissimuler sa peine, mais aujourd’hui, dans cette forêt vaste et sans limites, elle sentait ce même silence se transformer en cri intérieur, un cri de délivrance. Elle ne savait pas combien de temps elle pourrait tenir, ni où la mènerait ce chemin, mais elle savait qu’elle ne pouvait plus revenir en arrière. Ses pas l’avaient guidée jusque-là, et elle comptait bien aller jusqu’au bout.

La lune brillait haut dans le ciel, éclairant les ombres de la forêt d’une lumière argentée. Les arbres semblaient veiller sur elle, silencieux et protecteurs, tandis que le vent murmurait à ses oreilles des mots de courage. Elle se répétait les paroles de Nox, son loup intérieur, qui la rassurait et la guidait dans ce voyage incertain. * »Continue d’avancer, Luna. Nous sommes sur le bon chemin. »*

Mais même avec cette voix rassurante dans son esprit, Luna ne pouvait ignorer les angoisses qui lui étreignaient le cœur. La forêt était belle, mais aussi cruelle. Le froid mordait sa peau, et la faim commençait à se faire sentir. Ses mains étaient écorchées par les branches qu’elle avait écartées, et ses jambes étaient fatiguées. Pourtant, elle refusait de s’arrêter. Elle savait que le repos n’était pas une option, pas tant qu’elle n’aurait pas mis suffisamment de distance entre elle et la meute.

Alors qu’elle avançait dans la pénombre, un bruit lui fit soudain relever la tête. Un craquement, quelque part derrière elle. Son cœur battit plus fort, l’adrénaline envahissant son corps. Elle tourna rapidement la tête, les yeux plissés, cherchant à voir au travers des ombres.

« Nox… tu as entendu ça ? » pensa-t-elle, essayant de garder son calme.

*Oui. Reste sur tes gardes. Mais ne montre pas ta peur,* lui répondit son loup d’une voix calme et rassurante. *Il y a quelqu’un, mais ne fuis pas. Cela pourrait être une simple rencontre… ou un test.*

Luna prit une grande inspiration et continua à marcher, le dos droit, le regard fier. Elle sentait une présence proche, mais elle ne voulait pas céder à la panique. Alors qu’elle avançait, un mouvement attira son attention à sa droite. Une silhouette se dessinait dans l’obscurité, un loup massif, aux yeux perçants, qui l’observait avec une intensité déroutante. Elle sentit son souffle se couper, mais elle s’obligea à rester immobile, à ne pas fuir. Elle savait que dans ce monde, toute fuite pouvait être interprétée comme une faiblesse.

Le loup s’approcha lentement, sa démarche fluide et silencieuse. Lorsqu’il fut suffisamment près, il se redressa, reprenant une forme humaine. Un homme se tenait maintenant devant elle, ses yeux d’un bleu profond fixés sur elle avec curiosité. Ses traits étaient marqués par la vie sauvage, une cicatrice traversant sa joue droite, lui donnant un air à la fois menaçant et fascinant. Il ne ressemblait à personne dans sa meute. Cet homme dégageait une aura de liberté brute, un pouvoir indomptable.

« Je ne t’ai jamais vue par ici, » dit-il d’une voix grave, son ton empreint de méfiance.

Luna le regarda, ses yeux écarquillés, l’incertitude la paralysant. Elle se sentait si petite face à cet étranger, si vulnérable. Mais elle ne pouvait pas parler. La honte et la douleur de son silence l’engloutissaient, mais elle savait qu’elle ne pouvait pas s’échapper de ce moment. Elle ouvrit la bouche, mais aucun son ne sortit. Elle baissa les yeux, désespérée de ne pouvoir s’exprimer.

L’homme fronça les sourcils, visiblement intrigué par son mutisme. « Tu es muette ? » demanda-t-il, et elle hocha doucement la tête, évitant son regard.

Il sembla réfléchir un instant, puis ses traits se détendirent légèrement. « Je m’appelle Thorne. Je vis seul ici, à l’écart des meutes, » expliqua-t-il, observant ses réactions. « Je ne te veux aucun mal, mais tu sembles perdue. Sais-tu seulement où tu vas ? »

Luna releva les yeux, hésitante, mais elle hocha doucement la tête. Elle n’avait pas de destination précise, mais elle savait qu’elle voulait s’éloigner le plus possible de sa vie passée. La liberté n’avait peut-être pas de lieu défini, mais elle sentait qu’elle trouverait ce qu’elle cherchait en continuant d’avancer.

« Fuir, c’est ça ? » murmura Thorne en plissant les yeux. « Écoute-moi bien, jeune louve. Ce monde est bien plus dangereux que tu ne le crois. Les meutes ne pardonnent pas ceux qui les quittent. Surtout pas les solitaires. »

Luna sentit un frisson la traverser. Les mots de Thorne résonnaient en elle, lui rappelant les histoires qu’on racontait dans sa meute sur les dangers du monde extérieur. Mais elle savait qu’elle n’avait pas d’autre choix. Elle préférait affronter ces dangers plutôt que de retourner dans la cage qu’était sa vie auprès de Ronan.

Thorne soupira en voyant sa détermination, une lueur de compréhension traversant ses yeux. « Je vois que tu es décidée, » dit-il d’une voix plus douce, presque protectrice. « Mais sache ceci : d’autres meutes patrouillent dans cette forêt. Elles n’hésiteront pas à te capturer ou pire si elles te considèrent comme une menace. Les solitaires comme nous n’ont pas la vie facile. »

Elle hocha la tête, consciente d s »risques, mais elle sentait que rien ne pourrait la dissuader. Elle regarda Thorne, cherchant à comprendre pourquoi il l’aidait alors qu’ils ne se connaissaient même pas. Peut-être voyait-il en elle une part de lui-même, une âme perdue en quête de liberté.

Il sembla deviner ses pensées et un léger sourire effleura ses lèvres. « Je t’ai prévenue parce que j’ai moi-même été à ta place un jour. Fuir les chaînes, chercher un endroit où l’on puisse être soi-même… ça n’a rien de facile, mais je comprends. » Il se rapprocha légèrement, ses yeux la scrutant avec une intensité troublante. « Si tu veux survivre, Luna, fais confiance à ton instinct. Et surtout, ne sous-estime jamais les autres meutes. »

Elle acquiesça, absorbant ses paroles comme une leçon vitale. Elle n’avait jamais rencontré quelqu’un comme Thorne, quelqu’un qui, malgré sa rudesse, semblait véritablement comprendre ce qu’elle ressentait.

« Je vais te laisser, » dit-il en s’éloignant, reprenant sa forme de loup en un instant. « Mais souviens-toi, Luna. La liberté n’est pas un chemin facile. Sois prudente. »

Il disparut dans les ombres, sa silhouette se fondant dans la forêt. Luna resta immobile un instant, le cœur battant, le regard fixé là où il avait disparu. Elle savait que cette rencontre marquait un tournant dans son voyage. Elle n’était plus seule, même si Thorne n’était qu’une présence éphémère dans sa vie. Ses paroles résonnaient en elle, et elle savait qu’elles l’aideraient à avancer, à affronter les défis qui l’attendaient.

Inspirant profondément, elle se remit en marche, ses pas plus légers, plus assurés. La forêt était dense, les ombres menaçantes, mais elle n’avait plus peur. Elle se sentait plus forte, plus vivante. Elle ne savait pas où ce voyage la mènerait, mais elle était prête à affronter l’inconnu, prête à se battre pour cette liberté qui brûlait en elle comme une flamme ardente.