CHAPITRE 7
Elle me regarda et me répondit :
– Toi, tu n’es personne ; tu n’es ni ma tante ni mon oncle ni aucun membre de ma famille pour avoir l’autorité sur moi ; aucun de tes plans ne marchera contre moi ; idiote.
Elle ne savait pas que ce slogan que chantait tout le monde était déjà désuet et que pour se tirer de la jungle du diable, qu’il fallait évoquer l’Esprit Saint ou dire “sang de Jésus” pour renvoyer le sort contre son adversaire.
Aline était debout à sa place, bouche bée. Elle était la seule à évaluer la gravité de cette malédiction que je venais de jeter sur la vie de cette jeune élève studieuse.
Jostaline était en effet, la lumière de la classe ; elle était la plus brillante des jeunes filles. Depuis trois ans que je la connaissais, jamais elle n’était classée parmi les cinq premiers. Elle était toujours classée parmi les trois premiers. Elle avait un cerveau bien frais et très fragile. Il lui suffisait juste quelques secondes pour bûcher des milliers de pages de cours. Son succès dans la vie sociale était chose garantie et sans doute. C’est une jeune fille qui, après ses études, elle ne s’échinerait guère à trouver une meilleure place dans les grandes administrations sociales. Mais parce qu’elle avait osé le pire en me giflant, il me fallait réduire ses succès en échecs éternels. Son étoile qui scintillait, je l’avais réduite à néant. Désormais, elle sera une bonne à rien dans la société.
Après ma sentence, je me retournai à ma place. Ce fut en ce moment que la sirène signala l’heure du rassemblement au mât.
Tous en rang, nous nous dirigeâmes à la cérémonie des couleurs.
Là-bas, après la montée du drapeau, le directeur prit le micro pour diriger la suite de la cérémonie. Il passa les annonces de la semaine puis, finit par vénérer les meilleurs élèves du collège. Il cita de sa belle voix, les noms des meilleurs élèves qui méritaient des tableaux d’honneur après leur dur labeur.
Ceux-ci, un à un, sortait des rangs pour aller former un autre rang. La secrétaire de l’école était chargée de la distribution des tableaux à chaque élève. Ces élèves appelés « les heureux du jour » avaient des sourires aux lèvres et de tout cœur, accueillaient l’offre. Je prenais cette action pour de pure humiliation. Sinon, comment nous rassembler tous autour du mât et distribuer des tableaux d’honneur à quelques têtes ? Cela me paraissait d’ailleurs indigne et un manque de considération. Alors, à cet effet, j’ai eu à enregistrer dans mon esprit, chacun de ces élèves à qui je ferai plus tard mal.
L’école, tant pis pour ceux qui croient que c’est un lieu où il faut se prendre pour de meilleur travailleur ou pour de meilleur connaisseur.
Après la distribution des tableaux d’honneur qui dura une trentaine de minute, le directeur mit terme aux cérémonies des couleurs et chaque classe se dirigea vers son bâtiment.
***
Les premiers cours de la semaine commencèrent.
De notre retour du drapeau, j’étais toujours en colère d’après Jostaline bien que l’effet du dévolu que j’avais jeté sur elle était certain.
Si je boudais encore, c’est peut-être parce que je ne voulais plus la voir ni la sentir dans la classe. Toujours en regardant sa tête depuis ma place, je n’arrivais pas à supporter sa silhouette.
Pour avoir la paix avec mon esprit qui me demandait à faire quelque de suspect, je sortis de la classe et allai dehors sans demander de permission au professeur qui recopiait le cours sur le tableau.
À mon arrivée dans la cour, je me dirigeai directement vers les salles de toilettes. Seule emmurée dans l’une des salles, j’appelai trois fois successivement la reine des eaux. Elle finit par me répondre depuis la mer. Elle me posa une question à laquelle je répondis :
– Il faut que vous jetiez à cette fille qui a osé me gifler en plein monde, une terrible maladie ; une maladie incurable ; faites-le pour moi je vous en prie.
– D’accord, va en classe et laisse-moi m’en occuper.
À cette recommandation, je me retournai en classe.
Je pouvais m’occuper de son sort moi-même mais si je tenais à m’en occuper, la vie de cette fille de Jostaline fera beaucoup pitié à sa famille parce que je lui ferai très mal.
***
Trois jours plus tard.
Jostaline avait manqué les cours ce matin-là pour la toute première fois depuis que la nouvelle année scolaire avait commencé. C’était étonnant mais Aline et moi étions les seules responsables à connaître le vrai motif de son absence.
À chaque cours, les professeurs ne se lassaient à demander de ses nouvelles. En fait, cette jeune fille méritait bien cet honneur de la part des professeurs car, elle était la plus meilleure et la plus intelligente de la classe. C’était aussi une jeune fille qui faisait beaucoup de recherches dans les bibliothèques et parfois sur des sites internet. C’était une fille très laborieuse en fait. En matière de travail, elle en était exceptionnelle et sans comparaison.
En effet, nul ne saurait expliquer ce qui l’avait obligée à manquer les cours sauf Aline et moi. À la fin des cours à midi, Aline et moi nous réunîmes derrière notre salle de classe et parlâmes secrètement d’elle.
– Je vais trop la maltraiter, cette maudite fille, promis-je.
– Hum ? Ça veut dire que la baffe qu’elle t’a balancée sur le visage t’avait aussi tant marquée que ça ?
– Regarde toi-même ; regarde comment elle m’a manqué de respect au milieu de tout ce monde ; elle m’a mis la honte ! Et non seulement ça, elle m’a humiliée. Elle m’a trop manqué de respect. Même si nous sommes de la même classe et que nous soyons de la même promotion, cela ne voudra pas dire que nous sommes de la même tranche d’âge ! Se coucher ensemble dans un même lit ne veut pas dire qu’on fera le même rêve, jamais.
– Tu es trop dure de cœur, tu sais ? Et dis-moi, quel genre de maladie lui as-tu inculpé ?
– Il ne s’agit même pas d’une maladie ! C’est le feu je lui ai envoyé dans le corps ; à l’instant où je te parle, tout son corps serait déjà actuellement rempli de plaies.
– Hum ? Tu es méchante, tu sais ?
– Ne me juge pas, pardon !
– Je ne te juge pas ; il faut parfois au moins faire preuve de pitié des âmes.
– Pitié ? Reste là ! En tout cas, je ferai tout possible pour gagner des couronnes, tu m’entends ?
– Sûre ?
– Tu seras surprise un jour.
– C’est bien, je ne peux que te souhaiter du courage.
– Ça fait ton problème ! Et tu sais, vu que mes copines viennent de temps en temps à la maison, je vais demander à Oga de me donner huit bananes que je leur ferai manger et comme ça, notre cercle se fera encore plus grand.
– Sérieux ? s’étonna Aline.
– Ah oui.
– Ok, bon courage !
– Comme ça, avec de nouvelles équipes, on ira encore plus loin dans notre mission.
– Je pense que c’est une très belle initiative mais…
– Ne me contredis pas, parce que je sais que c’est ton travail.
***
Le quatrième jour aussi, Jostaline n’était pas non plus venue à l’école. Tout le monde s’était mis à s’inquiéter à son sujet à l’exception de ma copine et moi. Sur ce, les deux responsables de la classe demandèrent que nous nous mobilisions pour lui rendre visite comme elle n’en avait guère l’habitude. Ceux de bon cœur participèrent à la cotisation pendant que d’autres ne disaient rien. Et moi, avec la nouvelle nature qui se développait en moi, je fis partie du deuxième lot pendant qu’Aline faisait partie du premier.
En effet, Jostaline souffrait gravement. En quelques jours seulement, elle avait beaucoup maigri d’après ce que se disaient les uns les autres. Ses parents l’avaient emmenée dans deux grands hôpitaux mais en vain. Les laboratoires ont dû essayer de détecter le type de pathologie. Comme résultats, négatifs. Les parents, ne sachant plus que faire, ne cessaient de pleurer dont la mère en l’occurrence.
Un jour, parce que j’avais désormais la possibilité de regarder le monde à travers ma glace magique, il me fallait voir comment cette idiote de Jostaline était en train de souffrir.
Incroyable mais vrai ! Jostaline avait été conduite chez un marabout où subissait-elle des traitements. Ce marabout réussissait à lui guérir le mal. Devant cette réalité, il fallait que je me révolte.
Rapidement, j’interpellai spirituellement le marabout. Et vous savez, les marabouts avaient toujours cette habitude, celle de communiquer avec tout genre d’esprit.
A la voix de mon cri, il se leva et se dirigea dans une autre petite case consacrée uniquement pour la réception des appels secrets.
– Oui, Nan ! Je suis à ton écoute ; que me veux-tu ? me répondit-il.
– Charlatan, à qui tu as demandé la permission avant de te mettre à t’occuper de cette tâche qui ne t’est pas tolérée ? lui demandai-je, folle de rage.
– Nan, je ne vois en quoi il serait nécessaire que je fasse recours à votre accord avant de chercher à guérir cette fille qui, après consultation de l’oracle, je trouve inoffensive.
– Charlatan, voudrais-tu survivre ou tu comptes mourir ?
– Nan, je le dis et te le répète, je n’ai pas besoin de votre consentement avant de m’occuper de cette fille souffrante.
– Charlatan, tu comptes déclarer la guerre contre moi ?
– Nan, va dormir. Je m’en fous de toi. J’ai déjà promis aux parents de la fille que leur fille sera guérie. Alors, ce n’est pas toi qui vas me l’empêcher.
– Charlatan, depuis quand tu es devenu désobéissant ?
– S’il te plaît Nan, laisse-moi respirer et cogne-moi la paix, ok ?
– Te cogner la paix ? Charlatan, je ne vais plus tirer avec toi ! Tu comptes la guérir n’est-ce pas ? alors fais-le ! Tu es semblable à l’œuf qui a osé déclarer la guerre contre une pierre, tu as choisi à ne plus exister.