CHAPITRE 5
– La prochaine fois qu’on m’interpellera encore à ton sujet, crois-moi, je vais te tuer, sale idiote, me disait Samuel.
Puisque je n’avais feinté aucun des coups, mon frère Michel ne m’avait pas touchée de sa longue chicotte.
Cette nuit, après leur départ, j’imaginais quoi faire à ma mère, à ma sœur Nadège et aussi à mon frère Samuel mais je n’eus aucune idée. La seule personne que je privais de l’affaire était Michel. Couchée dans mon lit, j’imaginais à leur sort. Et, si j’agissais tout de suite, ils en soupçonneront quelque chose. Devant cette situation, c’était du méli-mélo. Ce soir-là, comment régler le compte de mes bourreaux dont Samuel en l’occurrence, était devenu mon plus gros souci.
***
Il était une heure du matin. Cette heure était celle à laquelle nous nous retrouvions dans notre monde naturel à nous, le monde invisible.
Sur un grand podium, nous nous étions rassemblés. Oga, comme d’habitude, était assise sur son trône. Tous rassemblés autour d’elle, chacun avait commencé à lui faire le bilan de sa journée. Pendant que quelqu’un avouait qu’il avait percé la grossesse d’une femme enceinte ; l’autre disait qu’il avait été l’auteur d’un grave accident de circulation où il y avait eu pas mal de morts et de cas de blessés graves. Pendant ce même moment, quelqu’un d’autre avouerait avoir été dans un grand hôpital pour compliquer la couche de certaines femmes en instance d’accouchement. Et quand il arrivait à mon tour, je racontais tout comme mes prédécesseurs, tout le mal que j’avais fait le long de la journée.
Oga la reine était très fière de nos bilans. Elle nous témoignait combien elle ne regrettait pas de nous avoir comme missionnaires. Et nous, on se regardait et pouffait de rire.
Un jour, sachant combien l’un de mes frères constituait un grand obstacle de mes buts fixés, je demandai à la reine de me montrer à travers l’écran dans lequel nous avons l’habitude de voir le monde, la maison de mon frère Samuel. Sans bouger de son trône, elle pointa l’écran de son index et suite à quelques paroles incantatoires, nous vîmes tous ensemble à travers l’écran, l’image de la maison de mon frère en question.
Cette nuit-là, Samuel dormait déjà avec à ses côtés, sa femme. La femme avait un gros ventre, ce qui traduisait que le couple attendait un enfant qui allait naître sous peu.
Je fixai Oga du regard et lui soupirai :
– Sa majesté, cette femme qui est couchée à côté de lui, elle est enceinte !
– Oui, c’est vrai et c’est ce que nous voyons tous ! s’exclama-t-elle, tout sourire.
– Avec cette femme enceinte, j’aimerais que mon frère soit à l’épreuve de tous les problèmes de ce monde.
– Et comment ? me demanda la cheffesse, étonnée.
– Nous serons en train de la surveiller jusqu’au jour où son Dieu dira qu’il lui est temps qu’elle mette au monde ce bébé ; et de notre puissance, nous allons lui arracher la vie !
– Wouah ! Une très belle proposition ! Alors dis-moi, tu t’en occupes ou je m’en oc…
– Non, la coupai-je, je m’en occupe, sa majesté.
Et puisque j’étais plus que fantastique, tout le monde était content ; la reine et mes camarades. Et pour m’encourager dans mon audace, tous se mirent à m’acclamer.
– Et le nouveau-né, quel serai son sort ? me demanda Oga, amusée.
– Sa majesté, avec le temps, on saura quoi faire de l’enfant. S’il va falloir que nous la transformions en poupée pour la vendre aux grands commerçants, on le fera. Ou s’il faut qu’on réduise sa chance à zéro, on le fera !
– D’accord ! J’approuve toutes tes idées. C’est déjà noté ; ta soi-disant belle-sœur n’aura plus d’ores et déjà, la chance de survivre après l’accouchement de son bébé.
– Merci, Oga ! Merci infiniment, m’écriai-je enthousiasmée.
De par mes actes et propositions, je ne cessais de stupéfier ma copine, celle par le biais de qui j’ai connu ce nouveau monde. À chaque fois qu’on m’acclamait, elle avait les yeux hagards pour me regarder.
– Bien, reprit Oga, nous avons la visite de quelques grandes personnalités du monde des humains. Elles viendront tout à l’heure s’acquérir d’une poignée de nos forces pour aller se faire grands dans la communauté des humains.
– C’est super ! répondîmes en chœur.
– Et toi, Sada, reprit Oga ; l’âme de la dame que tu as enfermée dans la bouteille là-bas, immole-la à Satiago, notre grand fétiche afin que nos invités en recherche de pouvoirs mystiques puissent avoir satisfaction.
Et Sous l’ordre de la recommandation de Oga, Sada se dirigea vers l’enclos où étaient regroupées des milliers d’âmes et en retira celle ordonnée par la reine. Il se dirigea ensuite vers le grand fétiche. Ce fétiche en question était l’arc-en-ciel. Sa taille était incommensurable qu’on ne pouvait la comparer à quoi que ce fût.
Chose curieuse ! c’était la première fois que j’entendais un vulgaire animal parler. Cet état de chose m’avait surprise mais j’avais gardé mes lèvres closes. Le fétiche parlait comme les humains en ont l’habitude. En réalité, le fait de l’entendre parler ne m’étonnait pas parce qu’avec le mystique, tout était possible ; mais puisque c’était ma première expérience, il me fallait baver de stupéfaction.
Oga, avant la venue de nos invités, nous avait donné quelques consignes, lesquelles nous avons obtempérées. Mes copains et moi nous impatientions de l’arrivée de nos présumés invités.
Enfin ! Nous étions tous là quand tout à coup, avaient commencé par arriver les grandes personnalités dont venait de parler Oga. Il s’agissait des personnes de grandes carrures. Ces personnes, on dirait que c’était la même heure qui leur avait été fixée. Ces gens-là, plus la peine de vous dire combien ils seraient dans des sectes variées avant que vous n’en deviniez vous-mêmes.
Il y avait d’hommes que de femmes. Tous endimanchés, avaient des cravates serrées contre le cou. Au nombre de nos invités, on pouvait y identifier des fonctionnaires de grandes entreprises ; des prêtres de grandes et de moyennes églises ; des arnaqueurs et de grands commerçants. Aussi, des avocats, des ministres, des présidents de divers horizons, des marabouts et qui encore ?
Il était tard. Certes, chez nous, dans notre monde à nous, c’était le grand jour.
Les manifestations avaient beau commencer. C’était une grande fête. Il avait eu diverses séances de cérémonie, des cérémonies lesquelles je ne saurais expliquer à juste titre. À la suite, une grande fête. On avait mangé à satiété. Après le repas, on avait bu. Les fêtes avaient été bien belles.
Ce jour, mes yeux avaient vu beaucoup de choses ; des choses indicibles dont je préférerais garder en silence. Oui, des choses très étonnantes. Beaucoup de choses que je préfère garder en secret pour ne pas provoquer la colère des grandes personnes qui se prennent pour des saintes et personnes puissantes.
Ce jour-là, parlant de notre cité à nous, j’avais vu des choses incroyables. J’avais vu des petits enfants d’à peine six voire sept ans, nommés chefs. Ils avaient des couronnes sur la tête. Et lorsque je me suis renseignée à connaître ce qu’ils ont pu faire pour arriver à cette étape-là, Aline m’a fait comprendre que c’étaient des enfants sans pitié. Ces enfants étaient en fait sans cœur. Dans leur organisme, à la place du cœur, c’était plutôt du caillou qui y était. Ces enfants, à défaut de leur couronne, donnaient de consignes à ceux qui n’avaient pas de couronne.
Serait-il raisonnable que je me laisse rabaisser tout le temps par ces bambins qui trouvaient toujours quelque chose à me commander ? Impossible ! Il fallait que je me venge et s’il faudrait que je fasse du n’importe quoi, il faut que je le fasse.
Si ces enfants avaient réussi à avoir accès à ces belles places grâce à leur talent de cruauté, de méchanceté et de monstruosité, qui suis-je pour ne pas en faire pareil ?
Si ces places qui leur avaient été admises venaient de leurs simples efforts personnels, qui suis-je pour ne pas en faire encore mieux qu’eux ?
Pour arriver à l’étape de ces maudits enfants, je savais ce qu’il me fallait faire : mettre juste ma monstruosité à l’épreuve et rien de plus. La règle du jeu, je la connais ; c’est d’être sans cœur, être inhumain.
Ces petits diables étaient ceux qui travaillaient le plus pour Oga. Aucune mission ne les échappait. Aline, quant à elle, n’avait gagné aucune couronne pourtant, selon ses explications, elle était dans la tribune avant même l’arrivée de ces mioches.
En réalité, Aline était une fille très sensible qui avait beaucoup pitié de ses semblables. Même à l’école, elle n’aimait faire du mal à personne. Et, au lieu d’avoir une ou plusieurs grades à l’épaule tel un militaire, elle était simple comme quelqu’un qui était nouvellement venu dans le cercle.
Or, moi, je désirais avec avidité, ces grades. C’est ainsi que pour me faire classer sur la liste des stars comme ces bambins soldats, je me suis engagée volontiers à être missionnaire du diable.