CHAPITRE 4
– Maman, je t’ai déjà apporté tes emplettes, alors, prends-les et cogne-moi la paix.
– Que je te fasse quoi ?
Pendant ce temps, je fis quelques pas en arrière. Et lorsque je voulus m’enfuir de la pièce, ma mère m’attrapa par la robe et me donna une claque sans attendre une seule seconde.
Une rage m’obséda. J’avais envie de la dévorer. J’avais envie de lui répliquer le coup sur-le-champ. Certes, une idée intérieure me chuchota : « Ne lui fais encore rien ! Tout compte fait, le même diable va encore la tenter une autre fois. »
J’obtempérai l’ordre de la voix et tripotai les doigts en signe de menace à ma mère. Une fois encore, ma mère me méconnut et me demanda si c’était elle que je venais de menacer.
Je ne bronchai mot et me dirigeai directement dans ma chambre. J’introduisis la clé dans la serrure que je tournai deux fois et la porte céda. Je pénétrai dans la pièce et refermai la porte derrière moi.
Mes trois grands frères ne vivaient plus la même maison que nous. Chacun, après s’être marié à la femme de sa vie, avait choisi sa ville favorite.
Michel, le plus aîné de la famille était le seul qui avait choisi d’habiter la même ville que nous. Florent, le cadet de Michel, avait choisi vivre à Parakou pendant que mes parents et moi étions à Porto-Novo. Samuel, le cadet de Florent était lui aussi, à Porto-Novo. Nous n’habitons pas le même endroit. Chacun avait acheté son terrain un peu distancé de la maison qu’avait construite papa au quartier Djègan.
***
Ma grande sœur Stella était déjà partie de la maison. Elle avait rejoint l’homme de sa grossesse depuis que papa a été alerté de la nouvelle et l’avait déscolarisée. Natitingou était la ville qui l’avait accueillie, une des villes du Bénin.
Hormis Stella qui avait rejoint l’homme de sa vie, mes deux autres sœurs habitaient encore la maison de mon père. Une d’entre elles s’appelait Nadège et l’autre, Charlotte.
Ma sœur Nadège a toujours été bizarre ; bizarre comme se prononce son prénom. Nous ne nous entendons jamais. Je n’aime pas du tout la sentir auprès de moi parce qu’elle aime trop se vanter et aime beaucoup me frapper surtout lorsque je commets de petites erreurs. Elle n’aime jamais faire preuve de tolérance à mon égard. Pour elle, je ne suis personne pour commettre une bêtise.
Charlotte, quant à elle, me sauvait de ses mains. C’est pour cela que j’aimais beaucoup Charlotte. J’aimais aussi mon grand frère Michel parce que lui aussi, il n’était pas trop dur avec moi.
J’étais déjà en effet dans ma chambre et jamais je ne pouvais imaginer que ma mère puis être en train de raconter ma sale attitude que je venais d’avoir à son égard à ma sœur. J’étais tranquille, emmurée dans ma chambre lorsque tout à coup, la porte de mon salon claqua. J’avais oublié de fermer la porte à clef. Je fus stupéfiée de voir Nadège pénétrer dans mon salon.
Assise sur ma chaise, je l’observais. J’attendais ce qu’elle voulait faire ou me dire.
– Tu es qui, toi, pour menacer ta mère ? me gronda-t-elle, les dents serrées.
J’avais envie de réagir mais honnêtement, je ne savais ni par où commencer ni par où en finir.
– Octavia, si tu ne te méfies pas dans cette maison, je te jure que tu vas finir par ramasser un jour tes sales mâchoires par terre, est-ce que tu m’entends ?
Moi, ramasser mes sales mâchoires par terre ? Elle se prend pour qui ?
– As-tu fini de raconter tes balivernes ? lui demandai-je.
À cette question, la colère de ma sœur s’amplifia davantage.
– Sont-ce, moi, mes paroles que tu traites de balivernes ?
– Si tu n’as pas fini, alors continue seulement, je t’écoute.
Se sentant humiliée et défiée, ma sœur m’approcha davantage et me balança deux baffes successives sur le visage. Ces baffes avaient aussitôt augmenté ma furie et je me levai brusquement de ma chaise et me jetai sur elle.
Malheur pour elle. Nadège n’était pas grosse tout comme moi. J’étais plus corpulente qu’elle. Parce qu’elle a toujours été mon aînée, je n’osais jamais monter la main contre elle et encore moins, lui manquer un centime de respect. Cette fois, j’avais eu marre et me suis jetée sur elle pour la rouler par terre. J’avais couru pour aller fermer la porte car, c’était le moment de mettre fin à sa royaltie. Il était temps que je lui montre que tous les jours n’étaient pas fériés.
Cet après-midi-là, j’avais bien frappé ma sœur. Je l’avais bien tabassée et au final, elle avait été conduite à l’hôpital par celle à qui elle prenait vengeance, sa mère.
***
Il était vingt heures et j’étais en face de mes cahiers. Je révisais mes cours, la porte hermétiquement fermée. Soudain, je sentis l’entrée de quelqu’un dans ma chambre.
– Founkè, bonsoir ; on m’envoie t’informer que deux de tes frères sont en cours de route. Ils viennent pour t’appliquer une correction au sujet de ce qui s’est passé entre toi et ta sœur cet aprèm.
À sa mise en garde, j’eus un grand pincement au cœur.
– Et que dois-je faire, Aline ? lui demandai-je, cœur battant à la chamade.
– Il faut vite quitter la maison, me répondit-elle.
– Pour aller où ?
– Je ne sais pas ; c’est la reine qui m’envoie t’annoncer la triste nouvelle.
– D’accord, je vais voir ce qu’il faut faire dans l’immédiat.
– Fais vite je te dis, ils sont déjà proche.
– D’accord, vas-y, Aline ; je vais gérer ça.
– Ok, mais ne m’appelle plus Aline, on m’appelle Baya.
– Au temps pour moi ; il faut me laisser gérer l’affaire. Même s’ils me frappent, je ne mourrai pas mais ils auront plus tard de mes nouvelles.
– D’accord, moi je vais partir.
– Oui, à tout à l’heure.
Et ma copine disparut.
Effectivement, en moins de cinq minutes, j’entendais quelqu’un cogner à ma porte. De l’intérieur, j’imaginais qui pourrait-il en être. J’entendais deux personnes se chuchoter.
– Octavia, s’écria un d’entre eux, ouvre cette porte !
Calmement, je me dirigeai vers la porte que je déverrouillai. Derrière la porte, s’impatientaient mes deux grands frères dont ma copine d’équipe venait de m’annoncer.
– Bonsoir grands frères, fis-je révérencieusement.
– Oui bonsoir, me répondit sèchement mon frère Samuel.
À côté de lui, était debout Michel, mon frère adoré. Sans les avoir invités dans mon salon, ils y pénétrèrent sans mon consentement. Je ne réclamai rien. Je retournai sur la pointe de mes chevilles et au lieu de continuer mes exercices, je restai debout et ne les détachai point du regard.
– Bien, Octavia, que s’est-il passé aujourd’hui ? me demanda Samuel après s’être assis dans l’un des divans qui ornait le salon.
Debout, je ne savais quoi répondre. J’avais le cœur qui battait en trombe parce que Michel qui me soutenait avait une longue chicotte en main et avait une grande mine sur le visage. Samuel quant à lui, avait un bâton dans la sienne.
– N’est-ce pas à toi que je parle ? reprit Samuel déjà rouge de colère.
– Il ne s’est passé rien, répondis-je, timidement.
– Ah bon ? C’était volontairement que ta sœur avait été évacuée à l’hôpital aujourd’hui ?
Qu’allais-je répondre ? Avec toute franchise, je ne savais plus quoi dire.
– Tu ne réponds pas ?
Je commençai à faire des simagrées telle une mère gorille.
– As-tu vu ce bâton, entonna Samuel, tu as trente coups bien sonnés à prendre. Et gare à toi si tu rates un seul. C’est Michel qui te soutient tout le temps et c’est à cause de ça que tu as commencé par pourrir. Maintenant, c’est parti, on y va !
Et top, je commençai à recevoir dans les paumes de mes mains, des coups répétés venant de Samuel. Il m’appliquait tellement les coups que je ne savais que faire. J’avais fini par avoir mal lorsque le douzième coup m’atteignit la paume gauche. Il me restait encore dix-huit. Je n’étais donc pas encore venue à la moitié. Je tordais de douleurs lorsque tout à coup, je vis apparaître Oga, elle-même en personne. Prise de compassion, elle me posa une percale blanche sur la tête, une percale que personne ne verrait. Le reste des coups, je les recevais sans plus craindre aucune douleur. À la fin des coups, Oga repartit avec la percale. J’étais la seule à la voir venir et la seule à la voir partir. C’était après son départ que je finis par tordre de petites douleurs mais pas aussi criardes.