CHAPITRE 6

Le docteur Azarade n'a pas insisté. Pour mon plus grand soulagement. 

_ Bon, si vous me le permettez, je vais vous poser quelques questions. Si vous ne souhaitez pas y répondre, ne dites rien. Mais cela me promettra de poser un diagnostic plus facilement.  

_ Depuis combien de temps vivez-vous vous dans le New Jersey ? 

_ 5 ans.

Je préfère ne pas rentrer dans les détails car j'avoue que j'ai peur de dévoiler le calvaire que je vis auprès de Vincent. 

_ Vous vivais en couple depuis combien de temps ?

_ 5 ans.

_ Et comment se passe votre relation ?

_ Bien.

_ Votre famille vie telle dans le New Jersey ?

_ Non.

_ Où vivent-ils ?

_ Atlanta. 

_ Les voyez-vous souvent ?

_ Non, malheureusement. 

Le docteur Azarade prend note de tout ce que je lui dis. Mais il prend aussi note de mon attitude et de ma gestuelle. 

Si je baisse la tête ou si je me triture les doigts...

_ Je vais maintenant vous poser des questions un peu plus personnelles si vous le voulez bien. 

Je hoche la tête pour approuver que je sois bien d'accord mais j'ai peur de ce que je pourrais dire. Du moins, que cela soit mal interprété.

_ Avec votre compagnon, comment ça se passe ?

_ Comment ça, je ne comprends pas.

_ Faite vous des voyages, des sorties, voyez-vous du monde. Y a-t-il des engueulades ?

Je baisse à nouveau la tête, pas sûr de savoirs quoi répondre. Car non, nous ne faisons pas toutes ces choses et je me prends tout le temps la tête avec lui. Que ça soit mon physique mais aussi mon attitude. Et j'ai tendance à me taire face à ces humiliations car j'ai peur de lui. J'ai peur de ce qu'il pourrait me  faire. Mais je tente une réponse en espérant que cela convienne au docteur Azarade. 

_ Vincent mon compagnon travaille beaucoup, il est courtier en bourse donc nous ne sortons pas beaucoup de la maison. Et concernant l'ambiance à la maison, je dirais que c'est comme tous les couples,  il y a des bons et de mauvais moments. 

_ Et vous Violette, faite vous des sorties ou avez-vous des occupations ?

_ Euh... Je fais quelques sorties, oui comme les courses...

_ Très bien.

Et depuis combien de temps prenez-vous des antidépresseurs ? 

Et pour quelle motifs, s'il vous plaît?

_ Cela va faire trois mois, lui dis-je. Quant au motif, il faudrait voir avec mon médecin. C'est lui qui me les a prescrits car il me trouvait un peu fatiguée et angoissée. Il m'a dit que je faisais une petite dépression suite au déménagement et le fait que je ne voyais pas beaucoup ma famille. 

_ Très bien Violette, merci pour toutes ces réponses. On va s'arrêter là pour aujourd'hui. 

_ On a fini lui dis-je, un peu surprise. 

_ Oui, on a terminé pour aujourd'hui.

_ Et quand est-ce que je pourrais rentrer chez moi, docteur ?

_ Ça ne sera pas dans l'immédiat. Vous avez besoin de repos et de faire une thérapie un peu plus approfondie. 

_ Mais ...

_ Je vais être honnête avec vous Violette. 

Mes premières conclusions sur votre état de santé ne sont pas très bonnes. 

À en juger par vos réponses et votre comportement, vous souffrez d'une grande solitude, vous souffrez de dépression dysthymie.

Et si je ne me trompe pas d’après mes connaissances, je dirais même que pour une raison que j’ignore encore vous vous êtes renfermé sur vous-même. 

Je ne sais plus quoi répondre à ce psychiatre, il a réussi à me percer à jour malgré mes réponses simples.  

Suis-je vraiment en train de perdre pied. Suis-je vraiment dans le déni. 

Je me mets à pleurer à chaudes larmes sans pouvoir m'arrêter tellement que pour moi, c'est un choc de voir qu'on lit en moi comme dans un livre ouvert. 

Le docteur Azarade a perçu ma douleur et ma peine juste avec quelques questions. 

Et Vincent comment va-t-il réagir?

J'avoue que j'ai peur de savoir. Va-t-il être en colère ou être inquiet pour moi ? À moins qu'il soit totalement indifférent face à mon mal-être. Mais dans ce cas pourquoi aurait-il appelé les secours. J'avoue que je suis complètement déboussolée et perdue . 

Cet homme que j'admire plus que tout, que j'aime devient pour moi un véritable mystère.

Le docteur Azarade s'approche de moi pour essayer de me calmer. 

Il pose sa main sur mon épaule et commence à me parler.

_ Calmez-vous Violette, nous sommes là pour vous aider. Avec une thérapie et un nouveau traitement. Avec des sorties et du soutien, nous allons vous aider à reprendre une vie normale. 

Votre compagnon pourra vous rendre visite dès demain. Mais pour ce soir, vous allez rester au repos et nous allons vous surveiller. 

Après plusieurs minutes à écouter la voix douce et apaisante du médecin, je commence à retrouver une respiration calme et mes larmes cessent de couler. 

_ Est-ce que je pourrais l'appeler au moins s'il vous plaît, j'aimerais le rassurer sur mon état de santé. 

_ Nous allons l'appeler ensemble et je lui expliquais la situation si vous le voulais bien. En attendant, nous allons vous changer de service. 

Le docteur Azarade est sorti de la chambre pour prévenir le personnel médical de son diagnostic sur mon état. 

Et au bout de 20 minutes, un brancardier m'a amené dans ma nouvelle chambre. 

Une chambre toute blanche avec des barreaux aux fenêtres. Pas de chaises ou même de télévision. J'avoue que cela me fait peur. Me retrouver en service de psychiatrie, c'est comme se retrouver en prison. 

Mais le personnel est venu me rassurer sur la chambre et ces installations. 

Ils m'ont dit qu'il y avait une télévision dans la salle commune ce qui évite l'isolement des patients. Les repas se fonts également en groupe pour que tout le monde se côtoie. 

J'avoue que cela m'a rassuré car on n'est pas enfermé dans nos chambres. On est libre de nos mouvements. La seule contrainte, se sont les barreaux aux fenêtres et le fait que l'on doit garder un bracelet au poignée. Cela indique dans quel service on est.