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*****Ayub KHALID
Un large sourire s'empare de moi lorsque je vois la tête que fait Antsa en ce moment. Je donnerais tout pour immortaliser cela. Je ressens une joie inouïe, une sensation inexplicable lorsque je la vois aussi surprise, ne sachant pas quoi dire. On dirait qu'elle a vu son pire cauchemar. Oui je suis son pire cauchemar. J'aime la voir comme ça. C'est ainsi qu'elle devrait être chaque jour.
J'avance avec toute la fierté et l'arrogance du monde. Je me mets devant elle. On se fixe longuement dans les yeux, sous le regard de tout le monde. Je vais m'asseoir ensuite dans les canapés du salon. Mes parents font aussi de même. On nous apporte à boire.
Je peux voir Antsa qui est immobile en regardant dans le vide. Elle ne fait aucun mouvement pendant au moins deux minutes avant de pencher la tête sur le côté et me regarder. Elle m'a lancé un de ses regards.
Elle s'en va ensuite. Sa sœur Fatou la suit. Ses parents viennent saluer les miens. Il nous souhaite la bienvenue.
Je me nomme Ayub KHALID. Fils de Babacar KHALID et de Mariame DJALAL. Mon père est un el-hadj et ma mère, une el-hadja. Moi je n'ai pas encore eu ce statut puisque je ne suis pas encore allé à la Mecque. J'attends de me marier avant d'y aller. J'irai avec ma femme.
Mon père est très riche. Et comme un dicton le dit si bien : «L'enfant d'un boss est un boss». Donc je suis aussi très riche. Pas seulement parce que je suis l'héritier de mon père mais aussi parce que j'ai aussi mes propres affaires qui marchent bien pour moi.
Je fais dans l'immobilier et aussi, je suis un grand commerçant comme mon père. Mon père possède une usine pétrolière aux Emirats Arabes Unis. On a aussi une mine d'or ici au Sénégal. La famille KHALID est la famille la plus riche et importante du Sénégal. Même le président de la République n'a pas encore notre influence. Nous sommes les tout puissant.
Je fais ce que je veux et personne ne me contredit. Toutes les femmes de ce pays sont à mes pieds sauf Antsa qui me méprise. Je l'ai dragué lorsqu'on était à l'université mais elle m'a repoussé et m'a humilié. Moi, Ayub KHALID.
Depuis ce jour, j'ai décidé de la traquer. Lui faire payer son affront. Rien que pour lui pourrir la vie, j'ai fait de longues études en médecine. Je voulais juste être à ses côtés, constamment la surveiller et lui pourrir l'existence.
Je ne l'aime pas, je ne ressens absolument rien pour elle. Je veux juste qu'elle ne trouve pas la paix. Je veux lui prouver que moi Ayub, j'obtiens toujours ce que je veux. Et si je la veux, je l'obtiendrai. D'ailleurs, c'est ce qui est sur le point d'arriver.
J'ai demandé à mon père d'aller parler au sien parce que je désire épouser leur fille. Bien évidemment, ce dernier était ravi et a donné son consentement. C'est quand même la famille KHALID et tout père rêverait que sa fille intègre cette famille même si elle doit être ma centième épouse. Alors combien à plus forte la première. Son père ne pouvait que dire oui.
Antsa sera donc bientôt mon épouse et j'ai hâte. Je ferai de sa vie un enfer sur terre.
*****Antsa DIOP
Je remets mon petit neveu à porter à ma première cousine que je croise. Je vais ensuite m'enfermer dans la chambre des invités. Je ne cesse de faire des vas et viens d'un bout à l'autre de la pièce. Je passe mes mains sur ma tête. Je m'asseois sur le lit puis me lève aussitôt. Je ne sais même pas où me mettre ni comment.
Mes mains tremblent. Qu'est ce qu'il fait ici? Qu'est ce que ce monstre fait ici? La porte s'ouvre, me faisant regarder en sa direction. C'est ma sœur.
Fatou : Antsa qu'est ce qui ne va pas ? Pourquoi tu es partie sans saluer nos invités ? C'est très malpoli tu sais ?
Moi : (hors de moi) Mais de quel invité tu parles toi? Qu'est ce que Ayub fait ici? Comment tu peux l'inviter après tout ce qu'il m'a fait endurer à l'université ? Tu es pourtant au courant de tout.
Fatou : (me calmant) Calme-toi. Il a changé et en plus ce n'est pas moi qui l'ait invité. Ce sont les parents.
Moi : Il a changé mon œil. Et d'ailleurs pourquoi les parents l'ont invité ? Pourquoi je n'étais pas au courant ? Si je savais qu'il allait être ici, je n'allais jamais venir. Vous n'êtes que des traites ou quoi?
Fatou : Calme-toi s'il te plaît.
Elle me prend la main et on va s'asseoir sur le lit.
Fatou : C'est la raison de sa présence que je suis venue te dire mais d'abord, promets-moi de garder ton calme..
Moi : (agacée par tout ça) Parle..
Fatou : Promets-moi d'abord que tu ne vas pas faire de scandale.
Moi : Ayiii, quel est ce truc que tu veux me dire ?
Fatou : Promets-moi juste.
Moi : (soupirant) Ok, je te promets.
Fatou : Ok.
Elle glisse ses mains dans les miennes et prend profondément son souffle.
Fatou : (calmement) Si Ayub est ici c'est parce que tu seras sa femme. Il a demandé ta main à papa et il a accepté. Tu deviendras sa femme dans peu de temps.
Moi : (criant à pleine voix) Quoiiiiilii!
Fatou s'empresse de me boucher la bouche avec sa main.
Fatou : (jetant des regards inquiets) Tu es folle ? Tu m'as promis de ne pas faire de scandale.
Je la repousse et me lève.
Moi : (choquée) Papa a fait quoi? Sans mon consentement ? Et avec cet abruti ?
Je ris nerveusement. Ça c'est la meilleure. On est le 1er Avril ? Ce que je comprendrais puisque c'est sûrement un poisson d'avril là. Dîtes-moi que c'est une blague s'il vous plaît.
Malgré mes efforts pour me retenir, je fonds en larmes. Je me sens trahie. Trahie par ma propre famille. Ça fait mal. La douleur est indescriptible.
Je quitte la chambre en furie. Fatou se met derrière moi. Elle essaie de m'arrêter pendant que je me dirige vers le salon.
Fatou : (me tirant) S'il te plaît... calme-toi...
Moi : (la repoussant) Lâche-moi.
Elle a beau essayé de me retenir, je suis déjà au salon. Tout le monde se tait et me regarde.
Moi : (pleurant)...
Mon père : Antsa ?
Ma mère : Qu'est ce que tu as? Pourquoi tu pleures ?
Elle se lève et s'approche de moi. Elle me touche mais je me dégage de ses mains. L'étonnement se lit sur leur visage. Ils se demandent tous sûrement ce qui m'arrive.
Moi : (regardant mon père dans les yeux) Pourquoi tu m'as fait ça papa ? Je ne compte pas à tes yeux ? Mon bonheur n'a t-il jamais compté pour toi? Pourquoi tu m'as donné en mariage sans mon consentement ?
Mon père : (se levant) Je voulais t'en parler ma fille.
Moi : (en colère) Et qu'est ce que cela changerait dis-moi. Tu as dit oui ou pas?
Il ne dit plus rien, sûrement pris de remords. Je n'ai jamais imaginé que mon père pouvait me faire une chose comme cela un jour. Il a pourtant toujours défendu les droits de la femme. La preuve, il a accepté que je fasse mes études et que je réalise mes rêves. Mais maintenant que mon rêve se trouve à la portée de mes mains, il les brise et je tombe de mon petit nuage. Je me suis trompé sur lui au fait. Il n'est pas différent des autres pères qui donnent leur fille en mariage pour des Colas et une bouteille de whisky..
Ça me dégoûte. J'essuie mes larmes du revers de ma main.
Moi : Tu as peut être dit oui à la famille KHALID mais moi, je dis non devant tout le monde à cet instant. Je refuse d'épouser Ayub KHALID.
Je lance un regard sur ce dernier.
Moi : (à Ayub) Allez vas-y. Ne te retiens pas. Vas-y. Moque-toi. Ris...allez! Ris imbécile.
Mon père : (ton autoritaire) Antsa!
Je toise chacun d'eux avant de tourner le dos et m'en aller. Je ne reste même plus pour profiter de la fête. Je stoppe un taxi qui s'arrête. Je m'engouffre à l'intérieur puis referme la portière. Je pleure des cordes.
Chauffeur : Je vous conduis où ?
Moi : (voix cassée) N'importe où pourvu que ce soit loin d'ici.
Chauffeur : Compris.
Il démarre et on s'en va. Tout au long du trajet, je me passais en boucle les phrases de Fatou et de mon père. Je n'arrive toujours pas à croire que cela m'arrive à moi.
Je vivais pourtant ma belle vie. J'étais insouciante. Je suis censée commencer mon travail bientôt. J'avais plein de projets. Je rêvais louer mon appartement et me construire ma propre maison d'ici quelques années. Je rêvais amener ma mère faire un tour dans ma propre voiture. J'avais énormément de rêves. Mais voilà, que tous ses rêves se sont volés en éclat, le temps d'une seconde.
Mon père m'a donné en mariage à un homme que je hais de toutes mes forces. Un brute qui ne respecte rien ni personne. Un homme qui veut juste me voir souffrir.
J'ordonne au chauffeur de s'arrêter finalement. Je vais continuer ma balade à pieds. Je lui remets son argent et prend le chemin d'une destination inconnue. Tout ce que je fais c'est marcher.
*****Lamine DIOP
À l'heure qu'il est, ma fille doit sûrement me considérer comme étant le pire papa qui puisse exister et je la comprends. Je sais que j'aurais dû discuter avec elle avant de donner mon consentement pour son mariage avec Ayub. Honnêtement, tout est allé si vite et je n'ai pas trouvé le temps de lui en parler calmement.
Elle n'est pas d'accord parce qu'elle en veut à cet homme pour tout ce qu'il lui a fait par le passé. Mais le passé c'est le passé et il a bien changé maintenant. La preuve, il est devenu plus calme et posé. Cet Ayub est différent de celui d'avant. Antsa doit juste lui donner une seconde chance et elle verra d'elle même.
Sa mère et moi sommes déjà de retour à la maison et elle n'est pas là. Pourtant elle a quitté la cérémonie bien avant nous. Je me demande où elle peut bien être. J'essaie de la joindre sur son téléphone mais elle ne décroche pas.
Sa mère fait de même de son côté. Dieu merci, elle finit par décrocher. Je demande à Karimath de mettre l'appel sur haut parleur. Ce qu'elle a fait.
Karimath : Antsa s'il te plaît, où es-tu? Ton père et moi, on se fait du souci pour toi ma fille.
Antsa :....
Aucune réponse.
Moi : (parlant dans le téléphone) Où est-ce que tu es? Je viendrai te chercher.
J'ignore l'endroit où elle se trouve par contre on pouvait apercevoir des bruits de vagues à l'autre bout du fil.
Moi : Antsa ? Tu es à la plage?
Antsa : (voix brouillée par le vent) Oui et je vous dis adieu. Je m'apprête à me jeter à la mer. Je préfère la mort que de me marier à cet homme. Adieu.
Mon cœur a raté un battement. Sa mère s'est écroulée, sur le sol, une main contre la poitrine. Je tiens le téléphone en mains.
Moi : Ne fais pas n'importe quoi Antsa. Rentre s'il te plaît..
Antsa : (en pleurs) Adieu papa. Tu vas me manquer.
Moi : Antsa... Antsa. Tu m'écoutes ? Antsa ?
Antsa : Tu m'as détruite papa. Tu as détruit ma vie. Prend soin de maman et de Fatou. Adieu.
Moi : Antsa ? Ma fille..
Je crie dans le téléphone pourtant aucune réponse. C'est comme si elle l'a jeté. Je laisse tomber le téléphone et bondit sur les clés de ma voiture. Je cours vers la voiture et démarre en trombe. J'espère que je n'arriverai pas à la plage un peu trop tard.