Chapitre 6

La poitrine soulevée par de lourdes respirations, elle le voit sortir des billets de sa poche. Il ne prononce aucun mot, et son expression ne trahit rien non plus lorsqu'il glisse l'argent dans sa culotte.

Angélique sursaute, sentant ses doigts effleurer ses lèvres inférieures et s'y attarder.

— Bien, murmure-t-il d'une voix rauque, retirant sa main quelques instants plus tard.

Comme s'il n'a rien fait, Nikolaï recule et allume une autre cigarette.

— Tu peux partir maintenant, déclare-t-il à la femme stupéfaite.

Elle peut encore sentir la sensation de ses doigts alors qu'elle se précipite hors de la scène, l'argent toujours dans ses sous-vêtements. Angélique n'ose pas le regarder en se dirigeant vers la sortie, ses paroles résonnant à ses oreilles alors que la porte se referme derrière elle.

— Nous nous reverrons… Mon Ange.

— Horrible ! Angélique, pointe tes orteils !

Des perles de sueur glissent sur son front, son dos cambré sur le bras de Dale avec une grâce fatiguée. La routine est ardue, et la nuit blanche l'a épuisée. Les yeux argentés de Dale sont ancrés dans sa mémoire, hantant ses pensées à chaque fermeture des paupières.

— Non ! Non, non ! Arrêtez !

La professeure hurle à travers le studio de danse, la déception teintant sa voix cassante.

— Pause pour tous jusqu'à ce qu'Angélique se reprenne !

La musique s'interrompt, perturbant maladroitement la danse.

— Ça va ? Tu as l'air fatiguée, demande Amanda, fronçant les sourcils.

— Tu es aussi étonnamment silencieuse. Quelque chose s'est passé à la maison ?

— Non, ça va, j'ai juste mal dormi, répond Angélique en essuyant la sueur, forçant un sourire sur ses lèvres pulpeuses.

— Tu sais ce dont tu as besoin ? Le ton d'Amanda change instantanément.

— Du sexe.

— Pff-

Cette déclaration soudaine faillit lui faire cracher l'eau.

— Qu'est-ce que c'est ? Non-

— Tu es vierge depuis vingt ans déjà. Il est temps, d'ailleurs… Dale t'a observée.

Angélique résiste à l'envie de tourner la tête vers le bel homme aux cheveux clairs.

— Ne sois pas bête...

Secrètement, cette pensée la rend chaleureuse. Elle a imaginé plus d'une fois perdre sa virginité avec lui. Ce serait romantique et doux.

— Mais…

— Nous nous reverrons… mon Ange.

Sa voix grave résonne encore dans sa tête. Son charisme prédateur, ses yeux argentés et son corps sculpté. Soudain, l'image dans sa tête a changé. L'homme sur elle n'est pas Dale, et il n'est pas doux.

Elle secoue la tête pour chasser physiquement les pensées érotiques.

— Je veux que le moment soit bien choisi. Je ne sais pas, la première fois est… importante, murmure Angélique, le rose aux joues.

Amanda soupire :

— Je dis juste que ça t'aidera à dormir au moins.

La voix forte de leur mentor met fin à la conversation, appelant les élèves à retourner sur la piste de danse. Après la courte pause, il est encore plus difficile de se concentrer. Angélique continue de faire des erreurs jusqu'à la fin du cours.

— Je n'arrive pas à croire que je me sois fait réprimander à ce point...

Le professeur n'est pas satisfait de sa performance. Dans une compétition aussi serrée, ils n'ont pas droit à l'erreur.

— Si tu veux garder ta place de leader, améliore-toi, ou je te remplacerai, a dit la vieille sorcière, stricte et impitoyable, une danseuse à la retraite à la gloire perdue, l'une des meilleures et des pires qui soient.

— Ne sois pas triste. Tu feras mieux demain, encourage Amanda.

— Tu veux prendre un café ? demande-t-elle en sortant du campus, où la foule s'affaire et les voix résonnent.

— Je n'ai pas vraiment d'argent de poche, je crois que je vais rentrer chez moi pour l'instant.

— Allez, c'est moi qui régale.

Angélique soupire, hésite.

— D'accord, mais pas pour longtemps. Je veux dormir un peu avant de devoir me mettre à nu devant une foule en délire.

Amanda sourit de travers.

— C'est super, parce que ça me démangeait de te parler de ce type...

Son amie continue à parler avec enthousiasme d'un homme rencontré dans un bar, ne nécessitant que des signes de tête de temps en temps.

Angélique suit religieusement le modèle, ses pensées s'éloignant des discussions entre filles. Le temps passe plus vite qu'elle ne l'espère. Ces jours-ci, elle souhaite plus que jamais qu'une heure se transforme en une année pour éviter d'aller dans cet endroit abandonné des dieux, mais aucune prière n'a de réponse.

Quand la ville sombre à nouveau dans l'obscurité, elle se retrouve près d'une benne à ordures, fixant l'entrée arrière du club. N'ayant pas beaucoup dormi, aucun maquillage ne peut masquer les poches sous ses yeux.

Ses pieds traînent, chaque pas devenant de plus en plus laborieux à mesure qu'elle se dirige vers les vestiaires. La foule familière est déjà présente.

— Notre Ange est là ! s'exclame Zoé, ses lèvres s’étirant en un large sourire.

— Donne-nous tous les détails !

Une expression perplexe traverse les traits d’Angélique.

— De quoi ?

— Dog est entré et a dit que le patron voulait te revoir. Il ne demande jamais quelqu’un plus d’une fois. Dis-nous ce que tu as fait, ajoute Jess d’un air malicieux.

— N’est-ce pas évident ? Elle est prête à sucer pour arriver au sommet, se moque Lila, son regard acéré ne quittant pas les ongles fraîchement peints.

— Pose ton gros cul sur la scène et arrête de dire des conneries, grogne Zoé.

— Maintenant, Angel, donne-nous des détails !

La rouquine ressemble à un chiot qui attend un os, ses grands yeux pétillant d’envie de potins.

— Je… n’ai rien fait, s'interrompt Angélique, détestant le manque d’assurance et de puissance dans sa voix.

Elle est timide et indubitablement déstabilisée par la nouvelle.