Chapitre 5

Le cœur d’Angélique se met à pomper le sang à une vitesse inédite. Ses mains deviennent moites de sueur et son teint se vide de ses couleurs.

— Ai-je été si mauvaise que cela ? murmure-t-elle avec anxiété.

L’effroi lui tenaille l’estomac.

— Pourquoi ?

balbutie-t-elle, la voix brisée par l’angoisse.

Zoé est la première à rattraper sa peur.

— Chien, c’est son premier jour…

— Je m’en fiche. Il veut la voir et il la verra, déclare l’homme, faisant taire la femme.

— Allons-y.

L’ordre est clair, elle n’a pas le choix. Angélique baisse la tête et se laisse guider à travers le club.

Malgré sa petite taille, il marche vite, ce qui complique les choses pour la jeune fille mal habillée et chaussée de talons. Elle est conduite à l’intérieur d’un salon privé. Comme dans le reste du club, les murs sont rouges et une petite scène est placée au milieu.

Des yeux féroces rencontrent les siens. Le même homme qui a observé sa performance est assis sur un long canapé en demi-lune. Son bras est drapé sur une belle brune, et l’autre tient une cigarette allumée. Il tire une longue bouffée de nicotine, observant Angélique de la tête aux pieds.

— Nikolaï, je croyais que tu aimais les femmes à forte poitrine.

La brune à ses côtés ronronne, poussant ses seins contre son bras. Son regard est empoisonné. Si cela ne tenait qu’à elle, Angélique serait en train de saigner sur le sol. Mais ce n’est pas le cas. L’homme – Nikolaï – a le pouvoir, et il n’hésite pas à s’en servir.

— Ferme ton clapet, grogne-t-il, les yeux toujours rivés sur la blonde.

La brune glapit lorsqu’elle est brutalement poussée sur le côté par le bras contre lequel elle se blottissait. Il se lève lentement, sa silhouette imposante surplombant tout le monde dans la pièce. La veste de costume qu’il portait plus tôt a disparu, la chemise noire s’enroule autour des muscles saillants de ses bras.

— Quel est ton nom ?

À chaque mot brusque, de la fumée s’échappe de ses lèvres minces.

Angélique sursaute, reculant maladroitement lorsque la distance qui les sépare se réduit.

— Nous ne donnons jamais nos vrais noms…

Les conseils de Zoé se bousculent dans sa tête, tous les signaux d’alarme sont levés.

— A-angel.

— Ton vrai nom.

Il l’exige.

— Angel.

Sa voix ressemble à celle d’un personnage de dessin animé, aiguë et tendue. Ses joues sont fiévreusement chaudes et ses jambes tremblent comme des branches dans le vent.

L'homme expire la dernière bouffée de fumée par le nez, un sourire narquois se dessinant sur ses lèvres fines. Malgré une cicatrice disgracieuse sur sa joue gauche, son apparence est quasi irréprochable.

— Angel...

Il étire chaque lettre, savourant le goût du nom. S'approchant, il domine sa silhouette.

— J'aime ça... Innocence...

Les yeux de Nikolaï dévalent le visage de la jeune femme, s'arrêtant sur sa poitrine.

— Enlève ton soutien-gorge.

Sous l'effet de cet ordre soudain, elle faillit s'étouffer.

— Je ne ferai pas ça.

Les mains levées pour couvrir sa poitrine, amusent l'homme, si l'on peut appeler amusement un froncement de sourcils permanent.

— Ton père me doit beaucoup d'argent, n'est-ce pas ?

Donc, c'est lui...

— Je te paierai pour tout. Enlève ton soutien-gorge, et je te donnerai 100 dollars. Tu ne gagneras jamais assez en dansant sur cette scène.

Angélique déglutit, ses entrailles se serrant. Il attend patiemment, ses yeux gris la transperçant. Cet homme a quelque chose de brut. La façon dont il se comporte lui donne des frissons.

Les doigts tremblants sont un signe avant-coureur. Intimidée, elle laisse les bretelles glisser de ses épaules, le fermoir se défaisant.

— Oh, non ! Les coussinets pour les seins !

Le sous-vêtement tombe au sol, de même que la gelée que Zoé lui a fait mettre dans son soutien-gorge. Elle les a complètement oubliés. Toutes ses insécurités sont écrites sur son visage, ses joues devenant rouges comme du homard. Son attention se détourne momentanément de l'homme ou de ses seins nus, fixant stupidement les deux choses en gelée à ses pieds.

Comme un cri d’hyène, le rire de la brune résonne dans le salon.

— Oh, mon Dieu ! C’est pathétique ! Cette fille n’a pas plus de poids qu’une planche !

Angélique est toujours mince, mais pas totalement dépourvue de formes.

— Sors d'ici, grogne Nikolaï sans regarder l'autre femme.

Son rire s'éteint, prête à attaquer Angélique mais réticente à s'opposer à l'homme. Avec un murmure de plainte, elle quitte la pièce, ses talons hauts résonnant sur le sol carrelé.

Bien qu'elle soit soulagée que l'autre femme soit partie, une partie d'elle aurait presque préféré qu'elle reste. Maintenant, ils sont seuls.

Il ne l'a jamais touchée, ses yeux gris impitoyables balayant son corps nu la font rougir.

— Danse pour moi, ordonne-t-il brusquement, s'éloignant pour lui laisser de l'espace.

— Si tu es bonne, je doublerai la somme. Et ne te couvre pas.

Les mains tremblantes d'Angélique descendent lentement de sa poitrine nue. L'air frais caresse sa peau, la faisant tressaillir. La honte lui noue l'estomac. Sous son regard froid, elle se sent petite et vulnérable.

Elle ne peut pas le regarder dans les yeux en montant sur le petit podium. Ses mains s'enroulent autour du poteau, entraînant son corps dans le mouvement. Aucune musique ne l'accompagne. Un silence oppressant règne dans la salle, parfois interrompu par le bruit des talons de la jeune femme sur l'estrade.

Ses mouvements sont maladroits, guidés uniquement par les battements rapides de son cœur. Du coin de l'œil, elle aperçoit Nikolaï adossé au canapé, ses bras croisés sur sa poitrine imposante. Il semble jeune, mais ses traits n'ont rien d'enfantin. Sombres, ceux d'un homme ayant affronté l'enfer et revenu ami du diable.

Il la surprend en train de l'observer. Rien ne lui échappe, chaque regard subtil est remarqué. Rien ne peut dissimuler ses intentions lorsqu'il s'approche brusquement de la scène, tel un prédateur traquant sa proie.

Angélique s'arrête, son corps se redressant de l'arche impressionnante qu'elle a exécutée. Ses yeux bleus croisent ses yeux gris d'acier.