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Chapitre 4

— Impossible. Je te renie sinon.

Je lève le regard jusqu'au miroir, me détaillant légèrement. Ok, elle abuse.

— Quoi ? C'est le gilet ? Je le mets toujours Sam, je vois pas où est le problème...

— Mais justement, il est exactement là ton problème ! Tu le mets toujours.

— Et donc ?

Je soupire, me tournant légèrement pour lui faire face. Elle est allongée sur mon lit et se tourne sur elle-même, finissant sur le dos et se cachant théâtralement le visage de ses mains en poussant un soupire d'exaspération. Quelle comédienne.

— C'est ton anniversaire Raf ! Tu ne peux pas juste te contenter du même gilet que les 364 autres jours ok ? C'est ton jour alors innove, éblouis-nous, éblouis-le !

— Le ?

Je fronce les sourcils, avant de doucement rire en comprenant la référence. Je continue de me laisser aller en retirant ce fameux gilet pour refaire un tour dans ma penderie. Alors que je cherche sans grande conviction quelque chose qui pourrait la satisfaire et lui clouer le bec par la même occasion, je me décide finalement à lui répondre.

— Loïc n'a pas besoin d'être éblouis, il l'est déjà. Qui ne le serait pas ?

Elle enlève précipitamment les mains de son visage, relevant sa tête qui pendait dans le vide pour me jeter un regard scrutateur.

— Quoi ? Comment ça « il l'est déjà » ? Alors ça y est enfin vous deux ? Vraiment ? Depuis quand ?

Elle me bombarde, ne me laissant même pas l'occasion d'en placer une. Je ris à nouveau, c'est plus fort que moi elle a toujours eu cet effet sur moi. Je suis sadique, mais la tentation était beaucoup trop grande pour ne pas en profiter.

— Ouais, vraiment ouais. Je crois que c'est l'amour de ma vie Sam. Non sérieux, on a même prévu d'acheter un chien tous les deux, faut juste qu'on se mette d'accord sur le nom. Pourquoi pas Pitchoune ? On a aussi prévu d'adopter en passant ! Vraiment Loïc est comme mon prince charmant, je n'en reviens pas de ne pas l'avoir compris plus t...

Je ne finis pas ma phrase, étant stoppé dans mon élan par l'attaque soudaine de mon oreiller en pleine figure, accompagné d'un « abruti » sonore. Je ramasse l'oreiller pour riposter, mais bien sûr je manque ma cible d'un bon mètre. Elle ne cille même pas, préférant continuer de me fusiller du regard. Alors je soupire.

— Je dois te le dire en quelle langue Sam ? Loïc est mon meilleur ami, point à la ligne. Ce serait carrément malsain.

Ça fait des années, à vrai dire depuis qu'elle est au courant de ma sexualité, qu'elle me tanne pour Loïc. Ça nous a toujours bien fait rire lui et moi, mais il serait peut-être temps qu'elle fasse une croix sur son fantasme. Ça n'arrivera jamais, je me tue à lui répéter.

— D'accord. Compris. Mais ne viens pas me reprocher de te répéter « je te l'avais dit » en boucle du matin au soir quand tu ouvriras enfin les yeux.

— Bon cette chemise t'en penses quoi ? Elle t'éblouit ?

Elle me scrute encore quelques secondes avant de lever les yeux au ciel, abandonnant tout simplement. Pour cette fois.

— C'est parfait Raf. Tout sera parfait.

Je souris franchement en enfilant ladite chemise, puis m'approche d'elle pour l'embrasser furtivement sur le front. Je lui lance un clin d'œil avant de sortir de ma chambre, enfin prêt.

Il n'y a qu'avec cette sale gosse faisant office de sœur que j'arrive à me détendre à cent pourcent, avoir une attitude aussi légère. J'aime sincèrement la compagnie de mes amis et coéquipiers, mais ça reste différent. Je n'y arrive tout simplement pas, en dehors de ces murs je suis beaucoup trop exposé. Et qui sait si le jour où j'arriverais enfin à accorder toute ma confiance à une personne, elle ne me laissera pas tomber à son tour ? Ces barrières que je me mets ont beau être instinctives et inconscientes, elles sont surtout nécessaires sur bien des points de vue.

Néanmoins c'est moi qui ai refusé que Sam vienne ce soir. Elle a eu beau bouder pendant près d'une heure, ne m'adressant que très sommairement la parole, je n'ai pas flanché. Ce soir je veux avant tout profiter, et non devoir la scruter toute la soirée et repousser toute tentative un peu trop lourde de drague. J'ai toujours eu en horreur l'effet qu'elle pouvait avoir sur les autres, même si de son côté elle en joue clairement, à la façon femme libérée. Donc ce soir m'étant tout particulièrement dédié, il est hors de question que je me prenne la tête. Il est justement capital que je me la vide. Elle sortira de son côté avec ses amis, ou pas. Elle s'en est déjà remise.

Comme prévu mes parents ne sont toujours pas là et je ne perds pas une seconde de plus, je me dirige directement vers la sortie. Je suis déjà en retard, inutile d'aggraver mon cas, l'attention générale sera déjà beaucoup trop sur moi.

En arrivant sur place je me surprends à me regarder dans le rétro intérieur, histoire de voir si je n'ai pas de mèche rebelle ou autre connerie du style. Ok je crois que je stresse. Mais le concept de soirée spécialement dédiée à moi, ce n'est clairement pas ma tasse de thé. Sans cette histoire de retour imminent de Malo, j'aurai immédiatement décliné l'offre à la minute où elle aurait été avancée. Tout le monde a d'ailleurs été surpris de mon enthousiasme presque forcé. Normal.

Quand je rentre à l'intérieur du bar, la musique me frappe directement de plein fouet et je mets quelques secondes à m'acclimater à ce bruit assourdissant et à ce monde. Je dois me faire violence pour ne pas faire demi-tour immédiatement. Je repère finalement mon petit groupe d'amis, déjà tous présents et installés sur une table au fond. Ils rient tous, complètement à l'aise et à leur place dans ce genre d'établissement.

Mes yeux se posent presque naturellement sur Loïc. Un poids considérable semble quitter mes épaules quand ses yeux rencontrent les miens et que son visage s'illumine, me souriant franchement. Il m'a réellement manqué. Mais bien vite c'est toutes les têtes de la petite table qui se tournent dans ma direction, faisant immédiatement colorer mes joues d'une couleur rouge bien trop prononcée.

Ils me connaissent, depuis le temps vous pensez bien. Mais ai-je précisé à quel point ils sont vicieux, tous autant qu'ils sont ? Du moins si j'en doutais encore, maintenant j'en ai la preuve formelle. À peine suis-je arrivé à leur hauteur qu'ils se mettent tous à taper bruyamment sur la table, faisant déborder leurs verres. Ils poussent simultanément des petits cris graves, tout en continuant leur séance improvisée de percussions. Malgré la musique pulsant dans les haut-parleurs c'est bientôt l'ensemble du bar qui se met à nous regarder, une expression tantôt interrogatrice tantôt moqueuse au visage.

Je les déteste.

Alors que je n'ai toujours pas bougé et que je commence réellement à envisager la possibilité de commencer à me creuser un trou pour me soustraire à tous ces regards, Loïc vient enfin à ma rescousse. Il se lève de table et vient brutalement me serrer dans ses bras. Je me détends légèrement à ce contact, reprenant peu à peu contenance. Je m'autorise même à tous les fusiller un par un du regard tandis que je m'installe à mon tour. Dieu merci ils ont arrêté de se donner en spectacle.

— Bon alors Raf tu prends quoi ?

Je tourne ma tête vers Amyn et son énorme chope de bière à la main.

— La même chose que toi.

Je n'ai pas envie de me creuser la tête, tout le monde attend une réponse de moi et à nouveau je me sens épié.

Ils se regardent tous les quatre, tour à tour, avant qu'Amyn ne me refasse face, un sourire provocateur aux lèvres.

— Ouais mais nan. C'est pas une boisson d'anniversaire ça. Si t'as cru que t'allais pouvoir t'en sortir aussi facilement tu t'es bien planté.

Je fronce les sourcils, avant de doucement sourire, m'autorisant à me détendre légèrement.

— Surprenez-moi alors.

À nouveau ils s'en donnent tous à cœur joie en recommençant leurs cris bestiaux et en faisant tomber les poings sur la table. En croisant le regard de Loïc je m'autorise un très léger rire. Amyn se lève de table pour se digérer vers le bar. Je comprends qu'il compte commander pour moi, sauf qu'il en est hors de question. Je ne le laisserai pas payer pour moi, c'est clairement dérangeant. Mais alors que je m'apprête à me relever, Loïc qui est assis juste à côté de moi pose sa main sur ma nuque et d'une légère pression me fait clairement passer le message de rester assis.

— Au fait Raf t'en as loupé une bonne ! Gab est en couple !

Le concerné recrache sa bière et se tourne vers celui venant subitement de prendre la parole.

— Putain Thomas tu peux pas la fermer cinq minutes !

— En couple ? Genre pour de vrai ?

Je n'ai pas pu m'empêcher d'intervenir, mais en effet l'information est beaucoup trop hallucinante pour que même moi je puisse me retenir. Gabriel se tourne à nouveau dans ma direction, se passant une main dans ses cheveux blonds et cherchant du regard un quelconque soutient dans les poutres au plafond.

— Je... dirais plutôt que je suis en « pré-couple ».

L'hilarité se fait générale à table alors qu'Amyn revient déjà vers nous. Il me pose un verre contenant un liquide inconnu devant moi avant de reprendre sa place.

— En pré-couple, sérieusement ? Tu vas bientôt devenir pré-mature aussi ?

À nouveau toute la tablée rit à l'intervention de Loïc alors que je porte doucement le verre à mes lèvres. Mais je n'ai bu qu'une gorgée que déjà je manque tout recracher, ma gorge se faisant brûlante et mon corps entier se réchauffant au simple contact du liquide. Je tousse légèrement avant de m'adresser directement à Amyn :

— Tu veux me tuer c'est ça ? C'est pas un peu jeune 19 ans pour mourir ?

Ce dernier me lâche un sourire purement satisfait, avant d'hausser les épaules et de répondre l'air de rien :

— C'est la cuvée spéciale de la maison il paraît, recette secrète.

À la réflexion, c'est exactement ce dont j'ai besoin. Je n'arriverai sûrement jamais à être à l'aise dans cette ambiance, même si personne ne semble faire attention à nous. Mais j'ai réellement besoin de me détendre et surtout de détendre cette boule de nerfs qui ne me quitte plus depuis hier, donc je décide sur un coup de tête de reprendre une large gorgée du mélange infâme, me laissant doucement porter par la chaleur qui ne manque pas de se répandre en moi. Ils me regardent tous avec un sourire amusé, alors je tends mon verre au milieu de la table pour le premier toast de cette soirée qui ne fait que débuter.

Bien vite les verres s'enchaînent et je perds complètement la notion du temps. Je perds la notion de tout en fait. Parce que s'il y a bien une chose à savoir sur moi, c'est que je suis à peu près aussi timide sobre que je suis libéré une fois bourré. Toutes mes barrières s'abaissent, clairement sans mon consentement, et tout ce que je retiens au jour le jour se déverse d'un seul coup, un peu comme un effet raz-de-marée.

Le plus déplorable, sans doute, c'est qu'aucun de mes coéquipiers ne semblent en meilleur état que moi, la discussion ne ressemblant plus à rien depuis bien longtemps déjà.

— Oh putain les gars, je crois qu'une fille vient de me mater ! C'est le plus beau jour de ma vie !

On se tourne tous comme un seul homme dans la direction de son regard, mais il y a beaucoup trop de monde pour que l'on puisse décider si Amyn hallucine ou non.

Thomas lui tape dans le dos avant de poser violemment son verre sur la table.

— Alors fonce pardi !

Amyn nous regarde tour à tour, avant d'hocher solennellement la tête et de finir d'une traite son verre. Il se lève alors, tenant difficilement debout tandis qu'il se dirige vers la piste de danse au fond du bar, l'air motivé. Je serais la fille en question, je prendrais la fuite rien qu'à le voir approcher. Pourtant il est clair qu'Amyn est mignon. Il n'est pas très grand, mais sa peau métisse et ses yeux clairs jouent carrément en sa faveur. Il est juste complètement torché.

Cependant on est tous scotchés quand on le voit effectivement se mettre à danser en charmante compagnie, un air soi-disant séducteur au visage. Le rendu est beaucoup trop inattendu et beaucoup trop caricatural pour nous, faisant à nouveau monter en flèche le volume sonore de la table sous nos rires.

— Pauuuuse. Pause pause pause.

On se tourne tous les trois vers Gabriel, complètement avachis sur la table et la main levée en l'air.

— J'suis content pour Amyn, pas de doute. Mais y'en a un autre qu'est frustré, et vu qu'c'est sa soirée, c'est à lui de conclure ce soir !

Ok, je crois être encore assez lucide pour comprendre que le message m'est destiné. C'est facile à dire pour lui, avec ses cheveux blonds dignes d'une pub de shampoing L'Oréal et son corps sculpté par la course, il fait chavirer toutes les filles. Il n'a qu'à leur sourire pour s'assurer de repartir accompagné. Sans compter que c'est le plus âgé du groupe. C'est pour ça qu'on avait clairement tous eu du mal à croire à son supposé couple, je ne lui donne pas deux semaines avant que son naturel confiant et charmeur auprès de la gente féminine ne refasse son grand retour. Pauvre fille...

— Pardon ?

Loïc me tire de mes pensées, les sourcils froncés et le regard toujours dirigé vers Gabriel. Ce n'est pas mon meilleur ami pour rien, il m'ôte presque les mots de la bouche. D'ailleurs faudrait sans doute que je me manifeste.

— Ouais... Pardon ?

L'originalité repassera.

— Je me range du côté de Gab les gars, Raf tu devrais penser à extérioriser autrement si tu vois ce que je veux dire...

Thomas hausse plusieurs fois les sourcils de manière suggestive alors que Gabriel lui frappe le dos de façon virile, l'air de le remercier de son soutient sorti de nulle part. J'insiste sur le sorti de nulle part, c'est carrément à une machination que je fais fasse là. D'habitude Thomas c'est le genre de gars posé et toujours prêt à te sortir d'une galère. Alors c'est décidé : je déteste le Thomas bourré. Mais il enfonce encore un peu plus le clou :

— Mec, t'as pas le choix. C'est ton anniversaire.

Je hoche la tête en les regardant. Comme si le fait que ce soit mon anniversaire entraine nécessairement le fait que je doive faire ma chaudasse. Mais je hoche la tête, parce que c'est actuellement tout ce que j'arrive à faire. Loïc s'installe au fond de sa chaise et continue de nous regarder sans plus participer à la conversation. Gabriel sourit d'une oreille à l'autre avant de se pencher en avant sur la table. Thomas et moi l'imitons alors, étrangement impatient d'en savoir plus sur ses idées à la noix.

— Ok. T'en as repéré un ?

Il chuchote, carrément dans son rôle d'agent secret en mission entremetteur. Dans son monde quoi. Je le fixe avec mon regard le plus blasé de mon stock et il comprend le message directement, mais ne se démonte pas le moins du monde.

— Ouais, ça m'aurait étonné. Alors je l'ai fait pour toi. Le mec au bar, près de l'entrée.

On tourne tous la tête dans la direction indiquée, même Loïc qui a donc écouté la conversation.

— T'as pas plus vague ? T'as vu le monde au bar ? Le nombre de gars ?

Gabriel plisse les yeux, l'air de se rendre compte pour la première fois du nombre de personne amassées à cet endroit. Il glousse ridiculement, avant de se pencher à nouveau au-dessus de la table.

— Seul. Brun, genre cheveux corbeaux comme diraient les nanas. Je dirais vingt-deux, vingt-trois ans. Veste en cuir noire, pantalon noir, bref tout noir quoi. Sauf sa peau. Et une... une Leffe Ruby ? Bon il a des goûts de meuf, mais personne n'est parfait.

Ok, alors là je l'ai définitivement repéré. Qui aurait cru que Gabriel aurait bon goût question mec. Celui-là est clairement à tomber. Ou alors c'est le moi trop bourré qui le pense, mais actuellement je ne vois pas bien ce que ça change. Mais j'ai beau me décomplexer après avoir abusé de la boisson, j'en suis loin d'être au stade de réellement repartir accompagné d'un inconnu.

— Si je l'embrasse, vous me laissez tranquille ?

— Promis.

Gabriel me répond du tac au tac, se réjouissant beaucoup trop de la situation. Thomas se redresse à son tour en levant sa main droite et en posant son autre au niveau du cœur, un air tout ce qu'il y a de plus solennel au visage. Je jette finalement un coup d'œil vers Loïc, qui se contente d'hausser les épaules. Je prends ça pour un oui collectif. Ça me va, avec un peu de chance je trouverai même ça amusant. Et dire que sobre j'aurais à peine osé le regarder plus de dix secondes sans rougir violemment par peur de me faire repérer. Cette fameuse recette maison fait des miracles.

Je me lève avant de changer d'avis et essaye plus que tout de paraître naturel, ou du moins de limiter la casse en me frayant un passage jusqu'au bar. Autant dire que j'ai la délicatesse caractéristique d'un éléphant. Je suppose que ça aurait pu être pire.

— Je... Salut.

J'aurais pu m'auto gifler pour cette entrée en matière des plus nazes, seulement pour ça il aurait déjà fallu que le type en question m'entende. Mais avec le volume de la musique et toutes les conversations autour, il n'a même pas remarqué ma présence. On commence sur les chapeaux de roues.

— Deuxième tentative : salut !

Il se retourne enfin vers moi, un sourire amusé aux lèvres. Il s'arrête quelques instants pour me détailler, la surprise se reflétant clairement dans ses yeux. Mais il se reprend au bout de quelques secondes et finit par hausser les sourcils.

— Euh... salut. T'as quel âge au juste ?

Ok, je comprends mieux cette fameuse surprise plus tôt. Il me prend clairement pour un gamin. Enfoiré.

— J'ai vingt ans. Toi ?

Je ne sais même pas pourquoi je mens, c'est ridicule. Mais vingt ans fera toujours moins gamin que dix-neuf, et plus que de réussir mon stupide défi je veux surtout les faire redescendre, lui et son haussement de sourcils à la noix.

— Vingt-trois. Tu voulais me dire quelque chose ?

Bonne question. Mais mon état actuel m'empêche de trop réfléchir, alors c'est pratiquement dans la foulée que je réponds :

— Je me demande juste pourquoi un gars comme toi, comprend par-là pas désagréable à regarder, passe sa soirée seul dans un bar excluant la solitude, qui plus est avec une bière aromatisée prisée par le sexe féminin. Simple question, j'ai tout mon temps pour la réponse.

On en reparle du barrage qui s'effondre complètement quand mon sang se retrouve contaminé par cet enfoiré que l'on nomme alcool ? Doctor Jekyll et Mr Hyde n'a qu'à bien se tenir, le Rafael 2.0 est dans la place.

À nouveau la surprise se fait évidente sur les traits de mon bel inconnu mais il finit par doucement rire, secouant la tête de gauche à droite.

— T'as un nom ?

— Rafael.

— Rafael.

Il répète mon nom du bout des lèvres en continuant de me regarder. Les formes d'autismes sont multiples et variées, ceci pourrait expliquer cela. Mais déjà il enchaine, comme si de rien :

— Qu'est ce que tu dirais d'une Leffe Ruby Rafael ?

Et c'est comme ça que je me retrouve à mon tour accoudé au bar, la fameuse bière goût framboise devant moi, me surprenant à apprécier la présence de ce mec. Mais il a beau me parler de tout ce qu'il veut, je ne suis pas en mesure d'y prêter vraiment attention. Néanmoins après un moment un détail soudainement me saute aux yeux.

— Mais au fait... Tu t'appelles comment ?

— C'est maintenant que tu le demandes ?

Il rit à nouveau mais finit par se redresser, tendant sa main vers moi.

— Moi c'est Jafar, enchanté Rafael.

Je manque recracher ma bière à l'entente de son prénom. Je relève le regard vers lui, ne sachant quelle attitude adoptée. La beauté cache toujours quelque chose.

— Tu te payes ma tête ? Jafar ?

— Quoi la sonorité ne te plaît pas c'est ça ?

— Et ton frère c'est Mufasa ?

Il me détaille quelques secondes en silence, un sourire en coin des lèvres. Je crois que je suis grillé, il a clairement vu que j'étais bourré. Il finit par porter son verre à sa bouche, avant de finalement prendre le temps de répondre à ma réflexion stupide :

— Non, mais je suis sûr qu'il aurait aimé.

Je continue de le regarder, sans savoir réellement pourquoi. Il calque son attitude sur la mienne, instaurant une sorte de duel de regard qu'encore une fois je ne suis pas bien sûr de comprendre. Mais il ne se démonte pas à une seule seconde, avant que je ne me rende bêtement compte que sa main est toujours tendue vers moi et qu'il attend juste que je la lui serre. Je me donne alors une sorte de gifle mentale pour me bouger et au passage essayer d'arrêter de sortir toutes ces âneries. Je viens donc lui serrer la main, tentant de paraître le plus apaisé du monde.

— Au moins on ne s'ennuie pas avec toi.

Il me sourit spontanément et franchement avant de me répondre, un brin espiègle :

— Je te renvoie le compliment.

Je me demande alors ce que je vais bien pouvoir trouver pour pouvoir finalement réussir ce stupide défi lancé par Gabriel, vu le départ catastrophique que j'ai pris, quand finalement il me coupe l'herbe sous le pied en poursuivant :

— Ok alors dis-moi : pourquoi t'es là ? C'est quoi le plan ? Je suis quoi, un pari stupide entre potes ?

— Je euh... Non ?

Ok on ne peut pas faire plus pitoyable, mon naturel revenant au triple galop tant je me sens débile et soudainement mis à nu.

— D'accord je vois le genre. Et on essaye d'impressionner qui du coup ?

Je rougis pour la énième fois de la soirée, avant de m'avouer vaincu et de lui désigner le plus discrètement possible la table de mes abrutis d'amis. Bien qu'ils regardent tous les trois dans notre direction, Amyn n'étant toujours pas revenu, aucun ne semble remarquer ce qui se trame réellement ici, Dieu merci.

— D'accord Rafael. T'es gay au moins ?

Mais c'est quoi cette manie à vouloir me faire rougir non-stop ? C'est une couleur qui me va au teint ? C'est quoi leur problème tous à la fin ? Je ne suis pas un satané homard, merde.

— Ça change quelque chose au final ? Si j'étais hétéro tu crois que je serais là ?

Je suis fier de moi, je n'ai pas bégayé. Mon estime de soi remonte imperceptiblement. Il me détaille quelques secondes encore, avant que ses lèvres ne s'étirent d'elles-mêmes en un énième sourire, satisfait.

— Ok. Ils nous regardent alors essayons que ça en vaille la peine.

Et sur ces bonnes paroles il me prend par les hanches pour venir brusquement me rapprocher de lui, et sans plus de cérémonie m'embrasse. Ça aurait pu être un simple smack, voir un smack prolongé, soyons fous. Mais non non, quand il dit « que ça en vaille la peine », il ne déconne pas. Je n'ai cependant pas une grande résistance à lui opposer, et honnêtement encore moins l'envie de le faire. Alors je laisse ses lèvres s'amuser des miennes, je le laisse mener cette belle danse et me surprend même à fermer les yeux.

Il embrasse comme un Dieu.

Il se sépare finalement de moi après ce qui me semble une éternité alors que je peine à retrouver mon souffle. Mais j'en veux plus. Alors je déconnecte le peu de mes neurones encore en état de marche et passe une main derrière sa nuque pour l'embrasser à nouveau. Il sourit contre mes lèvres mais se laisse à son tour faire, joueur. Pourquoi cette sensation est-elle aussi exquise ?

J'entends à ce moment très distinctement une clameur derrière nous et me retourne alors pour apercevoir sans surprise Gabriel, Thomas et Amyn à notre table siffler et applaudir, se fichant complètement de la possible gêne qu'ils peuvent m'occasionner. Amyn semblent le plus surpris des trois, mais tous rient à en pleurer, ce qui me fait sourire à mon tour. Loïc quant à lui est introuvable, sûrement parti aux toilettes.

— Ravi d'avoir pu rendre service.

Le fameux Jafar me presse doucement l'épaule, avant de finir le fond de son verre et de se diriger vers la sortie.

La première de mes pensées est que je n'ai aucun moyen de le recontacter si l'envie m'en prend.

La seconde est que je ne le connais tout simplement pas.

La dernière que je ne vais clairement rien assumer au réveil.

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