Chapitre 3
Louise se tourna vers Marie, sa respiration encore haletante à cause de l'excitation et de la peur provoquées par les hurlements dans la nuit. Le regard de Marie trahissait une inquiétude profonde, mais aussi une détermination farouche. La propriétaire de l'auberge semblait être une source inestimable d'informations, et Louise savait qu'elle devait tirer parti de cette occasion pour en apprendre davantage.
"Marie, vous avez mentionné plus tôt que la famille d'Émile est entourée de mystères. Pouvez-vous m'en dire plus sur eux et sur Henri ?" demanda Louise, en essayant de contrôler le tremblement dans sa voix.
Marie hocha la tête lentement. "Asseyez-vous, Louise. Il y a beaucoup de choses que vous devez savoir, et certaines ne sont pas faciles à entendre."
Louise s'installa à la table, ses yeux fixés sur Marie qui préparait une tasse de thé pour chacune d'elles. La propriétaire de l'auberge semblait plongée dans ses pensées, comme si elle réfléchissait à la meilleure manière de présenter les événements troublants du passé.
"Émile était un homme charmant, bien-aimé de tous dans le village. Mais il avait un côté sombre que peu connaissaient," commença Marie. "Son amour pour Elise, la sorcière, était véritable, mais sa trahison l'était encore plus. Quand il l'a abandonnée pour une autre femme, Elise a juré de se venger. Sa malédiction a touché Émile, mais elle s'est également ancrée dans sa lignée."
"Henri est un de ses descendants directs ?" demanda Louise, notant chaque détail dans son carnet.
"Oui," répondit Marie en versant du thé dans les tasses. "Henri a toujours été un homme solitaire. Il évite les autres, non par choix, mais par nécessité. Il sent que quelque chose ne va pas en lui, quelque chose d'héréditaire et de dangereux. Les villageois le craignent, mais ils le respectent aussi, car ils savent qu'il porte un fardeau lourd."
"Et Antoine ? Vous semblez en savoir beaucoup sur lui aussi," poursuivit Louise, se souvenant du vieux chasseur qui l'avait sauvée la veille.
Marie poussa un soupir profond, regardant par la fenêtre comme si elle cherchait des réponses dans l'obscurité. "Antoine et Henri ont grandi ensemble. Ils étaient comme des frères. Mais la malédiction a tout changé. Quand ils étaient jeunes, Antoine a découvert la vérité sur Henri et la malédiction de leur famille. Au lieu de l'abandonner, il a juré de le protéger et de trouver un moyen de briser la malédiction."
Louise était captivée. "Antoine cherche donc une solution depuis des années ?"
"Oui, il a parcouru le monde à la recherche de réponses. Il a étudié les anciennes légendes, les textes occultes, et a consulté des experts en sorcellerie. Mais jusqu'à présent, rien n'a fonctionné," expliqua Marie, tristement.
"Et les disparitions récentes ? Ont-elles un lien avec Henri ?" demanda Louise, ses yeux brillants de détermination.
"Nous ne savons pas," admit Marie. "Mais chaque fois qu'il y a une disparition, Henri disparaît aussi, parfois pendant des jours. Quand il revient, il ne se souvient de rien."
Louise prit une gorgée de thé, réfléchissant aux implications de tout ce qu'elle venait d'apprendre. "Il faut que je parle à Henri. Je dois comprendre ce qu'il ressent et ce qu'il sait."
Marie hocha la tête. "Soyez prudente, Louise. Henri est dangereux, mais pas par choix. Il est autant une victime que ceux qui disparaissent."
Après cette conversation, Louise se sentait à la fois plus éclairée et plus inquiète. La malédiction de la lignée d'Émile était plus complexe qu'elle ne l'avait imaginé, et la clé pour la briser semblait encore hors de portée. Cependant, elle savait qu'elle devait persévérer.
Le lendemain, dès les premières lueurs de l'aube, Louise se prépara à rencontrer Henri. Elle savait qu'elle devait approcher cet homme solitaire avec prudence et empathie. Après tout, il portait un fardeau que peu pourraient comprendre.
Elle se dirigea vers la périphérie du village, là où Henri vivait dans une petite maison en pierre, entourée d'un jardin en friche. En arrivant, elle hésita un moment avant de frapper à la porte. Le silence pesant qui régnait autour de la maison ajoutait à l'atmosphère inquiétante.
Après ce qui sembla une éternité, la porte s'ouvrit lentement, révélant Henri. C'était un homme d'une quarantaine d'années, avec des traits marqués par le temps et la souffrance. Ses yeux bleus, profonds et perçants, semblaient scruter l'âme de Louise.
"Oui ?" dit-il d'une voix rauque, visiblement surpris de voir une visiteuse à une heure si matinale.
"Bonjour, Henri. Je m'appelle Louise, je suis journaliste. J'aimerais vous parler de la malédiction et de ce qui se passe dans le village," dit-elle, essayant de paraître aussi amicale et non menaçante que possible.
Henri fronça les sourcils, mais il ouvrit la porte en grand et fit signe à Louise d'entrer. L'intérieur de la maison était sobre mais propre, avec des meubles simples et des livres empilés un peu partout.
"Vous savez, vous n'êtes pas la première à venir chercher des réponses," dit Henri en s'asseyant à une table. "Mais je doute que vous trouviez ce que vous cherchez."
"Je veux comprendre, Henri. Comprendre ce que vous vivez et comment nous pouvons vous aider," répondit Louise, s'asseyant en face de lui.
Henri la regarda longuement avant de parler. "La malédiction est une prison. Une prison de chair et d'esprit. À chaque pleine lune, je perds le contrôle. Je deviens... quelque chose d'autre. Quelque chose de dangereux."
"Et vous ne vous souvenez de rien ?" demanda Louise.
"Des fragments. Des cauchemars qui hantent mes nuits. Des visages, des cris. Rien de concret," répondit Henri, visiblement éprouvé.
"Marie m'a dit qu'Antoine cherche à vous aider depuis des années," continua Louise. "Pourquoi ne l'avez-vous pas laissé vous emmener voir des spécialistes ou chercher une solution ensemble ?"
Henri sourit tristement. "Parce que j'ai peur, Louise. Peur de ce que je pourrais faire. Peur que la malédiction soit plus puissante que n'importe quelle solution. Et surtout, peur d'espérer en vain."
"Mais vous ne pouvez pas continuer ainsi, Henri. Chaque disparition renforce la peur dans le village. Nous devons trouver un moyen de briser cette malédiction," dit Louise avec détermination.
Henri hocha la tête, résigné. "Je sais. Mais comment ?"
Louise se souvint des runes mentionnées par la sage. "Il y a une grotte dans la forêt, avec des runes anciennes. La sage m'a dit que ces runes pourraient contenir la clé pour briser la malédiction."
"Les runes... Oui, j'en ai entendu parler. Mais personne ne sait vraiment où se trouve cette grotte," répondit Henri, son intérêt piqué.
"Nous devons essayer. Si nous pouvons les trouver et les déchiffrer, cela pourrait être notre meilleure chance," insista Louise.
Henri soupira, se passant une main dans les cheveux. "D'accord. Je vais vous aider. Mais sachez que cela pourrait être dangereux. Très dangereux."
Louise acquiesça. "Je suis prête à prendre ce risque. Pour vous et pour le village."
Ils décidèrent de partir ensemble le lendemain à la première heure, profitant de la lumière du jour pour chercher la grotte. Louise savait qu'elle devait aussi informer Antoine de leur plan, car son expérience serait cruciale pour affronter les dangers de la forêt.
De retour à l'auberge, Louise trouva Antoine en train de discuter avec Marie. Elle leur expliqua son plan et les informations recueillies auprès de la sage et d'Henri. Antoine sembla d'abord sceptique, mais il finit par accepter de les accompagner.
"La forêt est vaste et pleine de dangers, mais je connais bien ses recoins. Si cette grotte existe, nous la trouverons," déclara Antoine avec assurance.
Louise sentit un poids se lever de ses épaules. Elle avait maintenant une équipe déterminée à l'aider dans cette quête périlleuse. Ensemble, ils pourraient avoir une chance de briser la malédiction.
La nuit tombait à nouveau sur Valerianne, et avec elle, la peur et l'incertitude. Louise se coucha tôt, sachant que la journée suivante serait décisive. Mais alors qu'elle s'endormait, un autre hurlement perça l'obscurité, plus proche cette fois. Son sommeil fut agité par des cauchemars de créatures mi-hommes, mi-loups, errant dans les bois à la recherche de proies.
Le matin arriva enfin, baignant le village d'une lumière douce et dorée. Louise, Antoine et Henri se retrouvèrent à l'auberge pour un dernier briefing avant de partir. Ils avaient des provisions, des cartes et des lampes de poche. Le chemin vers la grotte serait ardu
, mais l'espoir de mettre fin à la malédiction les poussait à avancer.
"Soyez prêts à tout," avertit Antoine. "La forêt a ses propres secrets, et nous ne sommes pas les seuls à la parcourir."
Louise serra son carnet contre elle, se sentant prête à affronter l'inconnu. Alors qu'ils s'enfonçaient dans la forêt, une nouvelle aventure commençait, pleine de dangers et de révélations. Chaque pas les rapprochait un peu plus de la vérité, mais aussi de l'inévitable confrontation avec le loup-garou.
Et au cœur de la forêt, quelque part dans l'ombre, la grotte des runes les attendait, gardienne silencieuse des secrets anciens qui pourraient enfin briser la malédiction de Valerianne.