No.3

Daniella.

Je pose une main sur ma bouche pour retenir le cri qui veut sortir de ma gorge. Je me retiens à la porte pour éviter de tomber, mon Dieu ! La pièce est vide ! Totalement vide. Je parcours la pièce des yeux et je m’avance au centre de celle-ci en titubant, je n’arrive pas à y croire, non c’est un cauchemar, je vais me réveiller et voir que c’est un très mauvais rêve, ça ne peut pas m’arriver à moi, pas maintenant, pas aujourd’hui que j’ai enfin décidé de changer de vie. Mais non ! Ce n’est pas un rêve, j’ai beau cligner encore et encore les yeux, mais rien n’y fait, ça ne change pas le spectacle qui se joue devant moi.

Le bureau de Lewis est vide ! Totalement vide. Il a pris toutes ses affaires, rien même pas un bout de papier sur le bureau ! On dirait que ses affaires se sont complètement volatilisées. Il y’a tout juste sur la table l’ordinateur de l’entreprise et je suis certaine qu’il ne l’a pas pris parce qu'il ne pouvait pas sortir avec lui sans être remarqué !

Je fais le tour du bureau et j’ouvre les tiroirs. Rien ! Absolument rien. Lorraine fait comme moi et se met à fouiller en retournant toutes les armoires à la recherche d’une quelconque preuve. Mais nous ne trouvons rien. Tout ce que nous trouvons, ce sont des papiers sans importance.

Tout a disparu ! Les livres de compte, les carnets, tous les documents concernant les finances de notre société. Le bureau est vide comme si personne ne l’avait jamais occupé auparavant. Juste des paquets de formats vierges.

“Dani, que se passe t’il ? Dis-moi sur c’est une blague, ce que je vois là ne peut pas être réel n’est-ce pas ? ”

Je n’avais jamais vu Lorraine perdre le contrôle, sauf une fois après mon divorce, lorsqu’elle avait appris les raisons de celui-ci. Elle avait pété un plomb et aurait voulu elle-même prendre le premier avion pour aller le tuer, découper son corps et l’enterrer au fond du désert si je me souviens bien de ses propos.

Pour vous dire à quel point c’est une personne calme et réfléchi dans chacun des actes qu’elle pose, elle pèse le pour et le contre, raison pour laquelle elle n’explose jamais. Elle garde toujours le contrôle. Je lève la tête vers elle, la lueur que je vois dans ses yeux me fait peur, mais je ne peux que la comprendre. Celle dont par contre j’admirais le calme était moi, je m’impressionne réellement, je n’arrive pas à croire que ce soit moi qui soit aussi calme. En temps normal c’est moi qui aurait réagit comme Lorraine en ce moment, c’est moi qui aurait parlé d’une petite voix qui n’augurait rien de bon avant de me mettre à hurler deux secondes plus tard. Pourquoi est-ce que je suis aussi calme ? La réponse est simple, j'ai compris dès le début de cette soirée que quelque chose allait mal se passer, je le savais tout au fond de mes tripes. Mais j’ai préféré mettre ça sur le compte de la nervosité, je me suis dit que ça allait passer. Mais il faut croire que j’aurais mieux fait d’écouter mon instinct. J’aurais dû écouter mon instinct, mais comme toujours, je me laisse guider par mes sentiments.

Peut-être que si je l’avais fait nous aurions pu arrêter Lewis. Mais qui me dit que ce plan n’était pas ficelé dès le départ ? Qui me dit que même si je réagissais aujourd’hui ça allait l’arrêter ? J’aurais dû vérifier ses références, j’aurais dû enquêter sur lui, chercher à savoir qui il était. Soudain j’entends un bruit sourd. Lorraine vient de s’écrouler en pleurs.

Je m’approche d’elle et je m’assois par terre à ses côtés.

“ On a tout perdu Lorraine, ce salopard nous a tout prix. ”

“ Mon Dieu ! J’avais confiance en lui, pourquoi nous a t’il fait ça ? ”

“ Je ne sais ! ” Dis-je en me passant la main dans les cheveux pour enlever l’élastique qui les maintenait en place. “

Mon amie pousse un soupir et se tourne vers moi, je la prends dans mes bras et je dépose un baiser sur son front

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“ Non mais quelle espèce de salopard ! Comment a t’il pu nous faire ça ? ” Bégaye-t-elle. “ On a investi tout ce qu’on avait dans ce projet, qu’est-ce que je vais dire à Nick ? ”

Je n’aurais jamais dû convaincre Lorraine d’adhérer à ce projet, elle a dû vendre leur maison et utiliser les économies que son mari et elle avait fait pour pouvoir les mettre dans ce projet. Nous pensions que cette entreprise allait être un véritable succès et ça l’aurait été bien sûr, si cette ordure ne nous avait pas fait ça. Je me sens tellement mal, j’ai tout perdu encore une fois. Je me sens une nouvelle fois pathétique. Ne suis-je donc qu’une bonne à rien ? Les insultes et les reproches de ma mère me reviennent en mémoire. Sans parler de tout ce qui m’est arrivé à Dubaï. Mon Dieu ! Ne vais-je donc jamais me réveiller de ce cauchemar ? Ne serais-je donc jamais heureuse un seul jour dans ma vie. Pour le moment, celle dont je m’inquiète est ma meilleure amie. L’échec de ce projet nous met toutes les deux dans une situation compliquée.

“ Je suis tellement désolée Lorraine. ”

“ Oh je t’en prie, tu n’as rien à voir dans tout ça. ”

“ Bien sûr que si, si je ne t’avais pas convaincu de commencer ce projet avec moi… ”

“ Arrête ! Tu portes le poids du malheur du monde sur tes épaules et c’est totalement stupide ! Je me suis lancée dans ce projet parce que j’en avais envie et non pas parce que tu m’y as obligée. ”

“ Je n’arrête pas de me demander où est-ce que nous avons échoué, on a tellement travaillé dur pour ça ! ”

“ Nous avons commis l’erreur de faire confiance à la mauvaise personne ” Dit-elle en se relevant, elle marche vers la table et le frappe d’un coup sec. “ Ce sale type nous a manipulé, il a vu notre soif de réussite et en a profité. Non mais comment peut-on être faux à ce point ? On le comptait comme un membre de notre famille. ”

Nous entendons tout à tout des pas dans le couloir, puis la porte du bureau s’ouvre sur Nicolas. Nous levons toutes les deux nos visages vers lui. Il s’avance vers nous et lorsque je le regarde dans les yeux, je comprends tout de suite que tout est perdu, il ne nous reste plus rien. Lorraine s’agrippe à la table et pousse un cri glaçant. Nicolas vient en courant la prendre dans ses bras et la consoler.

“ Je suis tellement désolé mon cœur, tout ira bien. ”

Lorraine repousse son mari et marche jusqu’à moi. Puis elle lève vers lui un regard froid et dur.

“ Tu devrais plutôt être content, tu n’as jamais cru en ce projet. ”

Je ferme les yeux et je pousse un soupir, ce que je craignais est en train de se passer, je redoutais le moment où ces deux là allaient se mettre à se disputer, je me sens encore plus mal et j’aimerais m’enterrer dans un trou de souris. Je sais très bien que là ce n’est pas mon amie qui parle, elle est dictée par la haine et la colère, je suis sûre que dès demain elle regrettera ses paroles.

“Lorraine, tu es injuste avec lui, je suis sûre que Nicolas n’a jamais voulu de tout ça autant que nous. ”

Elle pousse un soupir et me regarde.

“ Tu es devenu son avocat toi ? Il n’a jamais en nous, je ne comprends pas pourquoi tu le défends. ”

“ Lorraine la dernière chose dont on a besoin maintenant, c’est de ça. Tout ce qu’il essaye de faire, c’est de nous soutenir. ”

Elle se tourne vers son mari, le regarde avec méfiance, mais ne dit plus rien.

“ Il a disparu c’est ça ? ” Demandais-je en regardant Nicolas dans les yeux.

Il pousse un soupir et se masse la nuque avant de nous répondre.

“ Oui, je n’ai absolument rien trouvé chez lui, sa maison était totalement vide, j’ai frappé pendant de longues minutes. ”

“ Mais comment est-ce possible ? ”

“J’ai frappé pendant si longtemps qu’une voisine est sortie et m’a dit que Lewis avait déménagé il y’a de cela quelques jours. ”

J’ai l’impression qu’un gouffre s’ouvre sous mes pieds, ce n’est pas possible.

Je me lève et je me marche à travers la pièce, une main en visière devant mon visage et l’autre sur ma hanche. Prise d’une colère incontrôlable, je me jette sur l’ordinateur et je le jette violemment par terre.

“ Deux fichues années de travail ! Des contrats, toutes ces responsabilités que nous avons et sans oublier nos salariés, et de surcroît le prêt à la banque. Qu’est-ce qu’on va faire maintenant ? ”

“ Je n’en sais rien Dani, mais arrête de casser des choses. On pourra peut-être demander à la banque de prolonger le délai je ne sais pas moi. ”

“ Chérie, aucune banque ne vous accorderait un autre délai. ”

“ Tu nous aide beaucoup Nick. ” Dit Lorraine.

“ Je ne fais que dire la vérité vous êtes dans la merde ! ”