No.2

Daniella.

Trois ans plus tard.

Je m’isole des invités et j’essaye de joindre Lewis. Le téléphone sonne et pendant un moment, je pousse un soupir de soulagement. Beaucoup trop vite je pense, car personne ne répond, ce qui me conduit au répondeur.

“ Lewis, ce doit être je pense le centième appel, le téléphone sonne et personne ne répond. Je commence vraiment à m’inquiéter, nous avons une tonne de personnes ici, encore plus que ce à quoi nous nous attendions. Alors s’il vous plaît, je vous en prie, essayez de venir le plus vite possible. ”

Je raccroche et je me tiens par les hanches. Mon Dieu mais qu’est-ce qui se passe ? J’ai l’impression que tout est en train de m’échapper des mains et cette sensation est en train de me tuer à petit feu. Pourquoi Lewis n'est il pas encore là ? Est-ce qu’il a un problème avec les produits ? J’espère bien que non. Où sont les parfums que nous avons commandés ? Y'aurait-il eu un souci lors de la fabrication ? Si c’était le cas, il nous en aurait sûrement parlé n’est-ce pas ?

Je me surprends à faire du pied, ce qui n’est généralement pas bon signe, Lorraine s’avance vers moi, un sourire de façade pour les caméras qui nous prennent en photos, mais je la connais assez pour savoir qu’elle est aussi paniquée que moi si ce n’est plus. Je regarde les invités, je vois bien sur leurs visages qu’ils commencent à se poser des questions. Des questions auxquelles nous ne pouvons pas répondre parce que nous non plus ne savons rien et que nous sommes mortes de panique.

“ Arrêtes de faire du pied, ta tête d’enterrement se voit à des kilomètres. ” Me murmure-t-elle. “ c’est si grave que ça ? Un souci avec la cargaison ? ”

“ Lewis ne répond toujours pas, Lo je suis morte de panique. ” Dis-je en tournant la tête vers elle.

“ Comment ça il ne répond toujours pas ? Où est-il ? ”

“ Tu crois que si je le savais, je resterais ici à me ronger les ongles ? J’irais le déterrer de son trou et je lui frapperais le crâne avec la pointe de cette chaussure, avant de l’obliger de s’expliquer. ”

“ Calme-toi Dani, je suis certaine qu'il n’est pas loin. ”

“ Deux heures que nous attendons. Nous serons à cours de petits fours et comment allons nous faire attendre nos invités ? Nous étions censées commencer la présentation il y’a de cela quarante minutes. ” Dis-je en élevant le ton sans même me soucier des invités.

“ Oui je le sais et crois-moi que je suis autant inquiète que toi, mais nous disputer en ce moment n’est vraiment pas la solution. ” Me dit Lorraine en me faisant de gros yeux pour me faire comprendre que je dois me calmer.

Je regarde autour de moi et je vois les yeux de tout le monde posé sur moi. Je baisse la tête honteuse, elle a tout à fait raison, nous disputer maintenant ne fera pas apparaître de solution face au problème que nous rencontrons. J’ai perdu patience et je risque de perdre la tête.

“ Tu as raison, je suis désolée, le plus important maintenant c’est de retrouver Lewis et ces fichus échantillons et je te jure, qu’il faudra au moins dix hommes pour m’empêcher de lui sauter à la gorge. ”

„ Là je te reconnais et je t’aiderais même si tu veux. ” Dit-elle en me tenant par les épaules.

Je la regarde et je secoue la tête.

Nous sommes rejoints par son mari quelques minutes plus tard, avec deux coupes de champagne.

“ Tenez ça va vous faire du bien, on voit jusqu’au bout de la salle vos têtes angoissées. Que se passe t’il ? ” Demande Nicolas.

“ Il se passe que notre conseiller financier a disparu. ”

“Lewis ? ” Demande Nicolas en plissant les yeux.

“ Lui-même !” dis-je sarcastique. “ Il doit nous apporter les échantillons des produits que nous devons présenter aujourd’hui, mais il n’est toujours pas là. ”

“ Et qu’allez-vous faire maintenant ? ”

“ On en a aucune idée chéri, Dani essaye de le joindre depuis des heures mais il ne répond pas. Notre avenir dépend de cette collaboration vois-tu. Elle risque de devenir folle d’un moment à un l’autre. ”

“ Dani essaye de te calmer, perdre notre calme actuellement ne servira à rien, même si moi aussi je commence à paniquer. ” Dit-il en prenant la coupe de champagne de sa femme pour la vider d’une traite.

“ Génial bienvenue au club. ” Dis-je en souriant de le voir aussi inquiet pour nous. Nicolas est vraiment un amour.

Il met ses mains dans les poches et semble réfléchir.

“ Donnez-moi son adresse que je puisse aller voir s’il est chez lui et ce qui ne va pas. ” Dit-il en me tendant la main.

„ Vraiment tu ferais ça ? ” Dis-je en sentant une lueur d’espoir se raviver en moi.

“ Bien sûr, je vais juste avoir besoin de son adresse, tu sais pour savoir où il vit. ”

“Laisse-moi aller te chercher ça tout de suite. ” Dis-je en descendant les escaliers.

Je passe devant les invités en souriant comme si tout allait bien, je m’arrête même en chemin pour parler à quelques-uns. Alors que je suis loin de ressentir toute cette sérénité. Je suis morte de peur, j’ai peur d’échouer et de décevoir ma mère et surtout Candice. Je monte les marchés une par une et je dois me faire violence pour ne pas les dévaler en courant.

J’arrive dans mon bureau et je m'assois sur mon fauteuil derrière l’ordinateur. J’ appuie sur les touches du clavier, j’entre dans le dossier des employés et tape ensuite le nom de Lewis dans la barre de recherche pour avoir accès à son dossier complet. Quelques secondes plus tard, j’ai le dossier complet de Lewis devant moi. Nom, âge, date et lieu de naissance, adresse et toutes les autres informations relatives à lui. Je prends un papier et un stylo et j’y note son adresse avant de me lever pour sortir.

Lorsque que je traverse son bureau, comme mû par une impulsion, je décide de l’ouvrir pour avoir un tout petit indice de l’endroit où il peut être. Lorsque je pose ma main sur le poignet de la porte et que celle-ci pousse, celle-ci ne s’ouvre pas. Je constate alors qu’elle est verrouillée. Mais depuis quand verrouille t-on les bureaux ici ? J’ai l’intention de retourner dans mon bureau pour chercher les clés, mais Lorraine me fait signe de venir.

“ Dani, grouille ! ” Dit-elle en me faisant un geste de la main.

“ J’arrive. ” Dis-je en tournant la tête vers elle.

Je regarde une dernière fois la porte close du bureau avec un arrière goût amer dans la bouche, puis je décide de rejoindre mon amie. Nous descendons toutes les deux les escaliers et remettons l’adresse à Nicolas qui à son tour se dépêche de se rendre chez Lewis pour voir quel est le problème.

Je regarde autour de moi, tous ces regards tournés sur Lorraine et moi, je les entends chuchoter dans un coin, la bile me monte au ventre, la peur de l’échec me retourne l’estomac.

“ Ça va aller, t’inquiète pas. ” Me dit mon amie en posant une main sur mon épaule. “ Tout ira bien. ” Murmura-t-elle pour elle-même comme si elle essayait de se rassurer aussi.

Je lève les yeux au ciel agacée qu’elle continue de se voiler la face.

“ Non Lorraine, rien n’ira bien, regarde les tous, regarde les bien, ils parlent de nous, ils sont sans doute en train de parler de notre manque de professionnalisme, il est presque vingt-trois heures, le buffet est bientôt vide et nous n’avons toujours pas ces fichus échantillons. ”

“ Bordel Dani ! ” Dit-elle en haussant le ton pour la première fois depuis le début de la soirée. “ Si tu t’écroules maintenant je fais comment moi ? J’ai besoin de toi sur ce coup plus que jamais. ”

Je pose la main sur mon front sans rien rajouter, je vais finir par faire un infarctus. Je n’ai jamais eu autant peur de toute de ma vie. Si cette présentation ne fonctionne pas, nous perdons tout.

Notre investissement, nous devenons la risée de tous, ce serait un cauchemar, plus personne ne nous prendrait au sérieux. Pourquoi faut-il que ça nous arrive ? Pourquoi ? Je retourne me mettre au fond de la salle et je reprends encore un autre verre de champagne que je finis d’un trait comme je l’ai fait avec l’autre plutôt. Je déteste me sentir aussi vulnérable, je me suis tellement battue pour ne plus avoir à ressentir cette horrible sensation que ça me donne un arrière goût amer dans la bouche, un goût de défaite, toutes ces paroles me reviennent en esprit. Assise de l’autre côté de la salle, je la vois se vider petit à petit sous mes yeux.

Je suis assise impuissante, j’ai envie de les retenir, leur hurler dessus pour leur demander de revenir. Mais je sais intérieurement que ça ne va servir à rien. Vraiment à rien du tout. Notre soirée de présentation est tombée à l’eau, nous sommes totalement ruinées, humiliées, détruites.

La salle se vide petit à petit jusqu’à ce qu’il ne reste plus absolument personne ou si, à une table bien à l’écart, je vois ma mère assise et elle n’arrête pas de secouer la tête, nos regards se croisent et elle secoue la tête en signe de réprobation, sans même venir m’adresser une quelconque parole réconfortante, elle se lève, prend son sac et s’en va. Lorraine vient s'asseoir près de moi, elle a les larmes aux yeux. Moi je ne sais même pas comment réagir face à cette situation. J’ai tellement pleuré au cours de ma vie que les larmes ne veulent plus couler d’elles-mêmes.

“ Qu’est-ce qui s’est passé Dani ? ”

Je me contente de fixer un point invisible devant moi sans pouvoir répondre.

“ On avait tout bien préparé, tout était censé être parfait, alors qu’est-ce qui s’est passé ? ”

Voir mon amie aussi mal me blesse énormément, d’autant plus que je sais que c’est de ma faute. C’est moi qui l’ai convaincue de se lancer dans ce projet avec moi. Sans lui répondre, je me lève d’un bond et je me dirige à l’étage.

“ Dani ? Où est-ce que tu vas ? ”

Je ne lui réponds pas et je continue de marcher, j’entends ses chaussures claquer sur le parquet, signe qu’elle a commencé à me suivre. J’arrive dans mon bureau et j’ouvre le tiroir et je sors le trousseau de clés qui ouvre toutes les autres pièces, je sors ensuite pour me diriger dans le bureau de Blanchard, je tombe sur Amélia au couloir qui me regarde avec ses yeux inondés de larmes.

Mon Dieu, je déteste la voir dans cet état. Je déteste la savoir aussi triste.

“ Qu’est-ce que tu fais ? ”

“ Laisse-moi passer Lorraine, s’il te plaît. ”

Au ton de ma voix, elle comprend tout de suite qu’elle n’a pas le choix, elle se pousse et me laisse passer, je marche tout droit devant la porte du bureau de Lewis, ensuite j’insère la clé pour ouvrir la porte.

Lorsque j’ouvre la porte, je n’arrive pas à croire au spectacle que j’ai sous les yeux. Lorraine entre ensuite derrière moi et j’entends un son étranglé sortir de sa bouche elle se rend compte de la même chose que moi, le bureau de Lewis est totalement vide.