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No.1

Daniella.

Trois ans plus tard…

Je ferme les yeux et j’essaye de retenir l’émotion qui m'étreint la gorge. J’étais loin de me douter que ce serait aussi dur, ou peut-être si, mais j’avais la tête complètement plongée dans le travail, au point où je ne pensais à rien d’autre. Mais aujourd’hui que tout cela est terminé, je suis tellement fière de moi et du travail que j’ai accompli, non que nous avons accompli, mon amie de toujours et moi.

Je m’essuis le visage avec le dos de la main, puis je regarde les employés s’activer dehors. Je pose la main sur mon cou et je touche la bague qui pend au bout de mon collier. Un frisson désagréable me parcourt le corps, mais aussi, une montagne de souvenirs. À côté de cette bague, sur le même collier, se trouve un souvenir de Candice. Un bijou en forme de trèfle à quatre feuilles. Elle me répétait sans cesse que cet objet me porterait bonheur et je commence à croire que c’est le cas. Je sais ce que vous vous dites. Pourquoi ai-je gardé près de moi au même endroit deux objets aux émotions aussi contradictoires, l’un me rappelant ma sœur et l’autre le plus gros échec de ma vie. Mais je suis d’avis que le bien et le mal ne déterminent pas qui nous sommes. L’un comme l’autre me rappelle toujours que je dois donner le meilleur de moi-même. Alors je me concentre uniquement sur le médaillon remplit de tout le bonheur que ma soeur aurait voulu pour moi.

“ Tu me manques tellement Candice, j’aurais voulu que tu vois ça, que tu puisses être fière de moi. ”

J’entends les pas de Lorraine derrière moi, elle pose sa main sur le creux de mes reins et m’enlace par derrière en nichant sa tête dans mon cou.

“ Je suis certaine qu’elle est fière de toi peu importe où elle se trouve, regarde autour de toi Dani. ”

Je regarde autour de moi et je vois plein d’employés s’activer, on dirait de petites fourmis, je réalise enfin ce que Loraine essaye de me faire comprendre ces gens travaillent pour nous et c’est une immense fierté.

“ C’est toi qui a réussi à le bâtir, n'oublie jamais ça. ”

“ Moi ? Non madame, nous ! Grâce à tous nos sacrifices, un travail acharné et beaucoup de privation. ” Dis-je en pensant à la petite bouille triste de Kamel chaque matin quand je dois partir au travail.

“ Mais tu as fait le plus gros du travail, je suis tellement fière de toi Dani ” Dit-elle en me déposant un baiser sur la tempe.

Je caresse doucement sa main et je souris.

“ Merci, moi aussi je suis fière de ce que nous avons accompli. ”

- Tu te rends compte que nous avons lancé notre propre marque de produits orientaux ? Des parfums intérieurs, des vêtements, des chaussures, tout ça en provenance de Dubaï. Après des années passées là-bas, c’est le moins que nous pouvions faire. Je suis sûre que nous allons faire un carton. ”

“ J'espère vraiment Lorraine, on a mis toutes nos économies dans ce projet. Je n’imagine pas une seule seconde ce qui pourrait se passer si nous perdons tout ce que nous avons investi. ”

À cette pensée mon cœur se serre, je repense à la maison de mes parents que j’ai dû mettre sous hypothèque pour pouvoir avoir le financement pour ce projet. Et Lorraine a dû vendre la maison de vacances que son mari venait juste d’acheter pour fêter leur anniversaire de mariage. Nous nous sommes lancées dans ce projet il y’a de cela deux ans.

Après notre retour en Angleterre, j’ai dû faire face à de nombreuses difficultés, j’ai été malade pendant un long moment, je n’avais plus rien excepté mes petites économies, avec lesquelles j’ai vécu. Des économies que je voyais s’amenuiser au fil du temps. Je ne pouvais plus me payer un loyer, j’ai fait une dépression. Je pouvais bien sûr utiliser la carte de Rahul, mais je voulais à tout prix éviter que Rahul me retrouve.

Une très longue dépression, j’ai failli y laisser ma vie et quelque chose d’encore plus précieux. Cette période a été très sombre pour moi, l’une des plus difficiles de ma vie. Je ne me nourrissais plus convenablement, je ne faisais plus rien de ma vie, je n’avais plus aucune envie de vivre et ma sœur me manquait beaucoup trop, j’avais avoir Lorraine, mais ce n’était pas pareil, Candice et moi, c’était particulier, quelque chose d’unique. J’ai été expulsée de mon appartement quand je ne pouvais plus payer mon loyer, je n’avais plus d’endroit où rester, je ne pouvais convenablement pas aller vivre avec Lorraine, elle avait recommencé une nouvelle vie avec son fiancé et je ne pouvais pas partir être la cinquième roue du carrosse. Elle en avait déjà tellement fait pour moi, je ne sais pas ce que je serais devenue sans elle et sans ma mère. J’ai dû retourner chez cette dernière.

La cohabitation avec ma mère a été encore plus difficile, il y’avait comme un spectre qui planait au-dessus de nos têtes. Le fantôme de ma ma sœur, ma mère ne s’est vraiment remis du départ de Candice. Et des années plus tard, elle a continué à m’en vouloir pour ça. Je ne vous dis pas à quel point ça a été difficile. J’ai tout le temps l’impression de voir ses yeux plein de reproches sur moi. M’accusant d’avoir précipité la mort de Candice, comme si elle était moins importante pour moi. Lorraine me secoue légèrement par l’épaule.

“ Tu étais encore sur une autre planète. ”

“ Non. ”Dis-je en souriant et en lui faisant face. “ Je pensais juste à quelle chance inouïe nous avons. On a commencé ce projet nous n’étions que deux et maintenant regarde nous avons près de vingt employés. Je n’aurais jamais cru que nous serions allées aussi loin. ”

“ Je sais ce n’est pas croyable, parfois quand je repense à tout ce qu’on a traversé pour cette société je me dis qu’on a fait un très grand parcours. ”

“ Oui. ” Dis-je dans un sourire.

Je jette un regard à ma montre et je plisse les yeux, j’ai cette boule au ventre qui ne veut pas me quitter depuis des heures. J’ai tout mis sur le compte du stress et je commence à me demander si j’ai eu raison. Voilà bientôt deux heures que nous attendons notre conseiller financier, à qui nous avons remis toutes les économies. l devait arriver à dix-huit heures avec les échantillons et les produits et les invités commencent déjà à arriver.

“ Tu ne trouves pas que monsieur Lewis tarde à arriver ? ”

Lewis est notre conseiller financier, il travaille avec nous depuis un peu plus d’un an, c’est quelqu’un en qui nous avons une entière confiance, il ne nous a jamais déçu. D’habitude nous distillons nos parfums nous-mêmes parce que nous n’avons pas encore le matériel nécessaire, mais cette fois-ci, nous avons dû faire appel à une société privée avec laquelle Lewis nous a mis en contact parce que nous devions sortir plus de vingt-quatre milles flacons de parfums avant une semaine, sans compter les tissus que nous devons exporter depuis Dubaï.

Nous ne pouvions tout simplement pas le faire de façon artisanale, il nous fallait du matériel de qualité en attendant d’avoir le nôtre et en grande quantité pour le lancement de la boutique. C’est donc ainsi que nous avons confié toutes nos économies à Lewis et celui-ci s’est chargé d’aller rencontrer la société pour qu’elle nous produise tous ces parfums d’intérieur et aussi pour l’exportation des tissus.

Lorraine aussi effectue le même geste que moi tout à l’heure, elle regarde sa montre.

“ Je suis sûre qu’il sera bientôt là, ne t'en fais pas. ”

“ Bien sûr que je m’en fais, cette campagne publicitaire est tellement importante, elle nous permettra de nous faire connaître sur le plan international. On a investi tout ce qu’on a dans cette campagne. ”

“ Oui mais nous avons calculé tous les détails, ça devrait nous rapporter gros. Ne t’inquiète pas Dani, tu réfléchis beaucoup trop, tu veux un peu de thé ? ”

“ Tu plaisantes ? Je ne sais pas… On a pas toujours ce qu’on désire dans la vie. ”

L’horrible pressentiment qui m’oppresse depuis ce matin recommence, j’ai l’impression que quelque chose de grave va arriver. Quelque chose de très grave.

“ Quoi qu’il en soit, je l’espère vraiment. ” Dis-je, en attendant, allons nous occuper des invités.

Je plisse les plis de la robe de soirée que Lorraine m’a conseillé d’acheter. À son tour, elle s’occupe de mes cheveux, puis me tient par le menton et lève ma tête.

“ Tu es magnifique ! Ça fait tellement longtemps que je ne t’ai pas vu aussi belle, depuis tu sais. ”

Je baisse la tête en rougissant, très peu habituée aux compliments.

Nous sommes allées dans une boutique très chic aujourd’hui et Lorraine m’a fait essayé cette robe de soirée, d’un blanc cassé et près du corps, elle met en valeur les nouvelles couleurs que je viens de prendre et surtout mes nouvelles rondeurs. Elle était tout simplement somptueuse et beaucoup trop chère pour moi, mais mon amie a beaucoup insisté pour que je la prenne, alors j’ai fini par céder. Mes cheveux bien que courts, ils sont noués dans un chignon sophistiqué, je porte des boucles d’oreilles qui pendent et le médaillon de ma sœur, le tout sur des escarpins très beaux.

“ Je n’imagine même pas toutes les têtes que tu vas faire tourner aujourd’hui. ”

“ Tu dis n’importe quoi dis-je en levant le bras. Je ne vais faire tourner la tête de personne. ”

“ Arrête un peu de te sous estimer Dani. Tu es magnifique. ”

“ Je ne me sous-estime pas. ” Dis-je d’une voix dure. “ J’ai juste arrêté de croire en l’amour, je ne veux plus laisser aucun homme entrer dans ma vie. Pas après ce qu’il m’a fait.

Lorraine lève les yeux au ciel.

“ Tu continues à penser à lui ? Tu dois continuer ta vie maintenant plus que jamais. ”

Je sens la rancune grandir en moi et je me retire de l’étreinte de mon amie.

“Je ne pense pas à lui dans ce sens-là, je pense à lui dans le sens où j’ai envie de l’étriper de mes propres mains. Je le déteste tellement pour ce qu’il m’a fait, pour ce qu’il nous a fait. ”

“ Je sais mais tu dois tourner la page et continuer de vivre. Tu n’es plus seule et tu le sais. ”

Je secoue la tête et choisis de ne plus rien dire. De toute façon, que pourrais-je rajouter ? J’ai déjà eu cette conversation des milliers de fois avec maman et elle, elles me répètent toutes les deux la même chose. Je dois avancer et oublier le passé. Tout ce qu’elles connaissent, c’est ce que j’ai bien voulu leur raconter, le reste, le plus sombre, je l’ai gardé pour moi.

“ C’est tellement facile à dire. Personne mis à part moi, ne sais ce que j'ai enduré là-bas. ”

“ Comment veux-tu qu’on sache quelque chose que tu nous as toujours caché ? ” Demande-t-elle en haussant le ton. “ On ne va pas en parler ici, on ferait mieux d’aller voir nos invités et la horde de journalistes qui va arriver. ”

Je secoue la tête sans rien dire et je lui prends la main.

Nous descendons les escaliers main dans la main et allons nous mêler à la foule. Toutefois cet horrible pressentiment ne me quitte pas. Aujourd’hui, je suis une nouvelle personne et je ne laisserais plus rien m’atteindre.

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