Prologue
Daniella.
Trois ans plus tôt.
Nous sortons du bureau du médecin désespérées, je pousse le fauteuil roulant de ma sœur jusqu’à la sortie, personne n’ose parler. Ma mère regarde devant elle, mais je ne suis pas vraiment sûre qu’elle voit ce qui se passe devant elle. Candice pose sa main sur la mienne. Nous roulons jusqu’à la maison, le silence est de plus en plus pesant. Lorsque nous arrivons enfin dans notre maison, ma mère va dans sa chambre et moi je m’assois et je me tourne vers la fenêtre. Candice ne supportant pus ce silence décide le rompre.
“ Ça suffit, soit nous en parlons, soit je sors d’ici ! ”
“ Et pour aller où ? ” Lui demandais-je en me tournant vers elle.
“ Quelque part où je n’aurais pas à subir toute cette tension. ”
“ Candice, ce n’est vraiment pas le moment. ”
“ Alors quand est-ce que ce sera le moment Dani ? Quand je serais morte ? ”
“ Ne dit pas ça ! ” Hurle ma mère en étant placée sur l’encolure de la porte de la cuisine.
“ Mais c’est la vérité maman ! ”
Elle se tourne et roule jusqu’à l’endroit où ma mère est placée.
“ Je vais mourir maman. ”
“ Non. ”
“ Si maman, on aura beau chercher à nier la vérité, mais elle est bien là. Je vais mourir, mieux vaut l’accepter tout de suite. ”
Ma mère s’effondre et se décide enfin à pleurer.
“ Je refuse d’accepter que mon bébé… ” Elle s’interrompt et secoue la tête. “ On trouvera une solution mon cœur, tu pourras suivre un traitement. ”
Je n’ai pas besoin de regarder ma sœur pour savoir que cette idée ne l’emballe pas. Candice préfèrerait se suicider plutôt que de devoir suivre un traitement qui la laissera dans un état végétatif. Je pousse un soupir et j’essuie mes larmes. Ça ne peut pas nous arriver, bordel c’est un cauchemar et je vais sans doute m réveiller. On a diagnostiqué à ma grande sœur un cancer des poumons avancé, il n’y’a rien que l’on puisse faire. La chimie lui permettra juste d’avoir quelques mois de plus, mais ça l‘affaiblira et elle risque de passer le restant de ses jours dans un lit. Le problème est que Candice est une personne qui adore croquer la vie à pleine dents, terminer le restant de ses jours enchaînée à un lit est pour elle pire que de la torture. Jamais elle n’acceptera ça. Ce que je je trouve injuste, c’est que ce soit justement elle qui soit dans cet état. Candice est la personne la plus saine qui existe, elle ne boit pas, ne fume pas et fait du sport. Comment peut-elle avoir un cancer des poumons aussi avancé ? Pourquoi faut-il que ce soit-elle ? Ma douce grande sœur.
“ Maman je refuse de faire ce traitement. ”
“ S’il y’a un espoir que tu restes en vie, même s’il est minime tu le feras. ”
“ Je ne te demande pas ta permission maman, c’est mon choix. Je veux profiter de la vie, être heureuse, voyager et pensez à autre chose qu’à cette maladie qui me dévore de l’intérieur. Un traitement pour grignoter quelques jours de plus ? Non merci. ”
“ Mais… ”
“ Cette discussion ne sert à rien maman, je suis fatiguée. ”
Candice roule jusqu’à sa chambre, je la regarde partir et j’essuie les larmes qui coulent de mes yeux. Elle a l’air tellement mal mon Dieu. Je ne l’ai jamais vu aussi désemparée, aussi affaiblie. Ma mère vient me prendre dans ses bras et me serre fort.
“ Vas lui parler, elle a besoin d’entendre raison et de suivre ce traitement. ”
“ Je vais essayer maman. ”
Je quitte les bras de ma mère et je vais dans la chambre de ma sœur. Je frappe deux petits coups et je pousse la porte de la chambre.
“ Salut. ” Dis-je d’une petite voix.
“ Salut. ” Dit-elle d’une petite voix.
Candice est sortie de son fauteuil et s’est allongée sur son lit, elle a perdu tellement de poids. Je m’assois par terre près d’elle et je lui prends la main en déposant un baiser un creux de celle-ci.
“ Maman t’a envoyé en renfort ? ” Demande-t-elle d’une petite voix.
“ Oui, elle a raison tu sais. “
“ Non Dani, elle a peur. Mais moi, je n’ai pas peur, je vais mourir petite sœur et la dernière chose que je veux c’est de mourir dans d’atroce douleur. ”
“ Que veux-tu dans ce cas ? ” Demandais-je en reniflant.
“ J’ai toujours rêvé d’aller à Dubaï, les senteurs, le luxe, les cultures arabes, j’ai envie de connaître tout ça. ”
“ Mais tu es folle, on a pas d’argent pour tout ça. ”
“ Si, moi j’en ai, j’ai travaillé dur toute ma vie sans jamais en profiter, alors si ce sont mes derniers jours, je tiens à en profiter maintenant. ”
“ Mais tu ne peux pas aller à Dubaï, pas dans cet état, pas toute seule. ”
“ Alors viens avec moi, amusons-nous, soyons folles. Je veux vivre ces derniers instants avec toi. ”
Je plisse les yeux sans comprendre, elle ne peut pas réellement avoir dit ce que j’ai entendu. Moi à Dubaï ? C’est impensable ! Candice et moi avons toujours été très proches l’une de l’autre, elle a vingt-cinq ans et moi vingt-trois. Je l’adore, elle est mon rempart.
“ Tu veux rire ? ”
“ Non pas du tout, tu as vingt-trois ans, tu es une femme magnifique qui se cache derrière ses études. Je veux que tu puisses profiter de la vie. Viens avec moi Dani, sinon j’irais seule. ”
“ Non ! Je viens avec toi, maman va Peter un plomb. ”
“ Je sais, mais c’est ce que je veux. Tu peux d’ores et déjà commander deux billets d’avion pour Dubaï. ”
…
Deux jours plus tard, nous étions dans l’avion pour Dubaï. C’était incroyable, j’avais du mal à croire que dans quelques heures, je vais atterrir dans cette ville qui est tellement loin de la personne banale que je suis dans mon quotidien. Dubaï c’est le luxe, l’extravagance. Tandis que moi, je suis quelqu’un de très réservée. Ma mère nous en a voulu, surtout à moi, selon elle, je n’ai pas su convaincre Candice. Sauf que sa décision était déjà prise et je n’y pouvais rien. Lorsque nous atterrissons, une voiture de luxe vient nous chercher pour nous conduire dans un hôtel de luxe. Je suis fascinée par cette architecture incroyable, ces immeubles grandioses, tout ceci me fascine. Je sens le regard de ma sœur posé sur moi, je me tourne vers elle et je lui souris. Elle pose sa main sur la mienne et me sourit en retour. Lorsque le chauffeur se gare devant la façade de l’hôtel, je regarde à nouveau ma sœur qui me fait un clin d’œil.
“ Candice, c’est ici que nous allons rester ? ”
“ Oui, c’est beau n’est-ce pas ? ”
“ C’est surtout cher tu veux dire. On peut trouver autre chose. ”
“ Ne sois pas rabat-joie Dani, allez viens on va s’amuser. ”
Je secoue la tête et je pousse le fauteuil roulant jusqu’à l’entrée de l’hôtel. Lorsque nous franchissons la porte, c’est comme si nous entrions dans un autre univers. Nous traversons un sol en marbre, je regarde autour de moi subjuguée par la beauté de cet univers, de grandes vitres, les moulures en or et les habits traditionnels de certains habitants de l’hôtel. Nous marchons jusqu’à la réception.
“ Bonjour. ” Nous dit la réceptionniste en arabe.
Je lui réponds dans sa langue et ma sœur lève la tête vers moi en souriant, j’hausse les épaules. Pendant mes heures libres, je fais des cours de langues en lignes, l’arabe, le français, l’espagnole et le portugais. J’étais loin de me douter que cela me servira un jour.
“ Vous parlez arabe ? ” Me demande la réceptionniste cette fois en anglais.
“ Un tout petit peu. ”
Elle sourit et Candice sort sa carte de crédit.
“ Nous avons réservé une chambre ma sœur et moi. ”
“ Le nom s’il vous plait ? ”
“ Cassidy. ”
La réceptionniste consulte l’ordinateur et lève la tête vers nous en souriant.
“ Daniella et Candice Cassidy ? ”
“ Oui. ” Dit ma sœur en levant la tête.
“ Vous avez la chambre 105. ” Dit-elle en nous donnant une clé magnétique.
Puis elle fait à un homme derrière nous pour venir nous aider à porter nos bagages. Nous nous dirigeons vers l’ascenseur et nous montons dans notre chambre. Lorsqu’il nous laisse dans notre chambre en souriant, je souris et je laisse tomber mon sac avec un soupir. Candice quant à elle quitte son fauteuil, elle a beaucoup de mal à se lever, mon premier réflexe est de vouloir partir l’aider. Puis je me rappelle qu’elle déteste ça. Alors je reste assise et je la regarde faire, au bout de longues minutes, elle se lève et va se mettre devant la fenêtre pour tirer les rideaux, la lumière du jour entre dans la pièce et éclaire. La chambre était magnifique, avec des décorations orientales, sur une étagère, il y’avait plein de flacons d’huiles essentielles qui embaument la pièce. Je me lève et j’en prends un pour le sentir, je ferme les yeux et je me laisse transporter par cette odeur si particulière.
“ Ça te plaît ? ” Me demande ma sœur.
“ Beaucoup, mais je ne me sens vraiment pas à ma place ici Candice. ”
“ Mais si, tu vas t’y habituer, c’est juste pour un temps. Tu peux aller te promener dans le jardin et moi je vais me reposer, le voyage m’a épuisé. ” Dit-elle en toussant.
“ Oui, tu as l’air épuisée. ” Dis-je en voyant son visage blême.
Elle me sourit comme pour me rassurer, mais ça ne me rassure pas du tout. Candice va de plus en plus mal, sa place est dans un hôpital et pas ici. Elle se traine jusqu’au lit et je viens l’aider à tirer les couvertures, elle s’allonge et je l’aide à se couvrir.
“ Vas te promener Dani et quand tu reviendras, tu me diras ce que tu as découvert. ”
“ Mais… ”
“ Enfile une robe et sors, tu peux prendre une des miennes si tu veux. ” Dit-elle en se tournant comme pour dire que ça n’appelait à aucune discussion.
Je secoue la tête et je vais ouvrir sa valise pour prendre une robe. Je prends n’importe laquelle et je vais dans la salle de bain m’habiller. La robe rouge épouse parfaitement mes formes, bien que maman me trouve beaucoup trop maigre. Je me regarde dans le miroir, la robe est belle, mais pas sur moi, elle est beaucoup trop courte. Lorsque je reviens dans la chambre pour me changer, Candice m’arrête.
“ Tu es parfaite. ”
“ Je la trouve beaucoup trop courte moi. ”
“C’est pile ce qu’il te faut, tu peux prendre des sandales aussi. Et reviens avec des photos. ”
Je prends l’appareil photo et les sandales de ma sœur, puis je sors. Je n’ai pas envie de la laisser dans cet état, mais je n’ai pas le choix. Je sors et je traverse le hall de l’hôtel, je me dirige vers la piscine. La beauté de cet endroit est simplement indescriptible, la palette de couleurs, chaque meuble, même la couleur de l’eau tout est disposé de manière totalement harmonieuse. Bien que l’on devine que ces objets soient chers, mais disposés ainsi, on pourrait croire à de simples bibelots. Je prends des photos de la piscine. Tout à coup, mon regard est attiré par une troupe de danseuses du ventre qui dansent pour un couple. L’homme semble totalement ennuyée et la femme quant à les regarde avec beaucoup de plaisir. Je trouve le spectacle tout simplement fabuleux, je souris et je me rapproche d’eux. Je prends la scène en photo, des tas de photos, je me surprends à filmer cet homme qui est d’une beauté renversante, il remarque que je le prends en photo, il plisse des yeux, puis me sourit. La femme a côte de lui surprend son geste et se tourne dans ma direction. Elle plisse les yeux de colère et dit quelque chose à l’homme. Des hommes viennent alors dans ma direction et confisquent mon appareil.
“ Mais qu’est-ce que vous faites ? ”
Avant de comprendre ce qui se passe, je me retrouve immerger dans la piscine et la première chose à laquelle je pense, c’est que je ne sais pas nager. Je remue mon corps dans tous les sens, mais j’ai l’impression que plus je bouge, plus l’eau m’engloutit. Je sens mon corps sombrer et peu à peu,mes forces me quittent. Tout à coup, une main m’agrippe par la taille et au lieu du froid de l’eau je suis attirée par une source de chaleur, à laquelle je m’accroche comme à une bouée de sauvetage. Je lève les yeux et croise un regard sombre, inquiet. Bien loin du regard rieur qu’il me lançait tout à l’heure. Mais bien loin de me faire peur, ce regard me fascine. Je glisse ma tête dans le creux de son cou et je remplis mes poumons de son odeur si virile. Lorsque j’ouvre à nouveau les yeux, je suis assise sur le bord de la piscine et de nombreuses personnes sont réunies autour de nous. Mais là seule personne que je vois, la seule personne qui existe en ce moment précis, c’est lui.