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CHAPITRE 06                  

Il avait prononcé le dernier mot comme s'il voulait le cracher, le lancer loin de sa vue et de son audition. Mais si 4407 l'avait entendu, Clair avait sans doute raté son coup. 

Elle comprenait maintenant pourquoi il donnait l'impression de la détester. Il la détestait réellement. Et pour une bonne raison : elle lui volait sa place.

Une fois arrivée à une grande porte rouge et dorée, qui détonait bien dans tout ce blanc, Clair s'arrêta pour frapper trois coups sonores au battant. 4407 pensait qu'il pouvait aller n'importe où quand il le souhaitait - il était le neveu du Duc après tout - mais de toute évidence elle avait tort. Il attendit patiemment qu'un majordome, grand et fin, leur ouvre et les invite à entrer. Clair prit un moment pour lui expliquer comment marchaient les choses avant de passer à la suite. Peut-être ne la détestait-il pas tant que cela. Ou peut-être expédiait-il les choses pour ne pas l'avoir sans arrêt dans les pattes. 

"Voici Théodose, le majordome de l'aile Ouest, occupée par le Ser Taesch. Chaque aile ici a son majordome. Tu es bien entendu défendue de pénétrer dans l'aile Est, réservée au Ser Rozen, bien qu'il ne soit pas souvent ici. Tu devras sans doute accéder à l'air Nord, où je réside, puisque c'est là bas que se trouvent la salle d'entraînement, la salle de musique et l'atelier de peinture, mais si je te surprends dans mes appartements, je n'aurais aucun remords à te retourner comme un gant. Est-ce que j'ai été clair ?"

Elle hocha la tête avant de murmurer son accord. La retourner comme un gant ? Quelle horrible pensée ! Un frisson parcourut la totalité de son corps alors que Clair s'entretenait avec un majordome sur les soins qu'il devait prodiguer à la jeune fille. Un bain décent, une tenue convenable - apparemment, elle était habillée 'comme une gueuse' et un soin des cheveux. Elle releva les yeux à cause de la dernière partie. Il voulait teindre ses cheveux ? Certes ils étaient blancs mais elle les aimait comme cela ! 

Elle se plia toutefois aux exigences de Clair, qui resta en dehors de la grande salle de bain où une dizaine de servantes s'occupèrent de la laver dans une eau chaude et savonneuse, de teindre ses cheveux dans un noir corbeau, de lui faire une manucure discrète afin de rendre ses ongles brillants et tout un tas d'autres choses dont elle n'avait même pas connaissance jusque là. 

Ensuite, on la sécha et on l'amena jusqu'à une mannequin où se trouvait exposée une robe serrée d'un violet délicat. Les baleines du corset lui compressait tellement la poitrine qu'elle renonça à respirer. Elle n'en avait pas besoin puisqu'elle était un vampire, mais elle aimait la sensation de sa poitrine se soulevant et de l'air qui passait dans ses poumons. 

Une fois tous les jupons en place, les chaussures enfilées et ses cheveux délicatement bouclés, on ajouta une broche en forme de licorne - l'emblème de la maison si elle avait tout compris - à sa coiffure élaborée et on appliqua du rouge sur ses lèvres. 

Quand elle se regarda dans le miroir, elle ne vit pas une fillette de treize ans, un peu effrayée, mais une Dame en devenir. Et quand elle rejoint Clair dans le couloir, à petits pas, il sembla montrer un signe d'appréciation. Qui disparut quand elle lui sourit. Oh, ce n'était pas dans l'esprit de la maison de sourire ? Elle en prit bonne note et le suivit dans le couloir, qui lui semblait interminable.

Ils se retrouvèrent une nouvelle fois devant une porte mais cette fois, Clair ne prit pas la peine de frapper. Il l'ouvrit et se pencha pour être à hauteur d'oreille de la jeune fille. Ce qui n'était pas difficile vu la taille disproportionnée de la jeune fille en question. 

"Tu vas rentrer, te présenter et répondre à toutes les questions de mon oncle. Tu l'appelleras Père, Ser Taesch ou Duc Condé, jamais autrement."          

                    

Il ne demanda pas, cette fois, si c'était clair - ce qui semblait être une habitude, assez drôle d'ailleurs vu son prénom - et de redressa pour s'en aller immédiatement. Elle lui attrapa la manche et essaya de le retenir mais il se dégagea avec un air de répugnance certain. 

"V-vous ne venez pas a-avec moi ?", osa-t-elle demander du bout des lèvres. 

Clair se contenta de sourire et de s'en aller. Alors 4407 sentit ses épaules s'affaisser et elle se sentit mal, comme un humain qui serait en manque d'oxygène. Elle tenta de se faire de l'air avec l'éventail qu'on lui avait donné mais cela ne rimait à rien puisqu'elle ne pouvait pas respirer de toute façon.

Finalement, après vingt bonnes minutes de questionnement, elle se fit assez confiance pour pousser le battant de la porte et entrer. Le battant ne donnait pas directement sur une chambre et elle découvrit ce qui devait être un bureau. Un grand secrétaire était collé à un mur et les piles de dossiers qui s'entassaient dessus atteignaient des hauteurs vertigineuses. Une grande bibliothèque occupait tout le mur d'en face et au milieu, devant une cheminée éteinte, se trouvaient une table et des fauteuils à l'air confortable. La pièce était vide alors 4407 chercha du regard une porte qui donnerait sur une chambre. Et, en effet, quelques pas plus loin que la secrétaire se tenait une porte fermée. Toute en bois, elle était gravée de nombreuses créatures de contes. Des fées, des gobelins, des licornes, des dragons et de nombreux autres spécimens que la jeune fille n'arrivait pas à identifier. 

Rassemblant son courage, elle frappa à cette porte là, mais, n'obtenant pas de réponse, elle se décida à entrer. Elle était poussée par la curiosité mais elle tenta de se convaincre qu'elle obéissait aussi à Clair. Il lui avait bien dit d'aller là dedans ! 

Dans la chambre, la cheminée était allumée et le feu crépitait joyeusement. C'était la seule source de lumière de toute la chambre, d'ailleurs et 4407 dût plisser les yeux pour mieux voir. Techniquement, les vampires voyaient parfaitement dans l'obscurité mais elle n'avait jamais réussi à aiguiser ce sens assez pour bien y voir dans le noir. 

Un homme était sur le lit, allongé, face vers le matelas. Ses longs cheveux noirs renvoyaient presque la lumière du feu et ils étaient étalés sur les draps, si gracieusement que la jeune fille aurait crû voir une peinture. Sa taille fine et ses belles mains lui rappelaient ce qu'elle avait vu plus tôt, avant le bain. Il devait être Taesch Condé. 

Elle allait se racler la gorge pour faire remarquer sa présence quand elle remarqua un bruit de succion, discret mais toutefois présent. Et puis, elle vit qu'il y avait un autre corps sous celui de son nouveau père. Un corps humain, à en deviner l'odeur de sang sucré qu'elle perçut quand elle essaya de respirer. Elle était en train d'interrompre le repas de cet homme ! Et il n'y avait pas manière moins civiliser de rencontrer un noble que de l'arrêter dans son déjeuner. Ou plutôt son dîner étant donné qu'il devait être plus de quatre heures du matin. 

4407 décida de s'en aller et recula, sans vraiment regarder. Elle était sûre que la porte était juste derrière elle. Elle était incapable de regarder ailleurs, tellement ce spectacle était magnifique. Maintenant que ses yeux s'étaient habitué au noir, elle voyait parfaitement le sang qui coulait en un fin filet le long du drap et finissait pas goutter sur le sol, les canines brillantes du Duc qui pénétraient la chair de l'humain à de nombreux endroits, ses longs cils, qui papillonnaient de plaisir de temps à autre. Ce tableau était indécent et privé mais il était tellement ... beau. 

Elle fit un pas de plus et bouscula un guéridon, sur lequel se trouvait une cruche de sang. Celle-ci tomba et rencontra bientôt le sol, faisant une tâche irrattrapable sur le marbre blanc. 

L'homme redressa la tête si violemment et rapidement qu'il arracha un bout de chair de cou de l'humain - 4407 en entendit bien le son dégoûtant. Elle n'osa plus bouger d'un cil, alors que les yeux verts inquisiteurs de Ser Taesch la dévisageaient. Il quitta le lit avec la rapidité de la lumière et vint la plaquer contre le mur. Sa main pleine de sang autour du coup de la jeune fille, il dégageait une impression de bestialité comme elle n'en avait jamais ressenti. Même pas avec Monsieur Branston. Même pas avec Clair. 

            

              

 

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