Mes relations avec un premier jeune du quartier
Depuis que papa est parti de la maison pour aller s'installer dans l'une de ses autres maisons, la joie qui régnait dans la maison l'avait suivi. Oui, on était heureux dans la maison parce qu'on avait tout. La pâte de maïs, on en mangeait rarement. Le gari, nous en prenons très rarement. Dans un an, je pouvais citer le nombre de fois qu'on prenait ces mets. Nos mets quotidien sont : de la pizza ; du couscous ; du riz parfumé ; de l'or d'œuvre ; du spaghetti. Disons que nous prenons des trucs chics. On mangeait de la viande du premier jour de la semaine jusqu'au dernier. Mes deux sœurs et moi étions heureuse. On dirait que c'était pour que cette joie rayonne jusqu'à la fin que ma mère ne voulait pas que quelqu'un d'autre vienne s'installer dans notre maison ; raison de sa loi, ignorant que ça pouvait nous compromettre.
Papa avait chargé son gros véhicule des affaires de sa deuxième femme un vendredi soir puisque c'était un vendredi matin que ma mère lui avait fait sa loi. Ma mère, j'étais sûre qu'elle attendait des excuses de la part de mon père. Mais puisque mon père se savait la seule personne autoritaire de la maison, il avait pris aussitôt sa décision.
Ma mère lui avait parlé le matin et mon père, n'ayant rien dit, avait pris son cartable et s'était rendu à son service. Le soir à dix-huit heures lorsqu'il était rentré du boulot, debout à côté de sa Range Rover, il leva le ton pour demander à sa deuxième femme si elle avait fini de faire ses valises. Celle-ci s'accourut de la chambre et lui répondit qu'elle était déjà prête. Mon père s'avança vers la porte de la chambre de cette femme et alla sortir de ses propres mains les bagages de cette dernière pour revenir les installer dans la voiture. Lorsqu'il finit de les installer, il lui demanda de venir monter à bord. La jeune femme sortit de sa chambre avec une belle robe sur le corps et monta à bord.
C'est comme ça que papa et sa deuxième femme qui était nouvellement venue et qui n'avait même pas encore fait deux semaines étaient partis de la maison. Toutes debout dans la terrasse, mes sœurs et moi en plus de ma mère, on s'impatientait du retour de papa oubliant que c'était le début de notre misère.
Voyez-vous combien une parole mal placée pourrait facilement compromettre tout un groupe de personnes ?
En tout cas, on espérait le retour de papa ce jour-là jusqu'à l'heure tardive de la nuit où on avait compris que papa avait pris l'initiative de découcher pour la première fois de sa vie.
Le lendemain était samedi. Je devrais me rendre au cours et pour cela, il me fallait du petit déjeuner. Ah oui, c'était l'habitude que m'avait donnée mon père. J'ai espéré papa toute la matinée et je me demandais s'il avait oublié que je devrais me rendre à l'école. Je lui ai téléphoné ; son téléphone a sonné fatigué mais sans réponse. À cause de mon petit déjeuner, j'ai manqué les cours. Qu'irai-je faire au cours pendant que je n'ai pas mon argent de poche en poche ? Et si le vertige me prenait pour me terrasser, le pauvre blanc quitterait son pays pour me venir au secours ? En tout cas, je ne m'étais pas rendue à l'école. Dans la chambre, il y avait plein de nourriture. À la fin de chaque mois, papa renouvelle toujours nos produits alimentaires. Quand il y a de l'argent, rien que du plaisir. Bien qu'il ait tout déjà dans la chambre, pour faire un repas, il fallait vingt mille francs parce que nous devons acheter de la viande plus de douze mille francs pour une seule cuisine. N'est-ce pas du gaspillage selon vous ? Mais après tout, c'était notre argent ! Ah oui, l'argent de papa était pour tout le monde.
Lorsque j'ai espéré papa toute la journée du samedi, il n'était du retour qu'à vingt heures. Et au lieu de faire entrer sa voiture dans la cour de la maison, il l'avait garée sur le portail et s'en était descendu.
Lorsqu'il traversa la cour, la salle d'attente ; gravit les escaliers et traversa le salon avec un visage un peu serré, il se dirigea dans sa chambre pour quelques minutes plus tard ressortir avec sa grosse valise.
– Papa, c'est quoi, tu voyages ? lui avais-je lancé en me jetant à sa suite.
– Demande à ta mère, me répondit-il.
Dans sa parole, j'avais senti l'odeur de la colère. Oui, papa parle souvent comme ça quand il est en colère. Ma mère, se voyant toujours, n'avait pas bougé de son divan pour demander une petite explication à son époux qui s'avançait vers son véhicule. Je me jetai à la suite de papa pour aller lui demander ce qui n'allait pas.
– Retourne à la maison, me dit-il.
– Papa, pourquoi nous fais-tu ça ?
– Je ne vous ai rien fait.
– Si, que tu nous fais mal !
– Alors c'est bien !
– Maintenant, où vas-tu ?
– Je vais chez mes parents.
– Et tu nous laisses à qui ?
– Vous aussi, rejoignez vos parents !
Papa n'ajouta plus mot avant de foncer sur le gaz de son véhicule pour s'en faire.
Je restai debout toute désolée à l'observer partir. Je retournai au salon très irritée pour aller voir ma mère.
– Maman, tu as vu ce que tu as créé ? m'écriai-je.
– Qu'est-ce que j'ai créé à ton avis ?
– N'est-ce pas à cause de toi que papa est en train de partir de cette maison ?
– Qui t'a dit qu'il est en train de partir ? Comment un propriétaire peut-il abandonner sa maison ?
– C'est l'idée que tu te fais ? Penses-tu que ce monsieur, de ce que je l'ai entendu dire, reviendra encore dans cette maison ?
– Que t'a-t-il dit ?
– Ce n'est pas moi qui vais te le dire. Tu es méchante !
– Arrête de me traiter de femme méchante s'il te plaît.
– Si, que tu l'es ! Sinon cette femme innocente, que t'a-t-elle fait pour que tu demandes à papa de la déloger ?
– Toi, tu es encore enfant et encore très petite pour…
– Arrête de me traiter pour une gamine, ok ? N'oublie pas que j'ai déjà vingt-cinq ans. En tout cas, ce que tu as fait pour qu'il quitte la maison, fais-le pour qu'il nous revienne sinon toi et moi, ça va beaucoup chauffer pour nous.
Et ce, je me dirigeai vers les escaliers pour les abandonner, elle et mes sœurs.
J'étais allée dans ma chambre pour y couler toutes les larmes de mon corps. Oui, je voyais venir un grand danger. Ma mère était tellement orgueilleuse que au lieu de rechercher papa pour lui présenter ses excuses, rien.
Petit à petit, notre alimentation avait commencé à changer d'ingrédients. La viande qui dépassait autrefois le repas qu'on se servait, on en trouvait même plus un petit morceau sur notre repas. La domestique que papa avait engagé, ayant compris aussitôt la cadence, avait plié ses bagages pour nous quitter. Ah oui, il est des gens qui n'attendent pas qu'on leur donne des explications avant qu'ils ne comprennent ce qui se passe ; Alida était de ces gens-là. Elle était partie sans rien demander à personne.
Trois semaines plus tard, notre vie s'était transformée en naufrage.
Nous qui mangions autant de fois qu'on voulait, c'était désormais le contraire où avant de manger, il faut d'abord se faire des soucis. Cette épreuve de la vie m'a enseignée que sur cette terre, toute chose est éphémère et que rien n'est perdurant. Ah oui ! Le malheureux d'aujourd'hui sera heureux demain.
Vous avez un peu lu l'origine de ce qui a bouleversé ma vie pour que je devienne ce que je suis devenue dans les chapitres suivants.
***
Tout a commencé dès que tout le ravitaillement que papa avait fait pour nous était fini. Manger était devenu chose misérable. Quand papa était là et que tout marchait bien, je ne calculais personnes. Les jeunes gars du quartier, je les emmerdais quand ils osaient me héler. Je faisais du zogoto avec eux. Parfois, quand d'aucuns me saluent, je les observe du bas jusqu'en haut. Je leur montrais que je ne manquais de rien et que je n'avais besoin ni de leur salutation ni de leur amitié. En fait, considérant la richesse de mon père, je me prenais pour quelqu'un qui se suffisait largement. Oui, je me suffisais en réalité. L'argent de mon père était capable de me faire procurer tout le plaisir de ce monde que je voulais. J'avais un mec que je payais spécialement pour mes désirs sexuels sinon, que ferais-je d'un homme ? Raison pour laquelle je traitais tous les gars du quartier d'inutiles. Oui, je ne voyais à quoi me servira leur amitié. Je les regardais avec des yeux de quelqu'un qui n'allait jamais avoir besoin d'eux. Au nombre de ceux-ci, il y avait un gars mignon. Je ne sais quelle profession il menait mais il était tout le temps chic. Je ne le vois jamais sale. Il a de très beaux vêtements et une très belle moto. Sa moto, il la lave plus de six fois par semaine. Soyons honnêtes, il en prend bien soin. Ses cheveux, il ne les laisse jamais pousser beaucoup avant de les tailler. Il a une petite bouche et de très jolies lèvres. Son visage était admirable. Il avait un visage qui pourrait donner l'envie aux jeunes filles de lui offrir leur amitié mais moi, puisque j'étais née avec des veines remplies de sang d'orgueil, je le mélangeais aux autres mecs du quartier. Le gars, à chaque fois qu'il me voit, il me klaxonne et moi, je fais de lui un pauvre gars alors que la personne ne vit pas à mes dépens. Je suis née à Cotonou et j'ai grandi parmi les filles de Cotonou. Vous savez combien les jeunes filles de Cotonou chient les jeunes gars ! C'était exactement ce que je faisais. Si on allait citer les belles filles de Cotonou, j'en fais bien partie. Je n'avais pas besoin qu'on me le dise.
Voilà la galère a commencé à battre son tambour dans la cour de la maison qu'a laissée mon père. Dois-je le négliger ? Non, pas du tout. Si je dois me négliger, c'est que j'ai choisi de mourir de faim.
Un soir, je m'étais assise sur le portail de notre maison, espérant le passage de ce mignon garçon qui désirait ardemment que je lui offrisse mon amitié.
Assise sur une chaise, j'avais mon téléphone calé entre mes deux mains. Je faisais semblant d'être en train de le manipuler alors qu'en réalité, j'étais à l'attente du passage de quelqu'un.
Et comme vous le savez, certaines circonstances de la vie nous oblige parfois à faire ce que nous n'avons jamais fait sinon, de toute ma vie, je ne me suis jamais assise sur le portail de la maison de mon père. J'étais toujours à l'intérieur, devant la télévision. Mais cette fois, j'avais du mal à rester devant l'écran.
J'étais là, assise, manipulant mon téléphone lorsque tout à coup, le klaxon d'une moto me déconcentra. Même à tête basse, j'avais reconnu le son du klaxon de ce mec qui ne se décourageait à m'offrir son beau sourire malgré mes façons.
– Bonne arrivée tonton ! lui murmurai-je tout sourire.
Le monsieur s'étonna et fit reverse.
– Bonsoir tata ! Que vous êtes de bonne humeur aujourd'hui ! s'exclama-t-il, tout heureux.
Ah oui, mes sourires aux lèvres devraient le rendre heureux qu'à jamais.
– C'est vrai ! lui répondis-je.
– Êtes-vous en train de prendre de l'air ?
– Si ! Je suis fatiguée de tout le temps rester enfermée dans la chambre.
– Que c'est cool ! Je suis très heureux de vous voir me sourire.
– Non, ce n'est rien ! Je peux ne pas sourire avec les autres mecs du quartier mais vous, j'ai fini par vous apprécier.
– Tu es sérieuse ?
– Très sérieuse je suis, mon cher.
– En ce cas, je peux gagner votre numéro de téléphone ?
– Pourquoi pas ?
Le monsieur descendit rapidement de sa moto pour m'approcher de plus près. Il me tendit son téléphone iPhone. Heureusement que j'avais aussi la même marque de téléphone que lui sinon je baverais.
Je lui introduisis mes huit chiffres et lui retournai son téléphone.
– Quel nom vais-je mettre ? me demanda-t-il.
– Mets celui de ton choix !
Le monsieur manipula son téléphone et au bout de quelques secondes, il me montra l'écran de son téléphone sur lequel je lisais : “La fille aux grosses fesses”.
Je m'explosai de rire.
– Donc vous aussi, vous êtes parmi ces personnes qui me traitent de fille aux grosses fesses ? lui demandai-je, ébahie.
– Oui ! Tu as de très grosses fesses et à chaque fois que je te vois debout, la seule chose qui me traverse l'esprit, c'est d'être ton ami.
– Ah je vois ! Enfin, nous voici à l'orée de nos relations.
– C'est vrai et je suis très content ! Je vais t'écrire sur WhatsApp !
– Il n'y a pas de souci !
– J'ai la fringale, laisse-moi aller manger rapidement.
– Pas de souci, mon cher ! Mange et mange ma part dedans.
– Ou vas-tu me suivre pour aller manger avec moi ?
J'avais bien envie mais mieux valait que je retienne mon estime.
– Non pas aujourd'hui, peut-être prochainement.
– Je savais ! s'exclama-t-il en démarrant.
Le monsieur partit et me laissa sur le portail. Je fixai son dos jusqu'à sa disparition.
– Ce monsieur, non seulement je vais lui offrir mon amitié mais aussi toute ma personne, me dis-je tout bas en prenant ma chaise pour me retourner dans la cour de la maison.
***
À mon arrivée dans ma chambre, je reçus un message WhatsApp : « salut ma chérie ; c'est Michel ; merci infiniment de m'avoir donné ton numéro ; merci. »
Ah oui, il devrait être très heureux, ce mec.